Colère
Dans les jours qui suivirent, Scarlett fit de son mieux pour se faire oublier. Elle se fondait dans les ombres pour éviter les remarques méchantes. En silence, elle réalisait les tâches qui lui étaient échues à la ferme. Les repas se passaient sans qu’un mot ne fût prononcé. Son père ne paraissait pas décidé à desserrer les mâchoires. Résignée, elle attendait, même si l’appréhension grandissait en elle. La perceptive d’un mariage avec un homme qui l’effrayait lui tordait l’estomac.
Alors qu’elle achevait la préparation du repas, le retour de son père brisa sa quiétude.
Il poussa la porte avec violence, faisant bondir le cœur de la jeune femme. D’un pas lourd, son père s’avança. Son énervement était palpable avant même qu’il ne prononce un mot.
– Toutes les filles du village sont convoquées devant la doyenne ! annonça-t-il d’un ton sec.
La cuillère que Scarlett tenait à la main lui échappa dans un bruit retentissant, lorsqu’elle frappa le métal de la marmite. Cependant, elle garda le silence.
– Ne fais pas l’étonnée ! Je suis sûr que tu étais au courant.
Sa main la saisit par le bras pour l’obliger à se tourner vers lui et la regarder dans les yeux.
– Ça te fait plaisir, hein ?
La jeune femme secoua la tête.
– Non !
Son père ne relâcha pas son emprise. Elle sentait ses doigts se refermer sur sa chair pendant qu’il l’attirait vers lui.
– Je n’ai pas le choix, tu vas y aller. Mais j’espère pour toi que tu ne seras pas choisie !
Scarlett déglutie avec difficulté. Elle connaissait déjà le résultat de la cérémonie. La doyenne n’aurait pas perdu du temps à lui parler si elle ne l’intéressait pas. Cependant, la raison de cet intérêt restait un mystère pour elle.
– Tu dois te marier ! J’ai besoin de bras pour la ferme. Hors de question qu’un inconnu en hérite parce que tu auras décidé de jouer les sorcières ! Ne crois pas que c’est un honneur d’être choisi !
Alors qu’il prononçait ces mots, sa main s’agitait. La jeune femme craignait qu’il ne finisse par la frapper.
– C’est une malédiction pour la famille, et je refuse que tu me déshonores !
Le père la lâcha, avant de la repousser.
– Comme ta mère incapable de me donner un fils. J’aurais dû la répudier…
Scarlett ouvrit la bouche, mais le regard noir que lui jeta son père la fit taire. Le silence s’installa avant qu’elle n’ose poser une question :
– Pourquoi ne pas vous remarier ?
– Tu crois qu’il y a beaucoup de filles disponibles ? Avec l’épidémie, tu es la seule sans fiancée ! répliqua-t-il.
Il se laissa tomber sur le banc qui craqua sous son poids. Le regard perdu sur le contenu de son bol, il ne prononça plus un mot. La discussion était close.
Annotations
Versions