Le train roulait régulièrement vers sa destination. Je dormais, épuisé par ma semaine de boulot, bercé par le tagada des bogies sur les rails.

Une annonce sur le haut-parleur me réveille. Je n’ai entendu que la fin : « tic tac tic tac ». Qu’est-ce que c’est que ces conneries ?

Je vais pour me rendormir. Quelqu’un me secoue l’épaule. « Jules, réveille-toi, tu n’as pas entendu l’annonce ? » Ben, non, je n’ai pas entendu l’annonce, et de toute façon, je m’en fous, je préfère dormir. Je ne suis pas du genre à respecter les consignes, je ne l’ai jamais fait, ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer.

L’emmerdeur insiste : « Mais réveille-toi, nom de Dieu ! On est coincé ici, les portes sont verrouillées, on ne peut pas sortir et on ne peut pas sauter ». Il a l’air vraiment paniqué.

J’émerge peu à peu. Je n’ai aucune idée de comment je suis arrivé ici. Et puis, petit à petit, ça me revient. L’emmerdeur, c’est Jordan, mon beauf, et on a tous les deux pris le train pour Montpellier. Merde… ma mère est morte ! Nous avions eu des nouvelles alarmantes de sa santé, ma sœur était partie la voir, et elle était décédée avant qu’elle n’arrive. Ma soeur m’a aussitôt prévenu, je suis partie la rejoindre dès que j’ai pu, histoire de faire un dernier adieu à ma mère. Ma mère doit s’en foutre, là où elle est maintenant, mais moi j’aurai l’impression de la revoir une dernière fois. Je sens un grand vide en moi, à la place qu’elle occupait encore dans ma tête et dans mon cœur.

Jordan s’est invité pour le voyage en train, je me serais bien passé de lui. Plutôt beau mec, il doit passer des heures à soulever de la fonte et à se mater dans les miroirs. Mais d’une connerie monumentale : on a l’impression que toute sa vie tourne autour de trois sujets, le foot, les bagnoles et les femmes… Pas tout à fait les mêmes centres d’intérêt que moi. Et, pendant les repas de famille, il passe son temps à faire des blagues homophobes et il a l’air de s’attendre à ce que je rigole. De plus, je sais qu’il trompe ma sœur (c’est elle qui me l’a dit) et elle est malheureuse avec lui. Cela fait des années que je lui ai conseillé de le quitter : après tout, ils n’ont pas d’enfants… Mais elle n’a pas l’air prête à sauter le pas.

Il insiste : « tu n’as pas entendu ce qu’ils ont dit ? Tout va sauter d’ici 3 minutes ».

Il me gonfle vraiment, là. « Fous-moi la paix, je dors ! Rien à foutre de vos conneries ! »

Ma réponse semble le mettre hors de lui. Il se penche vers moi et me donne une paire de claques. C’est peut-être pour me réveiller, mais je les trouve un peu violentes ces claques.

En plus, il m’agresse !

La colère me gagne, et toute la rancœur accumulée pendant des années ressort brusquement. Je me mets debout, et je lui balance un uppercut à la pointe du menton, en mettant toute ma force et tout le poids de mon corps derrière le coup. Je ne l’ai pas loupé, il s’effondre par terre.

Il faut dire je pratique la boxe thai depuis près de 20 ans, depuis que je me suis fait agresser à l’âge de 18 ans par des loubards. Depuis, je m’entraîne assidûment et j’ai même participé à quelques combats officiels. Ça finit par servir finalement…

Quand je le vois par terre, je lui balance quelques coups de pieds. Il ne bouge pas, il est vraiment sonné. Une idée perverse me traverse l’esprit, oserai-je me livrer sur sa personne à des actes contre nature ? Non, allez, je ne suis pas comme ça, et de tout façon je n’ai pas le temps parce que