Chapitre 12

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Je finis par rentrer chez moi, épuisée par ma journée. Une fois de plus, je constate que je suis seule dans mon appartement. Ces derniers temps, mes parents sont particulièrement occupés à éponger les dettes accumulées et s’absentent beaucoup en conséquence. Ils me manquent, mais je ne leur en veux pas, je sais qu’ils font de leur mieux pour m’offrir la meilleure vie possible.

Je monte dans ma chambre pour songer à préparer ma journée de demain. Après avoir déposé mon sac de cours, je me dirige vers l’armoire. Je n’ai aucune idée de la manière dont je devrais me présenter devant Aaron. Est-ce que je devrais mettre un jogging pour être à l’aise ? Ce serait peut-être irrespectueux… Une robe longue en satin ? Au contraire, ce serait trop habillé…

Je continue de trier les vêtements qui s’offrent à moi depuis plusieurs minutes maintenant, avant de finir par me ressaisir. Pourquoi est-ce que je me prends autant la tête ? Je m’en fiche après tout, non ?

Sur ces mots, je lâche le cintre en bois que je tenais fermement et j’émets un soupir. Honnêtement, ça ne me ressemble pas…

Je finis par choisir un ensemble fluide clair que j’ai commandé il y a quelques mois puis je m’empresse de ranger le désordre que je viens de créer.

Le lendemain matin, je décide de me rendre au lieu de rendez-vous à pied. En arrivant à l’adresse indiquée par le morceau de papier, je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel. C’est une librairie. Sérieusement, de tous les endroits possibles et inimagineables, pourquoi est-ce qu'il a choisi celui-là ?

Je tente d’ouvrir la porte de l’entrée, en vain. Je crois que je suis arrivée un peu trop tôt.

Alors que je commence à m’impatienter, déjà contrariée par le choix d’Aaron, je sens une main me tapoter le dos. Je me retourne vivement :

« Hey ! s’exclame le brun.

-Aaron ! Tu m’as fait peur !

-Désolé. (Il tire la langue.) Tu m’attends depuis longtemps ? »

Je suis tiraillée entre l’idée d’être honnête et celle de me montrer diplomate, pour une fois. Le partage de mon mécontentement finit cependant par l’emporter :

« Je poireaute depuis pas mal de temps, oui ! rétorqué-je en croisant les bras.

-J’ai eu un petit contretemps ! Mais bon, attendre dix minutes, c’est rien comparé à moi non ?

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

-Je te rappelle que je dois attendre plusieurs semaines pour pouvoir entrer de nouveau à la BU… »

Ça, c’était plutôt espiègle.

« D’accord, d’accord, fis-je alors en levant mes bras pour m’avouer vaincue. J’ai rien dit ! »

Aaron pouffe de rire en me scrutant et ajoute :

« Je plaisante. (Il pointe alors du doigt la librairie.) Bon, on entre ? C’est ouvert.

-Si tu veux. Tu choisis aujourd’hui après tout.

-Fais attention, je vais te prendre au mot. »

Je ne relève pas la remarque de ce dernier et me contente de le suivre nonchalamment. Après avoir passé le seuil, il se dirige immédiatement vers la caisse. Je ne comprends pas trop ce qu’il fait, mais je décide de l’observer.

« Bonjour, s’exclame la libraire. Je peux vous aider ?

-Oui, répond le brun. J’ai commandé plusieurs livres que je dois recevoir aujourd’hui.

-Je peux avoir vos coordonnées ?

-Bien sûr. »

La libraire effectue minutieusement son travail et se rend à la réserve. Déconcertée par la situation, j’en profite pour m’avancer vers Aaron et lui poser quelques questions.

« Pourquoi est-ce que tu m’as amenée ici ? » demandé-je en arquant un sourcil.

Il ne me répond pas tout de suite et se contente de diriger son regard vers la vendeuse qui fait de nouveau surface, une pile de bouquins dans les mains.

« Pour ça, finit-il par répliquer en la pointant du doigt.

-Quoi ? »

Aaron prend la pile et me la tend.

« Tu as dit qu’aujourd’hui, c’était moi qui choisissais, pas vrai ?

-Et donc ?

-Alors tu vas porter ma commande jusqu’à chez moi.

-PARDON ?! » hurlé-je à en faire fuir les oiseaux.

Je m’arrête net, scrutant mon interlocuteur les yeux écarquillés.

« J’ai l’air d’être une bénévole ? »

Aaron me toise un instant et prend une expression affligée.

« Moi qui pensais que tu voulais te racheter… »

Il recommence ! C’est vraiment espiègle de sa part !

J’empoigne rapidement un bout de son tee-shirt pour l’empêcher de tourner les talons :

« C’est bon ! Donne-moi ça ! »

Je prends alors la pile de livres dans mes bras, non sans peine, tout en observant le rictus formé sur le visage de mon interlocuteur.

« C’est super lourd, en plus ! murmuré-je.

-Tu as dit quelque chose ?

-Non, j’ai rien dit du tout ! Tu dois avoir des hallucinations ! »

Il sourit et nous finissons par sortir de la boutique.

« Au fait, où est-ce que tu habites ? demandé-je, intriguée.

-Plutôt loin, répond le garçon spontanément.

-C’est-à-dire ?

-On a plusieurs transports à prendre… »

Je manque de trébucher à l’annonce de cette nouvelle. Je crois que je ne réalise pas le pétrin dans lequel j’ai décidé de me fourrer volontairement.

Aaron m’observe attentivement de ses yeux azur et se met alors à ricaner.

« Je plaisante, dit-il. J’habite au coin de la rue.

-Oh. »

Sans m’en rendre compte, j’émets un soupir de soulagement. Je dois sûrement avoir manqué de discrétion puisqu’il relève ce détail :

« Je suis sûr que tu vas déjà avoir du mal à arriver jusqu'à chez moi.

-Quoi ? m’écrié-je, piquée dans mon égo. Si tu crois que je suis pas capable de porter ça…

-C’est ce qu’on verra ! » termine-t-il d’un ton sarcastique qui m’irrite au plus haut point.

Aaron m’entraîne vers une agglomération constituée de plusieurs bâtiments rapprochés, encerclés de nombreuses voitures sur un parking. J’ignorais qu’il habitait dans une cité.

« Tu vis ici ? questionné-je.

-Ouais, rétorque-t-il. Tu vas pouvoir souffler.

-Comment ça ? On monte pas ?

-Non. (Il reprend sa pile et ses doigts effleurent les miens.) Je suis mesquin, mais pas sadique au point de te faire monter avec tout ça. »

Cette attitude condescendante commence à m’irriter. Ce n’est pas parce que je suis une femme que je suis incapable d’effectuer des tâches physiques. Je ne suis pas une enfant fragile qu’il faut protéger à tout prix.

« Je t’ai déjà dit d’arrêter de me sous-estimer ! » m’écrié-je en tentant de reprendre la pile.

Je n’ai pas le temps de poursuivre mon action qu’Aaron m’empoigne vivement le bras.

« Il y a huit étages à grimper, affirme-t-il d’un ton un peu plus ferme.

-Et alors ?

-Huit étages sans ascenseur. Il est en panne.

-Oh. »

Je me tais un instant, regrettant immédiatement mon impulsivité.

Aaron esquisse alors un sourire :

« C’est bien ce qu’il me semblait. Attends-moi là, je reviens dans cinq minutes. »

Je ne sais pas s’il s’agit de misogynie ou simplement de bienveillance, mais je remercie intérieurement Aaron de ne pas m’avoir mise au défi de grimper tous ces étages avec cette pile astronomique. Je crois que mon corps dépourvu d’activité sportive depuis plusieurs années n'aurait pas apprécié l'effort.

Au bout de quelques minutes, le brun refait surface. Sur son épaule droite, j’aperçois une lanière en cuir fixée à une besace noire qu’il ne possédait pas auparavant. Malgré moi, ce changement éveille ma curiosité.

« Pourquoi t’as pris un sac ?

-Pour notre prochaine destination. (Il cligne d’un œil.)

-Où est-ce qu’on va ?

-Arrêter de poser des questions ! Tu verras bien ! »

Sur ces mots, Aaron m’agrippe les épaules pour me faire effectuer une rotation et me pousse d’un mouvement vif vers l’arrêt de bus le plus proche.

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