Chapitre VII, partie 3 : Première mission à EXODUS
Cependant, ma montre indiquait maintenant une heure plus que tardive. Dans ma volonté de récuperer ces fichues données, j'avais perdu beaucoup de temps inutilement. Je passai une main dans mes cheveux, sans raison particulière, et tentai de me rappeler le lieu du randez-vous. Il n'y en avait pas eu, mais le départ aurait probablement lieu près du garage principal. C'était là qu'étaient rangés les véhicules utilisés lors des mission, d'après ce que j'avais pu comprendre.
Par chance, ce garage se situait tout près d'ici, et j'y serais en un rien de temps si j'empruntais le couloir principal.
J'étais donc, la seconde d'après, en pleine course, et j'arrivai après quelques minutes au garage. Ces quelques centaines de mètres avaient suffit à me fatiguer, ma forme physique était décidémment bien pitoyable. Malgré cet effort, je ne pouvais que constater ce que j'avais immaginé : ils étaient déjà tous partis, une bonne partie des véhicules avait disparu ainsi que les quelques armes de service qui s'y trouvaient.
En pénétrant à l'interieur de l'abri, qui devait bien pouvoir contenir plusieurs dizaines d'engins, plusieurs éléments étranges me sautèrent aux yeux. Premièrement, une partie du garage était bien plus haute que les autres, et atteignait peut-être une quarantaine de mètres. De plus, au sol, d'immenses chaînes d'acier avaient été enroulées. Des traces qui me semblaient être celles de chenilles recouvraient également une large partie du sol bétonné. Elles faisaient approximativement 5 mètres de large, et les deux traces étaient séparées d'au moins une trentaine de mètres. Quel que fût cet engin, il était vraiment énorme, et avait été sorti très récemment. En y regardant de plus près, on pouvait même dire que cet engin à lui seul avait été sorti, considérant sa taille remarquable.
Mon attention se reporta rapidemment sur les quelques véhicules qui avaient été laissés ici. Eolia ne m'en aurait sûrement pas voulu d'avoir emprunté un simple deux-roues pour les rejoindre, et personne ne surveillait de toutes les manières. Je sautai donc sur une moto de l'armée, la première qui venait, enclenchai le mécanisme de démarrage et déclenchai l'ouverture de l'immense volet roulant. Tout un rafut qui allait me coûtait peut-être cher, mais je pouvais décemment pas manquer à mes obligations professionnelles, pensai-je ironiquement.
Tout avait l'air bon, pas besoin de réalimenter la bestiole en strabonite, les cadrans indiquaient une utilisation optimale. L'éternel intelligence artificielle qui équipait tout ces engins me proposa, encore une fois, le pilotage automatique, mais hors de question de laisser un robot conduire. Je savais conduire, je voulais conduire, et en plus j'avais horreur des voix robotiques. Un fil coupé, et hop, j'avais le plein contrôle de mon véhicule et tout irait pour le mieux.
Par chance, le GPS contenait le plan pour se rendre sur les lieux de l'opération en cours. Il devait avoir été transmis à tout les véhicules, que ceux-ci soient ou non utilisés. Selon ce plan, les membres du groupe s'étaient éloignés de la capitale, et étaient à environ une dizaine de kilomètres d'ici. Une sorte de plaine, près du fleuve du nord, était marqué d'une cible clignotante sur l'écran du tableau de bord.
-C'est marrant, pensai-je en regardant la carte de plus près, mais cet endroit me rappelle vaguement quelque chose...
J'avais la possibilité d'élargir la carte, ou de faire un zoom, mais j'avais perdu assez de temps comme ça. On verrait bien sur place. En attendant, il me fallait les rejoindre le plus vite possible, un autre blâme me pendait au nez.
Le moteur s'alluma automatiquement dans un ronronnement caracteristique, et entraîna la moto sur la route de bitume. Le trajet, à la vitesse à laquelle je me déplaçais, serait très vite fait. En moins de deux minutes, j'étais déjà sorti de la ville et circulai désormais sur les chemins campagnards alentours. Les traces de chenilles similaires à celles trouvées dans le garage m'indiquaient sans erreur possible la route à emprunter.
Le vent frais de cette fin d'après-midi caressait mon visage, et les odeurs printanières des fleurs et des sèves d'arbres venaient titiller mon nez. Je ne savais plus si nous étions au printemps, ou en été. Cela faisait des années que je n'avais plus revu les grandes étendues hérbées et boisées de Lazaria, pas depuis la création de l'OLCASA trente ans plus tôt. Ces larbins chassaient littéralement les sans-domicile en rase campagne, ce qui m'avait forcé à fuir en ville où les contrôles étaient moins nombreux et moins fréquents. Mais les bouleaux, les grands chênes et les forêts de hêtres qui jalonnaient ces terres m'avaient manqué. Il était loin le temps où mon père et moi nous les parcourions à cheval, dans l'insouciance généralisée qui caracterisait cette époque tranquille.
Pour tout dire, le chemin lui-même me paraissait étrangement familier. Sur le bord de la route, le grand fleuve du nord qui jadis approvisionnait la ville de Quantopolis en eau et en boues fertiles serpentait sans troubles. Encore derrière, quelques valons rebondis laissaient entrevoir les ruines d'anciens villages abandonnés, datant de l'époque où les grandes villes de ce pays ne concentraient pas l'intégralité de la population. Ils s'appelaient Silla, Ezembrun ou Pharmins et représentaient l'âme de l'empire lazarien. Enfin, plus loin encore, le mont des quatre félons sommeillait et gardait les quelques rares ruraux qui peuplaient son pied.
J'étais presque certain de reconnaître cet endroit. Le lac et les valons étaient clairs, dans ma mémoire. Quant à savoir à quel moment j'avais bien pu m'y rendre, c'était une toute autre histoire. Probablement étais-je venu faire un tour il y a quelques décénnies par ces chemins, en promenade ou après avoir dérobé une voiture ou un cheval. Je fermai un instant les yeux, emportés par ces réminiscences d'un autre temps.
Occupé à repenser à toutes ces sensations, à tout ces souvenirs, je n'avais pas remarqué le léger bip sonore qui émanait du tableau de bord de mon véhicule. Celui-ci m'indiquait que j'étais arrivé à destination. La moto freina toute seule, bien que le pilotage automatique fût désactivé. J'ouvris les yeux, un peu désabusé d'avoir été ramené à la réalité des choses aussi brusquement. Je posai pied à terre, remis en place la béquille qui soutenait l'engin, et me retournai.
Je m'arrêtai cependant immédiatement. Loin des fragrances d'antan que j'avais retrouvé quelques secondes plus tôt, le spectacle qui m'était offert m'arracha tout d'abord un retour gastrique de dégoût.
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