1.4

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Samedi. J’émerge ! Une grande fatigue et une grande satisfaction. Je mets du temps à comprendre pourquoi et où je suis. Les autres sont encore écroulés, épuisés par cette nuit. Manon et Charlotte sont enlacées affectueusement, Roxane et Thomas sont côte à côte. Thomas est découvert. Je contemple cette perfection, me demandant comment on vit avec une telle beauté. Sur le lit que je viens de quitter, Doron, un bout de drap sur les pieds. S’il n’a pas cette perfection, le regarder me chauffe le cœur. Comme Thomas et comme tous les hommes de la Terre, sa verge est déployée dans l’érection du dernier sommeil. Cet abandon dans le désir rêvé est touchant. Une immense affection monte pour lui. Doron, mon mec ! Nous n’avons jamais parlé de ce qui nous lie, nous n’avons jamais eu de mots tendres. Pourtant…

Je vais à la salle de bain. Le corps de Thomas me vient à l’esprit. Ce n’est pas le premier mec que je vois entièrement rasé. Peut-être, la moitié de mes partenaires le sont. Je ne suis pas tenté. Cependant, je me surprends avec mon rasoir à essayer de retrouver mon corps d’enfant. Ce n’est pas facile ! L’eau coulait doucement dans le lavabo et je n’ai pas entendu ses pas. Son petit rire me fait sursauter et je me retourne, ridicule, vers Charlotte. Son sourire me met encore plus mal à l’aise. Elle se soulage devant moi. Cette nonchalance est admirable, avec un effet visible. Elle me prend mon rasoir des mains, le pose, saisit sa trousse de toilette et me dit :

— Ce sera mieux !

Je suis comme un imbécile ! Une fois encore, elle a annihilé toutes mes défenses. Son savoir-faire est extraordinaire et en un tour de main, je suis totalement dépouillé, dans les moindres recoins. Je ne pensais pas à mes aisselles, les bras, mes jambes : il ne me reste que mes cheveux ! Elle me pousse sous la douche et me savonne, en reprenant les petits poils restants. Vu mon état, je ne peux la remercier que d’une façon, celle que je préfère, encore. Nous nous essuyons délicatement, longuement. Un baiser dans un petit rire, puis elle me quitte. Je regagne la pièce, une douce sensation de fraicheur sur tout mon corps. Que c’est agréable !

***

Je m’habille et je rejoins, dans le froid, le bar de l’hôtel. Le groupe de mecs est en train de partir. Je me rapproche d’eux. Les petits jeunes sont charmants de près, pris dans des pantalons hyper serrés mettant en valeur toutes leurs courbes. Je me dis que j’essaierai bien une de ces tenues… Je suis bien dans ce petit groupe d’inconnus. Une main se pose sur mon épaule. Un barbu souriant.

— Je t’ai vu nous regarder hier soir. Tu me plais. Tu vois, nous sommes plusieurs à partager des gouts et des pratiques BDSM. Il y a une salle aménagée au sous-sol. Si cela te dit, la prochaine fois que nous venons, tu peux te joindre à nous.

Il me tend une carte. Je la prends en le remerciant. Encore une expérience à avoir. Ou pas. Je connais de réputation, mais je ne sais pas si je suis tenté. Comment savoir si on n’explore pas ?

Après leur départ, je m’approche du bar. L’hôtelier me sourit, ses yeux toujours pris dans une telle tristesse que j’ai envie de le réconforter : ce mec a quelque chose d’attirant, d’intriguant. J’ai envie de le connaitre.

Nous échangeons quelques mots pendant que la machine à café tourne. J’apprends ainsi le prix d’une nuit, d’une journée. Charlotte et Thomas se sont offert un cadeau royal, dont nous profitons. L’hôtel est calme. Nous buvons chacun notre café. En reposant ma tasse, instinctivement, je pose ma main sur son bras, le serrant légèrement. Nos regards se croisent. Aucun mot. Juste un petit éclat, je crois, j’espère. Pourquoi ai-je besoin de consoler cet homme ?

Je vais à la piscine, fait quelques brasses, avant de m’étendre sur un transat, une serviette sur les hanches. Je me réveille sous les regards de mes cinq comparses, sans doute émerveillés par cet adonis endormi !

Pendant le brunch, nous ne commentons pas la nuit. Inutile, car elle a été abondante en compliments et en remerciements. Cette douceur et cette reconnaissance en fin de relation, cette politesse partagée rend mes partenaires chaleureux. En revanche, les bandeaux qui défilent sur la télé sont inquiétants, chacun se demandant ce qui va se passer et comment il va le vivre. Trop triste et angoissant pour en parler. Ce sont donc de petits mots, de petites questions que nous échangeons, plein d’attention les uns envers les autres. Nous nous sentons très proches, par ce que nous avons partagé, par sympathie, par rapprochement face à ce qui se produit autour de nous. Nous bâtissons cette boule de quiétude et de chaleur. Nous sommes bien ensemble. Des étrangers il y a encore vingt-quatre heures, un cocon rassurant maintenant.

Un petit changement de tenu, mais c’est anodin pour mon histoire.

Sinon, en relisant, je me trouve très inconstant.

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