Chapitre V, partie 5 : Les premiers jours

6 minutes de lecture

A l'interieur, tout semblait normal. Les employés travaillaient, les quelques scientifiques terminaient de récuperer les relevés que nous avions effectuésdans le laboratoire, et les cinq membres du groupe s'affairaient à tester virtuellement les effets du produit. Je n'y comprenais pas grand-chose, des formules chimiques et des chiffres apparaissaient en permanence sur l'immense écran incurvé qui tapissait une grande partie du mur de la salle. Les informations circulaient à une vitesse vertigineuse, on voyait bien qu'ils avaient l'habitude de ce genre de choses.

Eolia descendit au niveau le plus bas, là où se trouvait son "second", Willy. Je ne savait rien des fonctions de ce dernier, mais il semblait avoir un rôle particulier. 

 -Alors Will, dit-elle, comment se déroulent les relevés?

 -Aucun problème majeur, répondit-il d'une voix assez monotone. Comme d'habitude, l'experience s'est plutôt très bien déroulée. Mais la prochaine fois, vous pourriez éviter de répandre quelque chose d'aussi dangereux sur le sol, mon Lieutenant, il va falloir que je me charge du remplacement des dalles.

Il affichait un grand sourire un peu niais, mais je sentais bien que ce n'était qu'une façade. Je m'approchai alors de lui, et son air jovial disparut d'un seul coup. Il me considéra assez froidement, et me dévisagea encore une fois dans les moindres détails. Je tentai un vague sourire amical qui n'eut absolument aucun effet.

 -Toi, la prochaine fois que tu prépares l'experience en amont, évite de prendre autant de temps. Tu nous as fait perdre de précieuses minutes.

Mon sourire retomba. J'étais désolé, mais quand on manipule des produits aussi dangereux et volatiles que des sels d'acide fulminite, on prend des précautions. Si il voulait le faire correctement, il n'avait qu'à le faire à ma place. Je savais pertinemment que je ne pouvais pas lui dire ça, cependant, au vu de l'écusson qu'il portait sur le coeur : deux barres horizontales. Il était sous-lieutenant, donc techniquement mon superieur hierarchique. Je n'avais aucun grade, et par conséquent uniquement le droit d'obéir. J'espérais ne pas avoir à rester dans cette situation trop longtemps, car j'avais plus ou moins horreur d'être dirigé.

 -Très bien, monsieur. J'y ferai plus attention la prochaine fois.

 -J'aime mieux ça. 

 -Will, s'il te plaît, intervint Eolia.

Nous nous retournâmes tout les deux vers elle. Elle avait posé les poings sur les hanches, sans doute dans une volonté de paraître plus imposante. Elle prenait son rôle de directrice très à coeur, apparemment.

 -Dieter est notre consultant, je te rappelle, alors évite ce genre de reflexion.

Willy se retourna à nouveau vivement, vers moi cette fois ci, les yeux écarquillés au possible. Je ne comprenais pas très bien, le stade de consultant ne devait pas être très important. En tout cas, bien moins que celui de sous-lieutenant.

 -Mais...mais vraiment...genre pour de vrai?!

 -Oui mon petit, genre pour de vrai, répondit-elle en se retenant de rire.

Le jeune homme, qui devait avoir la trentaine -donc virtuellement plus âgé que moi- ,se tassa sur sa chaise en grognant, et reprit vite fait son travail de bureaucrate. Eolia, elle, prit un air satisfait, et remonta très vite sur l'estrade superieure. Elle tapa du plat de la main sur son bureau, attirant ainsi l'attention de tout le personnel.

 -Je demande votre attention, s'il vous plaît. A partir d'aujourd'hui, Dieter, le gars habillé bizarrement en bas, là, sera consultant à EXODUS. Il sera par conséquent Lieutenant en second. Vous vous referrerez à lui comme à moi, me suis-je bien faite comprendre? 

Sur le moment, j'avais vraiment cru mal entendre. C'était une plaisanterie, ou quoi?! Je venais à peine d'intégrer ce groupe, et me voilà promu d'un seul coup au rang de Lieutenant de l'armée Lazarienne. Je remontai moi aussi en vitesse vers elle pour lui demander des comptes. Je devais vraiment avoir l'air bête, je sentais bien que le sang me montait au visage devant les regards tournés vers moi. 

 -Mais à quoi tu joues Eolia?! Ca fait trois jours qu'on se connait, je ne suis même pas sûr que tu aies le pouvoir de nommer des lieutenants! Qu'est ce que ça veut dire??

 -Ca veut dire, mon cher, que tu restes à mes ordres mais que tu peux autant que moi soumettre des idées d'opérations ou d'experiences au grand-lieutenant. Jai pensé que ta place serait plus à mes côtés qu'en dessous de moi, étant donné ton intelligence plutôt remarquable et notre...discussion. Sur ce, tu m'excuseras, mais c'est l'heure d'aller manger.

Elle se retourna alors vers la porte, l'ouvrit à l'aide de son passe, et courut comme une dératée vers la cafétaria toute proche. Décidemment, cette femme n'étair pas comme les autres. Moi qui m'attendait à découvrir un lieutenant obeissant et soumis à la hierarchie, je venais de rencontrer une fille indépendante et un peu folle sur les bords. Ca ne pouvait ne m'être que bénéfique. Un autre aurait été difficile à manipuler, j'aurais dû attendre des années avant de pouvoir ne serait-ce qu'approcher le rang de sous-lieutenant. Là, en quelques minutes, me voilà projeté à une position non seulement puissante mais aussi très pratique. Mon niveau d'accréditation venait d'exploser, et je pouvait maintenant probablement acceder à des informations très spécifiques classées. Je me doutais qu'elle me reservait un rôle dans ce qu'elle voulait accomplir, mais pour l'instant, je devais me concentrer sur mon objectif premier : découvrir la raison de ma capacité régénerative.

Les jours suivants passèrent comme dans un rêve. Une partie de mon temps était consacré à mes recherches, l'autre partie à la vie en communauté avec mes nouveaux subalternes. Si la majorité d'entre eux n'avaient eu aucun problème avec ma nomination, Will, lui, ruminait du noir en permanence. Il en crevait de jalousie et de frustration, ce qui me réjouissait un peu. J'appris ainsi à connaître un minimum les deux scientifiques du groupe d'Eolia, Alicia et Sélena, ainsi que les deux autres bureaucrates qui s'occupaient de la paperasse, Edward et Marty. Will, lui, continuait de me refuser sa compagnie. Je n'en avais strictement rien à faire, il pouvait tout autant se noyer dans ses produits chimiques -car oui, il était aussi chimiste- sans que ça me fasse le moindre effet. C'était déjà arrivé, d'ailleurs, il avait une fois failli se faire brûler à l'acide dans son petit labo. Il était perturbé par mon arrivée, c'était certain.

Mais je devais aussi me méfier de cette enquête concernant le corps du garde que j'avais tué. J'avais été très imprudent, j'aurais vraiment dû le droguer ou bien l'assomer. Le tuer avait été une erreur. Maintenant, l'armée et la garde civile de Quantopolis étaient sur mon dos, et je devais m'en dêpetrer très rapidemment.

Ce matin là, alors que je venais de prendre mon petit déjeuner avec Eolia et les autres membres du groupe, je fus interpellé dans le couloir principal par un soldat. Il me tendit une lettre cachetée, et je reconnus aussitôt le sceau du ministère de la justice : la fleur et le bouclier, un symbole qu'utilisaient déjà l'empire.

 -Monsieur Dieter, commença-t-il, monsieur le grand-lieutenant Tadéo me fait vous remettre une convocation. Vous devez vous y rendre dès demain après-midi, dans la salle indiquée sur la lettre.

Je le regardai avec consternement, et considérai l'enveloppe. Je brisai le cachet, m'éloignai un peu du groupe, et lus les quelques mots manuscrits à l'encre du grand-lieutenant.

"Veuillez vous rendre dans la salle douze pour une conférence dans l'affaire numérotée N°83-BBC-f. Vous viendrez seul, en tant que suspect. Ce n'est ni un procès, ni un réquisitoire. Les éléments à charge contre vous vous y seront énumérés. Ne soyez pas en retard. Une abscence, justifiée ou non, sera gratifiée d'un blâme. L'heure convenue est 13h30."

Ca y'est, l'enquête me rattrapait déjà. J'allais devoir jongler avec ceci désormais, en plus de mon travail au groupe et de mes petites fouilles privées. J'avais plutôt interêt à m'y rendre. Si je ne m'y trompais pas, ils n'avaient pas encore d'élements accablants qui auraient pu m'incriminer d'une manière ou d'une autre. Le sang mettrait encore quelques temps avant d'être soumis à analyse. Il m'allait falloir la jouer fine si je voulais sortir indemne de cette affaire. Mon grade de Lieutenant ne m'était d'aucun secours dans cette situation.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Guillaume Conpte ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0