Chapitre VII, Partie 8 : Première mission à Exodus

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L'explosion fut tellement violente que, malgré ses pieds arc boutés au sol, Dieter fut projeté en arrière et retomba mollement sur les fesses. La machinerie, elle, explosa carrément dans un nuage de fumée opaque et âcre. A quatres pattes, Dieter s'éloigna de la fumée toxique et se couvrant la bouche. Les matériaux utilisés dans la construction de ce genre d'engins ne respectaient aucune norme environnementale, si tant était qu'il y en eût une.

Après quelques minutes, il s'affaissa sur le sol en toussant très violement. Il crachait sur le sol d'énormes glaires grisâtres, et manqua d'étaler son repas de midi sur le sol. En se retournant, tant bien que mal, il put constater les dégâts terribles qu'avait provoqués son arme. A la place du panneau, un trou béant duquel ressortaient fils, câbles et roues dentelées déchiquetées par la force de l'explosion. La chenille avait même lachée, et l'immense canon s'affaissa sur son flanc gauche de plusieurs dizaines de centimètres dans un bruit assourdissant.

Dieter mit plusieurs secondes à se relever. Sa vision était brouillée, il avait été frappé de plein fouet par la déflagration. Il n'entendait plus grand chose, et tentait de se dégager de cet énorme nuage noir qui l'entourait et l'éttouffait. Il réussit à se mettre sur ses pattes et à s'enfuir pour se cacher dans un buisson. Une fois là bas, il s'accroupit, et prit le temps de retrouver ses esprits.

Très vite, une nouvelle alarme s'activa, plus forte. Les officiers et les scientifiques, toujours occupés à éteindre l'incendie du câble d'alimentation, ne savaient plus où donner de la tête. Quelques uns arrivèrent avec des lances à eau, d'autres avec des extincteurs. Mais la faible visibilité semblait vraiment les gêner.

Dans son coin, Dieter riait doucement. Il n'avait peut-être jamai utilisé son arme avec cette puissance, mais ça en avait valu la peine. En plus, toute cette crasse dans l'air lui permettrait de revenir comme si de rien n'était et de faire son rapport. Il devrait juste se faufiler discrètement entre les arbres, revenir sur le petit chemin et ne pas se faire prendre.

Il se releva donc et courut jusqu'à la montée qui conduisait à Kona. Il remonta ainsi tranquillement, et réintégra son personnage.

Arrivé à la vue des soldats, il afficha une expression d'étonnement franchement éxagérée. Il arrêta un officier dans sa course pour lui demander ce qu'il se passait. Celui ci lui répondit, hors d'haleine.

 -J'en sais rien, y'a un câble qui a sauté et le Gauss IV qui a explosé aussi et...merde, j'ai pas le temps, va demander à ton supérieur...j'arrive, Pete, j'ai ton truc !

Il repartit en courant vers le dénommé Pete, qui lui faisait des signes et lui criait de revenir fissa. Dieter, lui, s'empressa de revenir au module de commandement où se trouvait Eolia. Le centre était en ébullition, certains étaient au téléphone à gueuler des ordres, d'autres faisaient un rapport vocal à leurs supérieurs de la capitale, d'autres encore cherchaient des solutions avec des scientifiques autour de la table digitale. Le lieutenant Wähle, elle, semblait en pleine conversation avec un autre officier paniqué. Elle lui donna une tape sur l'épaule, et le renvoya à l'exterieur. Voyant Dieter, de l'autre côté, elle vint vers lui visiblement énervée.

 -Oh toi je sais pas où t'étais mais je te retiens ! Tu peux pas être là quand on a un problème de ce genre, nom d'un chien?!

 -Mais j'étais allé faire mes relevés, mon lieutenant, comme vous me l'avez ordonné, dit-il en lui remettant une feuille de papier, noircie par la fumée environnante. Je ne conteste pas les ordres.

 -Apprend à les contester un peu plus, si tu le veux bien, répondit-elle en arrachant des mains du jeune garçon les feuilles qu'il lui tendait. Elle avait l'air un peu perdue dans ses pensées. Derrière elle, des indicateurs lumineux s'allumaient un peu de partout. L'opération est annulée, la seconde experience n'aura pas lieu comme prévu avec tout ce foutoir.

 -L'experience, demanda Dieter ?

 -Oui, un seconde tir était prévu. Il y a une poche de resistance impérialiste plus bas dans la forêt qui entoure l'ancien village. Mais là, ça risque d'être compliqué.

Quand elle eut terminé de parler, un soldat, sous-lieutenant, s'approcha d'Eolia et la salua, avant de s'adresser à elle.

 -Madame, j'ai un message de la part du Grand-Lieutenant Fédéreau à vous transmettre. Il demande de procéder au plan de sécurité.

 -On est vraiment obligés? On ne peut pas leur tirer dessus, c'est pas une raison suffisante pour les laisser s'enfuir?

 -Au revoir, Madame.

Sur ce, il s'éloigna et reprit son poste. Eolia, de son côté, était bien embêtée par cet ordre. Elle y réfléchit pendant plusieurs secondes, devant un Dieter plein d'interrogations. Quel était ce plan de sécurité? Ils allaient ramasser les resistants pour les enfermer? C'était probable, mais les prisons politiques des grandes villes commençaient à saturer.

Elle se reprit après un instant de réflexion. Elle releva la tête, se passa les mains dans ses cheveux teints et poussa un long soupir qui avait un air de "bon, ben puisqu'il le faut". Elle prit un micro qui se trouvait sur la table adjacente, et demanda l'attention de la base.

 -C'est le lieutenant Wähle qui vous parle. Activation du plan de sécurité. Compte à rebours lancé, heure H moins trente secondes. Tout les officiers artificiers à leur poste de commandement.

Dieter se rapprocha d'elle, après qu'elle eût posé le micro.

 -Euh...c'est quoi, le plan de sécurité?

 -Ecoute Dieter, je veux que tu comprennes que malgré la discussion qu'on a eu dans le laboratoire, je reste aux ordres, et je n'ai pas le choix. C'est un grand-lieutenant qui a donné cette directive. Je ne peux pas m'y soustraire.

 -Qu'est-ce que ça veut dire, demanda-t-il? Il commençait à prendre peur, au vu du ton que prenait Eolia.

 -Je ne peux pas faire de sentimentalisme. Je ne peux pas réflechir. Je ne peux pas contester. Je suis soumise à la démocratie, je n'ai pas de liberté. Je n'aime pas vraiment ça, comme toi, mais on a pas le choix. Tu comprends?

 -De quoi est-ce que tu pa....

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Le complexe fut secoué par un tremblement de terre, très léger, qui fut suivi par un bruit d'explosion. Tout le monde tourna le regard vers l'exterieur. Une lumière orangée illumina les murs, dans l'atmosphère sombre créee par la fumée et le soir tombant. Dieter, les yeux écarquillés, se précipita dehors pour voir ce qu'il s'y passait.

Au loin, dans la forêt, à proximité de Kona, un brasier gigantesque brulaît arbres et buissons. Il s'étendait sur plusieurs dizaines de mètres. A côté de lui, Dieter voyait les artificiers près d'un levier qui avait commandé l'explosion. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que c'était là bas qu'était la poche de resistance. Plusieurs survivants de Kona devaient s'y trouver également.

Eolia, lentement, s'approcha de Dieter et contempla avec lui le carnage incendiaire qui dévorait la plaine. Lui, pétrifié, tourna lentement son visage vers elle, le regard vide.

Cette vision était de trop pour lui. Sa famille adoptive avait été carbonisée, et le reste de ses sujets venaient d'être massacrés sous ses yeux. Il voulait partir, retourner à sa vie de clochard mendiant. Les informations qu'il désirait nécéssitaient-elles qu'il fasse partie de ce projet monstrueux? Si c'était le cas, alors comment pouvait-il y prendre part? Un secret vallait-il bien la vie de ces personnes, de ses anciens amis, de sa famille?

Il recula et se retourna, le pas traînant. Mais le lieutenant le retint par le bras, et lui murmura ses quelques mots, presque inaudibles dans le fracas des flammes.

 -N'entreprend rien d'insensé. Garde ton indignation pour toi, c'est dans ton interêt.

Il se dégagea de son emprise, baissa la tête, et lui répondit dans un souffle.

 -C'est marrant. Penser que tu m'as demandé de contester les ordres, et de voir ces gens brûler par ta faute. Tu me fais beaucoup rire, Eolia.

Sur ces paroles, il s'en alla dans la fumée, sur le petit chemin, peut-être pour aller se recueillir sur les restes fumants de son village et de ses habitants. Eolia, pour sa part, resta plantée au milieu des pompiers qui s'activaient pour éteindre le canon en feu, fouttée par le vent qui se levait et par l'odeur qui prenait à la gorge. Elle regarda encore longuement le village et la forêt en feu.

 -Je suis désolée.

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