Mystérieuse rencontre

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Sanaria avait quitté Désirée après plus d'une heure passée dans ses bras. La nuit  chassait peu à peu le jour et les lumières du château émettaient une lueur qui allait en s'accentuant. La princesse s'engouffra par le passage secret derrière la tour Sud, après avoir vérifié que personne ne pouvait la voir et commença son ascension. Elle espérait que personne n'avait remarqué sa disparition. Mais au fond d'elle, elle savait cet espoir futile au vu des nombreuses heures qu'elle avait passé à l'extérieur. Pourtant, elle ne regrettait rien. Le temps semblait ralentir, voire se figer, quand elle était auprès de Désirée. Elle ne voyait jamais le temps passer. Et bien qu'elles se soient contentées de s'enlacer, elle avait apprécié chaque instant. C'était ces petits plaisirs, simples mais réels, qui rendaient sa relation avec Désirée si importante. Si nécessaire... La vérité la frappa avec la force d'un coup de massue et elle sut alors quelle réponse apporter à la jeune femme. Désirée lui était nécessaire. Elle ne pouvait pas s'enfermer dans un mariage politique et demeurer loin d'elle. Elle serait incapable d'y survivre...

Mais demeurait le problème de son père. Le Roi avait le cœur fragile depuis quelques mois et elle le savait préoccupé par son avenir. Comment pouvait-elle aborder la chose avec lui, surtout au vu de sa discussion de la nuit dernière, dans laquelle il avait insisté sur la nécessité d'un dirigeant fort pour le royaume ? Son père se souciait autant de son bien-être que de l'avenir du royaume et l'avait élevée pour qu'elle fasse passer les intérêts de son peuple avant les siens. Ce n'était pas juste, mais là était le devoir de la royauté. Le devoir de sa lignée... Là était peut-être la solution. Parmi quelques souvenirs épars des heures passées dans la bibliothèque du château à parcourir des textes de lois, lui en venait un en particulier. Une ancienne loi, qui pourrait potentiellement jouer en sa faveur. Mais elle devait d'abord s'en assurer. L'idée ne la quitta pas tout au long de son périple dans les tunnels sombre et mal éclairés du passage secret. Elle ressentait une excitation qui la rendait fébrile. Et si. Un espoir simple mais qui pouvait tout changer. Cela étant, il ne fallait pas crier victoire trop tôt. Avant toute chose, il lui fallait s'assurer de l'existence d'une telle loi et de sa mise en application possible.

La princesse jeta un regard dans le couloir dans lequel elle arrivait puis tendit l'oreille. Il n'y avait pas âme qui vive à proximité. Elle décala le bras de l'armure qui bouchait le tunnel, se faufila à l'extérieur avant de le remettre en place, ainsi que l'étendard qui masquait la brèche. Puis, elle prit la direction de la bibliothèque. Les minutes s'écoulèrent sans qu'elle ne croise personne. L'inquiétude marqua peu à peu le visage de la princesse. L'heure avancée pouvait expliquer une désertion des couloirs, mais il y aurait néanmoins dû avoir du bruit, ou des gardes... Elle hésita à rebrousser chemin à plusieurs reprises, son angoisse grandissant, avant de finalement s'arrêter devant la bibliothèque. Il s'agissait d'une salle immense, remplie d'étagères qui léchaient un plafond à plus de quatre mètres de hauteur, débordant de livres aux couvertures soignées et dorées ou aux parchemins roulés et entassés les uns sur les autres. Elle était séparée en quatre parties distinctes, chacune de taille égale, comptant pas moins de six étagères. La lueur des torches éclairait faiblement l'endroit et Sanaria sentit les battements de son cœur accélérer. Ses craintes s'étaient soudainement volatilisées, au moins pour un temps, son esprit focalisé. Elle s'avança d'un pas prudent, presque hésitant, attrapa un chandelier avant de prendre la direction des textes de loi.

A cette heure-ci, il est normal que la salle soit vide.

Mais que certaines torches soient allumées l'était bien moins, au vu du danger que le feu pouvait représenter pour les ouvrages. La princesse essaya de ne pas y penser et commença à fouiller parmi les parchemins. Il y en avait tant qu'elle en avait le tournis. Elle en attrapa un au hasard. Une ombre traversa la pièce, la faisant sursauter. Elle se retourna avant de pousser un hurlement, entre surprise et terreur. Une femme se tenait derrière elle, les mains levées en signe d'apaisement.

- Je suis désolée ! (S'écria la femme.) Qui... Princesse, c'est vous ?

L'intéressée avait une main sur le cœur et reprenait son souffle. Elle s'accorda un instant pour détailler son interlocutrice. Elle ne lui était pas inconnue, mais en cet instant précis, elle était bien incapable de se remémorer pourquoi, ou simplement qui elle était. Peut-être était-ce dû à ses cheveux d'un bleu nuit, qui étaient tout sauf communs.

- C'est moi. (Dit-elle d'une voix hachée.) Je ne m'attendais pas à croiser qui que ce soit ici.

- Moi non plus, princesse. Pardonnez-moi de vous avoir effrayée. Il est rare de voir du monde ici, qui plus est en plein milieu de la nuit.

- J'aurais espéré trouver quelqu'un pour m'aider, à vrai dire.

- Vous recherchez quelque chose en particulier ?

- Vous travaillez ici ?

La femme ne répondit pas et regarda le parchemin dans la main de la princesse. Celle-ci secoua la tête.

- Oui, je cherche quelque chose, mais je désespère de le trouver.

- Racontez-moi.

- Une ancienne loi, sur la succession.

- Ah. Laissez-moi regarder le registre. Je peux vous confier ceci ?

Elle lui tendit deux parchemins et un livre que Sanaria accepta.

- Je reviens, ne bougez pas.

La princesse opina bien que la femme ait déjà disparu à travers les rayons. Le temps commença à se faire long, aussi la princesse commença-t-elle à s'intéresser aux ouvrages qu'elle tenait. Le livre titrait : Mythes et légendes. Un marque page était inséré et amenait à un chapitre qui parlait des Vampires. Sanaria fronça les sourcils et s'installa à une table pour feuilleter les pages, perplexe. Les informations étaient peu documentées et il s'agissait plus d'une histoire à faire peur qu'autre chose. Elle referma le livre et s'attarda sur les parchemins. L'un d'eux parlait des Vampires et donnait quelques informations supplémentaires, comme leur soif de sang, la malédiction qui était la leur, le fait qu'ils étaient vraisemblablement maléfiques, des tueurs dans l'âme, etc. Une information retint son attention.

- Un amour sincère peut faire de la plus méprisable des créatures un doux agneau. (Lut-elle dans un murmure.)

Elle se pinça les lèvres puis déroula le second, qui était dédié aux fées. Un dessin prenait la majeure partie de la page. Contrairement à l'idée populaire qui régnait et que Sanaria s'était faite, les fées n'étaient pas de petites créatures munies d'ailes, engoncés dans des collants rosâtres. Elles avaient taille et forme humaine et ce qui les différenciait des humains ordinaires était leurs yeux, luisant d'un bleu turquoise. Elle parcourut d'un coup d’œil rapide les quelques lignes couchées plus bas.

L'on sait peu de choses sur les fées, qui ne soit pas le fruit de l'imagination humaine. Elles semblent partager une ascendance commune avec les vampires, bien qu'elles s'en défendent. L'amour est la force la plus puissante pour une fée, mais aussi sa plus grande faiblesse.

C'était court, concis... Et définitivement trop peu développé ou détaillé. Elle referma le tout en fronçant le nez. Sa bougie s'était consumée à moitié. Elle tapota des doigts sur la table. La femme était partie depuis un moment déjà. Elle était bien aimable, mais cela commençait à bien faire ! Sanaria se leva et retourna à l'entrée tout en appelant son amie de fortune. Seul le silence lui répondit.

Elle vérifia le couloir, puis fit le tour de la bibliothèque. Mais que pouvait-il bien se passer dans ce château, à la fin ? Alors que l'inquiétude la rongeait de nouveau, elle décida de faire un dernier passage, pour être sûre et s'arrêta devant le livre et les deux parchemins que son "amie" avait abandonné à ses soins. Un troisième parchemin avait été posé à côté. La jeune femme se lécha les lèvres en s'en emparant avant de le dérouler pour parcourir le titre.

"Règles et droits de successions."

Pile ce qu'elle recherchait. Son coeur fit un bond dans sa poitrine, mélange d'excitation et d'angoisse. Oui, quelque chose clochait, c'était une certitude. Elle se pinça les lèvres, balaya la pièce d'un regard circulaire, mais ne fit pas le moindre geste, perdue. Elle ignorait comment réagir, quoi penser des derniers évènements... Et alors qu'elle se triturait la cervelle, c'est son visage qu'elle vit. Le visage de Désirée. Son coeur se gonfla d'amour et elle se sentit soudainement plus légère. Elle s'empara alors des parchemins et du livre avant de quitter la bibliothèque. Elle n'avait certes pas toutes les réponses, ignorait ce qui se tramait, mais savait quoi faire, ce qui comptait le plus. Elle traversa d'un pas hâtif les couloirs jusqu'à sa chambre, dont elle verrouilla la porte avant de s'effondrer sur son lit. Ses mains se posèrent sur le parchemin qui contenait peut-être la réponse à ses espoirs. Le parchemin qui pouvait lui offrir la vie qu'elle voulait, auprès de Désirée. Elle se mordilla la lèvre inférieure et son regard glissa jusqu'à sa table de chevet où était posé l'écrin que son amante lui avait offert. Ses joues s'empourprèrent. En se concentrant, elle pouvait presque ressentir la pression des lèvres de la jeune femme contre les siennes... Elle se demandait si Désirée lui en voulait pour son comportement, dans le manoir abandonné. Maintenant qu'elle était ici, dans cette chambre, loin d'elle, elle réalisait combien sa présence lui était nécessaire, combien elle voulait être auprès d'elle. Combien elle désirait ne plus jamais être séparée d'elle. Combien elle avait été stupide de la repousser ainsi, de refuser de lui avouer ce qu'elle ressentait. De se l'avouer à elle-même. Elle se saisit de l'écrin et l'ouvrit délicatement. Une bague sertie d'un joyau écarlate reflétait faiblement l'éclat des torches. La bague était magnifique. Pas par son éclat, ou sa valeur marchande, mais car il s'agissait d'une preuve d'amour sincère, sans aucune malice. Le joyau était rouge, comme l'étaient les lèvres de son amante. Jamais aucun des princes que son père avait fait venir ne pourrait lui offrir cadeau si inestimable, si bouffis d'orgueils qu'ils étaient et confiant dans les richesses de leur famille. Si certains d'obtenir ses faveurs pour ainsi accéder au trône... Sanaria se força à détourner le regard de la bague et referma l'écrin, à regret, avant de le poser délicatement sur la table de chevet. Ses doigts glissèrent sur le dessus de lit jusqu'à trouver le parchemin de loi. Avec, un autre avenir était peut-être possible. L'amour de son père était une chose, celui de Désirée, une autre. Mais peut-être qu'ainsi, elle n'aurait pas à choisir... Et si jamais la loi n'était pas de son côté, alors... Alors... Elle frissonna. Les flammes des torches vacillèrent avec force avant de s'éteindre. Et un sifflement s'éleva. Un sifflement qui provenait du couloir. La jeune femme resta immobile quelques instants, son coeur battant à tout rompre dans sa poitrine, le sang affluant et battant à ses tempes. Après ce qui lui sembla une éternité, elle se leva et alluma une bougie. Elle dut s'y reprendre à quatre fois tant ses doigts tremblaient. La lumière chassa les ténèbres, mais pas son angoisse, qui allait s'accentuant cependant que le sifflement se poursuivait. D'un pas lent, indécis, elle rejoignit la porte, qu'elle déverrouilla avant de se crisper sur la poignée. Ses doigts devinrent rapidement douloureux tant elle était tendue. Sanaria prit une longue inspiration qu'elle relâcha avant de pousser le panneau de bois. Le sifflement s'arrêta alors. Il n'y avait rien d'autre que l'obscurité. Elle déglutit et se força au calme. Ce devait être un simple courant d'air. Un simple courant d'air...

Elle se le répéta encore plusieurs fois avant de se détourner. La porte se referma en grinçant. Face à elle, deux yeux rouges sang la scrutaient. Elle sursauta et lâcha sa bougie qui roula sur les dalles. Sanaria se blottit contre la porte, paniquée tandis qu'un grondement bestial s'élevait. Elle ne parvenait pas à se détacher de ce regard rougeoyant qui l'observait, ne parvenait pas à bouger, tétanisée. Son cerveau lui hurlait de fuir, son corps refusait de faire le moindre geste. Un mot lui vint à l'esprit, clair et limpide : Vampire. Voilà ce qui se trouvait devant elle, dans sa propre chambre, prêt à la dévorer. Elle ferma les yeux, incapable de conserver le contact visuel, de voir la mort fondre sur elle. "

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