Gimmick

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Elle est venue.

Elle est venue me parler.

Elle est venue me parler de tout et de rien.

De tout et de rien, c’est vite dit :

Elle est venue me larguer.

Elle est venue me larguer pour de bon.

Elle l’a déjà fait une fois, vous savez.

Ce jour-là, je n’avais pas su réagir. Je ne l’avais pas vu venir.

Du coup, elle n’était pas venue me larguer. Non, elle était venue me narguer.

Elle était venue me narguer, me tester avec cette phrase qu’on entend pas que dans les téléfilms, parce qu’elle appartient à la vie : « tu es un mec génial, mais… »

Toujours ce « mais » qu’on devrait écrire en lettre capitale ou qui devrait figurer en tête de phrase. Un « mais » que l’on retrouve partout, dupliqué, vomi, recraché… Un « mais » omniprésent, sauf sur les épitaphes.

Elle a eu pitié, je crois. Alors elle m’a gardé.

Elle est venue me larguer, donc, cette fois. Pour de bon.

Elle a changé sa formulation pour l’occasion, pour m’empêcher de répliquer.

Elle a dit : « Je suis bien avec toi… mais… »

Mais ?

Je lui ai conseillé de commencer sa phrase par la fin, pour éviter une conversation longue et fastidieuse, plombante et douloureuse, ce genre de discussion qui nous ferait perdre du temps.

Elle n’a pas compris.

« Mais comment veux-tu que je commence par la fin ? C’est pas logique ! répliqua-t-elle, agacée.

- Essaie, et tu verras.

- Je préfère qu’on en reste là.

- Tu comprends maintenant ?

- Comprendre quoi ? T’es lourd Gérard.

- Ta phrase c’est : "je préfère qu’on en reste là, mais je suis bien avec toi "

- Où veux-tu en venir ?

- Que ta putain de phrase n’a aucun sens, peu importe comment tu la tournes ; à l’envers, elle est juste plus ridicule. Ce qui compte au fond, c’est qu’elle est fausse, tout comme toi en fait. Tu vois ? Tu comprends ? Si tu étais honnête et pas aussi hypocrite, tu dirais autre chose, non ? Je sais que tu te tapes Didier entre midi et deux. Tout le monde le sait. La concierge, le facteur, le crémier. Tout le monde ! Alors tes mensonges et tes mais, tu peux te les foutre où je pense !

- T’es vraiment un connard, tu le sais ?

- Je suis un connard, mais… »

*

Il est venu.

Il est venu me voir.

Il est venu me parler.

Juste avant, pour marquer le coup, il m’a baisé à la sauvette. En rangeant sa queue molle et gluante dans son pantalon, il m’a dit, les yeux baissés comme un enfant qui aurait fait une bêtise : « Je suis bien avec toi, mais… »

17 janvier 2021.

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