Chapitre VIII, Partie 3 : Le président à l'assemblée

5 minutes de lecture

Les parlementaires encore présents ne surent plus trop quoi dire. Il était vrai que la répression des phariens coûtait cher à l'armée du pays, mais il n'était pas pour eux concevable qu'on laissât faire des terroristes et des rebelles. Des murmures commencèrent à s'élever. Le jeune député, toujours debout, fit signe de la main à la présidente de l'assemblée.

 -Kardrija, commença-t-elle, tu sais bien que les décisions prises à l'assemblée font force de loi. Tu ne peux pas les contrer sans t'attirer les foudre du législatif.

 -Au diable le législatif, Ignioria. J'ai été élu président de la démocratie lazarienne il y a dix ans pour diriger cette fichue démocratie. J'ai été formé par l'Ecole Démocratique Lazarienne pour assurer la continuité de notre système. Or, depuis mon accession au pouvoir, je ne vois que des décisions stupides et sans intérêt. On jette de l'argent par les fenêtres dans une guerre qui ne nous rapporte rien !

 -Elle nous apporte le pouvoir, objecta violement le jeune garçon !

 -Le pouvoir n'est rien sans but, mon garçon ! Je me fiche bien de ce but, chacun en possède un différent. Mais force est de constater que ce que nous faisons n'obéit à aucune logique politique ! Donc je vous demanderai de me dire clairement, présidente Ariana, si notre présence sur ce bout de terre sert les intérêts de la démocratie ! Documents en main, chiffres à l'appui, je me soumettrai à ce que vous me présenterez et vous remettrai ma démission si nécéssaire.

Pas décontenancée par les propos d'Oswald, Ariana reprit quelques secondes après.

 -Très bien, monsieur le président, dans ce cas nous allons traiter du cas de la Confédération. Tu as entendu parler de la demande formulée par le roi Gaahr, je suppose.

Oswald, qui s'était dréssé vent debout contre le parlement entier, s'assagit rapidement. Il baissa les bras et rentra son torse bombé. Il fit un léger mouvement d'épaules, un mouvement d'interrogation.

 -C'est un sujet que je n'ai pas étudié, je ne peux pas me prononcer dessus.

 -Oui, mais tu dois savoir de quoi il retourne, non? Tu peux donc me dire si cela favorise nos positions géopolitiques et économiques selon tes critères, je me trompe?

Le président recula et se rassit doucement sur sa chaise. Il savait très bien de quoi il retournait dans ce dossier, car il l'avait décortiqué dès qu'il en eût appris l'existence. Des pages et des pages à lire, toute la nuit. Il n'en avait pas dormi. Mais il refusait simplement d'admettre que cette grande blonde et ce petit puceau politique avaient raison. 

 -Je pense, madame la présidente, qu'il n'est pas l'heure d'aborder ce dossier.

Kardrija se retourna. L'homme en vert s'était levé, et venait d'articuler ses premières paroles. Il avait les très assez tirés, et son visage donnait une impression permanente de vous scruter. 

 -Esperanto de la Vienna, vous avez raison, mais j'aimerais tout de même connaître l'avis de monsieur le président sur ce sujet. Kardrija?

 -Esperanto, reprit Oswald qui se releva, ce n'est pas la peine d'intervenir. Ignoria, si tu veux vraiment savoir ce que je pense de cette histoire, ça ne me plaît pas du tout. Notre situation interne en patîrait très rapidement. De plus, comme je l'ai dit tout à l'heure, Gaahr, tout roi qu'il est, n'est pas en mesure de légiférer contre l'avis de son peuple.

 -Si vous me le permettez, monsieur, dit un autre député qui s'était levé, j'aimerais faire remarquer que le peuple de la confédération n'est pas un "peuple" à part entière. C'est un conglomérat de peuples, qui a accepté de se placer sous l'autorité du roi confédéré.

 -Cela ne change rien. Rien du tout. Le pouvoir implique des responsabilités, et quand on est un roi qui a juré de servir son peuple tout en se prétendant démocrate, on ne prend pas ce genre de décisions à la légère ! Je suis résolument contre. J'en toucherai quelques mots au ministre des affaires externes...

 -Madame, dit alors le dénommé Esperanto à la présidente, s'il vous plaît...

 -Je sais, Monsieur le ministre. Kardrija, ce problème n'est pas à l'ordre du jour. Nous en reparlerons une prochaine fois. La séance est levée !

 -Oh que nenni, Ignioria, je compte bien débattre encore quelques heures, je n'ai pas fini.

 -La séance est levée, Kardrija, redit-elle sur un ton professoral.

 -Mais enfin je...

 -Levée.

Le pauvre président compris qu'il n'obtiendrait rien de plus. Derrière lui, les sièges déjà se vidaient, à vitesse grand V. La plupart des députés étaient déjà sortis, ainsi que les sénateurs. Seuls restaient dans la salle Esperanto, qui refermait son sac et s'apprêtait à sortir, Ariana qui descendait de son pupitre et Oswald, pantois devant l'hémicycle, ne sachant plus trop s'il lui servait encore de s'exprimer. Il remballa quand même son orgueil, retourna à son siège et prit ses affaires pour s'en aller.

Il sortit par une des portes qui se trouvaient sur les côtés. A la sortie, le général des armées Kobe l'attendait, un peu anxieux.

 -Comment s'est passé cette réunion, monsieur?

 -Une véritable mascarade, dit-il en enfilant la veste marron que lui tendait Kobe. Mais je commence à être habitué, j'ai l'impression d'assister à une représentation théâtrale. Bon, quelles sont les nouvelles sur Terre, Mon ami?

Ils se mirent en route. L'allée qu'ils empruntaient était séparée de la route par des grillages, mais cela n'était pas utile : presque personne ne voyait le président Oswald depuis son accession au pouvoir, peu savaient à quoi ressemblait le président de la république.

 -Rien de bien particulier. Nos armées combattent, nos politiciens végètent et nos ministres font semblant de travailler. Vous allez avoir du travail en rentrant au palais présidentiel.

 -J'en suis ravi.

 -Cependant...

Oswald tourna la tête vers son chef des armées avec une appréhension particulière.

 -Quelque chose ne va pas?

 -Rien de très important à mon avis, mais il est vrai qu'EXODUS nous pose quelques soucis.

 -EXODUS...le groupe de recherche plus ou moins officiel que vous supervisez?

 -Oui, enfin c'est vite dit, je lis les rapports les concernant...d'ailleurs, il se trouve que plusieurs rapports d'incidents me sont parvenus.

 -Oh, vraiment? racontez moi...

 -Eh bien on me rapporte que plusieurs missions ont échoué, en amont du fleuve du nord. Un de nos canons de Gauss IV, dernière génération, a même été complètement saccagé. On pense à un sabotage impérialiste.

 -Ils ne se calmeront jamais, ceux-là...et qu'en pense le général-démocrate Parkov?

 -Il ne semble pas particulièrement inquiet.

 -EXODUS a montré de bons résultats jusqu'ici, pourtant. Ecoutez Kobe, j'aviserai de la situation en temps voulus. Pour l'heure, j'ai plus important à faire. J'ai l'intention...

Il fut interrompu par le vrombissement d'un moteur de voiture. Une limousine blanche, aux armoiries de la démocratie lazarienne, s'arrêta devant eux, et un valet en tenue bleue en sortit. Il invita le président à entrer. Celui-ci, sans se retourner vers Kobe, s'assit sur le siège arrière et posa son attaché-casé.

 -J'ai l'intention de me rendre à Fenestris. Certaines choses me semblent de plus en plus louches, et j'aimerais m'assurer de certains soutiens. Vous assurerez l'interim pendant mon absence, compris? Et ne provoquez pas de guerre, j'aimerais pouvoir profiter d'un mandat tranquille...

Kobe se redressa sur ses talons, et salua vigoureusement son superieur.

 -A vos ordres, Monsieur le Président !

La porte se ferma, le moteur démarra, et la limousine disparut dans les allées de la capitale.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Guillaume Conpte ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0