Chapitre 10
Par Attrape-rêve: https://www.atelierdesauteurs.com/author/1636430184/attrape-reve
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Une fois dans le hall, Grégory s’arrêta un instant, scrutant autour de lui. L’animation qui y régnait n’avait rien d’habituel. Rien d’étonnant en songeant à l’alerte qu’il avait reçue sur son portable et à l’assemblée de policiers ainsi réunis. À cet instant il se souvint de la première fois qu'il l’avait emmené dans ce lieu. Il avait à peine quatre ans et pourtant cette matinée resterait gravée dans sa mémoire à tout jamais. Il avait compris ce jour-là que son père n’était en rien celui dont il rêvait.
Combien de fois, il aurait voulu être à la place de son ami James dont le père n’avait pour seule prétention que de vivre en harmonie avec les êtres qui lui étaient chers, ne faisant jamais passer le travail avant la famille. Et si c’était lui qui avait raison. Il aimait passer les week-ends chez eux parce qu’il s’y sentait heureux et important. Quand ils avaient déménagé pour aller vivre au Canada, Grégory avait tout juste dix ans. Il les avait suppliés de les emmener avec eux sous le regard de son père qui voyait en ce départ l’opportunité une fois de plus de l’humilier. Rien ne fut facile pour lui depuis ce jour-là. L’opulence, l’argent ne palliaient pas l’absence d’amour.
Il avait appris à grandir dans ce monde intraitable des affaires, il arpentait les bureaux comme un terrain de jeu propice. Il avait découvert tant de fois des pratiques bien étranges et avait surpris plus d’une fois son père dans des positions qui auraient pu le dégouter à jamais de connaître un jour l’amour. À cette heure, il montait les escaliers, marche après marche, perdu dans ses pensées. Il allait devoir encore une fois jouer ce rôle qu’il détestait. Quelle ne fut pas sa surprise de croiser Julie qui descendait comme une furie les escaliers, les yeux remplis de larmes. Elle le bouscula sans pour autant stopper sa course.
Grégory essaya de l’interpeller, en vain: elle ne l’entendait pas. « Putain papa qu’est-ce que tu as encore demandé à cette pauvre fille ? Tu ne lui as pas déjà assez gâché la vie ? Mais après tout elle n’avait qu’à pas accepter d’assouvir tes moindres souhaits. Enfin là, elle est plus à plaindre qu’elle n’aura d’ennuis, enfin j’espère ». Il l’observa et dès qu’elle eut disparu derrière la porte, il poursuivit sa route. Il devait avant tout voir Nicolas qui lui aurait peut-être des réponses à lui fournir. Il ne savait pas toujours sur quel pied danser avec ce bras droit parfois envahissant et parfois touchant. Il avait appris qu’il ne devait faire confiance à personne si ce n’est à son propre jugement. Une solitude qu’il avait finalement appris à accepter.
Quand il arriva enfin à l’étage des bureaux de la direction, des éclats de voix l’interpellèrent ajoutés à des cris qu’il reconnut, parce que même si elle s’était avérée un fantôme, elle restait sa mère. De ce qu’il percevait, elle faisait une crise d’hystérie, une de plus. Il avait appris à les esquiver, surtout qu’avec quelques verres de Bourbon qu’elle affectionnait, elle s’apaisait. Et c’était souvent lui adolescent qui la mettait au lit et la bordait. Combien de temps allait-il devoir encore subir tout ça ? L’entreprise il n’en n’avait rien à faire, la seule chose qu’il voulait, c’était la paix tout simplement. Il poussa la porte et se retrouva nez à nez avec sa mère qui était dans les bras de Nicolas. « Il ne manquait plus que ça » songea-t-il.
Quand ils le virent tous les deux, ils s’écartèrent l’un de l’autre comme s’ils venaient d’être pris en flagrant délit. De quel crime pourraient-ils être accusés ? Après tout sa mère aimait à jouer de sa superbe pour tous les mettre dans son lit et qui sait elle voulait peut-être tout simplement se venger. Enfin de qui ? De son mari ? Qui en faisait tout autant dès que l’occasion se présentait. Si la situation ne lui convenait plus, elle aurait pu le quitter et obtenir un petit pactole. Mais elle aimait trop cette vie d’apparat futile. De Nicolas ? Il lui avait refusé ses draps, enfin à les regarder à cet instant, avait-il finalement succombé à ses avances mais qu’aurait-il à y gagner ? Son mépris surement. Elle lui faisait peine à voir, elle qui pouvait passer de la parfaite idiote à la pire garce.
Grégory ne comprenait pas trop ce qui se passait, les officiers présents ne ressemblaient en rien à des inspecteurs des fraudes. Il commençait à se dire que quelque chose de plus grave encore était arrivé. Il avança vers le bureau de son père quand Nicolas posa sa main sur son épaule et lui dit :
- Attends Grégory, ce n’est pas beau à voir.
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