Chapitre III, partie 1 : EXODUS
Cela faisait maintenant plus de deux heures qu'Eolia dormait dans le lit. Dieter, adossé contre ce dernier, avait laissé tomber sa tête entre ses genoux, essayant de recouvrer quelque peu ses esprits après cette courte, mais néanmoins brutale aventure.
En effet, il y a encore quelques heures, tout deux étaient dans cette rue, à deux ou trois pattés de maisons. Il avait dû tuer le garde qui la menaçait, il ne savait même pas réellement pourquoi. Cela aurait pu être un sursaut de conscience, un acte d'une abnégation extraordinaire, ou bien un héroïque sauvetage d'une jeune demoiselle en detresse. Effectivement, cela aurait pu être le cas, si il n'avait pas été une pauvre loque bouffie d'orgueil et d'ingratitude maladive. Il se rabattit donc sur la seule explication qui lui parut logique : la vue de ce garde civil qui lui tournait le dos lui avait donné envie d'user de sa lame, voilà tout.
Après avoir tué l'homme, il avait fouillé dans les poches de la jeune femme afin de savoir exactement qui elle était, et avait trouvé un badge :
Eolia Wähle, 20 ans, Lieutenant affilié au secteur "developpement technologique et recherche militaire", directrice en chef du groupe EXODUS.
Il conaissait vaguement le batîment, il avait dû y faire quelques passages -crapuleux- ces dernières années. Il l'avait donc ramenée à son lieu de travail et ils avaient été conduits dans cette chambre.
Enfin, chambre, le mot était faible pour qualifier cet endroit. Les murs étaient tapissés, le sol était recouvert d'une moquette rouge, un bureau de bois et de métal trônait à côté d'une grande bibliothèque. Le lit, lui, deux places, avait été placé dans un coin de la pièce. Ce genre de "chambre" devait être réservée à certains grades militaires, se dit-il impréssionné. Et pourtant, malgré tout ce confort et ce luxe relatif, elle portait cette tenue exentrique à base d'écharpe, de chemisette et de pantalons pattes d'eph. Difficile de l'imaginer en chef de département.
Dieter se releva, non sans difficultés. Chancelant, toujours vêtu de ses habits crasseux, il tenta de tenir debout sur ses jambes, et se dirigea vers un miroir situé à l'autre bout de la chambre. Une fois devant, il releva son t-shirt et jeta un oeil à la cicatrice formée par la balle.
Elle avait presque disparu. Il ne restait à l'endroit de l'impact qu'une vague rougeur dont il ignorait l'origine, et avait été pris d'un violent mal de tête. C'était quelque chose qui lui arrivait souvent, quand il mourait. Une migraine, qui ne durait certes pas longtemps, mais qui faisait voir des étoiles. Elle serait partie d'ici quelques minutes.
Alors qu'il se dirigeait vers la chaise derrière le bureau pour s'y asseoir, il entendit un gémissement : Eolia était en train de reprendre doucement connaissance.
Dieter s'arrêta au milieu de la pièce, une main au front, et jeta un oeil presque dédaigneux sur elle. La prochaine fois qu'elle aurait à faire à un garde, elle saurait au moins quoi ne pas faire. Lui-même ne pouvait pas être là en permanence pour la tirer des griffes de ces sauvages, et il avait sincèrement autre chose à faire que de risquer sa vie pour elle. Enfin, risquer sa vie, tout était relatif...
Elle ouvrit lentement les yeux, et regarda autour d'elle. Elle se redressa, et s'appuya contre les barreaux, dos au mur. Elle passa rapidemment une main sur ses yeux fatigués, et les tourna vers son jeune sauveur.
Compte tenu de ce à quoi elle avait assisté dans la rue, il s'attendait à ce qu'elle s'enfuie en hurlant, mais elle resta étrangement calme. Elle se leva doucement, s'approcha de lui, et dit d'une voix à peine audible :
-C'est...c'est vous, le garçon de la rue? Celui qui m'a défendu face au garde? Je...
Elle n'avait apprement pas grand souvenir de cette nuit. Le choc probablement, se dit Dieter. Mais il se préparait, au cas où : il ne pouvait pas la laisser en vie si elle avait découvert son secret ou son identité.
-C'est étrange, mais...il me semble que vous vous étiez fait tirer dessus, non? Où c'est moi qui divague? Oh, ma tête...
En se remémorant ce qu'il s'était passé, Dieter se rappela qu'elle s'était évanouie après le coup de feu. Elle ne l'avait donc pas vu ressuciter. Elle ne se souvenait pas plus du visage du garde, ni même de ce que ce dernier lui avait dit. Le jeune prince décida donc de la jouer en finesse, sans faire de mort supplémentaire qui tournerait les regards sur lui.
-Oui, propos de ça, il...il m'a loupé, c'est tout, ne vous inquietez pas. Je vais bien, d'ailleurs, voyez vous même : aucune plaie par balle !
Il souleva son t-shirt et tourna sur lui même pour lui montrer qu'il ne mentait pas. Elle se frotta de nouveau les yeux, puis fit un geste nonchalent de la main.
-Bah, j'ai dû rêver...tiens, mais nous sommes à EXODUS ? Comment est-ce possible? C'est vous qui m'avez ramenée ici? Comment saviez vous que j'y travaillais? Vous n'avez quand même pas fouillé dans mes poches, non??
-Eh bien, pour être franc, je n'ai pas eu trop le choix, vous étiez évanouie, il fallait bien que je fasse quelque chose pour vous aider.
Elle lui lança un regard inquisiteur, comme si elle essayait de voir à travers son corps. Elle s'approcha encore un peu de lui, l'examina sous à peu près tout les angles, et lui afficha une mine réjouie et souriante. Elle n'était plus du tout méfiante, du moins en apparat, et lui tendit la main.
-Lieutenant Eolia Wähle. Et vous, quel est votre nom?
-Hum, eh bien, mon nom est...heu...je m'appelle Diet.
-Hmm, "Diet", comme le régime? Enfin, au vu de votre état physique, ce n'est pas très surprenant.
Elle riait. Elle riait, maintenant, de bon coeur, pendant que lui se prenait ce commentaire de plein fouet. Il était peut-être faible, mais enfin, si il l'avait fallu, il lui aurait quand même retourné une tarte à celle là. Elle lui donna une tape sur l'épaule.
-Allons, je plaisante. J'ai cette habitude, de rire sur des trucs un peu horribles. J'ai 24 ans, il faut bien que j'en profite un peu. D'ailleurs, nous devons bien avoir le même âge. Ca me fait penser que je pourrais vous trouver quelque chose à vous mettre, parce que dans cet accoutrement, vous riquez de vous attirer les gars de l'OLCASA.
L'OLCASA, l'organisation de lutte contre l'anonymat des sans-abris. C'était une organisation gouvernementale qui était censé repertorier tout les sans domicile du pays, dans le but de leur offrir un toit. Mais dans la réalité, ils ressemblaient d'avantage à une police économique, dans ce pays où on aime pas les pauvres.
Elle revint assez vite, les bras chargés de vêtements. Elle lui posa un tas informe de tissus sur les bras, et lui indiqua une porte.
-Voilààààà. Avec ça, vous devriez pouvoir être plus présentable. Dîtes moi si la couleur ne vous plaît pas, il me reste du rose !
Elle lui fit un clin d'oeil et prit une porte sur laquelle était marqué "VESTIAIRES". Elle aussi devait avoir à se changer, supposa-t-il. Il était un peu réticent à l'idée d'accepter une tenue de l'armée, mais il ne pouvait pas garder ses vêtements troués. Il décida donc de se changer, retira ses vieilles loques, et les remplaça par les habits neufs qu'on lui avait donnés.
Devant le miroir, il dut bien avouer que le résultat lui plaisait : Une chemise de lin blanc par dessous un gilet brodé gris sans manches, un pantalon en tissus noir rentré dans de hautes bottes de cuir montantes, et un par-dessus brun. Il se tourna et se retourna, afin d'admirer le résultat, qui lui plaisait décidemment de plus en plus. Il n'avait pas eu autant de classe depuis des siècles, sans éxagération. Le tout était peut-être un peu lourd et un peu pompeux, mais après tout pourquoi pas. Le luxe ne le dérangeait pas.
Elle aussi ressortit, maintenant vêtue d'un habit militaire typiquement lazarien : Un pantalon noir slim, une chemise blanche, une veste bleue avec épaulettes bordée de rouge, et les trois barres caracteristiques de son rôle de lieutenant.
Elle réajusta un peu son pantalon, qui, au vu de son expression, la gênait. Elle était sur le point de venir discuter quand, brusquement, la porte s'ouvrit, laissant apparaître un jeune homme, ésoufflé et fatigué.
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