Sur les traces du fiston
Tout ce cirque avait assez duré : Tata Sissi prit un train pour Guéret, dans la Creuse. Après s'être installée dans un compartiment vide, elle se décida à lire La Montagne, le journal de presse régionale, un exemplaire ayant été oublié sur la banquette. Un article l'interpella immédiatement :
«L'interdépartementalisation du nouveau zoo de Guéret n'aura pas fait long feu.
À peine arrivés, les lions ont été libérés par un homme que les salariés ont entraperçu dans le zoo, à la tombée de la nuit. Celui-ci, ainsi que les félins, sont activement recherchés. Attention, si vous les voyez, surtout n'intervenez pas et appelez immédiatement la police à ce numéro. À la suite de cet incident, le directeur a été limogé et l'établissement a fermé ses portes pour une durée indéterminée.»
Tata Sissi espéra furtivement ne pas tomber sur ces fauves en partant à la recherche de son neveu. Alors que ses pensées étaient encore toutes à cette évasion, elle commença la lecture d'un autre article intitulé, « invasion de tarentules ces derniers jours : Attention à vos caves et aux vieilles pierres ». Décidément se dit Tata Sissi, la Creuse est plus dangereuse que je ne le pensais… Jadis, la France était plus sûre ! Finalement, elle laissa de côté le quotidien et préféra se laisser bercer par le paysage jusqu'à son arrivée à Guéret.
Une fois entrée dans la gare, elle attrapa son téléphone et composa le numéro d'un taxi qu'elle avait pris soin de noter dans son calepin avant de partir.
C'est comme ça que tante Sissi débarqua, un beau matin, un peu moins riche, au 15, rue de la Forêt. Ni une, ni deux, d'une main, elle serra sa canne car le chemin gelé qui menait à la grande bâtisse n'était vraiment pas sûr, de l'autre son chapeau, orné de tulipes, de roses et de violettes, qui menaçait à chaque bourrasque de s'envoler dans la nature. Et, courir après celui-ci, était bien la dernière chose dont elle avait envie…
Malheureusement, Tata Sissi n'était plus très jeune et ses jambes non plus… Elle eut beau se cramponner à sa canne, celle-ci ripa sur une plaque de verglas et tata se retrouva les quatre fers en l'air à crier à l'aide, au scandale à qui voulait bien l'entendre. Finalement, elle eut quand même la chance que tonton Hector fut occupé, pas loin, à donner à manger au zèbre. Il aida la vieille dame à se relever et l'emmena au chaud, à l'intérieur du bar à rhum. Il lui proposa un grog et tata accepta. Tout en fustigeant néanmoins le tenancier de la maison qui aurait pu penser à mettre de l'antigel dans ce satané chemin ! Après avoir continuer à morigéner quelques instants, elle se présenta. Hector réagit immédiatement :
— C'est vous tata Sissi ! C'est vous, qui lui avez fait tant de mal ! Vous savez qu'il a longtemps pleuré, s'indigna t-il !
— Comment ? Mais c'est lui...
— Le pauvre, la coupa Hector. Il me disait, qu'est-ce que j'ai fait, mais qu'est-ce que j'ai fait…
— « Il me disait ? », répéta tata. Il n' est plus là ?
— Non, il n'est plus là : il est parti à cause de vous, avec Lya, il y a quelques jours. Il m'a dit, je vais faire pénitence : nous nous en allons, loin, dans les tréfonds de la forêt. Je construirai un abri de fortune… Mais, je le connais, mon Kévin, c'est de vous dont il avait peur, en réalité !
— Et ben, il a raison d'avoir peur de moi. Il ne m'en chaut de sa repentance, je vais le retrouver moi.
Et c'est ainsi que tata Sissi se leva, attrapa sa canne et son chapeau pour se rendre dans la forêt de Chabrières à la recherche du fiston.
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