5 - Une épée, un bâton et un couteau

6 minutes de lecture

Travounn tenait une torche dans une main et une épée dans l’autre, l’acier brillant sous le reflet des flammes dansantes. À ses côtés, Damce brandissait un bâton d’une beauté époustouflante. Des inscriptions anciennes, mystérieuses et élégantes, parcouraient le bois, dessinant des motifs complexes et envoûtants. C'était la première fois que j’apercevais cet objet remarquable. D’un geste ample, père et fils se mirent en posture de défense, Travounn pointa la torche vers moi, ses yeux brûlant d’une détermination farouche.

Soudain, dans le silence lourd de la nuit, la voix grave et sage de Damce résonna :

- Qui est là ?

- C'est moi, Sangfugol, répondis-je en me montrant à eux, ma voix tremblante d'incertitude.

- Un éclat de rire jaillit de Travounn lorsqu'il me remarqua.

Dans un état d'égarement, mes pensées s'embrouillaient tandis que l'amusement de mes compagnons m'échappait. L'angoisse nouait mon esprit, obscurcissant ma clarté. Soudain, une réalisation brutale me frappa : mes vêtements mouillés manquaient à l'appel. Une chaleur brûlante de gêne embrasa mes joues alors que je me précipitai pour dissimuler mes parties intimes. En un geste précipité, je m'enfuis me cacher derrière un arbre imposant.

Un petit rire s'échappa du père, un contraste étonnant avec la brise sinistre qui effleurait notre peau et leur prudence déplacée face à cette soudaine éclat de bonne humeur. Damce s’avança vers moi, tendant une tunique.

- Prends ceci. Hélas, le temps nous a manqué pour…

-Que faites-vous ici ? m'écriai-je, la voix emplie d'une colère sourde, rapidement noyée sous une tristesse accablante. "Si ma mère n'est pas avec vous, pourquoi êtes-vous venus ? J'espérais qu'elle serait là, afin que je puisse lui murmurer mes adieux.

L'émotion m'envahissait, mes pensées s'embrouillaient et mon cœur se serrait. Je pris la cotte de laine d'une main tremblante, trahissant ma maladresse et mes doutes. Chaque fibre de mon être vibrait d'un désarroi palpable, tandis que je luttai contre le flot de larmes qui persistait à couler.

- Écoute bien, Sangfugol. Le moment des révélations arrive à son terme, mais garde patience encore un instant. Il est crucial que tu saches avant tout que ta mère t'aime d'un amour profond et incommensurable. Pour toi, elle a osé transgresser son propre serment. Parmi les victimes se trouvent ses parents, son petit frère et ton père ; elle avait juré de ne nourrir que haine et soif de vengeance contre ces créatures démoniaques qui nous ont tant dérobé. Aujourd'hui, nous sommes ici car Trosp fomente une mutinerie. Ils cherchent à capturer tous ceux qui ont manifesté la moindre sympathie envers toi. C'est pourquoi, dès ce soir, nous devons fuir pour retrouver ta mère. Ensemble, nous affronterons les dangers pour la rejoindre et échapper à cette menace imminente.

Une vague d'émotion m'envahit, et une honte terrible surgit du plus profond de mon cœur. Comment ai-je pu douter de celle qui m'a donné la vie ? Celle qui veillait toujours sur moi, inquiète de mon bien-être à chaque instant ? L'amour maternel, si puissant et inébranlable pour son enfant. Je fus submergé par une honte poignante, réalisant le dévouement inconditionnel de ma mère.

Travounn m'adressa la parole d'un ton calme :

- Comment te sens-tu, Sangfugol ? Nous devons reprendre la route sans plus tarder.

J'acquiesçai d’un signe de tête et il prit les devants. Malgré les frémissements des feuilles, probablement causés par des insectes ou de petites créatures venues d'un autre monde, invisibles à mes yeux, chaque bruit me faisait tressaillir. Je continuai de les suivre en silence, conscient que mes questions futiles les déconcentraient alors qu'ils se concentraient sur notre chemin. J'avais omis de demander notre destination. Armé de mon couteau, vêtu de mon linge humide imprégné et portant ma gourde accrochée à mon bâton, avec une tunique un peu large malgré qu'elle me tienne chaud, j'avançais au son du clapotis du ruisseau proche.

Une épée, un bâton et un couteau, tels étaient nos seuls compagnons pour ce périple bien trop dangereux à mon goût. Mais retrouver ma mère était notre impératif absolu.

Après un certain temps de marche, je choisis de briser le silence.

-L’endroit où se trouve ma mère, est-il encore loin ?

- Tout ce que je sais, c’est qu'il nous suffit de suivre le cours d’eau. Là-bas, nous découvrirons une grotte nichée au bord de la rivière.

Notre progression nous enfonçait plus profondément dans l'obscurité de la forêt, seule la lueur de la torche nous éclairant. Le long des rives du ruisseau, nous avancions avec vigilance et prudence à la recherche d'un passage, mêlant audace farouche et nervosité palpable sur nos visages. À cet instant, notre seul allié était la lueur vacillante du feu. Nous avancions groupés pour éviter les obstacles semés sur notre chemin. Le ciel légèrement étoilé, voilé par les branches, nous offrait un spectacle à la fois imposant, majestueux et lugubre. Après un moment, une ouverture dans la paroi se dessina, assez grande pour accueillir trois hommes. Nous pénétrâmes alors à l'intérieur, nos sens en alerte.

Plus nous avancions en profondeur, plus la fraîcheur nous enveloppait. Des gouttes nous caressaient, et l’humidité de la grotte me faisait frissonner. Nos pas résonnaient comme un écho infini.

- Silence, plus un pas. Soyons vigilants. Je crains que nous ne nous soyons trompés d'endroit. Fils, approche la torche devant les parois, chuchota Damce.

Travounn avança la torche près des parois. Un liquide aux reflets chatoyants dansa dans les flammes ; jamais je n'avais contemplé une telle symphonie de teintes. À l'examen plus attentif, sa consistance semblait étrangement visqueuse. Quel mystère se dissimulait derrière ce phénomène ? Ce n'était pas de l'eau qui nous arrosait, mais ce liquide étrange et coloré.

- Nous devons partir d'ici rapidement.

- Oui, père.

Nous nous précipitions vers la sortie quand soudain, un bruit distinct, semblable à un frottement contre la paroi, brisa notre élan. Figés, nous nous retrouvâmes acculés dos à dos, scrutant le moindre mouvement.

Le cri strident de Travounn résonna à travers toute la grotte, prolongeant sa plainte. Sa torche et son épée glissèrent au sol ; son père se précipita pour saisir la torche et aperçut alors une petite boule colorée, aussi minuscule qu'une pomme de pin, couverte de poils, posée sur la nuque de son fils. De fines traînées de sang s'écoulaient sous cette créature à la fois charmante et menaçante.

Instinctivement, il approcha la flamme de la créature. Si son fils avait ressenti la brûlure de la torche, celle-ci ne fut qu'une caresse comparée à la morsure de cette bête. Les flammes s'emparèrent avec voracité de la boule de poils, qui ne vécut pas assez longtemps pour saisir ce qui lui arrivait.

Son fils s’écroula au sol, ses veines s'imbibaient d’une teinte semblable à celle de la bête. Une douleur déchirante lui parcourut l’échine et il perdit connaissance. Je m'emparai de la torche et de l’épée, tandis que son père, affaibli par les années, soutenait son fils comme il le pouvait. Une fois à l'extérieur, nous inspectâmes Travounn : l’infection progressait, ses veines s'irisaient davantage, se propageant inexorablement. Inconscient, il était en proie à une transpiration abondante, suffoquant par intermittence. Sa vie était en danger imminent.

Il nous fallait trouver de l’aide rapidement ; ma mère saurait certainement quoi faire. Damce, entièrement absorbé par le soulagement de son fils, déployait tous ses efforts. J'observais cette scène en silence, sans la moindre idée de mon rôle. Moi, seul dans cette forêt immensément vaste, entraînant malgré moi, un père et son fils dans ma désastreuse aventure. Une fois de plus, je me trouvais impuissant, incapable d'agir, incapable de protéger les autres.

Quand soudain, son fils fut pris de spasmes, hurlant à travers la forêt inconnue, perturbant ainsi la quiétude des lieux. Damce, complètement dévoué à la survie de son fils, ne prêtait aucune attention à son environnement. Des bruits semblaient surgir de toutes parts. Était-ce le fruit de mon imagination, le vent qui soufflait entre les arbres, ou les échos mystérieux de la forêt ? Mon esprit embrouillé ne parvenait pas à discerner les potentielles menaces.

Des pas résonnaient, se rapprochant de plus en plus. La peur m'envahissait. Il me fallait les protéger. Tenant fermement la torche et l'épée de Travounn, mes effets personnels posés près de Damce, mon corps tremblant d'appréhension, j'avançais lentement et prudemment vers cette menace imminente.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Alan Corsaletti ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0