12 L'égérie
Dans ce bistrot tranquille de la Grand-Place de Saint Amand Les Eaux, déjà visité par le quatuor, latmosphère s’était soudain tendue à leur arrivée, assurément en raison de leurs mines de conspirateurs et du climat de tension qu'ils véhiculaient. Tandis que Djé et Pierrot entraînaient Désiré vers le fond de la salle, s’évertuant tous deux à trouver les arguments susceptibles de le calmer, Kiki s'arrêta à la table la plus proche de la porte après avoir pris le boftin départemental entreposé sur l'angle du comptoir, près du téléphone. Il feuilleta avidement les pages de l'annuaire, les pieds placés dans des starting-blocks imaginaires, prêt à jaillir vers la sortie au moindre signe de menace. Le regard des quelques consommateurs paisibles, et celui du patron, rebondissaient d’une table à l’autre, comme ceux des spectateurs d’un match de tennis.
Deux fois éjecté de chez une maîtresse aux petits soins pour lui, à quelques jours d’intervalle, et pour ce même absurde motif de zoophobie compulsive, les envies de meurtre du Martiniqueur se trouvaient fondées. Kiki l’avait pleinement réalisé. Même avant le renfort de rafales de claques que Djé lui avait assénée sur l’arrière du crâne. C’est pour cette raison qu’il cherchait avec autant d’empressement la trace d’une cousine perdue de vue depuis longtemps. Abrité des regards assassins de Désiré par le comptoir, le Manouche interpella le bistrotier, à tout hasard.
- Un prof de philo dans cette ville ? Mon pauvre ! Avec un lycée, trois collèges et je ne sais combien d’école, les profs, ça n’est pas ce qui manque en ville !
- C’est une femme de petite taille, insista Kiki en tendant la main à l’horizontal, à un bon mètre du sol. Blonde…
Le regard soudain effaré de deux clients accoudés au comptoir mit un terme brutal à ses explications. Le plus âgés se frotta énergiquement la tête à travers l’étoffe de son béret, comme pour rassembler des bribes de souvenir éparpilllés par un épisode éprouvant.
- Ché Guévarette, lâcha-t-il dans un souffle, éclusant aussitôt la moitié de son demi pour se réhydrater la bouche après ce brûlant aveu.
- Guévarette ? Répéta Kiki, interloqué, en bredouillant.
- Non, pas Guévarette, t’cho. Ché Guévarette ! Ché Ché Guévarette, si te préfères. Ché comme cha qu’on l’appelle par ichi.
- Ah ! Fit Kiki. Vous la connaissez, alors ?
- Qui ché qui ne l’connotro point ! S’exclama l’ancêtre. Quand elle est d’sortie avec s’fusée jaune, même ché flics y s’mettent à couvert !
Kiki tourna un regard interrogateur vers le patron au visage lunaire, fendu d’un sourire amusé.
- Elle conduit une voiture de sport que ses amis de l’École des Mines ont faite à ses dimensions. Un vrai bolide. Elle pilote çà comme une dingue !
- Vous ne sauriez pas où elle habite, des fois ?
- Mais si ! C’est pas très loin des thermes. C’est l’une des deux propriétés jumelles de l’ancienne villa Carmen. La première en arrivant du centre ville. Impossible de vous tromper, y’a plein d’animaux qui batifolent sur les pelouses. Un vrai zoo.
La seule évocation de la ménagerie fit blêmir Kiki. Il remercia cependant de la tête et offrit une tournée au patron, ainsi qu’aux deux clients scotchés au comptoir comme des moules à leur rocher, avant de gagner la table de ses amis. Sa curieuse façon de se déplacer en crabe, prêt à prendre la poudre d’escampette au moindre signe d’agressivité, fit sourire Djé. Mais Désiré détourna la tête avec ostentation à son approche.
- Voilà ! J’ai trouvé où crèche ma cousine. Tu me conduis, Pierrot, ou tu me prêtes les clefs ?
- Prêter les clefs ! Persifla Désiré. Ce coup-ci, en plus de dormir à la belle étoile on y gagne à coup sûr un statut de marathoniens !
A l’envol de tout espoir d’un armistice rapide, Pierrot préféra écarter au plus vite les risques d’une reprise des hostilités. Il lampa son verre, repoussa la table pour ménager un passage suffisant à sa corpulence, puis il entraîna Kiki vers la sortie.
- Tu crois qu’il va me faire la gueule longtemps ? Questionna le Manouche.
- Ben !... Avoues que t’ y as quand même mis du tchien ! Deux bons coups qu’ te lui coules in moins d’quinze jours, cha fait quand même lourd… Et te sait que ch’t’hôtel, pour nous, ché pas tell’min r’commandé. ( Avoues que tu lui as quand même mis du tiens. Deux bons coups que tu lui casses en quinze jours, ça fait quand même lourd. Tu sais que l’hôtel, pour nous, c’est pas tellement recommandé.)
Parvenus sur la place, Kiki leva les yeux vers la tour abbatiale en réfection.
- C’est quand même super beau, dit-il.
- Ouais ! Mais ché pas à vinte… et pas à louer non pus, je pinse. Allez in route ! (Ca n’est pas à vendre. Pas à louer non plus, je pense. En route !)
Comme l’avait affirmé le patron du bistrot, ils n’eurent aucune peine à dénicher la villa de la cousine de Kiki. « Stéphanie Schmidt. Enseignante » indiquait la plaque de laiton apposée sur le pilastre séparant le portail de la porte d’accès. Kiki esquissa une moue dubitative, puis il pressa fermement le bouton de sonnette. Des aboiements caverneux l’éloignèrent de la porte d’un bond en arrière digne de figurer comme discipline à part entière aux olympiades. Pierrot hocha la tête de dépit.
- Te sais qu’ te devro vire un psy… ( Tu devrais voir un psy !)
- Un psy ? Répéta une voix amusée, au timbre très agréable en même temps que s’ouvrait la porte.
La taille de la propriétaire déconcerta l’émotif Pierrot dont le visage vira à l’écarlate. La dame blonde qui les dévisageait devait friser la quarantaine et les cent vingt centimètres sous la toise. Sa chevelure peroxydée à courtes mèches hirsutes, ses immenses yeux bleus à la fois surpris et interrogatifs lui donnaient l’air d’un oiseau dessiné par les studios de Walt Disney. Pas tout à fait l’idée que l’on pouvait se forger d’une ardente militante trotskyste, pasionaria de la défense du pauvre et- de l'orphelin. Pierrot focalisait toute l’attention de la jeune femme amusée par son embarras.
- Les Rolling sont de sortie, mais je suis la sœur de jumelle de Charon, un peu moins connue. Faut dire qu'elle débute. Avec lequel des Stone désirez vous vous entretenir ?
Et toujours cette voix séraphique qui se tenait hors des chemins reliant l’enfance au monde adulte.
- C’est moi, Kiki. Ton cousin. Tu ne me reconnais pas, Nini ? Plaida Kiki.
Le temps de surprise ne dura guère plus que la brièveté d’un flash et ce fut comme-ci un éclairage intérieur avait fait irradier la naine. Elle sauta littéralement sur le Manouche, le fit tourner en le saisissant aux hanches, le palpant et le serrant contre elle comme pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un mirage.
- Mais où étais-tu passé pendant toutes ces années, bon sang ? S’exclama Nini.
- Ben… tu sais bien… nos parents…Bredouilla le Manouche déstabilisé par l’exubérance soudaine de sa parente.
- Mais rentre !... Venez, ne restez pas là plantés comme des sémaphores…Tu dois en avoir des trucs à me raconter, toi, le plus tordu et le plus tordant de tous mes cousins !
Elle le saisit par un bras et le traîna littéralement vers la vaste villa trônant au milieu d’une immense étendue de verdure. De l’âne du Poitou aux cygnes, en passant par une flopée d’animaux moins facile à identifier pour l’œil d’un profane, une vraie ménagerie régnait sur les lieux. Autour d’un énorme bouquet de joncs, un Briard au poil ardoise coursait un lapin blanc, bondissant comme un ressort et lui décrochant des ruades dissuasives. Un tableau bucolique en tous points conforme à celui dépeint par le patron de bistrot de la Grand Place. Kiki sut dissimuler sa phobie, même quand le Briard abandonna quelques instants son compagnon de jeu pour venir s’imprégner de leur odeur.
- Ne vous inquiétez pas ! A par moi, ici, personne ne mord ! Les rassura Nini en les entraînant sur la grande terrasse arrière.
Tel un écran destiné à préserver un minimum d’intimité entre les espaces privés extérieurs, sur une vingtaine de mètres, une haie d’acacia séparait le domaine de Nini d’une propriété voisine rigoureusement identique. Au-delà de cet obstacle verdoyant, aucune limite ne séparait les pelouses. Pas même les marques fraîches laissées par la tonte du gazon.
- J’ai d’excellents voisins, indiqua Nini en détectant le regard étonné de Pierrot. Un couple d’anciens enseignants en retraite qui a surtout exercé dans nos anciennes colonies. Ils sont tout à fait passionnants et n’ont pas d’enfants. Enfin… à part le lapin Pan-Pan qui entretien la forme de César, mon chien, en le faisant cavaler toute la journée jusqu’à l’épuisement.
En spectateur muet, Pierrot eut droit à des révélations sur l’enfance de Kiki dont il n’avait jamais entendu parler. Le détail des placements en foyers successifs, alternant avec les séjours plus ou moins longs chez des parents nourriciers. Le tout émaillé d’évasions à répétition dans l’espoir de retrouver le reste de la fratrie ventilée au petit bonheur la chance après le décès de la mère et l’incarcération du père ivrogne et violent. Une fresque à la Zola.
Même sous des auspices moins sombres, la destinée de Nini échappait aussi à la banalité. Le hasard de la rencontre de ses parents avait fait d’elle une enfant de la balle. Chance pour elle d’être née dans ce milieu si particulier, ou avantages d’un caractère exceptionnel, jamais elle n’avait perçu sa différence comme un handicap. Née au milieu des animaux, elle s’entendait à merveille avec eux, y compris avec ceux que l’on qualifiait de fauves. Elle adorait surtout les grandes fêtes familiales qui réunissaient l’importante tribu autour d’une ancêtre ayant allègrement passé le cap des cent ans. Et, tout naturellement, c’est du plus turbulent dont elle s’était entichée ; Christian.
Son père anima jadis un numéro de motos fort prisé des spectateurs appelé la « Boule de la Mort ». Jusqu’à ce que l’attraction ne se toque de justifier pleinement son nom. Même dans les récits les plus sombres Nini maîtrisait admirablement l’art de la dérision bon enfant. Dans sa sphère en grillage, l’accident était survenu au moment où la machine atteignait une telle vitesse qu’on peinait à en distinguer les détails. L’homme et la moto avaient poursuivi leur trajectoire séparément après l’éclatement du pneu. Selon elle, pouvoir inhumer la totalité de son père avait exigé beaucoup de patience de la part de ceux qui l’aimaient au point d’en rechercher les moindres morceaux dispersés dans les gradins.
Femme d’une grande beauté, la mère de Nini se crut inconsolable et sombra dans la déprime. Bien lui en prit, puisqu’elle déclencha un amour fou chez le jeune psychiatre chargé de la soigner. « Encore heureux que je ne sois pas restée au cirque ! Ils auraient fini par me tricoter un habit d’otarie et me faire faire tourner des ballons sur le nez dans une baignoire ! » plaisanta Nini à l’évocation de ce changement de vie radical. Au final, elle n’était pas loin de croire son beau père investi d’un pouvoir surnaturel pour avoir su transformer sa phobie de l’école en une insatiable soif de connaissances.
- J’ai cessé de passer des diplômes pour ne pas écœurer les autres ! Alléguait-elle sans rire.
Si Nini n’éprouvait aucune amertume à cause d’une différence pas toujours facile à gérer, elle se révélait cependant une véritable pasionaria envers toutes les formes d’injustice sociales et de discrimination. Entraînée sur ce terrain, elle devenait intarissable et offrait à ses revendications des colorations de guerre civile. Elle allait sensibiliser les deux amis aux problèmes épiques des quotas laitiers quand Kiki la ramena à des réalités plus immédiates et plus prosaïques. Comme la manière choisie par ses amis et lui pour faire leur beurre. La prof de philo et de sociologie en resta comme deux ronds de flan. Ébahie, la Nini ! Tu parles si ça lui chantait de connaître le reste des composants de cette néo-bande à Bonnot !
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Pour une surprise, il s’agissait bien d’une totale surprise. Sciés qu’ils en étaient les apprentis gredins devant le double salon et la double salle à manger. En fait, tout se trouvait agencé en double dans la maison. Chaque partie pour les « gens normaux » comme Stéphanie possédait sa réplique à la taille standard des « trop grands ».
- Rassurez-vous ! Vous ne serez pas obligés de dîner dans la salle à manger réservée pour les gens de ma planète, se gaussa Nini à la vue de leur fasciés ahuri.
Le plus impressionné du lot resta quand même le Martiniqueur. A le voir scruter leur hôtesse avec tant d’attention, un gogo convaincu de la persistance du cannibalisme chez les Noirs aurait pu croire qu’il n’allait en faire qu’une bouchée ! Une vélléité de dégustation qui troubla Nini elle-même, puisqu’elle s’en émut en aparté auprès de son cousin.
- Ben ! Si quelqu’un me dit que ton ami ne m’aime pas, je le prends aussitôt pour un jaloux ! Il est en train de me lécher du regard comme une glace à la vanille, l’animal ! S’il me fait fondre, tant pis pour lui ! Je le garde sous clef !
- Ben justement… fit Kiki, entre deux whiskies.
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Kiki était gavé jusqu’à la glotte. Djé se pourléchait les doigts. Pierrot calait devant les dernières bouchées de chapon à l’ananas. Désiré poursuivait son massage visuel de la maîtresse de maison, plus fasciné encore par son érudition que par ses talents culinaires.
- Tu n’aimes pas ? S’informa Nini.
- Oh si ! Minauda le Martiniqueur. Mais votre conversation est si passionnante !
- Je t’en prie ! Pas de lourdeurs protocolaires !... Tu aurais préféré la cuisse ?
- Pardon ? Fit Désiré, déboussolé.
- Je parlais cuisse de chapon. Je voulais juste savoir si tu aurais préféré une cuisse… au cas où… la prochaine fois…
- Tu as réussi un clonage de poulets à quatre cuisses ? S’extasia le Martiniquais.
Les éclats de rire tonitruants de Nini trouvèrent un écho dans le lustre de cristal de la salle à manger « pour grands ». Elle posa affectueusement la main sur l’avant bras de son invité, puis sauta au bas de sa chaise pour prendre la direction de la cuisine.
Nini saisissait l’énorme coupe de profiteroles quand la sensation d’une présence la fit se retourner. Désiré se trouvait derrière elle, toutes bribes de rancoeur envers kiki à mille lieues de son esprit, les mains tendues pour la soulager de son fardeau. Leurs doigts se rencontrèrent sur les ciselures du cristal.
- Mais… voyons !... Tu es l’invité ! Protesta Nini, pour la forme.
- Invité… pas évité… du moins, j’espère ! Plaisanta Désiré de son ton le plus enjoleur.
Nini le laissa faire et lui emboîta le pas, toute émoustillée, frétillant instinctivement du croupion. Elle avait beau détester les chasseurs, en tant que prédatrice elle-même, elle trouvait ce trophée exotique tout à fait à la hauteur !
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La une des différents journaux étalés sur la table se focalisait sur le report du procès du Pape, avec force photos du truand souriant à la clef. Nini écouta attentivement les quatre amis s’exprimer sur cet épisode judiciaire avant d’émettre un avis.
- Même en admettant que vous ayez recueilli et mis ces informations à profit à son insu, un détail m’intrigue quand même dans toute cette histoire. En vous faisant obtenir la relaxe, Le Pape a fait la démonstration de ses capacités d’investigation… Même du fond d'une cellule. Alors, comment pourrait-il ignorer que vous êtes les auteurs du hold-up de la bijouterie ?
- On ne fréquente personne du Milieu. Le peu qu’on est parvenus à fourguer, on l’a fait auprès de comptoirs de rachat d’or et de préteurs sur gages, argumenta Désiré.
- J’entends bien. Mais tu avoueras qu’il est quand même étrange que les journalistes, la police et la magistrature soient unanimes pour reconnaître la signature du Pape derrière ce braquage, et que lui ne sache pas, ou ne se rappelle pas à qui il aurait fourni les détails de cette affaire… disons, « clefs en main » ?
- Où tu veux en venir ? Demanda Kiki, suspicieux.
- Tout simplement qu’en vous faisant ce cadeau, il se forgeait un doute énorme à insuffler dans la tête des jurés appelés à le juger. Les membres de sa bande qui ne se trouvent pas derrière les barreaux étaient sous étroite surveillance policière . Par crainte de l’organisation d’une évasion, d’après les journaux. Vous lui avez donc fourni un sacré tremplin vers l’acquittement. Même à votre insu.
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Kiki secoua la tête comme un boxeur groggy, puis il se pencha sur la table du salon pour se servir un nouveau whisky. Djé entrava son geste en lui posant la main sur le bras
- Suffit, la picole ! Tu piaves, tu piaves, après tu débloques à mort ! Stop !
Nini observa la scène avec un intérêt évident. Le constat de la soumission de son cousin la rassurait. Si l’intempérance ne s’inscrit pas forcément comme tare génétique, sa transmission de génération en génération est quand même fréquente dans les milieux défavorisés. Le décès de sa tante des suites d’une raclée trop appuyée du père aviné de Kiki avait durablement marqué les esprits de la famille.
- De toute façon, qu’est-ce que ça change pour nous de savoir si le Pape s’est servi de nous pour faire croire à l’existence d’une autre bande utilisant les mêmes méthodes ? Demanda Djé.
- A priori, pas grand-chose. Sur le long terme, il faut voir s’il ne viendra pas vous réclamer sa part, rétorqua paisiblement Nini.
Désiré lui prit la main pour y déposer un baiser.
- Des droits d’auteur, en quelque sorte ? Pas idiot du tout, ma belle !
- C’est une éventualité, dit-elle, troublée par le geste surprenant du Martiniquais.
- On devro quoi faire, alors ? S’informa le discret Pierrot. ( On devrait quoi faire ?)
- Peut-être chercher un receleur global, répondit l’hôtesse.
Une perspective qui imposa une période de silence assez longue. Jusqu’à ce que Kiki tressaille en désignant l’écran du téléviseur qui fonctionnait en sourdine. Les actualités télévisées diffusaient la brève interview d’un personnage que notre quatuor connaissait de vue ; le Pacha. Quittant l’arrière de la limousine dont un gorille à face de boxeur lui tenait la portière ouverte, le vieux forban se dirigeait vers l’entrée d’un dancing qui fit bondir les braqueurs amateurs ; le Stardust !
- Mais… Mais… fit Kiki.
- Arrête de faire ta chèvre… on a vu ! L’interpella Djé. Monte le son.
- On m’explique ? Demanda Nini.
- C’est dans cette boite qu’on s’est fait piéger par les filles, lâcha le Martiniqueur d’une voix sépulcrale.
- Et alors ?
- Alors… Le Pape savait forcément. Mais il n’a rien dit. Je ne comprends pas, poursuivit Désiré. Le Pacha ne nous aimait pas, pourtant il a aidés quand même à contrer les filles…
Stéphanie prit le temps de la réflexion. Les mœurs voyoutes n’étaient pas précisément sa tasse de thé.
- Une explication logique est envisageable, il me semble. Le Pape a pu vouloir vous aider dans un élan de sympathie bien réelle sans vous mettre mal à l'aise. Et le Pacha a suivi, car il lui était difficile de laisser condamner des innocents sans perdre la face devant un représentant notoire du Milieu, au seul prétexte de ne pas vouloir laisser son personnel renseigner la flicaille. Et si le Pape ne vous en a pas parlé, c’est parce qu’il a considéré qu’il n’avait pas à vous… comment on dit, déjà ?... Affranchir ? S’informa Nini avec un sourire taquin.
- Ben… alors, si le Pacha n’est pas un ennemi… et qu’il a de la mentalité… lui il doit sûrement en connaître des fourgues, hasarda Kiki.
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