Chapitre 14 : ANTHONY
Quand j’étais petit, les fêtes de fin d’année représentaient quelque chose d’important dans la famille. J’ai des souvenirs de mon père et de ma mère se taquinant dans la cuisine en préparant de somptueuses réceptions pour mes oncles, mes tantes, mes cousins, mes grands-parents…
Vers l’adolescence, ça a commencé à changer. Ma mère est devenue de plus en plus froide avec mon père, et même si elle tentait de faire bonne figure en ma présence, je ressentais son hostilité grandissante à son égard. A Noël, elle donnait vraiment tout pour que ça se passe comme au début. Cette hypocrisie festive a duré encore quelques années. Jusqu’à ce qu’elle parte, quand moi aussi j’ai quitté la maison pour mon premier appartement.
Noël n’a plus rien à voir maintenant. Mes tantes investissent la grande maison de mon père et surtout la cuisine pendant deux jours, mes petits cousins décorent le salon et le sapin apporté par mes oncles, et si je donne un coup de main çà et là, ça ne m’intéresse pas. Voire même, ça m’emmerde. J’approche la quarantaine, j’ai passé l’âge de m’extasier devant des guirlandes.
Tout le contraire de Cylia, en fait. Ne pas la voir ce week-end m’agace. Mais en même temps, cela m’évite de supporter toutes ses niaiseries. J’imagine qu’elle a dû fondre comme une guimauve dans un feu de camp, quand je lui envoyé un texto lui disant que la seule chose que je voulais, c’était elle. Et je le pense. Mais je la veux d’une façon loin d’être compatible avec l’esprit de Noël.
Je ne l’ai vue qu’en coup de vent cette semaine, tard, après son boulot. Je l’ai raccompagnée chez elle chaque fois. Et chaque fois j’ai profité trop rapidement d’elle, pressé par le temps et par le besoin de dormir quelques heures avant une nouvelle journée harassante.
La semaine prochaine, j’aurai un peu plus de temps, et elle aussi. Il faudra que je discute avec elle de son travail et de ses horaires, incompatibles avec notre relation.
* * * * *
Rien ne se passe comme prévu. Au lendemain de Noël, mon père m’annonce la libération potentielle d’un terrain que nous convoitons depuis longtemps à Nanterre. Dans ce boulot, il n’y a pas de congés qui tiennent, il n’y a que notre promptitude à être présent au bon endroit au bon moment.
— Je peux y aller sans toi, si tu as d’autres projets, me dit Amaury par téléphone ce lundi-là.
J’ai rendez-vous avec Cylia l’après-midi même. Elle doit, pour la première fois, venir chez moi et y passer la nuit.
— Pas question, dis-je en jetant dans ma valise des affaires de rechange et en bouclant ma trousse de toilettes. On ne sera pas trop de deux pour les négociations. Et tu sais que je vise ce terrain depuis longtemps !
— Je savais que je pouvais compter sur toi.
— Toujours. Les affaires d’abord. Les femmes ensuite.
— Je passe te prendre dans trente minutes, conclut mon père.
Je raccroche. Il faut que je prévienne Cylia maintenant. Comme je m’y attendais, elle est déçue.
— Quand rentres-tu ?
— Je ne sais pas. Ces négociations peuvent s’étaler sur plusieurs jours. Et si nous rencontrons sur place des personnes intéressantes pour d’autres projets, il est possible que cela s’éternise.
— Ah, d’accord.
Le son de sa déception est vraiment agréable à mes oreilles. J’aime l’idée qu’elle se languisse de nos retrouvailles.
— Je t’appellerai pour te tenir au courant. Sois sage en m’attendant.
— Evidemment.
Evidemment. Elle ne va pas faire grand-chose de ses journées de congés, et encore moins de ses soirées, vu que son colocataire travaille le soir. Elle ne sort jamais sans lui. Je peux donc partir l’esprit tranquille.
* * * * *
Mercredi soir. La concurrence est rude mais peu nombreuse, en raison des vacances. Amaury semble plus confiant que jamais. L’absence de nos équipes, toutes en congés, est un sévère handicap, mais j’ai personnellement travaillé sur ce pré-projet bien avant que le terrain ne soit à débattre. Je connais le dossier par cœur. Quand on veut que le travail soit bien fait, il faut le faire soi-même ou le superviser d’extrêmement près.
— Nous ne rentrerons pas avant vendredi, m’avertit mon père lors du dîner à notre hôtel.
Ce n’est pas une surprise pour moi. Je pressentais que la semaine se profilerait de cette façon.
— J’ai pris mes dispositions, ne t’en fais pas.
— Bien.
— Johnson & Hastings vont poser problème, le préviens-je.
— Non.
Je fronce les sourcils.
— Non, répète-t-il, les anglais vont lâcher l’affaire.
— Comment le sais-tu ? demandé-je, intrigué.
— Je me suis entretenu quelques minutes ce midi avec Cliff Hastings. Il va annoncer qu’ils se retirent.
Cela m’étonne. Je les trouve plutôt virulents et engagés depuis mardi matin.
— Pour quel motif ?
— Rapport à un vieux dossier que nous connaissons bien lui et moi, répond évasivement mon père.
Je le dévisage en silence.
— Il y a quelque chose que tu ne me dis pas ?
Amaury essuie avec soin les coins de sa bouche.
— Les hommes parfois sont faibles. Les plus forts et les plus malins en tirent profit.
— Tu as quelque chose contre lui, n’est-ce pas ? De quoi le faire renoncer ?
Mon père se contente d’abaisser et de relever lentement les paupières, signe d’acquiescement à la question que j’ai posée le plus discrètement possible. Le chantage est un odieux procédé, mais loin de me rebuter, je ne peux qu’admirer la façon magistrale que mon paternel a de mener les négociations. J’ai encore tellement à apprendre de lui, dans la vie comme dans ce métier.
— Et de quoi parle ce fameux dossier ?
— Ça, ça ne te regarde pas, tranche-t-il en repoussant sa chaise. Tu as juste à savoir qu’ils ne poseront plus de problème.
Je l’imite et nous nous levons. Je me garde bien d’insister, en général, quand Amaury me fixe des limites. C’est bien la seule personne au monde qui peut se permettre de m’en imposer. Après avoir décidé de l’heure du petit-déjeuner le lendemain, je regagne ma chambre tandis qu’il rejoint la sienne.
Il est presque 22h. Je décide d’appeler Cylia. Cinq sonneries retentissent avant que je ne tombe sur sa messagerie. Je réitère. Pas de réponse. Je me renfrogne. Je pensais qu’elle attendait mon appel, dans la mesure où je n’ai pas eu le temps de répondre à ses messages depuis hier soir.
Je jette le smartphone sur le lit, agacé. Cette journée a été plus chargée que les autres. J’ai bien envie de me détendre. Je m’allonge sur le lit. Je défais mon pantalon. Je caresse lentement mon sexe à travers le caleçon.
Des images de Cylia, nue, se profilent derrière mes paupières mi-closes. Elle n’a pas répondu parce qu’elle dort déjà ? Sa silhouette imaginaire étouffe des cris dans l’oreiller. Ou peut-être qu’elle a mieux à faire. Mes mains tentent de se rappeler la sensation de claquer la chair tendre de ses fesses. Qu’est-ce qu’elle aurait de mieux à faire ce soir que de m’attendre, d’abord ? J’essaye de me souvenir du moment où je la pénètre enfin, sa chatte ouverte telle un abricot dodu et juteux. Peu importe, le fait est qu’elle ne décroche pas quand je veux lui parler.
Putain ! J’abandonne. Ma queue fait la morte, ce soir. Impossible de bander. Mon énervement augmente d’un cran. Laisse tomber ! Douche-toi et couche-toi, ça vaudra mieux ! Je me déshabille et m’enferme dans la petite salle de bains. Lorsque j’en ressors une vingtaine de minutes plus tard, j’ai un appel en absence. De Cylia. Elle a laissé un texto aussi :
Cylia : Si tu ne dors pas, rappelle-moi. Bisous
Comme par hasard. Je n’ai même plus envie de la rappeler, maintenant. Je suis fatigué. Et je n’aime pas qu’on me donne des ordres.
Vous : J’ai eu une grosse journée. Je vais me coucher.
J’enfile un boxer et un t-shirt et me glisse dans les draps frais. Je règle l’alarme de mon réveil. Le téléphone vibre entre mes mains.
Cylia : Je n’ai pas vu ton appel, je ne pensais pas que tu m’appellerais aussi tard. Du coup je me suis lancée dans un film plutôt pas mal : Equilibrium. Tu connais ?
Mais je m’en fous, en fait. Elle n’a pas compris mon message, je crois.
Vous : C’est ça le monde des adultes. On ne sait jamais à quelle heure ça va se finir. Maintenant j'aimerais me reposer. Bonne nuit.
Là. J’espère que j’ai été assez clair. Je passe le téléphone en mode avion puis, beaucoup plus détendu, je m’endors comme une masse.
* * * * *
La journée du jeudi est assez similaire aux précédentes, mais de plus en plus positive, à mesure que les rendez-vous et les discussions se déroulent. Comme l’avait anticipé Amaury, Johnson & Hastings se sont retirés du projet, nous laissant le champ libre face à des concurrents bien plus frêles. Même s’il ne faut pas vendre trop vite la peau de l’ours, je commence déjà à me réjouir intérieurement.
De bonne humeur, je profite d’une petite pause en fin de matinée pour faire part à Cylia de l’idée lumineuse qui m’a traversé l’esprit à bord du taxi de ce matin.
Vous : Bonjour ma belle. J’ai pensé que tu pourrais me rejoindre sur Paris demain soir. On pourrait passer le réveillon ensemble. Je réserve le train, tu n’as plus qu’à monter dedans et je te récupère à Gare de l’Est.
Paris est une bien belle ville, parée de ses lumières. Autant profiter d’être sur place pour célébrer la nouvelle année. Et puis ça changera un peu Cylia de son pub renfermé. Je connais quelques endroits sympas où je pourrais l’emmener. Je ne suis pas vraiment du genre à faire la fête. Je préfère largement m’envoyer en l’air au son des douze coups de minuit.
A l’heure du déjeuner, toujours pas de réponse. Et dans l’après-midi non plus. En fait, je n’ai pas reçu ce matin son habituel message pour me dire bonjour. Elle me bat froid ? Ça me déconcentre et mon père m’en fait la remarque, ce qui m’agace à nouveau. Je tape rapidement un second message avant de ranger mon téléphone dans la poche de ma veste jusqu’à la fin de la journée.
Lorsqu’enfin nous en avons fini, un peu avant 18h, Cylia m’a enfin répondu :
Vous : Tu n’as pas vu mon message ? Confirme-moi vite, que je puisse valider les réservations.
Cylia : Salut, merci pour la proposition mais j’ai déjà une soirée prévue avec Will demain. On se verra l’année prochaine du coup. Biz
C’est une blague ? Je ne sais pas ce qui me fait le plus tiquer : le fond du message – aucune déception de sa part de manquer une soirée avec moi ni aucune empathie à mon égard – ou la forme – « Salut », « Biz ». Elle me prend pour son pote ??
Je fulmine intérieurement. A quoi joue-t-elle ? Cherche-t-elle à me faire payer pour hier ? Il est vrai que mon message était plutôt sec, mais c’était nécessaire pour qu’elle comprenne que je ne suis pas à sa disposition.
— Tout va bien, Anthony ?
Ma colère n’a pas échappé à mon père. J’inspire profondément avant de le rassurer :
— Rien que je ne saurai régler en temps voulu.
— Les imprévus de la semaine causent des tensions avec ta petite amie, n’est-ce pas ?
Je serre les dents. Il a compris. J’imagine que ça doit lui rappeler quelques souvenirs de son ancienne vie avec ma mère.
— J’ai connu ça avec ta mère, tu sais. Femme qui se languit est, hélas, plus rapidement partie.
Dans le mille ! Je me renfrogne encore plus. Amaury pose sa main sur mon bras, pour m’apaiser.
— Si tu tiens à elle, mon fils, garde-la au plus près de toi.
Je lui adresse un sourire forcé. Alors que nous montons dans le taxi, j’envoie à Cylia le dernier message de cette année :
Vous : Parfait. Amuse-toi bien
La garder, oui. Me traîner à ses pieds, jamais.
* * * * *
Les femmes ce soir sont nombreuses. Plus jeunes que moi pour la plupart, elles s’écartent toutes sur mon passage. Si je peux lire dans leurs yeux une certaine convoitise, je sais déjà qu’aucune d’entre elles n’osera jamais me faire obstacle. Je ne suis pas ici pour batifoler, et elles le lisent clairement sur mon visage alors que je fends la foule.
Je suis focalisé sur ce que je cherche. A tel point que j’entends à peine la musique. Elle résonne dans tout mon corps sourdement, mais c’est comme si j’avais de l’eau dans les oreilles. Aveuglé par à-coups par les projecteurs et les lasers, bousculé par des individus ivres de joie autant que d’alcool, je me rappelle très bien maintenant pourquoi j’évite de tels endroits depuis des années.
J’avais prévu de passer la soirée au calme chez moi, en dégustant une bonne bouteille de vin pour fêter ma victoire – Laplagne Immobilier a remporté l’appel d’offres à Nanterre – et en me couchant tôt, pour me remettre de cette semaine de réunions intenses. Mais le fait est que je n’arrive pas à sortir Cylia de ma tête.
Ce silence radio qu’elle a causé depuis nos derniers échanges, peu cordiaux, m’obsède. J’ai eu envie de l’appeler pour crever ce putain d’abcès et la convaincre de se joindre à moi ce soir. Mais ça me prend trop la tête et je risque d’être assez désagréable par téléphone, je le sens. En principe, c’est moi qui impose de la distance quand une femme me gonfle ou qu’elle s’attache trop. Je n’ai pas l’habitude qu’on me traite de cette façon. J’ai vraiment passé l’âge de ce genre de jeu débile.
Loin de me calmer, la notification Facebook « Cylia Martay participe à un événement qui pourrait vous intéresser – Réveillon du Nouvel An à La Nouvelle Ère – 22h-6h » m’a fait ruminer pendant tout le trajet en train. Un peu avant 23h, n’ayant toujours pas dîné et ne trouvant au vin aucun attrait, j’ai attrapé ma veste et mes clés de voiture et j’ai claqué la porte de chez moi.
J’ai failli me décourager devant la file d’attente devant le club La Nouvelle Ère, mais il m’a suffi de sourire à un groupe de nanas visiblement en chaleur pour être intégré à leur groupe et passer sans difficulté devant le videur. J’ai lâché les petites allumeuses au vestiaire et je me suis faufilé tant bien que mal jusqu’à la salle.
Cet endroit est immense. Avec ses deux balcons superposés où sont concentrés fauteuils et tables, on dirait plus un théâtre qu’une boîte de nuit. La fosse où je suis descendu grouille de monde et, pressé de tous les côtés, je sens le découragement et l’impatience prendre le dessus. Comment vais-je la trouver dans cet endroit ?
Et soudain, je crois la reconnaître. Je ne prête même plus attention aux gens qui continuent de se frotter à moi, comme des chiens contre un réverbère. Je me fige, hypnotisé par cette apparition qui ne ressemble en rien à ce que j’ai pu voir d’elle depuis que je la connais. Je plisse les yeux. Aucun doute possible. C’est bien elle.
Elle a mis des talons et une robe que je ne connais pas. Noire, un peu moulante, juste assez pour mettre en valeur ses formes plantureuses. Mais ce qu’on remarque avant tout, c’est sa poitrine, exhibée dans un décolleté beaucoup trop plongeant, bordé de strass. Elle se déhanche sur la piste, chaque mouvement de ses seins accrochant la lumière et attirant l’œil de tous autour d’elle.
Le sourire aux lèvres, les yeux fermés, inconsciente – vraiment ? – du désir qu’elle suscite chez les hommes qui l’entourent, elle danse. Elle danse lascivement, comme une putain de séductrice. Je suis sûr qu’elle a bu ce soir. Jamais elle ne se comporterait comme ça si elle était dans son état normal. Jamais elle n’aurait cette tenue et cette attitude en ma présence. Et l’autre tarlouze, où elle est ? Il devrait veiller sur elle, là, la chaperonner, s’assurer que personne ne vient l’importuner.
Justement, voilà un prédateur. L’homme la mate sans retenue. Il tourne autour de sa proie, sans savoir qu’elle est mienne. Je sens les poils de mes bras se hérisser. Il se rapproche, en dansant, et croit sûrement en la subtilité de sa technique. Quand il se colle enfin derrière elle, mon sang ne fait qu’un tour. Bas les pattes !
Je fends la foule. Je suis sur lui avant même que lui ou Cylia n’aient remarqué ma présence. Je frappe le mec à l’épaule pour l’éloigner d’elle.
— Tu dégages. Fous le camp ! aboyé-je.
L’homme me regarde de travers, prêt à en découdre. Puis il considère ma stature un dixième de seconde, avant de lever les mains comme s’il n’avait rien fait.
— Hé du calme, réplique-t-il, je ne savais pas qu’elle avait un mec !
Je le toise pendant qu’il recule et disparait dans la foule. A côté de moi, Cylia semble tétanisée.
— Mais… qu’est-ce que tu fais ici ? me demande-t-elle.
La musique est trop forte pour que nous ayons une conversation ici. Je la prends par le poignet et l’entraîne avec moi. Je ne sais pas encore où nous allons aller. Je tire Cylia pour qu’elle grimpe les escaliers. Sur le dernier balcon, je jette mon dévolu sur un large pilier qui soutient le plafond. C’est l’effervescence dans la boite. Dans quelques minutes, il sera minuit. Le DJ set attire beaucoup l’attention, et ça m’arrange. J’attire Cylia derrière le pilier et la plaque brusquement contre celui-ci.
Elle me regarde avec ses grands yeux ronds, un peu effrayée par mon attitude. Il me semble sentir son cœur battre contre mon torse collé au sien.
— Je n’ai qu’une seule question : tu avais l’intention de repousser ce type ? Ou bien tu l’aurais laissé te peloter ?
Elle prend un air offensé.
— Mais ! Je n’ai même pas eu le temps de comprendre d’où sortait ce type ! Ni d’où tu sortais, toi !
— C’est normal, répliqué-je, l’air sévère. Tu as bu.
— Je n’ai pas beaucoup…
Je coupe sa ligne de défense en plaquant violemment mes lèvres contre les siennes.
— Regarde-toi…, sifflé-je ensuite en scrutant son décolleté outrageux. Comment veux-tu que les hommes ne te tournent pas autour ?
Ses yeux, trop maquillés à mon goût, lancent des éclairs. Probablement les restes d’un féminisme déplacé. Elle finira par comprendre. La colère que je refoule depuis la veille est montée d’un cran en la voyant avec ce mec. Mais je suis partagé avec un tout autre sentiment. Sentir son corps contre le mien et la voir si affolée par ma brusque apparition m’excitent.
— Tu as vu l’effet que tu me fais ? l’accusé-je en plaquant soudain sa main contre la raideur de mon bas-ventre.
Elle sursaute et tente de se dégager, mais je serre plus fortement son poignet. Ses doigts se referment malgré eux autour de mon sexe. Oh oui…
— Qu’est-ce que tu…, commence-t-elle avec effroi, avant que je ne pince son téton entre mes doigts.
Elle émet un gémissement étranglé. Gardant sa main emprisonnée, et la serrant de tout le poids de mon corps contre le pilier, elle ne peut que constater son impuissance alors que je dénude l’un de ses seins. Elle tente de se débattre à nouveau.
— Tu es fou ! m’invective-t-elle. Arrête ça !
— Ose me dire que tu n’en as pas envie, lui ordonné-je en plantant mon regard sévère dans le sien.
Son air ahuri me fait bander encore plus.
— Mais ce n’est pas du tout le moment, ni l’endroit !
— Ce n’est pas la question. Personne ne fait attention à nous. Réponds-moi !
Elle ouvre la bouche mais ne sait visiblement pas quoi dire. Je relâche sa main. Je me penche alors et cueille son mamelon entre mes lèvres. Je l’entends gémir de nouveau tandis qu’elle s’arcboute pour tenter de me repousser. Je lèche son sein et le suce comme un assoiffé se délecterait d’une poire ronde et juteuse. Je m’enivre de son odeur, de son parfum, en remontant le long de sa gorge jusqu’à son oreille :
— Ose me dire que tu trouves facile de me faire la gueule bêtement. Oui, j’ai bien dit « bêtement », appuyé-je en entendant son petit reniflement dédaigneux. Et ose me dire que mes caresses ne t’ont pas manqué.
— Je préfère quand tu envoies des fleurs pour t’excuser, lâche-t-elle. Je n’ai pas aimé ta façon de me répondre mercredi soir. Je te trouve dur et désagréable, parfois !
Je me recule. Je plisse les yeux et la contemple avec froideur. Elle déglutit sous la pression de mon regard.
— Primo, je ne t’ai envoyé des fleurs que pour excuser le comportement d’un de mes collaborateurs. Secundo, je ne suis pas homme à m’excuser pour des broutilles aussi insignifiantes qu’un texto envoyé après une journée harassante et mal interprété. Si tu as du mal à dealer avec ça, il s’agirait peut-être de grandir, effectivement !
— Mais qu’est-ce que tu viens foutre ici, alors ? s’énerve-t-elle.
J’émets un sifflement tout aussi agacé, avant de la rabrouer sèchement :
— Tu parles mal !
Et je ne vais pas le tolérer davantage, ma belle.
— Je suis venu simplement pour te rappeler comment c’est d’être avec moi…
— En m’attirant dans un coin sombre pour essayer de me violer ? se récrie-t-elle.
J’éclate de rire, ce qui semble la décontenancer.
— Mais tu es sérieuse, là ? Je trouve ça très hypocrite de ta part… J’ai senti ton cœur battre à tout rompre pendant que je m’occupais de ton sein, et je t’ai entendue gémir, ne me dis pas le contraire ! ajouté-je avant qu’elle tente de me mentir à ce sujet. Et je suis sûre que si je glisse mes doigts sous cette robe, j’y trouverai ta petite chatte humide et frémissante de désir...
Je joins le geste à la parole en remontant lentement ma main à l’intérieur de sa cuisse. Mes lèvres se rapprochent d’elle. Je vois les siennes trembler, signe qu’elle ne sait plus sur quel pied danser. Arrête de perdre ton temps à essayer de lutter, et capitule ! Sa bouche m’oppose une légère résistance avant de me laisser glisser ma langue contre la sienne. Ses mains agrippent soudain ma chemise. Brave petite !
C’est elle maintenant qui saisit ma nuque pour que je ne puisse me soustraire à ces baisers langoureux. Je pince son sein, le gifle d’un petit geste sec, à plusieurs reprises. Elle halète. Dans le même temps, son sexe que j’ai atteint s’ouvre pour me permettre une exploration plus profonde. Ma petite chaudasse est trempée ! Je la sonde sans ménagement et elle s’accroche à moi en étouffant ses cris dans mon épaule.
Elle tremble, ses jambes flageolent mais je la tiens très fermement par le bas. Autour de nous, le monde n’existe plus. D’ailleurs ils sont tous agglutinés au balcon, guettant les dernières minutes avant minuit. Je colle ma bouche à l’oreille de Cylia afin de revendiquer ce qui m’appartient :
— Je te veux ! Ici et maintenant !
Je descends ma braguette et extrait ma queue après quelques contorsions.
— Comprends-moi bien, Cylia : avec moi, ce sera toujours le moment, et toujours l’endroit, si je le décide. Es-tu prête à l’accepter ?
Je plonge mon regard dans le sien, alors que mon gland, se faufile par l’élastique de sa culotte et caresse son clitoris. Ses yeux, embués et hagards, papillonnent. Elle ne m’oppose plus aucune résistance, désormais, ivre qu’elle est du plaisir que je lui procure en cet instant. Je me sens tout-puissant. L’envie de la prendre brutalement me tord le ventre. Mais je n’ai pas de capote. Je me contente de me frotter entre ses lèvres humides, sans m’introduire.
— N’essaye plus jamais de t’éloigner de moi. Je tiens bien trop à toi, petite conne !
Cylia semble choquée, mais je ne sais pas si c’est à cause de cette révélation de mes sentiments à son égard, ou bien à cause de cette petite insulte que je n’ai pas pu retenir. Il y a tant d’autres qualificatifs qui me viennent à l’esprit quand je la baise… il faudra bien qu’elle s’y fasse aussi. Je décide de répéter, histoire que les choses soient bien claires :
— Tu m’as bien compris ? Je suis dur avec tout le monde, je le reconnais. Mais toi, je tiens à toi.
Je sens comme une hésitation de sa part. Quelque part autour de nous, la musique se couvre des cris de centaines de personnes hurlant le décompte « Dix !... Neuf !...». Enfin, Cylia avoue :
— Moi aussi, je tiens à toi.
« Six !... Cinq !... » Sois mienne et tais-toi, maintenant. De la main qui ne m’a pas servi, je caresse les courbes de son visage avant de l’embrasser avec ferveur, cette fois. « Deux !... Un !... » Un baiser passionné, sensuel et profond, tandis que je me répands soudain contre elle, jouissant du plaisir pervers de souiller sa petite culotte en public au moment où tout le monde hurle « Bonne année !! ».
C’est l’effervescence sur le balcon, les cris et les accolades ne cessent plus et personne ne nous remarque. J’essuie mon sexe humide contre la culotte de Cylia, avant de remettre le tissu en place et de remballer mon matériel. A voir sa tête, je sais que c’est la première fois qu’un homme se permet de jouir dans ses sous-vêtements et de la laisser telle quelle, pleine de foutre.
— Bonne année, ma belle, lui murmuré-je.
— Bonne année, Anthony, me répond-elle, l’air toujours aussi déboussolée.
— Je te laisse aller retrouver tes amis. Mais demain soir, rendez-vous chez moi.
Sur ces entrefaites, satisfait d’avoir réglé la situation, je fends à nouveau la foule et disparais de sa vue, aspiré par la marée humaine.
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