L'existence
Je ne puis pas non plus être parfaitement malheureux à l'idée d'errer sans nul maître, sur des étendues plus vastes que les bornes de l'existence humaine. Certes mes héritages sont loin d'être célestes, pas plus qu'ils ne s'enfoncent dans la terre, comme autant de racines galopantes sous une surface qu'en aucun point je n'abhorre. Cette pierre que je jette, elle ne connaît de corrections dans sa trajectoire que ce qui vient après ma main. Elle parcourt l'espace et le temps, trace sa route dans le matériel, mais s'ancre néanmoins, et rattache sa voie pour ce qui est de l'instant présent.
Quel intérêt aurais-je à porter mes peurs vers un avenir nimbé de peut-être ? Quels avantages offrent les regards en arrière ? Le passé et l'avenir sont tous les deux les apôtres de l'absence. Ce qui n'est plus pour l'un, et ce qui n'est point encore pour l'autre ne peuvent torturer ce que je suis présentement.
La pensée que nous sommes les sujets princiers d'un être tout puissant me terrifie. En effet quelle responsabilité est-ce cela ? D'avoir à sa charge le devoir d'être heureux et l'assurance que la flamme ne vacillera jamais ? Il n'y a de bonheur qu'en connaissance de son contraire. Mais la pensée qu'il n'y a pas d'intelligence supérieure, derrière les merveilles dont les horizons se dessinent perpétuellement, ne participe pas non plus à gager d'une joie inaltérable et définitive. Est-ce pour cela que je ressens le besoin d'être consolé ? Je ne le pense pas.
Du privilège de naître Homme découle les nécessités de s'affranchir de l'enfant. Accepter de ne pas tout comprendre, de ne pas être le centre de gravité d'un cosmos infiniment plus signifiant que l'humanité toute entière, voilà en quoi je place ma foi. S'élever au delà de la frustration pour trouver l'équilibre, voici ce à quoi j'aspire en chaque instant.
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