Chapitre XVI
Il y a quelque chose que j’adore chez Harmonie, sa joie de vivre. Depuis qu’elle est arrivée à la châtaigneraie, et d’ailleurs presque depuis que je l’ai rencontrée, sauf au tout début où elle avait son petit air renfrogné, elle m’expose une nature gaie, enjouée, toujours avec le sourire et ce matin là ne dérogeait pas à la règle. Elle éclaire mon quotidien et j’apprécie au plus haut point.
- Je me suis endormie comme une enfant. J’ai fait plein de rêves, parfois des trucs bizarres et d’autres où tu étais là et c’était trop merveilleux.
- Des trucs bizarres ?
- Oui, des barreaux aux fenêtres, prisonnière de mon passé. J’étais terrorisée. J’avais si peur d’être coupable, privée de ma liberté, privée de toi surtout.
- Probablement une résurgence du centre d’hébergement où je t’ai laissée à Nice, il y avait des grilles à la fenêtre, rappelle-toi.
- Possible mais je crois que j’avais surtout peur de te perdre, que tu t’en ailles. Tu étais derrière la vitre, pire qu’un chien battu. Tu me tendais la main et je ne pouvais pas la prendre. Tu étais triste. Je sanglotais incapable de réagir et puis je me suis réveillée en sueur, trempée comme une serpillière et toi tu dormais paisiblement.
- Viens contre moi ma chérie. Oui, comme ça. Et après ?
- Après, je me suis levée pour aller faire pipi et lorsque je me suis rendormie, je nous voyais tous les deux dans la piscine. On s’aspergeait, on riait comme des fous, on faisait l’amour. J’ai beaucoup aimé hier soir. Je t’ai donné tout ce que j’avais, tout ce que je pouvais et ce que j’ai le plus aimé, ce n’est pas tant le rapport sexuel mais bien le moment où on s’est véritablement retrouvé tous les deux, serrés l’un contre l’autre, ta main dans ma main, ta tête posée sur ma poitrine. Tu écoutais battre mon cœur et c’était magnifique, trop romantique. Je n’ai jamais vécu cela avec un homme.
- Ah ! Et... avec une femme ?
- T’es franchement nul, est-ce que j’ai l’air d’une lèche foufoune ?
- Pas spécialement, non, quoi que... Des fois les apparences sont trompeuses.
- Idiot ! J’ai toujours aimé les hommes, les beaux, les forts, les baraqués, bien musclés, grands, bruns au regard de braise, presque comme toi.
- Ah merde. Il y a un presque.
- Côté musculation, on va dire baraque aussi, il y a une marge de progression importante mais t’es quand même un beau mec. Enfin, tu me plais et c’est le principal non ? Et puis tu es romantique, doux, endurant, peut-être même un peu trop résistant.
- C’est vrai qu’avec les préservatifs, je ne suis pas habitué et la sensibilité est nettement moindre mais bon, je ferai de mon mieux la prochaine fois.
- L’avantage maintenant c’est qu’on sait que c’est la bonne taille. Après, je ne vais pas te dire que tu m’as fait grimper aux rideaux, j’ai juste décollé légèrement par moments et c’est surprenant parce que j’avais tellement envie de faire l’amour que je m’attendais à une jouissance hors norme, un truc de fou et j’ai mis la barre si haute que lorsque tu es venu en moi, tout s’est écroulé comme un château de cartes. Je n’ai rien dis mais j’ai failli pleurer tellement j’étais dépitée. Surtout ne le prends pas mal, tu n’y es pour rien. C’est moi qui n’ai pas su gérer.
- T’inquiète ma chérie. Personne n'est réellement responsable. Ça ne marche pas toujours du premier coup. Il faut qu’on s’habitue l’un à l’autre et on a pour cela tout notre temps.
- Tu as raison mais ce n’est pas le plus important parce que, lorsque j’étais allongée à côté de toi, au bord de la piscine, l'eau, le ciel, les étoiles, ta présence, je me suis remise à rêver. Et là, c’était vraiment trop beau, que du bonheur.
Je dépose un baiser léger sur le bout de son nez, juste pour voir un magnifique sourire se dessiner sur son visage angélique.
- C’est quoi le programme pour ce matin ? Me demande t’elle.
- Douche, petit déjeuner et farniente.
- Tu m’emmènerais pas au marché ?
- Et bien au marché si tu veux.
Pour Harmonie, la douche est toujours un exercice compliqué. A peine sortie du lit, dans toute sa nudité, elle m’a emmené dans la salle de bain. Une serviette sur les épaules, elle s’est assise sur le rebord du lavabo, les jambes écartées, penchée sur son minou.
- Tu peux me couper les poils ?
- Tu veux que je te rase ?
- Ben oui peut-être. Je sais pas. Cette nuit, quand je me suis levée pour aller aux toilettes, j’ai essayé une des culottes que tu m’as achetée et ça dépassait de partout. J’ai trouvé que ça faisait trop moche, horrible, négligé comparé à Christelle… Je voudrai un minou comme elle. Tu veux bien ?
Me voilà affublé d’une mission que je n’ai encore jamais réalisée et la pilosité d’Harmonie, c’est quelque chose. Il va falloir débroussailler. Dommage, je commençais à m’habituer à cette touffe soyeuse et légère, sortie de nulle part, aux poils fins et bouclés que j’ai pris plaisir à taquiner en les enroulant parfois autour d’un doigt innocent pour mieux les dérouler et recommencer quelques centimètres plus loin, m’approchant ainsi, ni vu ni connu, de la source de son plaisir.
Passé l’effet de surprise, reste à trouver et surtout à éprouver la technique. Eléna lorsqu’elle s’y était essayée, utilisait des bandes de cire ou du gel dépilatoire mais en fouillant dans les armoires, il n’y a rien de tout cela, juste une paire de ciseaux, quelques rasoirs jetables tout neufs et de la mousse à raser. Ça devrait pouvoir le faire.
Harmonie est confiante. Pourvu que ça dure. L’excitation cérébrale qui avait pris le pas sur les considérations techniques est vite retombée à un niveau déconcertant. Ceci étant, j’ai bien conscience qu’un tout petit rien suffirait à relancer la machine. Stoïque, je m’agenouille devant les jambes écartées de ma belle qui garde un œil attentif sur les opérations. Je m’approche au plus près et avant d’aller taillader dans le vif, je ne peux m’empêcher de passer une main nostalgique sur son pubis, même si je reconnais que l’esthétisme général ne peut que s’améliorer.
- Arrête, tu me chatouilles.
Je m’installe confortablement, le nez à deux doigts de son entre-jambes, un sourire coquin sur les lèvres, il va de soit et c’est parti. Les poils crissent sous les ciseaux, presque désespérés avant de couvrir le sol. Je m’applique, je mesure chaque geste pour éviter de la blesser, surtout lorsque je m’attaque à ceux qui sont au plus proche de son intimité. Harmonie m'aide, écartant d’avantage les jambes, soulevant son petite derrière, écartant les fesses pour que je n’oublie absolument rien. Et petits coups de ciseaux par petits coups de ciseaux, sa toison disparaît sous mes doigts agiles.
Je cours au plus prés de sa peau. A l’approche de son sexe, je m’assure à plusieurs reprises avant d’activer les ciseaux par peur d'un geste maladroit. Aux abords de ses fesses, je tourne en rond avec mille précautions. Le travail avance vite même si parfois je m’égare, laissant les ciseaux de côté pour balayer d’une main affectueuse les poils qui refusent de quitter leur refuge.
- Tu te débrouilles bien mon cœur.
- Je fais le maximum ma chérie, ne me déconcentre pas, c’est déjà assez compliqué de garder son self-contrôle en pareille circonstance.
- Je vois ça. Je vois ça et ce qui me fait le plus marrer, c’est que tu essayes de te maîtriser.
- Malheureuse, si je me laissais aller…
La phase de débroussaillage terminée, place au rasoir. Un gant de toilette passé sous l’eau chaude, une épaisse couche de mousse blanche, onctueuse à souhait, déposée avec parcimonie que je remplacerais volontiers par de la crème chantilly et me voilà bizarrement remonté dans les tours.
- Tu t’égares mon chéri. J’adore mais reste attentif quand même.
- Je fais ce que je peux et si tu savais tout ce qui me passe par la tête...
- Dans l’état où tu es, je n’ai aucune difficulté à imaginer.
Tout y est passé. J’ai eu des moments hauts et chaud bouillant, des moments bas et chauds quand même. J’avais laissé un petit triangle et après concertation, on a décidé de tout enlever. Avec une serviette éponge, j’ai essuyé tout en douceur le sexe d’Harmonie, très joli, délicat, somptueux et je n’ai pas pu résister. Un baiser volé mais pas tant que cela, comme une récompense légitime, avec la promesse d’y revenir dès que possible.
- Moi, ça me fait tout drôle. J’ai l’impression de me sentir toute nue.
Trop rigolote ma chérie. Je la serre dans mes bras en faisant attention à ne pas bousculer son bras plâtré et nos langues se délient, s’affrontent outrageusement. Je gagne. Je perds mais dans les deux cas, c’est si bon, si agréable, si passionné qu’on en redemande encore tous les deux.
- °° -
- Attends, je vais essayer mes petites culottes.
Harmonie a repris une part de son sérieux. Elle sort du tiroir presque vide les sous-vêtements que je lui avais achetés et elle les étale un à un sur le rebord de la baignoire, triomphante.
- Ils sont beaux quand même. Jamais je n’aurais pu me les offrir, ni même envisager d’en posséder des comme ça un jour. Merci, merci encore pour tout ce que tu fais pour moi.
- Je suis content qu’ils te plaisent.
- Tu m’étonnes, il faudrait être difficile.
- Tu ne sais pas si bien dire. Si je les avais offerts à mon ex, je les aurais pris en pleine figure.
- Moi, j’aime beaucoup. En comparaison de ceux que j’utilise, c’est le jour et la nuit. D’ailleurs, je vais pouvoir jeter le peu que j’avais.
- Au marché, si tu veux bien, on regardera pour t’acheter un maillot de bain et quelques vêtements pour que tu ais au moins de quoi te changer.
- Oui, ok, mais il y a un point qui me chagrine, Patrick. Tu m’achètes plein de chose, des fringues et tout ce dont j’ai besoin. Tu ne regardes pas à la dépense. Comme avant je n’avais rien, je suis hyper-contente évidemment mais à côté de ce plaisir grandiose, ça me gêne quand même énormément d'être entièrement à ta charge. Je n’aime pas dépendre des autres ; je n'ai pas été formatée comme cela. Je suis habituée à faire ce que je veux, quand je veux et comme je veux. Et pour l’instant, je n'ai pas d'autre solution mais je voudrais dès que possible retrouver une certaine autonomie. C'est important pour moi, pour mon équilibre psychologique. Tu comprends ?
- Euh oui ma chérie. Mais pour l’instant, je ne vois pas trop comment tu peux faire autrement.
- Quand on sera au marché, une fois qu’on aura fait nos achats, je voudrai que tu me laisses seule un moment. Une heure ou deux peut-être. J’ai ma petite idée.
- Tu vas faire la manche ?
- Non. J’ai autre chose en tête. Enfin, je ne suis pas sûre que ça va marcher mais je voudrais essayer. Tu veux bien ?
- Tu ne vas pas faire de bêtises ?
- Des bêtises ? Non. Tu m’inquiètes ! tu penses à quoi ?
- Je ne sais pas. Je ne vois pas donc du coup, je gamberge, des trucs pas cleans...
- Fais-moi confiance. Je ne ferais pas la pute, si c’est à ça que tu pensais. Je ne me suis jamais prostituée, jamais tu m’entends ? Tous les rapports que j’ai pus avoir, ils étaient soit obligés, soit voulus et des rapports voulus, je n’en ai pas eu beaucoup...
- Je suis désolé Harmonie. Vraiment désolé. Tu m’as pris de court. Tu sais, des solutions pour gagner de l’argent facilement et tout de suite, il n’y en a pas des mille et des cents. Alors je n’ai pas cherché plus loin que le sexe ou la drogue.
- Je te rassure mon chéri, aucun des deux. Tu manques d’imagination ou de mémoire mais je ne t’en veux pas, tu ne peux pas savoir. Enfin, tu aurais pu mais lorsque je te l'ai proposé tu n'as pas voulu. Je comprends que tu puisses te poser toutes les questions du monde mais si j’y arrive, ce sera la surprise et je serai super contente. Ça marche ?
- Çà marche. Allez, enfile-moi ce Tanga que je vois l’effet que ça te fait.
- Pour commencer, je voudrai essayer en premier la culotte traditionnelle. Je me demande ce que ça va faire contre ma peau toute nue. Tu me là mets ?
Toutes les culottes ont défilé les unes après les autres et une fois en place elles se sont toutes vues gratifiées d’un baiser délicat et affectueux. Harmonie a repris son éternel sourire, un peu plus accentué à chaque fois que mes lèvres sont venues effleurer le tissu. Au final, la tradition l’a emporté sur tout le reste. J’ai habillé Harmonie avec sa petite robe noire, ses seins libres dessous, des soquettes assorties à sa tenue et ses bottines de marche. Un bermuda et une chemisette blanche pour moi et nous sommes sortis main dans la main, puis bras dessus, bras dessous, direction le marché local.
Sur le chemin, on croise beaucoup de monde, on nous regarde, on nous dévisage. On nous prend pour des touristes, des originaux probablement. Au marché, on se fond dans la foule, on découvre les étals, on goûte les produits. Harmonie parfois s’échappe furtivement de mes bras pour admirer plus en détail des fruits, contempler des bijoux factices ou de pacotille, toucher des vêtements multicolores, sentir l’odeur des fraises, savourer quelques cerises et revenir se réfugier à la hâte, une main toute chaude glissée sous ma chemisette, le masque en bas du menton, un sourire magistral sur ses lèvres.
- Je pense que je ne te l’ai encore jamais dit mais je crois que je t’aime. Non ! Excuse-moi, j’en suis sûre maintenant.
- Moi je ne me pose plus la question, c'est une évidence. Je suis trop bien avec toi.
On s’est embrassé sans aucune retenue, au milieu de la foule et j’ai remonté délicatement le masque sur sa petite frimousse pour mieux la protéger. Ici, les nouvelles ne sont pas très bonnes. Depuis quelques jours, les contaminations vont bon train.
Parmi les étals, je discerne au loin la silhouette de Christelle. Elle a noué sa longue chevelure en une interminable queue de cheval, ce qui allonge encore plus son visage déjà si affiné et je n’ai aucun mal à reconnaître sa voix qui porte haut malgré la foule. Elle s’active seule pour servir les clients. Il faut dire que ses olives natures ou agrémentées semblent appétissantes à souhait. Elle nous aperçoit et avec un grand sourire elle nous interpelle joyeusement.
- Hello les amoureux. C’est toujours d’accord pour la plage demain, Harmonie ?
- Bonjour Christelle. Oui, oui ! Bien évidemment. J’ai hâte d'y être.
- Vous voulez quelques olives ?
- Non merci. Une prochaine fois.
On a laissé Christelle à ses clients après avoir picoré quelques olives fraîches. Puis, on a trouvé sans aucune difficulté un maillot de bain classique, pimpant avec pour le bas, deux petites ficelles de chaque côté, qui feront j’en suis certain, la réjouissance de mes doigts déjà enthousiastes, juste pour le plaisir de les dénouer. Deux jupes, deux débardeurs, trois robes d’été et quelques babioles sont venues aussi enrichir la collection.
Harmonie se tourne vers moi, le regard passablement ironique.
- Je vais te laisser ici. On se retrouve chez toi tout à l’heure. Maintenant je connais le chemin. Ne t’inquiète pas, ça ira. D’accord ?
Je l’embrasse une dernière fois et je la regarde s’évanouir à regret dans la foule. J’ai récupéré tous les paquets et j’essaye tant bien que mal de réorganiser le tout pour que ce ne soit pas trop encombrant.
Inutile de dire que je suis perplexe mais j’ai vraiment envie de lui faire confiance et puis j’ai conscience que depuis le début, j’ai été plutôt protecteur, peut-être trop parfois ; un rôle qui nous convenait certes mais qu’il faudra maintenant m’habituer à laisser de côté pour ne le réactiver qu’en cas de besoin.
A la châtaigneraie, je tourne en rond, impatient de son retour, curieux aussi de la solution qu’elle mijote ; une vraie petite cachottière ma dulcinée. Mais je suis vraiment heureux qu’elle soit là, toujours présente quelque part dans ma tête, dans mon cœur aussi et son absence me pèse déjà. Je prépare l’apéritif du midi, quelques toasts que l’on prendra ensemble sous la tonnelle.
Treize heures. Ça fait une bonne heure que je tape du pied quand soudain, son petit minois tout enjoué passe la grille d’entrée. Elle est adorable avec ses cheveux roses, sa robes noires qui lui arrive mi-genoux, un brun sexy, dévoilant quelques formes exquises, son bras en écharpe et un sourire à faire pâlir le marquis de Sade.
- Je suis super heureuse, tu ne peux pas savoir. Ce soir, je t’invite au resto.
- Tu es folles ?
- Non pas du tout monsieur. Ce soir c’est moi qui invite et tu vas être surpris. Enfin, j’espère que tu vas aimer, que tu ne seras pas déçu parce que ça sera très spécial, particulier, voire inattendu. Un voile sur ma personne que tu ignores, un volet de ma personnalité que tu vas découvrir.
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