Cocon qui s'embrase

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Le soleil n'était pas encore levé quand Madeleine ouvrit les yeux. Comme chaque matin, elle se réveillait au chant des coqs, dans une chambre où tout semblait figé dans le temps. Les mêmes rideaux aux motifs floraux fanés, les murs peints d’un blanc délavé. Rien ne changeait ici. Le seul son était celui du silence pesant de la maison, presque oppressant, que même le vent ne parvenait pas à perturber.


Dans la cuisine, sa mère était déjà debout, comme d'habitude. Elle s'affairait à préparer le petit-déjeuner, le visage fermé, concentrée sur ses gestes. Madeleine descendit sans un mot. Ce n’était pas dans leur habitude de se saluer ou de se sourire. Ici, tout était fonctionnel. L’amour, s’il avait quelque peu existé, s’était depuis longtemps effacé sous le poids des routines et des ordres à respecter.


Sa mère déposa un morceau de pain sec et une tasse de tisane sur la table sans la regarder. Pas de "bonjour", pas de "comment tu te sens ce matin ?" – juste ce silence froid qui remplissait chaque matin. Madeleine n’en était même plus surprise. Elle ne savait pas ce que c’était, d’être étreinte ou même rassurée. Cela faisait partie des choses qui n’existaient pas dans ce monde clos qu'était le sien.


— As-tu bien fermé les volets hier soir ? demanda sa mère d’un ton mécanique, sans lever les yeux de sa casserole.

— Oui, maman, répondit-elle d’une voix faible, le regard baissé.


Elle savait que rien de ce qu’elle ferait ne serait jamais assez. Pas de félicitations, pas de câlin réconfortant. Juste l’éternelle vigilance à laquelle ils l’avaient habituée.


Son père entra dans la cuisine, imposant, comme toujours. Son visage dur était marqué par des années de méfiance et de peur.


— Tu as entendu les hélicoptères cette nuit, hein ? Ils étaient proches cette fois-ci. Ils nous surveillent. Il faut rester sur nos gardes.


Elle acquiesça en silence, sans oser dire qu’elle n’avait rien entendu. S'opposer, ou même douter, n'avait jamais été une option.


Le petit-déjeuner se passa dans le même silence pesant. Elle savait que bientôt viendraient les instructions pour la journée. Ils n’avaient jamais pris le temps de lui parler vraiment. Les seuls mots qu’elle entendait étaient des ordres.


— Aujourd'hui, tu t'occuperas du jardin. Reste près de la maison, ordonna son père, la voix tranchante. Il y a eu du mouvement cette nuit, je le sens. Ne traîne pas.


Elle hocha la tête et se leva sans un mot. Elle ne s’attendait pas à autre chose. Pas d’affection, pas de gestes de tendresse. Les règles étaient claires : travaille, obéis, et surtout, reste invisible. L’amour était un luxe inutile dans cette maison.


Pourtant, ce soir-là, tout bascula. Assise dans la petite salle de séjour, un vieux roman posé sur ses genoux, Madeleine sentit la fatigue la submerger. Sans réfléchir, elle se leva pour aller se coucher, oubliant la bougie qu’elle avait allumée elle-même.


Peu après s’être endormie, une chaleur intense la réveilla, la faisant tousser violemment. Ouvrant les yeux, elle aperçut de la fumée épaisse se glisser sous la porte de sa chambre. Paniquée, elle se redressa d’un bond. Ce qu’elle découvrit la glaça : le feu envahissait déjà la maison. La flamme de la bougie, laissée trop près du rideau, avait enflammé celui-ci, transformant la pièce en un véritable brasier.


Dans sa panique, Madeleine attrapa la première chose à portée de main – un oreiller – pour tenter d’étouffer les flammes. Mais, il était déjà trop tard.


Le feu s’était propagé à une vitesse effrayante, dévorant la maison. Elle cria, mais le bruit du crépitement des flammes lui répondit, étouffant sa voix. Ses parents ne répondaient pas. Dans l'obscurité, elle s'effondra, suffoquant sous la fumée épaisse. Puis, tout s’éteignit.


Les pompiers arrivèrent à temps pour la sauver, mais la dernière image qu’elle emporta fut celle des flammes qui dévoraient le foyer dans lequel elle avait grandi et où se trouvaient tous ses souvenirs.


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