Parti

5 minutes de lecture

Avant, j’adorais l’automne,
qui nous a vu éclore.
A présent, il va me falloir plus d’un printemps,
pour me réconcilier avec le mois d’octobre.
Lui, oranger et crépusculaire, n’est plus que gris et morne.

Ce matin-là, avec trop peu de sommeil dans le sang,
j’étais pâle,
et y avait ton prénom à côté de celui d’Opale,
alors je l’ai raturé férocement.

De ma tête, j’ai espéré l’effacer,
mais comme sur une ardoise,
les traces sont restées.
Et je ne peux plus espérer
que nos chemins se recroisent.

J’ai remarqué que tu avais oublié
une chemise au milieu de mes affaires
j’ai voulu la réduire en cendres,
Car à elle-seule, elle polluait l’air.
Alors j’ai pris un briquet, jeté au sol de la chambre.

Ce briquet, je me souviens
je te l’avais offert et lui aussi,
tu l’as quitté avec moi,
que tu as laissé pour morte.

Tremblante, je le tiens entre mes mains,
et mes yeux se brouillent, de mes larmes et de mes cris.

Est-ce que tu es (re)parti en acheter un ?
Est-ce que tu as emprunté celui d’un collègue, d’un ami ?

As-tu songé à moi,
quand tu t’as réalisé que tu ne l’avais plus sur toi ?

Et seule, au milieu de la clarté du jour,
je me suis mise à hurler,
en croyant que sans doute, ne l’as-tu jamais fait.

Et toutes les choses que tu m’avais promises,
sont à présent réduites à néant, pour toujours.

Ce matin-là, j’étais pâle
comme cette putain de chemise.

J’ai essayé d’en rire, de tout prendre avec humour,
le plus noir, dont je sois capable.

Je suis sûre que tu l’as fait exprès.
juste pour me faire chier.

Comme si c’était à cause de toi,
que depuis plus de vingt ans que je ne dors pas.
Que je ne dors plus.

Ce briquet, témoignage d’un temps révolu
était jeté au milieu d’autres conneries.
La maison était pleine de toi.
Et moi aussi, j’ai le cœur et la bouche plein de toi.
Et ça me fait chier, aussi.

Si seulement j’avais su…

Toi, toi, toi, toi.

Je croyais qu’il fallait que tu t’casses
pour que je passe et pense enfin à autre chose
comme si envoyer sept ans à la casse,
allait me laisser sans nécrose ou névrose.
Un défectueux service après client.

Au début, j’ai cru que comme tout le reste ça passerait,
pis ça s’est éternisé,

Des jours, et des nuits durant.

Et je fais quoi, moi, maintenant ?
Avec ce trou béant
que tu as laissé ?
Les petits trous tout au long de mon âme,
avant au moins t’étais là pour les combler.

Je m’interdis jusqu’à laisser s’échapper la moindre larme.

Une fois, j’ai voulu sortir Opale en promenade.
Comme si la tenir en laisse allait me donner l’illusion d’un moindre contrôle.
Papa dit toujours que je ne sais pas me contrôler, et il a raison : je suis malade.
J'aimerais tout envoyer valser, toi, la maladie, le travail, les études, me noyer dans la bagnole.


J’ai commencé à avoir peur de penser à la mort
et puis les larmes se sont mise à couler, couler
parce que je suis faible et je sais faire que pleurer
puis sont venues me voir mes meilleures copines : honte et remords.

Ces connasses, elles se foutaient bien de ma gueule.
Pourquoi je pleure, déjà ?
Longtemps que je ne m’étais pas sentie si seule.


Avant au moins, chaque nuit, y avait un autre fou qui dormait à côté de moi.
Et maintenant, lui aussi il est parti, parti, parti.

Par-ti, par-ti. PARTI, PARTI.

Et je me répète ce maudit mot en boucle.
Plus jamais je verrais son sourire, ses yeux.
Avant, j’aimais bien les mots, ils me donnaient l’illusion
que rêver, c’était pas que pour les riches, que j’ai droit aussi à formuler des vœux.
Maman disait qu’on était pas riche, mais rêvait que ses gosses, nous le soyons.
Et au final, je suis pauvre de tout, même de ton amour.
Je voudrais revoir tes iris, jusqu’à ces reflets blonds au bout de tes boucles.
Chaque matin, blanche comme ta chemise, j’ai le cœur toujours aussi lourd.
Les jours passent et je comprends que j’ai peut-être trop espéré de toi et j’ai la haine.
Et parfois je me dis que c’est l’inverse : que t’aurais sans douté préféré une autre version…

Une autre version de quoi ? De moi, de la vie, des autres, de nous ?

T’es partout et à la fois nulle part.
Je mange des gâteaux toute seule, plus besoin de te garder une petite part.
La nuit, je reste assise dans le noir,
sur le canapé où il y a à peine quelques mois, tu y riais de bon cœur avec mamie.
Vos rires résonnent là-dedans, contre mon cœur et ma tête, au milieu de mes idées noires.
Qu’est-ce qu’elle t’aimait, quand j’y pense.
Si elle n’était pas partie rejoindre ses ancêtres, qu’est-ce qu’elle aurait dit ?
Le trou que t’as laissé est bien trop immense.
Tous, vous sommeillez à jamais dans les tréfonds de ma mémoire.
Pourquoi s’en vont-ils, tous ?

Peut-être que les blessures que je n’ai jamais pansé pourrissent et finissent par schlinguer ?

J’ai tenté de noyer le chagrin dans des dessins tempétueux,
des centimètres de crayons gaspillés taillés dans les fentes de mes peines,


Mais à l'intérieur, ça continue de gronder.


Et je laisse ta chemise au fond de mon armoire.
comme si ça allait te faire revenir.

Et pourquoi je continue d’espérer ?

C’est si fatiguant de jouer la martyr,
comme si ça allait donner du sens à tout mon désespoir.

Ta chemise, je l’ai reniflé, avec autant de frénésie
que je reniflais des rails de coc.

Et cette nuit, j’ai pensé à cette maladie,
la staphylocoque,
la doré,
qu’a failli me voler ma vie.
A quatorze ans, elle venait à peine de commencer.

Mais je tais cette voix intérieur,
bien que son cri me lancine,
pour compter les heures,
en attendant que cette interminable nuit ne se termine.

Ce matin, ça allait un peu mieux, et je me dis que ça va sûrement mieux…
et je réalise que j’ai écrit un poème entier pour tes beaux yeux.

Mais maintenant je sais que ton départ,
est aussi éternel que le seigneur tout là-haut, que tu vénérais
à présent il va falloir,
que j’avance avec autre chose que ta lumière, et je ne sais pas si je vais y arriver.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Maya baragouineuse ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0