Chapitre 12 : Insistance
Samedi matin, le soleil n'est pas encore levé, mais les nuages noirs se colorent des premiers rayons rasant l'horizon. J'ai oublié ce que j'ai fait hier... Cela veut sans doute dire que je me suis endormie, et n'ai pas compté les heures perdues, dévorées par la torpeur. Tant d'heures où mon courage aurait pu s'illustrer, mais non. Pourtant, ma première pensée matinale t'est dédiée, à toi, mon intouchable et ardent désir, toi avec tes manières si rêches, toi avec ton insupportable capacité à me faire tourner la tête.
J'enrage de me dire que je fantasme à propos de cet homme qui n'aura sûrement jamais d'yeux pour moi. Pourtant, mon âme me dit de m'accrocher et de redoubler d'efforts, bien que cela soit usant et un peu déroutant pour mon moral. Néanmoins, il est vrai que je ne suis pas de nature à baisser les bras, encore moins quand mes entrailles me poussent à me surpasser. À croire que je ne possède absolument aucune force face à cette pierre sombre de laquelle émanent mes pulsions et mes volontés.
Je me fais couler une pleine cafetière de la suave boisson et me lance à la chasse de mes idées noires. Je m'enferme sur moi-même et replonge dans ces douces lignes de code qui me permettent d'oublier que je suis humaine, que je suis désir, que je suis volonté et faiblesse. Je ne suis plus que des commandes infinies, formant un seul grand arbre. Je relève la tête, il est midi passé. Je saisis mon téléphone et attrape la carte de visite, que j'ai adroitement piquée sur le bureau de la source de tous mes actuels tourments. J'hésite... Un SMS... Non, c'est déplacé et bien trop lâche pour moi, ou pour lui, en fait. Je ne veux pas qu'il se dise que je n'ai pas le cran d'assumer mon désir et ce qui anime mon souhait de me rapprocher de lui, peut-être professionnellement, mais surtout personnellement.
Je compose son numéro avec difficulté, mes doigts tremblent entre chaque impact sur l'écran. J'arrête la saisie, expire un bon coup, je vais passer pour quoi si je m'essouffle durant un appel... La honte. Reste zen Nora, reste zen. La transmission s'effectue, j'attends quelques sonneries. Rien, je tombe sur son répondeur. Je coupe immédiatement la communication et réitère mon opération. Le bip m'annonçant l'indisponibilité de mon contact ne me refroidit pas. Sa voix enregistrée énonce l'habituel b.a.-ba du "Laissez votre message et je vous rappellerai", il ne peut imaginer l'effet que sa voix aux tons robotiques me fait, cet homme est vraiment un vil tentateur. Enfin, c'est à mon tour de parler :
"Bonjour Xav... Monsieur De Rivesaltes. Je... Je. Je me demande si vous seriez disponible ce soir... Ou cet après-midi, pour me tenir compagnie." Je devais être humaine, pas une machine, pas une succube, juste une humaine. "Je n'ai absolument pas passé une bonne semaine, et je serais heureuse de pouvoir passer un peu de temps avec toi... Avec vous. Avec le fiasco du dernier rendez-vous que je vous ai proposé, je pourrais comprendre votre réticence, aussi, vous préféreriez peut-être aller vous balader en plein jour ou... Ou je ne sais pas. Je suis disponible toute la journée... Ça parait logique, je vous invite mais... Voilà. Rappelez-moi. S'il vous plaît."
Je raccroche et jette mon téléphone comme s'il s'agissait d'un objet pestiféré. Mon cœur va faire exploser ma poitrine sous son rythme furieux. Mais qu'est-ce qui se passe ? Je me rends bien compte que je suis paniquée. Je décide d'aller courir pour me calmer les nerfs. Advienne que pourra, merde.
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