Dompteuse de fées.

 

            Le soleil disparaissait peu à peu derrière les remparts du château de Volerive, fuyant devant les ténèbres d'une nuit sans lune. La foule se pressait aux abords de la place du marché, indifférente au vent frais qui se levait et faisait vaciller les flammes des torches. Des éclats de voix et de rires résonnaient cependant que les habitants allaient et venaient entre les étals des forains, profitant d'un spectacle, d'un jeu ou d'un repas aux saveurs exotiques. Au centre de la place se dressait une estrade ainsi que des gradins, dont la moitié déjà étaient remplis. Certains stands fermaient tandis que d'autres s'ouvraient et les crieurs annonçaient les prochaines activités, dont la plus attendue de la soirée : Le conte. C'était ce qui avait attiré Cassandra a cette petite fête, elle qui n'aimait guère la foule. La jeune femme se déplaça parmi la masse que formaient les fêtards d'un pas rapide et gracieux, évitant tout contact avec les gens. Non pas qu'elle fût snob, mais elle estimait qu'un contact physique ne devait pas se faire à la légère. Quelques pas de plus et elle atteignit un chêne auquel elle s'adossa, laissant son regard parcourir l'assemblée. Les visiteurs arrivaient les uns après les autres, s'installant un peu partout, posant à côté d'eux où à leurs pieds les gains obtenus au cours de la journée ou tout simplement les achats effectués. L'heure était aux rires et à la bonne humeur, ce qui ne pouvait que ravir Cassandra, elle qui détestait tant les émotions négatives. De longues minutes s'écoulèrent dans un brouhaha grandissant pendant que les gradins se remplissaient petit à petit.

C'est alors qu'elle monta sur l'estrade. Une femme aux cheveux argentés, et aux yeux pétillants. Elle portait des vêtements sales qui ne la mettaient pas en valeur. Pour autant, Cassandra ne pouvait cesser de la regarder. La femme possédait un charme certain, une beauté, qu'elle-même semblait ignorer. Elle s'avança sur la plate-forme, d'un pas lent et mesuré et tendit les mains, appelant au calme. Son regard traversa les gradins et elle prit un air surpris, mettant une main en coupe au dessus de ses yeux.

- Bonsoir tout le monde. Je me présente, je me nomme Désirée ! (Elle sourit.) Mais dites-moi, il y a du monde, ce soir ! Vous êtes ici pourquoi ?

- L'histoire ! (Répondirent en chœur les spectateurs.)

- L'histoire ? (S'enquit-elle d'une voix faussement surprise.) Mais quelle histoire ?

Quelqu'un monta sur la scène, un adolescent d'à peine plus de quinze ans. Il s'approcha rapidement de la femme et lui tira la manche. Elle se pencha vers lui, avant de se redresser en fronçant les sourcils.

- Comment ça... C'est moi qui doit raconter une histoire ? Tu es sûr ?

L'adolescent acquiesça vivement.

- Tu ne me raconterais pas des sornettes, par hasard ?

Il fit non de la tête, et lança un regard implorant vers le public. Celui-ci se mit à rire, et à applaudir en cadence.

- L'histoire, l'histoire, l'histoire ! (Scandait-il.)

- Ah ! Mais oui, maintenant que vous me le dites ! ça me revient ! J'ai une histoire à vous raconter ! Et quelle histoire ! Moi j'adore les histoires. Et vous ?

- Oui !

Elle fit claquer sa langue. L'adolescent était reparti derrière la scène.

- Ah ! Bien contente d'être entourée de gens de bon goût alors ! Vous voulez l'entendre ?

- Oui !

- Plus fort, je n'entends rien !

- Oui !

- Bien ! Mais quelle histoire pourrais-je vous conter ? Une histoire d'amour peut-être ?

Les enfants émirent des grognements désapprobateurs sous les rires de la foule.

- Vous préférez peut-être une histoire plus sombre alors ?

- Oui !

- Une histoire surnaturelle ?

- Oui !

- Une histoire de vampire et de fées ?

- Oui !

Elle sourit et fit les cent pas sur la scène.

- Mais vous savez, une histoire peut-être multiple... Celle que je vais vous conter ce soir parle de vampire et de fée, mais aussi d'amour. Un amour impossible. Un amour sans lendemain... Est-ce que vous voulez que je vous la raconte ?

Une fois encore, la foule s'exclama positivement et Cassandra ne pouvait qu'apprécier leur enthousiasme. Elle aussi était férue d'histoires. Et le sujet n'était pas sans l'intéresser. La dénommée Désirée avait réussi à piquer la curiosité de tout un chacun. Tout le monde était pendu à ses lèvres et elle s'en amusait.

- Mais avant cela... (Reprit Désirée.) Il va falloir que je vous dise ce que sont les fées et les vampires. N'est-ce pas ? (Elle opina pour elle-même.) Vous pensez connaître leur origine, savoir ce qu'ils sont. Et si je vous disais qu'il n'en est rien ? (Elle s'humecta les lèvres, soudain sérieuse.) Les fées et les vampires sont des esprits. Des esprits très puissants qui se lient à une créature humaine. Certains disent que les fées se lient à des personnes au cœur pur, bonnes et que les vampires font l'inverse. D'autres disent que les esprits ne regardent pas l'âme de leur hôte, mais sont simplement liés à lui depuis sa naissance. Dans un cas comme dans l'autre, ils confèrent des pouvoirs à leurs liés, des pouvoirs magiques. Mais qui ne se réveillent que si la personne se trouve dans certaines conditions bien particulières. Subir un choc. Être placé face à un danger imminent. Faire preuve d'un courage évident. Côtoyer de près la mort. Être soumis à une émotion particulièrement forte... Il n'y a pas de règles fixes. Car chaque transformation, chaque pacte, est unique et lie définitivement l'hôte et l'esprit dans une communion complète.

Elle laissa ses paroles flotter un instant avant de reprendre.

- Je vais vous conter l'histoire de deux âmes sœurs. De deux femmes, l'une nommée Sanaria et l'autre répondant au nom de Désirée.

- Comme toi ? (Commenta un enfant au premier rang, d'une dizaine d'années.)

- Oui, comme moi. Tu comprends donc pourquoi j'aime tant cette histoire ! (Fit-elle sur le ton de la confidence.)

L'enfant lui sourit et elle fit de même avant de prendre une inspiration.

- Notre histoire commence il y a près d'un siècle, dans un château dont le nom a été oublié il y a longtemps, à la nuit tombée. Seule, la princesse attendait...