Chapitre 24
Par Fred Larsen: https://www.atelierdesauteurs.com/author/1316627202/fred-larsen
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Charlotte Evra ruminait en rentrant au commissariat où elle allait procéder à un second interrogatoire de la femme de ménage. Est-ce que la grossesse de Gladys, alias Sonia Vitali, avait un rapport avec le meurtre du patron des laboratoires InVivas ? Et s’il y en avait bien un, lequel ? Pourquoi les données contenues dans ce dossier rouge étaient si sensibles pour le numéro deux qu’il ait demandé à la femme de ménage de le subtiliser ? Qui allait hériter de quoi une fois la succession de Joseph Marhic soldée ? Trop de questions et pas assez de réponses… Aucune réponse même, merde ! Avec en plus cette incohérence relevée par Liliane sur l’heure du décès, cette température trop élevée. Et maintenant Gladys morte…
Julie Larsen ne le savait pas encore, mais Charlotte s’apprêtait à la démonter lors de l’interrogatoire. Il n’allait pas falloir qu’elle essaye de jouer à la plus maligne ou de la rouler dans la farine. Une pensée fugace vers Théo la détourna un peu de ses préoccupations : Pourvu qu’il dorme la nuit prochaine... Deux nuits de suite sans sommeil, avec cette enquête sur le dos, je ne tiendrai jamais. Je sens bien que c’est ma carrière qui se joue ici, se dit-elle. Mon Dieu faites qu’il dorme. Faudrait peut-être que je demande à Liliane si elle aurait un « truc »… Pas de la drogue mais quelque chose qui lui fasse faire une bonne nuit. Il en a autant besoin que moi, non ? Ça doit bien exister, un machin pareil. Liliane saurait quoi lui conseiller… C’était assez ironique de penser à des somnifères alors qu’elle venait de découvrir le cadavre de Gladys, qui venait d’en absorber une trop forte dose. Mais la vie est pleine de contradictions, non ?
Pendant ce temps-là, Julie, seule dans la salle d’interrogatoire depuis plusieurs heures, ne cessait d’alterner entre ruminations et pleurs. Nicolas qui n’était même pas venu la voir, alors qu’elle avait fait exactement ce qu’il lui avait demandé avec ce foutu dossier rouge. Elle ne se doutait pas qu’il avait lui-même été soumis au feu roulant de questions de cette femme, officier de police, qui semblait diriger l’enquête sur la mort de Joseph Marhic. Elle n’imaginait pas non plus que celui-ci avait été libéré et était sorti du commissariat sans plus se préoccuper d’elle.
Elle pensait aussi à son pauvre Voyou, le seul avec Nicolas, qui faisait attention à elle, la femme de ménage invisible. Dans son petit appartement, avec son chat, elle retrouvait son nid douillet. Elle passait ses soirées enveloppée dans un plaid, à regarder l’amour est dans le pré. Elle aimait beaucoup l’animatrice et caressait son animal de compagnie qui ronronnait, tout en rêvant au fait qu’un jour, elle aussi, elle rencontrerait l’amour. Elle sentait bien qu’avec Nicolas, il n’y avait que très peu d’espoir. Ils n’étaient vraiment pas du même milieu. Il avait beau l’avoir tirée du ruisseau, ce n’est pas pour autant qu’ils avaient le moindre avenir ensemble. Nicolas, c’était quelqu’un de la haute lui, pas elle, définitivement pas elle.
Charlotte venait de raccrocher d’avec Liliane. Elle était un peu troublée par ses échanges avec son amie. La vache, mais elle n’arrête jamais… soit elle raconte des conneries soit elle ne pense qu’au cul… J’espère bien que j’aurais autant la pêche qu’elle a son âge, l’alcoolisme en moins, se dit Charlotte en entrant au commissariat et en rangeant son téléphone dans sa poche. Bon, maintenant, Julie Larsen, à nous deux !
Elle pénétra brusquement dans la pièce où attendait la femme de ménage. Celle-ci, prostrée sur sa chaise, se releva rapidement, surprise. Elle avait visiblement pleuré, vu l’état de ses joues.
La voir ainsi calma rapidement la lieutenante. Elle devait se radoucir, elle n’obtiendrait rien de Julie en la brusquant.
- Comment allez-vous, Julie ?
- C’est long, madame. Je suis épuisée. Je peux rentrer chez moi ? Mon chat doit être mort de faim…
- Encore quelques questions si vous le voulez bien et après, je vous ferai raccompagner.
- C’est que je me lève tôt le matin, vous savez. Demain, je recommence à travailler à 6 heures. Il faut que je me lève à 5 heures avec le trajet depuis chez moi.
- Il y a peu de chance que vous ayez besoin de vous lever demain matin, Julie, les locaux sont et resteront bouclés durant quelques temps encore.
- Mais et mon boulot ?
- Ça m’étonnerait que vous soyez licenciée pour autant… mais cela ne dépend pas de moi.
- Vous savez, j’habite en banlieue et j’ai besoin de ce salaire pour payer mon loyer, pour mes repas et ceux de mon chat. Je ne gagne pas grand-chose, cela me permet tout juste de vi…
- Stop !
Julie sursauta devant le ton péremptoire de la policière et se remit à pleurer.
- Désolé, Julie, je ne voulais pas vous choquer mais j’ai une dure journée et peu de patience… Je comprends que vous soyez fatiguée mais je le suis aussi. Alors on va aller vite et tout le monde pourra rentrer chez lui, ok ?
- …
Pourquoi donc tout le monde lui en voulait-il ? Elle n’avait rien fait d’autre que de suivre les ordres que lui avaient donnés Nicolas. Elle n’était qu’une exécutante après tout. Elle n’était que la femme de ménage. Elle avait juste été au mauvais endroit au mauvais moment et n’aspirait qu’à une nuit noire, sans rêve, pour oublier toute cette journée cauchemardesque.
- On ne finaude plus, Julie, on va droit au but ?
- Oui, madame.
- Qu’y a-t-il entre toi et Nicolas Bianchi ? Vous couchez ensemble ?
- N… non, madame.
- Pourquoi est-ce que tu fais tout ce qu’il te dit ?
- …
- Julie ? Tu en as marre et moi aussi. Je sais que tu es épuisée alors plus vite tu me dis ce que je veux, plus vite tu pourras rentrer chez toi décompresser et te reposer.
- … oui...
- Alors qu’est-ce qu’il y a entre vous deux ? Tu dois tout me dire Julie, C’est pas monsieur Bianchi qui peut te protéger de quoi que ce soit. Seule la Police le peut.
Mais oui…. La police n’avait rien fait quand elle était tombée dans les griffes de Georgie. Seul Nicolas l’avait sortie de là. Il ne fallait pas non plus qu’elle raconte que Nicolas Bianchi la payait pour espionner dans les locaux d’InVivas. C’était leur secret. Elle qui faisait le ménage avait accès à tous les locaux et lui avait souvent apporté des informations capitales en vue de sa prise de pouvoir sur les laboratoires.
- C’est lui qui m’a fait rentrer au service d’InVivas comme femme de ménage alors que je n’avais aucun boulot.
- C’est tout ? Et vous ne couchez pas ensemble ?
- Euh... Non, même si moi je voudrais bien, mais c’est quelqu’un de bien, Monsieur Bianchi, il n’a jamais voulu. Il m’a dit que ça ne serait pas correct.
- Tu es certaine que tu me dis tout, Julie ?
- Oui, Madame, je vous le jure !
Tu parles… plutôt mourir que de lui avouer que j’étais une escort, au service de ce fumier de Georgie. Déjà qu’en tant que flic, elle ne doit pas respecter les femmes de ménage, alors les escorts…
- Bien, tu peux rentrer chez toi, mais tu restes dans le coin. Sinon, je n’hésiterai pas à mettre toutes les polices de France à tes trousses.
- Où voulez-vous que j’aille ? demanda Julie abattue.
- Allez, file, rentre chez toi et dors.
Elle n’allait pas avoir besoin qu’on insiste. Deux-trois cachets de somnifère et elle partirait pour son vœu le plus cher : un programme débile à la télé, sans besoin de réfléchir et puis une longue nuit sans aucun rêve ni cauchemar avec son Voyou collé contre elle, bercée par ses ronronnements.
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