Chapitre 4 - J -342 (25 mars)
Lorsqu’Angélique rentra ce soir-là, elle fu ravis de découvrir une lettre qui lui était destinée au fond de la boîte aux lettres. Elle la prit délicatement et partie en sautillant de joie dans sa chambre, ravie d’en apprendre plus sur son mystérieux correspondant aux tendances quelques peu suicidaires.
Elle ouvrit la lettre et s’assit sur son lit, avant d’enfin commencer sa lecture. Quelques larmes, traîtresses sensibles, s’échappèrent lentement de ses yeux au fil de sa lecture, suivant les courbes de ses joues et de son cou pour venir s’échouer entre ses doigts, se mêlant à l’encre noire sur le papier.
Elles les trouvaient belles, ces tâches mouillées, témoins de l’émotion provoqué par l’histoire de Sirius. Leur éclat scintillant lui rappelait la lune. Qu’est-ce qu’elle aimait la contempler les soirs ou le silence était trop pesant.
Angélique sécha les quelques gouttes qui perlaient encore aux coins de ses yeux et déposa la lettre avec la première, dans une petite boîte sur sa table de chevets. Ses parents l’appelant pour manger, elle descendit ensuite rapidement les escaliers pour les rejoindre.
Une fois tous installés, sa mère prit la parole.
« Alors Angélique, comment ça se passe les cours ? Tu t’en sors bien ?
—J’ai un peu de mal dans quelques matières mais sinon je m’en sors plutôt bien je pense.
—En français tu n’as pas de mal ? Tu as le bac à la fin de l’année alors il ne faut pas négliger cette matière… »
Angélique sourit discrètement. S’il y avait bien une matière qu’elle aimait par-dessus tout c’était bien la littérature. Elle adorait lire, des œuvres de fantasy aux grands classiques, rien ne l’arrêtait.
« Ça se passe très bien maman. Et toi tu as reçu de nouvelles commandes ?
—Oui, une vieille dame m’a commandée une robe sur mesure pour l’anniversaire de sa petite fille. Elle va être majeur cette année alors elle veut marquer le coup ! »
La discussion continua de bon train sur l’entreprise familiale. En plus de la robe, sa mère avait reçu la commande de 2 torchons brodés et d’une écharpe. Son père avait pour sa part sur sa liste d’attente une marmotte, un petit cheval, un lézard et une rose.
« Au fait ma chérie tu as aussi reçu une demande pour un tableau. Je te l’ai envoyé sur ton ordinateur tu pourras y jeter un œil. Si le projet t’intéresse je te mettrais en relation avec le client.
—Merci papa ! »
La jeune fille quitta la table avec un sourire aux lèvres. Les commandes pour ses œuvres étaient rares. Elle récupéra son ordinateur et ouvrit le message que son père lui avait transféré.
La commande était celle d’un garçon de 18 ans qui expliquait vouloir une peinture format A3 qui le représenterait mais il ne semblait pas avoir d’idée précise de ce qu’il voulait. Angélique sourit, emballée par le défi. Cerner la personnalité de quelqu’un était toujours difficile mais elle avait hâte d’essayer. Elle en informa son père qui lui envoya le numéro du garçon. Elle lui envoya donc un message pour engager la conversation.
Bonjour, je suis Angélique. J’ai vu que vous aviez commandé une peinture sur notre site, c’est moi qui m’en chargerais. Avez-vous une idée précise en tête de ce que vous souhaitez ?
Bonjour ! Oui, j’ai bien commandé sur votre site. Je m’appelle Elio. En fait je n’ai pas d’idée particulière, simplement j’ai vu les exemples de peintures que vous avez mis sur le site et je les aie trouvées magnifiques. Disons que vous avez carte blanche pour votre œuvre !
C’est vraiment très gentil de votre part. Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur vous ? Le meilleur moyen de faire une œuvre qui vous plaira est d’en faire une qui vous ressemble.
Eh bien si je devais me définir en un mot je dirais que « libre » est le bon adjectif. Du moins c’est ce que j’essaye d’être.
Avez-vous des activités que vous aimez, des passe-temps ?
J’aime beaucoup la nature. Ce que je préfère par-dessus tout c’est me promener dans les montagnes et m’allonger au soleil. Ça m’apaise vraiment.
Angélique sourit derrière son écran. Elle comprenait ce qu’il pouvait ressentir. Elle-même prenait beaucoup de plaisir à se promener dans les champs, et elle prenait parfois le temps de s’y allonger pendant les chaudes journées d’été.
Je pense avoir quelques idées de départ. Je ne peux pas réellement vous dire le temps que cela prendra mais je vous tiendrais au courant ton au long du processus ! Si cela vous convient, je commencerais par faire quelques croquis que je vous enverrais pour que vous puissiez me donner votre avis
Ça me semble parfait. J’attendrais votre message dans ce cas.
La jeune fille reposa son téléphone et s’installa à son bureau. Elle décida de commencer ses croquis le lendemain. Elle sortit une feuille et commença à écrire une réponse à Sirius.
Jeudi 25 mars
Cher Sirius,
Votre sincérité me touche grandement, et quoi de mieux pour vous en remercier que de vous parler de moi comme vous me l’avez demandé ?
Mes parents sont les personnes que j’admire le plus en ce monde. Ils ont eu le courage d’oser rêver plus loin que les autres. Ils ont décidé de faire de leur passions un métier.
Notre entreprise prospère, chacun à ses propres tâches. Moi je peins, j’invente, je vis. Je ne me sens jamais aussi vivante qu’en me promenant dans les champs pour aller à l’école et qu’en prenant en photo les animaux qui s’y trouvent.
J’aime lire, je lirais tout le temps si je pouvais. La littérature est bien la seule chose à laquelle je porte de l’intérêt à l’école. Je n’aime pas les cours. C’est ennuyant de rester assis sans bouger, mais au moins je peux voyager dans mes pensées.
Et puis, m’ouvrir aux autres, me faire des amis… Je n’ai jamais été très douée pour ça, mais ça me va. J’aime la solitude. La compagnie du silence suffit à me tenir éveillée.
Vos mots et vos phrases ont également trouvés leur place dans mon cœur. Je me plais à vous imaginer quand je m’ennuie. La nuit est moins noire depuis votre rencontre, si j’ose dire.
La nuit est un refuge pour les âmes solitaires, vous ne trouvez pas ? Si les étoiles pouvaient parler, je leur demanderais de vous dire merci.
Ça fait du bien d’avoir quelqu’un à qui parler. Un ami, si je peux vous définir comme tel. Le temps passe trop vite autour de moi. Plus tard… J’ignore quoi faire, après, ensuite, à l’avenir. Je n’aime pas penser au futur, il me paraît si vide de sens.
« Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ? »1
Deux solitaires égarés qui se tiennent compagnie, cela me semble parfait. Je regarderais les myosotis en allant à l’école demain, ils me feront penser à vous. Certains poussent près du chemin, à côté d’un parterre d’Hellébores. Je trouve ces fleurs magnifiques, elles semblent sorties d’un conte fantastique.
Je pourrais passer des heures entières à les observer tant je trouve leur beauté envoutante. Je me suis entraînée à les peindre, jusqu’à ce que mes peintures les reflètent parfaitement.
J’attends de vos nouvelles mon cher myosotis,
Angélique
Une fois satisfaite de son écrit, elle reposa la lettre après l’avoir déposée dans une enveloppe avant de se glisser sous sa couverture, tombant de fatigue. Le souffle du vent dehors la rassurait ; il sifflait à ses oreilles comme une symphonie. Elle aimait particulièrement écouter le vent chanter, c’était pour elle une mélodie trop oubliée et pourtant si belle.
Pendant qu’elle somnolait dans sa chambre, un jeune homme se tenait debout sur le toit d’un hôpital, chuchotant un doux « bonne nuit » à sa belle inconnue, dans l’espoir que la brise du soir l’apporte jusqu’à elle. Lui aussi aimait écouter les chansons du vent. Peut-être pouvait-il aussi parler ?
Angélique sourit.
« Bonne nuit à toi aussi, Sirius. »
1Lamartine, Méditations poétiques, 1820
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