Popaul emploi (Fin)

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- Votre numéro d’identifiant s’il vous plait, débute Georges sur le ton neutre du fonctionnaire respectueux des procédures et habité par sa mission.

Les petits yeux clignent.

- Tu te fous de ma gueule ou quoi ? grogne le monolithe en bougeant à peine les lèvres. Si j’ai posé mon cul sur cette chaise c’est juste parce que tu me fais pitié. Alors profite que je sois dans un bon jour et casse-toi. Il est pas dit que dans les vingt prochaines secondes, je resterai aussi bien luné.

- Vingt secondes, ça suffit pour jouer à une devinette, susurre Georges soudain guilleret.

- Pfff, soupire l’autre qui pense avoir affaire à un hurluberlu.

- À ton avis, qu’est-ce que je tiens dans mon tiroir ?

Le colosse dresse le menton. À cause de l’ordinateur, il n’avait pas vu que l’agent avait effectivement une main plongée dans son tiroir. Bah, en même temps, pour ce que ça changeait.

- Chais pas moi, tes shurikens du boulot. Si t’as envie de les garder, je te les laisse, j’ai pas besoin de ces trucs de tapettes.

- Tout faux, mon pote, c’est un magnum 357, rétorque Georges d’une voix rauque. Tu sais, le genre de joujou qui t’arrache la tête avec un morceau de torse à bout portant.

Cette fois, les petits yeux se transforment en fions de charolaises.

- Qu’est-ce que tu chantes ? bégaye le gaillard qui semble avoir étréci en parallèle.

- Tu m’as très bien compris, mon pote. J’ai un flingue et si tu essayes quoi que ce soit contre moi, je décore le logo de l’agence avec ta cervelle de néandertalien.

- Tu bluffes ! glapit le musclor, les veines du cou saillantes. Tu sais très bien que tu n’as pas le droit aux armes à feu ici et que si tu t’en sers, non seulement tu iras en prison mais tu seras également radié à vie de la fonction publique.

- Ouais, je le sais, mon pote, confirme Georges, impassible. Mais il y a bien des sans-emplois qui ont attaqué des agents en dehors des plages de rendez-vous tout en sachant qu’ils subiraient le même sort. Ça s’appelle le désespoir, mon pote. Il conduit à adopter des comportements déviants. Moi, si tu m’y obliges, je te buterai sans hésiter. Qu’importe les conséquences. Quitte à tout perdre autant le faire en beauté. Avec panache. Allez tiens, je vais te l’avouer : Après toi, je ne m’arrêterai pas là. Je dégommerai également tous ceux qui seront dans ma ligne de mire. Aussi bien les autres glandus dans ton genre que mes très chers collègues. Puis après, au moment de l’arrivée des forces de l’ordre, je m’occuperai de ma pomme. Un départ en fanfare, je te dis, avec du sang et des éclairs.

- T’es complétement barré, grommelle le massif, le front piqueté de perles de sueur.

- Alors qu’est-ce que tu décides ? poursuit Georges en plissant les yeux. Tu tentes un truc ou tu retournes sagement chez bobonne ?

- Complétement barré, répète l’autre en se levant.

Quand il disparait de sa vue, Georges lâche alors son agrafeuse.

Il n’était pas né le type qui lui piquerait son poste.

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