1.Première rencontre

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  • Une cigarette ? proposa le beau brun en présentant son paquet de JPS à la quadragénaire accoudée au garde-corps du balcon-terrasse surplombant la Saône.

Celle-ci ravala brièvement ses larmes en tournant la tête vers l’importun et déclina poliment :

  • Non merci…

Il se saisit de sa blonde dépendance et l’embrasa sans vraiment quitter des yeux son interlocutrice. Il feignit de ne pas voir les traces de rimmel qui subsistaient sur ses pommettes et poursuivit la conversation pour tenter de la distraire :

  • Je sais que je ne devrais pas, mais c’est plus fort que moi, sourit-il. J’ai déjà essayé d’arrêter pourtant…

Elle se redressa, surprise de l’intérêt qu’elle suscitait chez ce jeune trentenaire à la décontraction BCBG, au sourire et au charme désarmants. Si elle s’écoutait, elle se blottirait dans ses bras, là , tout de suite. Contre son torse rassurant, réconfortant, musclé, viril, celui qu’elle devinait poindre sous cette chemise griffée, déboutonnée au col. Elle se le serait autorisée s’ils avaient été amis de longue date, mais ce n’était qu’un bel inconnu alors elle se retint…

Elle remarqua son regard ébène, insistant sur son visage au teint d’ordinaire si lumineux, et ne put contenir une nouvelle larme.

  • Pardonnez-moi… lâcha-t-elle dans un souffle en essuyant maladroitement sa joue humide.

Cette femme l’émouvait. La réception à laquelle il avait été invité regorgeait de bimbos peroxydées, de cougars écervelées qui n’auraient même pas attendu ses avances pour se donner, seulement elles ne l’intéressaient pas. Il était certes séducteur par nature et ne comptait plus les femmes qu’il avait couchées dans son lit, mais ne culbutait pas n’importe quelle donzelle. Il avait l’exigence hédoniste et celle-ci ne souffrait pas la médiocrité en ne se focalisant que sur le flacon. Il lui fallait le parfum, celui qui procure l’ivresse…

Ce soir-là, elle n’était pas la plus belle. Apprêtée oui, vêtue d’une longue robe de cocktail en satin sombre et parée de bijoux aussi précieux que clinquants, mais le maquillage ruiné par le chagrin. Il la trouvait pourtant jolie avec ses grands yeux émeraude voilés de tristesse, ses fines lèvres glossées carmin et les quelques mèches d'une blondeur cannelle qui s’échappaient, rebelles, d’un chignon flou malmené par une brise printanière. Ce fut d’abord le dos nu de sa robe qui l’attira vers elle, irrésistiblement, le noir de l’étoffe contrastant avec la blancheur immaculée de sa peau et offrant à son regard la perfection divine de sa chute de reins. Puis, lorsqu’elle se fut redressée pour lui faire face, ses seins, délicieusement mis en valeur par un décolleté pigeonnant. Mais davantage encore que cette plastique des plus flatteuses, c’était cette fêlure qu’elle ne parvenait pas à dissimuler qui l'intriguait le plus et éveillait son désir de la découvrir plus intimement.

  • Moi c’est Miguel, se présenta-t-il en lui tendant la main. Et vous ?
  • Laurène, répondit-elle un peu surprise en la lui serrant en retour.
  • Vous ne devriez pas pleurer pour lui. S’il vous rend malheureuse, c’est qu’il n’a rien compris à sa chance et qu’il n’en vaut pas la peine.
  • Qu’est-ce qui vous fait dire que c’est un homme qui me rend malheureuse ?
  • Je le lis dans vos yeux… Et ne me dites surtout pas que vous êtes lesbienne, parce que je perdrais alors toute crédibilité dans mon flair infaillible !

Deux éclats de rire de concert.

  • Non, je suis strictement hétéro, rassurez-vous. Mais mariée…
  • C’est lui le responsable de ce chagrin ? s’enquit-il en plantant ses prunelles dans celles de Laurène.
  • Je n’ai pas envie d’en parler, se détourna-t-elle.

Il insista. Il mourait d'envie de poursuivre sa conversation avec elle :

  • Et si on s’échappait de cette soirée ennuyeuse au possible, si je vous enlevais pour une promenade sur les quais, juste vous et moi ?
  • Je ne crois pas que mon mari apprécierait…
  • On n’est pas obligé de le lui dire… Et puis, il n’avait qu’à prendre davantage soin de vous. Allez, acceptez de lui fausser compagnie en fuguant avec moi !

Elle hésita un instant, observa brièvement autour d'elle avant de répondre et finalement accepta, d'un air décidé, presque effronté :

  • Après tout, vous avez raison ; pourquoi pas ?

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