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Le tic tac de sa montre à gousset indiquait sept heures trente-six lorsque la berline du duc Philibert de Beaucastel le déposa sur les quais du port de Toulon en ce beau matin du 6 juin 1712. Le soleil naissant à l'horizon le gratifia d'une mer nimbée d'une lumière flamboyante.
Sa goélette "La princesse Rochebobois" n'accosterait pas avant une demi-heure et il faudrait une heure de plus à l'équipage pour remplir la cale des vivres, de l'eau et du matériel nécessaire à l'expédition.
Au Café du Vieux Port, à quelques dizaines de mètres de l'embarcadère, il posa son carnet sur une petite table en fer forgé de la terrasse et y prit place. Il sortit de sa poche son fidèle étui à stylo gravé de l'aigle de gueule, becquée et membrée d'or sur fond d'azur, les armoiries de sa famille.
- Monseigneur souhaite un remontant avec d'embarquer pour un voyage ?
- Un verre de Corbières Boutenac, mon brave.
Le serveur s'inclina et disparut dans le bouge d'où les marins de tout bord buvaient déjà bruyamment à même le litron.
Le duc ouvrit délicatement son carnet sur une page croquée des différentes faces d'un zèbre, avant de se rendre à la page vierge suivante. Son voyage de trois ans dans les terres Africaines lui avait permis de ramener de nombreux spécimens de plantes rares et de détailler une grande quantité d'espèces animales. Depuis sa plus tendre enfance, dans la demeure familiale de Courthézon dans le Vaucluse, il adorait peindre et dessiner la faune et la flore environnante, remplissant à foison les carnets à croquis que son père lui offrait en nombre. Adolescent, c'est tout naturellement qu'il orienta ses études vers la botanique et la zoologie.
- Corbières Boutenac pour monseigneur.
Le duc tira sa bourse de la poche de son veston et en sorti deux écus d'argent.
- Tenez mon brave ! Pour votre aimable considération.
Les yeux du tavernier s'écarquillèrent à la vue des deux pièces rutilantes.
- Monseigneur est bien trop généreux.
Il fit une révérence maladroite et tourna les talons sans demander son reste. Vraisemblablement, la présence de la noblesse dans son café ne devait pas être régulière et le mettait mal à l'aise.
Le duc sorti un petit pinceau en crin de cheval de son étui et le trempa dans le verre de vin pourpré. Délicatement, il commença à peindre les contours d'une fleur, la Chironia peduncularis. Un spécimen originaire d'Afrique du Sud. Son croquis prenant forme, il attrapa son stylo plume et détailla la plante avec une minutie extraordinaire, se souvenant de chaque détail observé des mois auparavant.
La voix rauque du capitaine annonçant l'accostage de son navire le tira de ses pensées. Il se leva et but d'une traite son verre de Corbières Boutenac.
Marchant vers l'embarcadère, il repensa au pourquoi de sa présence sur le port de Toulon ce matin du 6 juin 1712. Un mystère non élucidé depuis plus de 200 ans en était la cause. Mais la seule chose dont il était certain, c'est qu'il ne perdrait pas une miette de ce voyage au bout du monde pour documenter un peu plus son carnet à croquis.
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