Tu ne tueras point ...

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Son coeur battait à se rompre sous l'effet de l'énormité de ce qu'elle s'appretait à accomplir. Elle posa la main sur le sexe à demi raide de l'homme et le sentit instantannément durcir sous ses doigts. Il poussa un grognement. Layna activa ses doigts habiles sur le gland turgescent, effleurant au passage le frein agacé. D'apparence, elle n'était que douceur et volupté, ses caresses avaient la légèreté de la plume du plus délicat des oiseaux, la tièdeur d'une brise d'été. S'il existait quelque part un dieu des artistes, un peintre divin, esthète absolu ou magicien enchanteur, nul doute qu'il se soit damné à jamais pour croquer cet ange à la peau diaphane dans sa sublime nudité, dans son érotique labeur. Mais tout dieu qu'il fût ou aussi puissants que fussent ses enchantements, s'il avait à cet instant pu pénétrer le cœur de ce lubrique chérubin, il eut été pétrifié par la noirceur absolue de son âme. Car à l'intérieur, la jeune fille n'était à cet instant que haine, colère et dégoût. Elle bouillait d'une rage contenue, contre le monde entier, contre ceux qui chaque nuit la faisaient se sentir si sale, contre l'homme qui n'en finissait pas de durcir sous ses doigts. Le dégoût de ce qu'elle préparait lui nouait le ventre jusqu'à la nausée, qu'elle peinait d'ailleurs à contenir. Elle n'en laissait toutefois rien paraître. Elle aurait pu tout arrêter, planter là l'homme et s'enfuir à tout jamais. Tourner le dos à son plan insensé, chef d'oeuvre de dépravation et de perversité. Mais elle ne le pouvait, le désir de vengeance rongeait son âme, consumait ses os, il fallait qu'elle l'assouvisse. Quel qu'en fut le prix.

L'homme lui saisit la tête, la porta à son sexe. Elle eut un discret haut-le-coeur  quand le membre vint effleurer ses lèvres. Elle s'en écarta avec difficulté, l'homme insistait. Elle se dégagea avec douceur.

— Réservez-vous pour mon doux sanctuaire, messire.

— Juste une petite gâterie, fit-il, la saisissant par les cheveux pour l'attirer à lui.

Elle se dégagea avec la même douceur. Enjôleuse.

— Je ne fais pas ce genre de caresse ...

— Allons donc ! La rumeur court parmi les dockers, sur les quais, dans les tavernes, que ta bouche est plus douce que le plus divin des nectars. Ta patronne me l'a aussi assuré.

— Vous me flattez. Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie de vous prendre dans ma bouche.

— J'ai payé, ronchonna-t-il. C'est mon droit. Si tu fais la difficile, je me satisferai d'une autre et tu en prendras probablement pour ton grade quand la baronne l'apprendra.

Elle pesta intérieurement. Elle ne voulait pas prendre le risque que l'homme lui échappe, aussi s'exécuta-t-elle, sans laisser transparaître la mauvaise grâce qui était sienne. Elle le prit dans sa bouche, ferma les yeux pour qu'il ne puisse voir y naître les larmes de rage et de dégoût. Elle s'attarda suffisament pour que l'homme soit satisfait, pour sécher ses yeux aussi. Puis décida que le moment était venu. D'autorité, elle le poussa sur le dos. Elle trempa ses doigts dans le petit bol d'huile de plaisir et en astiqua copieusement le sexe dressé.

— C'est une huile magique. Elle décuple le plaisir et rend l'homme aussi dur que la pierre, fit-elle en lui lançant un regard coquin.

Elle ne pouvait lui avouer que son sexe à elle était aussi sec que le sable du désert. Elle reprit un peu d'huile, se caressa un instant et plongea en elle ses doigts luisants, prenant bien garde à ce qu'il ne rate rien du spectacle. Se fit ensuite lubrique.

— J'ai droit moi aussi à prendre du plaisir, non ? fit-elle, enjôleuse.

L'homme acquiesca, flatté à l'idée qu'il puisse la combler. Elle s'accroupit au-dessus du sexe dressé, maintenant le membre dans sa main, vint frotter le gland contre ses lèvres. Son cœur était si gonflé qu'elle avait du mal à respirer. L'air viendrait bientôt à lui manquer. L'homme se méprit et dut mettre son état sur le compte de l'excitation. Gonflé d'orgueil, il devait s'imaginer, pensait-elle, qu'il éveillait en elle un quelconque émoi.

Elle s'empala sur lui d'un coup, sans réfléchir. La décharge d'adrénaline la fit vaciller. Elle l'avait fait ! Elle l'avait fait ! Pourrait-elle jamais se pardonner ? Pourrait-on seulement lui pardonner ?

Jamais ! Jamais ! Tu dois aller jusqu'au bout maintenant !

Elle resta immobile un moment, tétanisée.

— Eh bien dis-donc, on dirait que tu aimes ça, lança l'homme. J'ai cru que tu allais t'évanouir.

Il fut pris d'un rire gras, mais très vite, son désir reprit le dessus. Elle se risqua à bouger. Un peu. Doucement. Elle s'attendait à ce que le membre honni provoque une brulure, elle avait imaginé une dague s'immiscant dans son sexe, la déchirant dans une douleur sans nom. Mais rien de tout celà ne s'était produit. C'était juste une queue comme les autres, un homme dans son ventre comme il y en avait eu tant. L'adrénaline coulait maintenant à flots dans ses veines, instiguant ces picotements dans ses mains et ses pieds, générant cette boule dans son ventre. Les mains posées à plat sur le torse de l'homme, elle ondulait maintenant, lascive. Il l'agrippa par les hanches.

— Ta chatte est plus douce que le miel du printemps... et... et comment fais-tu ça ? C'est...

Elle contractait son vagin au rythme de ses mouvements, comme on le lui avait si bien appris. Mais il fallait qu'elle ralentisse, sans quoi il viendrait trop rapidement. Il n'était pas question qu'il lui vole cet instant.

— C'est l'entraînement, lança-t-elle dans un souffle.

— Mmmhhh. On ne m'a pas menti... tu es un sacré coup...

Elle planta ses ongles dans la poitrine de sa proie, plissa les yeux, simulant comme elle savait si bien le faire le désir et l'envie.

— C'est l'habitude ...

La remarque était banale mais susurrée sur un ton tel qu'elle pesait son poids de sous-entendus. C'en était presque érotique.

— Tu aimes ça hein ? Tu es une bonne petite putain, âpre à la tâche ...

Elle hocha la tête.

— Dis-le moi ! ordonna-t-il.

— Quoi donc ?

— Que tu aimes ça !

— Non.

Son ton était détaché. Devant l' air éperdu de l'homme, elle ajouta :

— C'est mon travail. Juste mon travail.

— Allons-donc... tes yeux sont brillants... tes pupilles si dilatées qu'on croirait un chat ... on sent ces choses-là... les filles comme toi qui... qui...

Il avait du mal à parler, aussi ralentit-elle la cadence, encore, et encore. Elle ondulait maintenant du bassin avec une lenteur calculée, déployant toute sa science pour le maintenir au bord de l'orgasme, prenant garde de ne pas le faire jouir.

— Qui quoi ? Qui prennent du plaisir à se faire baiser par des porcs ou des petits vieux ?

— Change de métier si t'aimes pas ...

Il enfonça ses ongles dans ses hanches et son sexe plus profondément dans son antre. Elle gémit. Il se méprit à nouveau, croyant lui arracher un râle de plaisir. Elle poursuivit :

— Vous croyez que j'ai eu le choix ?

— On a toujours le choix, fit-il. Il la pillonait maintenant sans vergogne.

— Pas quand on est une petite fille et ...

— Tu n'es plus une petite fille, aboya-t-il.

— Laisse-moi finir, ordonna-t-elle.

Il cessa d'aller et venir en elle, la maintenant bien contre lui, profondément enfoui. Elle continua :

— Pas quand on est une petite fille et qu'à douze ans, on est vendue à un tenancier de bordel.

L'homme pâlit. Elle sentit ses ongles pénétrer dans la chair de ses hanches mais supporta la morsure, stoïque. Elle perçut un infime changement entre ses cuisses. Il bandait toujours, mais il lui semblait moins dur. Aussi reprit-elle sa danse lascive.

— Pas quand à douze ans toujours, on vend votre innocence à un riche marchand qui la cueille et la ramasse comme s'il s'agissait d'une simple fleur... pour la jeter aussitôt comme on jette un os décharné à un chien errant !

L'homme était maintenant livide. Il mollissait et elle peinait à le maintenir en état de semi-érection. Aussi changea-t-elle d'approche.

— Mais ce porc qui m'a volé ma fleur, je ne lui en veux plus maintenant.

Elle rejeta la tête en arrière, dandinant du bassin tout en poussant un long gémissement. L'homme reprit des couleurs. Et de la vigueur.

— Pourtant, les dieux savent si je l'ai haï. Jusqu'à tout récemment. Haï pour toutes ces nuits sans plaisir, haï pour tous ces coups ... j'en ai pris au début des coups, quand je disais non, quand je ne les suçais pas assez bien ... haï pour toute cette saleté, pour ces queues qui puaient ... haï pour mon amie Blanche, morte à dix-neuf ans rongée par la vérole, pour Carmine qu'on a retrouvée étranglée par un collier de cuir. Je l'ai haï tellement je me dégoûtais.

Elle s'interrompit, feignant la pamoison, couinant comme un petit animal. Les hommes aimaient ça. Discrètement, elle se saisit de l'objet caché dans les draps.

— J'ai haï cet homme jusqu'à aujourd'hui. Pourtant je savais. Je savais...

L'homme ne releva pas, occupé qu'il était à la lutiner.

— ... que celui qu'il me fallait le plus haïr, c'était celui qui était à la source...

Elle haletait. N'importe qui eut pu la croire au bord de l'orgasme. Mais de plaisir, il n'était pour elle point question. Son client par contre, semblait au bord de l'explosion.

— ... celui qui a fait de moi ce que je suis, une putain juste bonne à se faire baiser par le premier venu...

Elle cria, simulant à merveille les prémisces de l'orgasme.

— ... par les ouvriers des quais, par les marchands de passage - mais ils payent bien ceux-là -, baiser par les soldats... par les infirmes aussi... ou les malades... mmmmmhhh.

Avec une violence inouie, elle plaqua sa main sur la bouche de l'homme et, vive comme l'éclair, lui colla la dague sur la gorge, juste au bord de la carotide.

— ... ou même par son propre père !

Les yeux exhorbités, l'homme tenta de la repousser. Son cri s'étouffa dans la poigne de fer de sa fille, dont la force était décuplée par la rage vengeresse.

— I... Isab...

— Ne m'appelle plus comme ça ! Je suis Layna ! Layna ! Une putain des bas-fonds ! À cause de toi ! À cause de toi !

Elle hurlait. On frappa à la porte.

— Layna ? fit une voix derrière le battant.

Elle enfonça la dague, perçant la peau, déchirant la chair, prenant soin toutefois d épargner l'artère, et chuchota, à l'adresse de sa victime :

— Un mot, et tu meurs sur l'instant !

Puis, se tournant vers la porte, de sa voix la plus suave et qu'elle teinta à dessein d'une pointe d'excitation :

— Tout va bien madame... On... On s'amuse vraiment beaucoup... Monsieur est très coquin.

Elle entendit le petit rire discret et attendit que les pas se fussent éloignés avant de revenir à sa victime.

— Tout ça, c'est à cause de toi ! Tu n'imagines pas ce que j'ai enduré ! La cage, les coups, la maladie, tous ces hommes. À cause de toi !

Il ne bandait plus, mais elle le tenait toujours en elle. Il fallait qu'elle en finisse avant de le perdre.

— Alors quand je t'ai vu ici l'autre jour, j'ai d'abord prié pour que tu ne me reconnaisses pas, et surtout que tu ne me choisisses pas ! Et tu ne m'as pas choisie. Mais le soir venu, j'ai prié pour que tu reviennes. Et que tu me choisisses !

Elle n'osait plus rouler des hanches, le moindre mouvement l'aurait fait sortir tant il était flasque maintenant.

— Et puis j'ai imaginé cette idée. D'abord, je me suis dit que c'était pas possible, que tu me reconnaitrais. Mais tu ne m'as pas reconnue ! Tu m'as choisie ! Tu m'as choisie !

Elle pleurait, mais sa main était toujours aussi ferme et son regard brillait d'une détermination farouche.

— Mais là, maintenant, c'est moi qui commande, fit elle en tournant la pointe de la dague dans la blessure. Ta queue entre mes cuisses, les cuisses de ta fille ! Ça t'excite hein ? Tu comptes toujours me faire jouir ?

Elle avait crié cette dernière question, mais se calma soudainement.

— Donne-moi une bonne raison de t'épargner. Une seule ...

Elle désserra doucement l'étreinte de sa main, libérant sa bouche.

— Pi ... pitié ... pitié ...

Layna enfonça la dague d'un geste sec et la retira aussi promptement. Le jet écarlate l'éclaboussa en pleine figure, un deuxième suivit, qui vint s'écraser sur son sein droit. Elle contemplait, froide et distante, le regard implorant de son géniteur, ne cherchant pas même à se protéger des giclées sanglantes qui venaient s'écraser toujours plus bas sur son corps à mesure que sa victime se vidait. Elle pencha la tête sur le côté, contemplant son oeuvre comme un artiste sa toile. Le regard de l'homme se fit vitreux, puis l'étincelle qui l'animait disparut à jamais. Elle sentit le sexe flasque glisser hors de son ventre. À la jonction de leurs deux pubis, le sang s'accumulait en une petite flaque. Elle y trempa les doigts. C'était tiède et un peu visqueux. Le contact du liquide carmin sur le haut de son sexe n'était pas pour lui déplaire. Elle chassa cette pensée et nota, satisfaite, l'absence de sperme. Elle ressentit une intense satisfaction en constatant que sa victime n'avait pas joui. Elle n'aurait pas voulu lui laisser cet ultime cadeau. Une pensée la traversa, dégoûlinante de perversité. Qu'aurait-elle donc fait si son père, au lieu d'implorer lâchement sa pitié, lui avait demandé pardon ? L'aurait-elle épargné ? Auraient-ils consommé leur accouplement immoral jusqu'au bout ? Elle toucha la petite flaque carmine qui irriguait maintenant sa toison. Posa les doigts trempés sur son sexe. Elle ne prit conscience qu'un instant plus tard du mouvement qui les animait. Il ne fallait pas. Non ...

Toujours à califourchon sur le corps inerte, elle ferma les yeux et s'abandonna.

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