CHAPITRE 101 : « Centre hospitalier De Bierne » « Afrique » « Florian »

« Pendant ce temps-là, dans l’ancienne chambre du père Antoine. »

Alors qu’Alexandre s’est assoupi après avoir brûlé toute son énergie dans un dernier round intense, Florian pour sa part a le visage tourné vers lui avec ce même air rêveur que celui qu’il prend quand il est plongé dans son calepin.

Pourtant il n’est point-là question de trouver une formule qui sur cette planète serait perçue comme révolutionnaire, mais plutôt d’essayer de comprendre cette addiction qu’il ressent pour ce garçon en particulier.

Tout un tas de schémas se développe dans son esprit, tous plus irréalistes voire surréalistes les uns que les autres, sans pourtant approcher d’une explication logique qui lui permettrait d’y voir plus clair.

Que sait-il sur Alexandre, très peu de choses de toute évidence à part son âge, ses quatre années d’apprentissage passées ici avec Raphaël comme tuteur et ses dernières vacances passées en France une fois son examen final terminé.

Florian en est presque à faire fi de ses résolutions quant à ne pas aller lire dans son esprit toutes les réponses aux questions qu’il se pose, seul ses sentiments déjà très forts le retiennent de ne pas les transgresser.

Une idée lui vient alors, folle sans doute, mais qui s’incruste suffisamment dans son esprit pour qu’il réfléchisse à comment la mettre en pratique.

« Tu deviens parano Florian » pense-t-il « ce n’est pas possible autrement !! » s’obligeant ensuite à changer ses pensées en les dirigeant vers d’autres options possibles.

Il a beau faire, la précédente devient vite une idée fixe, aussi préfère-t-il se lever pour rejoindre la salle de pause avant de risquer de mettre en péril son début de relation par un geste de sa part qui serait à l’évidence mal perçu.

Il a à peine bu sa première gorgée de café que Raphaël entre à son tour, suivi de plusieurs de ses assistants et qui stoppent net, visiblement surpris de le trouver là.

- Alexandre n’est pas avec toi ?
- Il dort, il en avait besoin ! Hi ! Hi !

Devant la mine soudainement curieuse des assistants, Raphaël prend Florian par le bras en l’emmenant dehors pour lui parler sans que des oreilles forcément inappropriées ne l’entendent.

- Soit plus discret, tu veux bien ? Nous sommes pendant les heures de travail je te rappelle !!
- OK !! Mais ce n’est pas juste pour m’engueuler que tu m’as amené ici, je me trompe ?
- Déjà une, je ne t’engueule pas, juste je te mets les points sur les « I » !! Ensuite c’est exact que j’ai à te parler !!
- D’Alexandre j’imagine ??
- Dis-moi plutôt à quoi tu joues avec lui depuis hier ?
- Comment ça ?
- Tu n’avais jamais été comme ça avant ? Pourquoi maintenant et surtout, pourquoi avec Alexandre ?
- Si tu avais la réponse à tes questions, crois-moi que ça m’arrangerait !!
- Que veux-tu dire par là ? Je suis au courant de ta demande auprès d’Annie, qu’est-ce que tu cherches exactement ?
- Juste à comprendre !!
- Hein !!
- Je suis comme toi ou plutôt comme vous, je m’interroge sur ces dernières vingt-quatre heures.
- Comment cela se peut-il avec les pouvoirs que tu as ? Tu n’as qu’à remonter ses souvenirs et tu connaîtras tout sur lui. Je sais bien que tu n’aimes pas jouer les voyeurs dans la vie privée des gens, mais…
- Justement voilà le problème…

Florian hésite à poursuivre l’idée qui lui est venue soudainement.

- J’aurais besoin de cette analyse le plus rapidement possible.
- Il faudra compter une bonne semaine rien que pour trouver des similitudes et sûrement beaucoup plus pour avoir des certitudes, tu n’as vraiment aucune idée sur ce qui vous attire aussi puissamment l’un vers l’autre ? Je m’étais déjà fait la remarque la première fois, mais là je t’avoue que j’en ai même ressenti de la jalousie à vous voir aussi affamés.
- Tu ne trouves pas que tu y vas un peu fort ?
- Non… je t’assure « Flo », c’en était flippant de vous voir !!

Florian comprend que son copain a été réellement marqué par ce qu’il a vu et vécu avec eux, il pose son doigt sur son front avec un regard interrogatif.

Raphaël comprend sa demande et acquiesce d’un bref coup de menton, laissant ainsi son ami entrer dans sa tête pour y revivre ces moments de la même façon que lui les a vécus.

Bien entendu ça ne prend que le temps de le dire, sentant déjà disparaître à peine l’avait-il perçu la légère pression mentale qu’il ressentait.

- Ah oui quand même !! J’avoue que je ne m’étais pas rendu compte que c’était à ce point, ce qui je te l’avoue est encore plus inquiétant que je ne le pensais.
- Là… tu vois ??
- Mais qu’est-ce qui m’a pris enfin !! Alors que ni Thomas, ni Lorgan ou Antonin ne sont connectés avec moi !!

***/***

« Loin de là quelque part dans l’espace. »

La salle où trônent les cinq maîtres reste silencieuse, alors que pourtant il y règne une agitation mentale inhabituelle entre ces cinq personnages au physique hors d’âge.

- Nous avons maintenant deux coups d’avance sur lui !!
- Sera-ce suffisant quand il prendra conscience de notre existence ?
- Il doit déjà commencer à se poser des questions.
- Fallait-il vraiment nous séparer de nos deux envoyés de cette façon ?
- Cela faisait bien trop longtemps qu’ils étaient à notre service, si longtemps qu’ils en avaient oublié les fautes à ne pas commettre en ne se souvenant que des privilèges qui leur étaient accordés.
- Ce n’était point-là mon propos, la punition était méritée il n’y a pas à revenir dessus, mais n’avons-nous pas mis en danger notre nouveau pion en le faisant se découvrir si tôt.
- Qui ferait le rapprochement entre leur mort et la présence de notre nouvel atout ?
- Lui sans doute, n’oublions pas que nous ne faisons que présumer de ce qu’il est !!
- Que pourrait-il être d’autre ?
- Il a des pouvoirs que nous n’avons jamais eus.

Un silence mental renforce celui physique de la salle, jusqu’à ce qu’un des maîtres reprenne la conversation après un long moment de réflexion.

- Peut-être même est-il celui qui a été à l’origine de notre création ?
- Cela ne se peut !!
- D’où vient cette certitude alors que nous en savons si peu ? Il en va de même pour notre nouveau pion, ne l’avons-nous pas envoyé sans réellement connaître son origine et ce juste parce qu’il a cette faculté rare d’empathie ?
- Nous savons retracer sa vie jusqu’à sa naissance ou tout du moins jusqu’à quelques jours plus tard quand il fut trouvé par un milicien sur une des rares planètes encore vivables pour l’espèce humaine de cet univers .
- En y réfléchissant bien, ne trouvez-vous pas ça étrange ? Comment un simple nourrisson a-t-il pu en venir à se mettre sous notre protection ? Ne pensez-vous pas que cette empathie reconnue en a été la raison première ?
- Qu’est-ce que cela change si c’était bien le cas ? Cet enfant n’a aucune raison de ne pas accomplir sa mission, je ne vois vraiment pas pourquoi nous abordons soudainement le sujet avec de nouveaux doutes en tête.
- Peut-être les avons-nous parce que nous n’avons pas prise sur lui comme sur nos autres serviteurs, ajouter à ça notre ignorance complète de ses véritables origines.
- Assez !!! Pourquoi l’avoir envoyé si c’est pour émettre ensuite tous ces doutes sur sa personne, maintenant qu’il s’est dévoilé et que sa mission d’infiltration s’achève, le véritable but de sa présence commence à peine et ne se terminera qu’une fois atteint.
- Il pourrait subir les mêmes émotions qu’il fait ressentir autour de lui.
- Ne devrions-nous pas envisager de mettre un nouveau pion en place ?
- Attendons que notre premier coup porté soit à la hauteur de nos attentes.
- Cette planète artificielle a bien dévié sa route avec tout son système planétaire environnant, mais il lui faudra longtemps encore avant d’atteindre son nouveau but.
- C’est la seule issue qu’il nous restera si notre plan venait à être contrecarré, le rapport de force et de technologie sera seul décideur du succès ou de la défaite entre notre univers finissant et celui que nous convoitons.