22/ Draac’Vio
Le groupe, mené par Tordek s’avance vers le portail en fer forgé de l’entrée de la citadelle. L’intendant conduit les aventuriers à travers une multitude de couloirs, de cours intérieurs et de salles. Tout le long du trajet, qui durera une dizaine de minute, Tordek ne tarit pas d’éloges et d’explications sur ce lieu. Date de construction, fonction des salles, architectures, activité de parovenia…Il est innarêtable.
Quel moulin à parole...se dit Vrael
La visite n’est pas désagréable pour autant, ils ne savent plus où donner de la tête. Même elle, pourtant dotée d’un excellent sens de l’orientation aurait du mal à s’y retrouver.
Ils finissent par arriver devant une porte de pierre finement ouvragée. Tordek prend la parole :
- Nous y sommes, Draac’Vio vous attends dans la salle du conseil. C’est ici que les hauts dignitaires et la sentinelle se réunissent quotidiennement. Vous allez vous adresser à lui seul, pour cette première rencontre. Je n’assisterai pas à l’échange, les affaires d’Huzumil ne me regarde pas. Nous nous reverrons pour votre départ, je vous ramènerai sur le continent.
Sans attendre, il pousse la lourde porte et invite les aventuriers à entrer. Ils se retrouvent dans une salle de taille moyenne, mais très haute de plafond, une quinzaine de mètre à vue de nez. La pièce est sobrement décorée de quelques statues et tapisseries, rien d’extravagant. A la table, est assis un homme, il se lève lorsque la porte s’ouvre. Au fur et à mesure qu’ils parcourent les quelques mètres, Vrael remarque que l’homme, est en fait... une femme. Elle aurait juré avoir vu individu masculin lorsqu’elle a passé la porte. La femme prend la parole, en écartant les bras. C’est une voix grave et posée, tout le contraire de son physique fluet. La situation aurait été cocasse s’il ne s’agissait pas de la sentinelle, Draac’Vio le Puissant.
- Bienvenu, membres d’Huzumil ! Je vous attendais.
- C’est un honneur de vous rencontrer, sentinelle déclare Fitz d’une voix forte, pas du tout déstabilisé.
Vrael est impressionnée par la prestance du prêtre. Même face à l’empereur, il parait assuré et confiant.
- De même, répond la femme. D’autant plus nous allons être amenés à collaborer à présent !
A la fin de sa phrase, la jeune femme qui venait de parler se transforme en…elfe. Un elfe masculin, de long cheveux cendrés encadrent son fin visage. Vrael pense avoir des hallucinations, mais elle ne laisse rien paraître. L’elfe invite les cinq amis à s’installer à la table.
- Je vous ai contacté pour vous confier une mission. Vous n’êtes pas sans savoir, que depuis des millénaires, la mission de la sentinelle est de veiller sur le plan matériel. Huzumil, construite en quatre mille vingt-sept par mon prédécesseur, Maragnus le Juste, a pour vocation, de m’aider dans cette mission. Avant toute chose, gardien, quel est votre nom ?
Il se tourne naturellement vers Markal. Celui-ci, troublé réussit néanmoins à soutenir son regard et articuler.
- Markal, sentinelle.
- Je suis heureux de vous rencontrer, Markal.
- De même, c’est un honneur, répond le guerrier, raide comme un piquet.
- Détendez-vous, dit l'elfe, amusé. l’acte de votre prédécesseur n’a pas à rejaillir sur vous. Pour préserver l’équilibre du plan matériel, suite à notre victoire sur les plans infernaux, j’ai dû dissoudre Huzumil. Ce n’était pas de gaité de cœur, croyez-moi. Suite à la mort de Maragnus, j’ai été choisi pour protéger l’empire. Celui-ci était affaibli, meurtri par quatre ans de guerre. Huzumil paraissait échapper au contrôle de Parovenia. Puissante comme elle était à l'époque, qui sait les ravages qu'elle aurait put causer ? Une de mes premières décision a été de décréter sa dissolution. La sentinelle est nécessaire à la survie de notre monde. Elle venait d’être assassinée par le représentant d’une puissante guilde. Vous venez de naître, je vous parle d’évènements survenus il y a plus d’un millier d’années, mais croyez-moi cette dissolution était inévitable. Huzumil pouvait avoir été corrompu par un succube, un démon manipulateur, ou que sais-je, je ne pouvais pas prendre le risque d'être frappé de l’intérieur.
- Je comprends...Qu’est-il arrivé au dernier gardien de La Guilde ? Demande maladroitement Markal.
- Ha je vois que vous n’avez pas mis longtemps à vous approprier et relancer Huzumil ! Répond Draac’Vio amusé. La Guilde donc ?
- Oui, intervient Thanis, plutôt à l’aise. On a changé le nom, en pensant que vous n’y verrez pas d’inconvénients…
- Aucun ! Vous faites bien ce que vous voulez après tout ! Ne vous formalisez pas si j’emploie encore le terme "Huzumil", ce sont des centaines d’années d’habitudes… Pour répondre à ta question Markal, que savez-vous, exactement, des évènements de six mille vingt-quatre ?
- Ce que Maurose nous a raconté, répond Markal. Qu’une grande guerre a fait rage, le gardien a assassiné Maragnus à la fin de celle-ci. Nous n’avons pas plus de détails.
- Ha, Maurose s’est donc réveillé ! remarque Draac’Vio. Et bien je vais tâcher de vous éclairer.
Effectivement, ce furent douze longues années de guerre, menées par Maragnus. Je n'étais encore qu'un môme, nous étions sur le point d’être victorieux. Les vagues démoniaques et infernales étaient moins fréquentes...Maragnus, s’entretenait alors seul à seul, dans cette salle, avec le gardien, à propos des actions à mener pour défaire complètement les démons. La sentinelle ne ressorti pas vivant de cet entretien...Elle fut retrouvée sans vie, poignardée. Le gardien a vainement tenté de se défendre, avec pour seul argument incessamment répété : « Il le fallait ! ». L’organisation a donc été défaite, et le gardien exécuté, par décision des hauts dignitaires. J’ai ensuite été choisi pour succéder à Maragnus.
Les sourcils de Markal tressaillent au mot "executé" mais il ne laisse rien paraître.
- Choisi ? Demande Thanis interrogateur.
- Oui, les sentinelles sont désignées par magie. A la mort de l’une d’elle, celle-ci est immédiatement remplacée. La mort d’une sentinelle est un bouleversement magique majeur. Les dignitaires de Parovenia le ressentent comme un cataclysme. Ils se mettent ensuite en quête du successeur, guidés par la magie comme par une boussole. C’est moi qui ai été désigné. Ce fut et c’est toujours un honneur de servir l’empire et tous les peuples qui l’habitent.
Durant tout le temps que dure l’échange, Vrael reste immobile, silencieuse. Elle boit les paroles de Draac’Vio. Celui-ci devait avoir changé d’apparence une dizaine de fois depuis leur entrée dans la salle. Tantôt une femme aux cheveux d’or, tantôt un vieillard, tantôt un nain grisonnant. Seul sa voix reste inchangée, grave, profonde, calme. A voir les mines quelque peu décontenancées de ses amis, elle ne doit pas être la seule à observer ces changements.
Soudain, Draac’Vio se tourne vers Vrael.
- D’où venez-vous mademoiselle ? Vous vous présentez devant moi, pourvue d’un signe ostentatoire de votre appartenance au plan céleste. Pourtant, a aucun moment je n’ai été alerté de votre arrivée sur le continent ou même sur Parovenia ? Qu’êtes-vous ?
Jugeant la formulation de la question quelque peu offensante, Vrael ne se risque pas à corriger son interlocuteur.
- Je me nomme Vrael. Fille d’une humaine et d’un dova. Je suis née sur ce plan.
- Ce qui explique que votre présence ici est tolérée... Ne prenez pas cet air contrit, excusez mon franc-parler. La tâche de sentinelle est quelque peu ingrate mais nécessaire. Mieux je suis informé, des allers et venues d’extra-planaires dans notre monde, mieux l’empire se porte.
- J’ai une question à poser, si vous le permettez, commence Fitz.
Draac'Vio l'encourage d'un signe de tête.
- J’ai été le premier appelé pour relever La Guilde, avec Carseb à mes côtés. Une vision fantomatique de femme m’est apparue, sauriez-vous, peut-être, qui est-elle ?
- Vous devez certainement faire référence à Jeksai. Elle a été la première gardienne à la création d’Huzumil. Une puissante mage en son temps. C’est d’ailleurs étonnant qu’elle ne soit pas apparue au gardien…Vous devez faire preuve d’une grande force de caractère et d’un charisme certain. Sinon, elle ne vous aurait pas choisi pour rallier des partisans à la cause. J’ai cru comprendre que c’est vous qui gérez La Guilde ?
- Je m’emploi au mieux à faire en sorte que l’organisation fonctionne bien, répond Fitz, empourpré.
- Quant à vous elfes, nous n’avons pas été présenté, continue Draac’Vio en se tournant vers le mage.
- Je me nomme Thanis, dit-il d’un ton révérencieux. Je suis mage, comme mon habit le laisse deviner. Je n’ai pas la prétention d’égaler les érudits de Parovenia, mais je m’implique autant que faire se peut u bon fonctionnement de La Guilde. Nombres de mages nous ont rejoins ces temps-ci, et je pense créer une petite académie pour notre organisation. Non pas pour rivaliser avec la grandiose confrérie magique de Portuas, bien sûr ! Nous n’y dispenserons pas de cours, mais ce sera l’opportunité de partager nos connaissances. Je me charge aussi d’archiver nos missions, les nouveaux membres, et les conseils que nous tenons hebdomadairement. A ce sujet, je suis en train de travailler, en parallèle de mon idée d'académie, sur la création d’un groupe de mage qui sera exclusivement dédié à cette tâche. Nous commençons à être nombreux, entre les missions, mes expériences et ce boulot d’archiviste, je n’ai plus une seconde à moi. Car je fais aussi un peu d’alchimie, mais plus en tant que loisir voyez-vous...
Thanis a parlé d’une traite, ne reprenant que très rarement son souffle. La sentinelle a écouté, impassible. Sentent qu'il monopolise peutêtre la parole, il s'autorise une pause pour balayer son auditoire. Draac'Vio s'engouffre dans la brêche est dit d'une voix forte.
- Formidable ! Continuez à prendre vos missions au sérieux, Thanis, elles sont de la plus haute importance. Et pour finir… ? Demande-t-il en se tournant vers le demi-elfe, silencieux jusque-là.
- Je m’appelle Carseb. Je fais partie du conseil de la guilde en tant que membre fondateur. Bien que Jeksai soit apparu seulement à Fitz, j’étais à ses côtés à ce moment-là.
Il ne continue pas, comme l'a fait Thanis. Un silence gêné de quelques secondes s'installe, brisé par la sentinelle.
- Très bien, enchanté répond Draac’Vio.
Il se lève et s'adresse aux cinq aventuriers.
- Si vous êtes tous réunies ici, ce n’est pas anodin. Huzumil rassemble des partisans sous sa bannière, portée par le gardien. Vous êtes amis, c'est indéniable, mais c’est bien plus que cela. Le destin vous a rassemblé, et tant que vous en êtes digne, vous servirez Huzumil, termine-t-il d’un ton grave.
L’empereur dévisage ensuite attentivement son assemblée quelques secondes. Durant ce laps de temps, le nain trapu qu’il était, se transforme en gracieuse grande demi-elfe. Il parait amusé et finit par lâcher d'un ton plus léger:
- A voir vos mines interrogatives, je suppose que Tordek ne vous a rien dit. Ce changement de forme inopiné est dû à la condition de sentinelle. Régulièrement, je me transforme. De cette manière, je peux représenter physiquement tous les peuples du monde connu.
Tous paraissent soulagé, un léger soupir général se fait entendre. Aucun n’osait interroger la sentinelle, au risque de paraitre ignorant ou pire, impolie. Personne n'osant parler, Vrael commencait à se demander si elle n'était pas la seule à avoir des hallucinations.
- Maintenant que les présentations sont faites et que l’ambiance est détendue, je vais vous exposer la mission que je veux que vous réalisiez.
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