CHAPITRE 131 : « Shanpaï » « Tomoya »

Quand la dernière voiture quitte le campus, c’est sous un énorme ouf de soulagement de ses dirigeants qui ne s’attendaient certes pas à cette visite au demeurant fortement improbable.

Pourtant ce qui leur est tombé dessus ce matin-là n’était pas le fruit de leur imagination, quand par la fenêtre des bureaux, ils n’ont pu manquer de remarquer l’étrange comportement du concierge et ce qui au début pouvait prêter à amusement, s’est très rapidement transformé en un intérêt grandissant.

L’homme reconnu comme particulièrement doué pour ce qui est d’éviter l’entrée de l’école aux personnes n’y ayant rien à y faire, s’est soudainement raidi avant de se plier littéralement en deux en marque de respect envers l’illustre personnage dont tous dans le pays connaissent les traits.

Bien entendu cette marque de respect a mis le feu aux poudres et alors que certains, heureusement peu nombreux, n’arrivent déjà plus à contrôler l’agitation fébrile qu’ils ressentent, le plus grand nombre réagit heureusement dans le bon sens en venant accueillir l’illustre visiteur, en évitant ainsi d’apporter le déshonneur à l’école tout entière.

Ce n’est qu’en cette fin d’après-midi qu’ils peuvent enfin se remettre de leurs émotions, alors que le convoi a repris la direction du palais.

Le couple impérial accompagné du prince héritier s’étant déplacé avec le minimum d’apparat, juste accompagné d’une dizaine d’hommes dont la démarche féline et l’œil acéré toujours sur le qui-vive, ne laissent que très peu de place à l’erreur quant à ce qu’ils sont.

Heureusement pour la bonne marche de l’école, très peu d’élèves se sont aperçus de la présence de leurs majestés, ceux-ci ne souhaitant visiblement pas faire la une locale et dès la première approche, ont bien fait comprendre que le but de cette visite n’était que familial et qu’ils ne désiraient rien de plus que de pouvoir passer quelques heures avec le « grand prince » Tomoya.

***/***

« Au même moment, chambre de Tomoya. »

Ce n’est qu’une fois le pare-chocs du dernier véhicule ayant franchi le lourd portail de l’entrée, que Tomoya referme la fenêtre en allant ensuite s’asseoir sur son lit.

Le soupir qu’il pousse alors en dit long sur ce qu’il pense de cette journée, qui si elle n’a pas été celle prévue en se levant ce matin-là, n’en a pas moins été celle où tout ce qu’il a appris ces derniers jours lui a été confirmé.

Un sourire lui vient néanmoins, autant du souvenir de son cousin qui ne l’a pas lâché de la journée en voulant à l’évidence lui démontrer combien les paroles d’amour venant de ses parents ne sont pas vaines et qu’elles reflètent avec exactitude le ressenti de toute la famille envers lui.

Il serait complètement idiot de mettre en doute l’affection qu’ils ont tous pour lui, l’ayant vécu avec suffisamment de force pour que jamais au grand jamais il ne soit même question de la remettre en doute.

Pourtant ils lui ont menti durant toutes ces années en gardant pour eux le secret de sa naissance, seuls les récents événements on fait qu’ils se décident à venir lui en parler.

Ce qui au début n’était qu’un souhait de celui qui pour lui sera et restera toujours son grand-père et ce même si après tous ces aveux il s’avère qu’il n’en est rien, s’est vu par la suite devenir une réalité qui dès sa naissance a mis la famille impériale dans l’adoration la plus totale de ce poupon blond aux yeux et aux sourires si merveilleux.

Comment alors leur en vouloir, comment même pouvoir devenir triste alors qu’il le voit bien, les choses ne sont en rien changées et même seraient encore plus extraordinaires pour lui, maintenant qu’il a appris toutes ces choses incroyables sur son véritable père.

C’est sa mère qui le connaissant le mieux a pu d’une certaine façon étancher sa soif de connaissance, lui révélant la conversation qu’elle a eue avec ceux du complexe De Bierne sur ce qu’est son géniteur et qui a bien fait sourire son cousin, ce dernier lui demandant même d’échanger leur place du fait que son titre à lui n’est qu’honorifique alors que le sien semble avoir gardé tout le pouvoir qui va avec.

Son « père » n’a pu alors s’empêcher de venir le serrer dans ses bras un long moment, en comprenant à sa façon d’être qu’il restera identique à lui-même malgré tous ces aveux et que rien ne changera jamais cette belle mentalité qui est la sienne et dont il est et a toujours été si fier.

Une larme perle sur la joue du grand blond en se remémorant ce moment de la journée particulièrement fort en sentiments, il va pour la sécher d’une main quand deux coups brefs se font entendre à sa porte.

« Toc ! Toc ! »

- Oui ??
- Je peux entrer ?

Tomoya reconnaît la voix de celui qui ne pouvait pas tomber mieux à un moment pareil.

- Bien sûr que tu peux !!

Shun entre alors avec un demi-sourire aux lèvres, se dirigeant directement vers la fenêtre pour jeter un coup d’œil dehors avant de se tourner vers lui.

- Ils sont partis ?
- À l’instant !!
- Tu parles d’un scoop !! Bonjour le secret à garder pour l’école !!

Tomoya repense à son premier jour au campus avec la convocation du conseil des élèves.

- C’était bien la peine en effet ! Hi ! Hi !

Shun en le voyant rire se détend enfin, restant jusque-là dans l’expectative de savoir quelle serait son humeur après cette visite qui à coup sûr est liée directement avec ce qu’ils ont dernièrement appris.

C’est donc d’un naturel visiblement rasséréné, qu’il vient s’asseoir tout contre lui, l’enserrant d’un bras protecteur.

- Tu as eu toutes tes réponses ?
- Toutes je ne sais pas, mais du moins celles qu’eux connaissaient.
- À voir ta tête je peux penser sans trop me planter que ça s’est plutôt bien passé ?
- Je n’ai jamais eu le moindre doute de leur part sur ce qui est le plus important pour moi.
- Comment ça aurait pu être autrement avec un gars comme toi, gentil, intelligent et presque aussi bien foutu que moi, je te le demande un peu ! Hi ! Hi !
- Je vais te laisser avec ton imagination débridée !! En fait je n’ai jamais eu de doute sur l’amour que me porte ma famille et qui est au moins égale à celui que je leur porte, j’ai même été surpris que mon cousin soit autant après moi alors que d’habitude il est moins prodigue à montrer ses sentiments. Ma sœur je n’en parle même pas ! Hi ! Hi ! Quelques heures de plus et je n’avais plus de peau sur les joues.
- Tu te demandais juste s’ils allaient tout nier en bloc ou tout te révéler ?
- Oui !! Je…

Shun voit bien le trouble marquer soudainement le visage de son frère, il comprend alors que ce qu’il a appris pourrait dépasser de loin ce qu’ils avaient déjà découvert par eux-mêmes.

- Allez !! Accouche !! Je suis au moins aussi concerné que toi sur cette affaire, j’ai le droit de savoir !!

Tomoya hésite à parler, Shun ayant suffisamment souffert depuis son plus jeune âge à subir des parents qui n’en étaient pas, sans avoir à lui en remettre une couche en dévoilant ce qui même pour lui a été le plus dur moment de la journée.

Il a entendu cet aveu dit sans concession alors que sa mère le prenait dans ses bras pour enlever à la racine la première pensée négative qui en découlerait forcément, lui faisant bien comprendre qu’elle acceptait dès la conception le choix de l’un ou de l’autre des deux géniteurs potentiels et ce sans regret ni déception, lui glissant néanmoins à l’oreille combien elle a toujours été troublée par Thomas.

- Alors tu te décides ??
- Sais-tu que nous ne sommes pas ceux qu’ils espéraient, un essai raté en quelque sorte !! Quoique je ne l’aie jamais ressenti de cette façon, ni avant ni après l’avoir appris, ça expliquera sans doute la question que tu te poses sur toi.