40/ Seconde vague
Roland observe avec impuissance la fragile barrière d’énergie se disloquer devant ses yeux. Du haut vers le bas, la membrane rose pâle disparaît progressivement. Reprenant contact avec l'exterieur, les membres de La Guilde sont assaillis par un bruit grouillant. Les babaus sont massés à la lisière de la forêt, hurlant, crachant. Ils se battent pour être en première ligne, attendant de pouvoir traverser, tels des charognards face à une bête agonisante.
Les vrocks, qui s’étaient enfui vers le sommet de la tour retombent en masse du ciel. Roplarm organise tant bien que mal la défense face à eux, coordonnant invocateurs et guerriers. De son côté, Roland rassemble des Hommes, plus en avant pour accueillir les Babaus.
Si ces saloperies arrivent à la tour, nous sommes perdus…Roplarm va devoir se débrouiller seul avec les Vrocks, pense le chef de guerre.
"Au fenêtres !! hurle Thanis dans la tour.
Sur son ordre, les mages se positionnent aux ouvertures, prêt à appuyer les archers de Kozne. Les archers les criblent de flèche les ennemis volants qui cherchent à rejoindre le sol, tandis que les mages redoublent d’inventivité pour retarder les vautours et permettre à Roplarm de se préparer à faire face. Les éclairs, les flèches fusent. Des murs invisibles arrêtent brutalement le vol des créatures qui s'écrasent lamentablement.Thanis, fidèle à lui-même dresse des barrières de feu pour bloquer la progression des Vrocks vers le sol.
Roland évalue la situation.
Merde, ils sont trop nombreux…Nos fosses ne vont servir à rien. Dans quelques secondes on va se faire rouler dessus si on ne fait rien…
- Boucliers !! hurle-t-il pour couvrir le vacarme du combat derrière lui.
Aussitôt, une quarantaine de guerriers et guerrières, se regroupent autour de lui. Tous sont équipés de boucliers, comme il vient de le demander.
- Comme à l’entraînement, vocifère Roland. Formez la pointe et encaissez le choc. Usez de vos lances à mon signal !
Paraissant danser et connaissant la manœuvre par cœur, tous se mettent en mouvement. Chacun connaît son rôle, ils y ont passé des heures ce matin, exemptés des travaux, entraînés par Roland pour ce moment précis.
Quand la barrière d’énergie se dissout totalement, les Babaus se jettent dans la brèche et foncent à toute vitesse vers la tour, tel un tsunami vivant. Les premières créatures trébuchent et tombent dans les fosses. Elles sont peu profondes mais suffisamment pour qu’ils perdent l’équilibre et s’étalent à l’intérieur. Ils en sortiront aisément, étant donné que Roland et ses Hommes n’ont pas pu les garnir de pieux acérés. La progression ennemie est ralentie pendant un temps. Mais l’anarchie prend vite le dessus.
Dans leur folie meurtrière, les Babaus piétinent ceux tombés dans les pièges. Ils servent tout bonnement à reboucher les trous, les autres leur courrant dessus sans vergogne.
Un front de deux rangs d’Hommes se dresse devant les envahisseurs. Ceux en première ligne brandissent d’imposants boucliers tandis que ceux derrière sont armés de lances. Un groupe de combattants se rassemble derrière la fragile barrière de guerriers, appelée par Roland.
- La ligne devant nous va absorber l’impact ! Mais certains passeront, d’une manière ou d’une autre. Notre rôle et de les affronter et les empêcher d’atteindre la tour. En d’autres termes…zigouillez tous ce qui approche !
Ceux en première ligne raffermissent la prise sur leurs boucliers à mesure que les envahisseurs approchent.
Roland s'adresse à eux, tandis qu’à l’arrière une cinquantaine de combattants s’est regroupée.
- Plantez vos pieds dans le sol ! Vous êtes les plus braves d’entre nous, vous n’avez pas droit à l’erreur ! Ne vous préoccupez pas de ce qu’il se passe dans votre dos, nous nous en chargeons !
Il fait des moulinets avec sa double hache d’arme.
- Vos ennemis sont devant ! Quoiqu’il arrive, ne rompez pas la ligne et n’engagez pas de combat singulier ! C’est ensemble que nous vaincrons !
Son regard se pose sur un cadavre au sol, un pauvre bougre qui s’est fait égorger et éventrer. Il porte un casque à visière. Il se résout à dépouiller un cadavre, et d’une main retire la pièce d’armure de la tête de son propriétaire. Pendant son geste, il murmure
- Il me sera plus utile qu’à toi dorénavant. Que tous les dieux te reconnaissent comme un héros.
L’homme faisait à peu près sa taille, le casque lui va comme un gant. D’un rapide coup d’œil, il balaye le champ de bataille.
La ligne est en place, sur deux rangs, comme il l’a enseigné.
Pourvu qu’ils tiennent…
Derrière celle-ci, se tiennent les guerriers prêts à repousser l’envahisseur qui réussirait à passer.
Nous ne sommes plus très nombreux…Le combat sera de courte durée.
Roplarm et quelques Hommes sont encore aux prises avec des Vrocks.
Pas d’élémentaires pour cette fois, on va devoir se débrouiller... Avec un peu de sueur, beaucoup d’acier…et trop de sang…
Au-dessus de la tour, virevoltent toujours en nombre, des Vrocks, qui assaillent les archers.
Pas de soutie non plus…
Comme pour contredire sa pensée, une nuée de flèches jaillit de la tour. Un feu nourri, tous les archers de la guilde tirent comme un seul homme une volée de flèches dans leur direction. Roland suit la trajectoire des projectiles au-dessus de sa tête. Une pluie d’acier s’abat sur les Babaus, décimant leurs rangs.
L’impact sera moins fort ! Peut-être que Kozne n’est pas qu’effronté finalement…peut-être un peu intelligent...
Il abaisse la visière quelques secondes avant l’impact. Les premiers Babaus frappent les boucliers. La plupart de ceux-ci sont équipés de pointes acérés. Le fracas du combat est alors ponctué de râles, de cris de souffrances des créatures empalés contre leur grès par le flux ininterrompu qui pousse vers les guerriers.
La ligne ploie mais tient bon. Le deuxième rang pousse de toute ses force pour aider, leurs pieds s’enfoncent dans la terre meuble.
- Poussez !! vocifère Roland.
D’un même élan, la palissade humaine met toutes ses forces pour rejeter les assaillants. Le choc est brutal, inopiné, les premières créatures, surprises sont déstabilisés et perdent l’équilibre. Elles se font piétiner par la nuée de Babaus qui ne demande qu’à se battre, motivée par on ne sait trop quoi.
- Poussez !! répète Roland.
Une deuxième fois, les démons sont expulsés. Juste avant qu’ils ne reviennent à la charge, il crie.
- Plantez !!
La deuxième ligne, qui est équipée de lances les font glisser par-dessus les épaules de leurs camarades aux boucliers. Les pointes d’acier cueillent les monstres à la gorge, au front ou au torse.
La manœuvre est répétez trois fois, mais les envahisseurs sont trop nombreux. Un Babaus réussit à escalader la palissade d’Hommes et se retrouve de l’autre côté, devant Roland. Déboussolé, il regarde autour de lui mais n’a le temps de voir que la hache du chef de guerre qui le décapite d’un coup net et sans bavure.
- C’est le premier, ce ne sera pas le dernier ! crie-t-il. Préparez-vous !
En effet, les trop nombreux ennemis submergent peu à peu les défenseurs pour se retrouver face aux guerriers. Comme Roland l’a demandé, la ligne ne se préoccupe pas de ce qu’il se passe et continue inlassablement son balai.
Pousser.
Désengager.
Planter.
Depuis la tour, Carseb tir un feu nourri sur tout ce qui bouge. Avec Vahya, ils sont postés à une fenêtre d’où ils ont une vue globale sur le champ de bataille.
- Roland va se faire tailler en pièce. Une idée ?! Il faut tirer les guerriers de là, ils vont tous se faire tuer !
Il a parlé fort, de sortes à ce que Thanis et Kozne l’entendent.
- A part tout faire cramer, je n’ai pas d’autres suggestions, répond Thanis. Mais j’attends le dernier moment, quand tout espoir sera perdu. On y passera tous, mais quel beau spectacle se sera ! Et quelle belle mort ! ricane-t-il.
- Sage décision, réplique Kozne. Attends un peu avant de faire le malin !
- Et sinon plus sérieusement !? demande Carseb, exaspéré.
- Goldrinn…crie Vahya.
Le demi-elfe, même loin d'elle, a entendu.
- Gol-quoi ?
- Goldrinn arrive !
Un hurlement parvient aux oreilles de Carseb. Du coin de l’œil, il voit bouger une forme. Il se penche par la fenêtre pour mieux voir.
Une meute de plusieurs centaines de loups bondit à toute allure vers le champ de bataille. Ce sont de grands loups des bois, le genre de bête qui arrache un bras sans effort.
- Goldrinn a finalement décidé de faire face, dit Vahya amusé. Je ne pensais pas réussir à le convaincre…
La meute se joint avec brutalité à la bataille en cours. Les crocs et les griffes scintillent au soleil, à mesure qu’ils déchiquètent la chair des Babaus.
Quand Roland se retrouve face à un loup l’air féroce, les babines dégoulinantes de sangs, il lève sa hache. Aussitôt la bête se désintéresse de lui pour fondre sur un démon. En observant autour de lui, il remarque que les loups n’attaquent que les envahisseurs. Il vocifère à l’attention de ses troupes.
- Ils nous aident !! Ne les blessez pas !
Pendant un instant, le cours de la bataille semble s’inverser. Les babaus se font décimer et ne sont plus remplacé assez vite.
- Continuez ! crie Roland. Nous sommes en train de les repousser.
Le vacarme du combat est tel qu’il doute que quiconque l’ait entendu. Ça ne fait rien. Ils ne sont plus certains de se faire écraser, c’est tout ce qui compte.
Et puis aussi soudainement que les loups sont apparus, Roland est témoin d’un curieux évènement. Devant l’un de ces hommes, se matérialise une femme.
Entièrement nue, des cheveux rouges tombent en cascade masquant avec peine sa poitrine opulente. Elle est d’une grande beauté, aussi bien que Roland est déstabilisé, tout comme l’homme qui fait face à la femme. Celui-ci hésite, ce qui lui est fatal. Obnubilé par sa beauté, ni le soldat, ni son chef n’a remarqué la fine rapière qu’elle tient en main. D’un mouvement rapide, si rapide que Roland doute de l’avoir vu bougé, la femme enfonce la pointe de son arme dans l'oeuil droit du guerrier. Elle fait un pas en arrière et disparaît.
Elle se matérialise quelques mètres plus loin, levant son épée sur un autre guerrier. A mieux y regarder, les babaus sont de moins en moins nombreux, mais remplacé par ces créatures intangibles.
Du haut de la tour, Thanis plisse les yeux, n’étant pas sûr de ce qu’il voit. Au cœur du combat, des formes humanoïdes coiffées de rouge clignotent. Le doute n’est plus permis.
Merde...Markal, si tu dois nous aider, c’est maintenant…
Il crie.
- Erinye !! »
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