Une heure.

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Je... C'est la crise.

J'ai jamais vraiment pensé à la mort. Et là, ça me tombe dessus. D'un coup. J'ai même pas eu le temps de réfléchir à ce qui m'arrivait. C'est tombé comme la guillotine sur la tête de Marie-Antoinette. PAF.

& le pire. C'est que j'ai ri. Oui, ça m'a fait rire. C'était nerveux je crois. Je ne sais plus. J'ai un trou de mémoire. L'annonce, elle est encrée, soudée à mes souvenirs mais ce que j'ai fait après. C'est le néant. J'ai ri, puis, plus rien.

C'est dingue comme le corps peut avoir de drôles de réactions parfois. & là, je ne sais pas quoi faire. Je devrais courir voir ma famille je pense. Peut-être. Je sais pas.

Putain. Ca me prend la tête cette histoire. Pas comme Marie-Antoinette.

En réalité, je crois que j'aurais préféré ne pas le savoir. Cela aurait été plus agréable de marcher, de s'assoir sur un banc, de s'allonger pour ne plus se réveiller. Y'en a plein qui le font en hiver, ça doit pas être si terrible, hein ? Putain. Je suis même plus lucide.

Comment je vais mourrir ? C'est très angoissant de ne pas savoir. Est-ce que je vais souffrir ? Est-ce que ça sera rapide ? Innatendu ? J'imagine mille et une mort ridicules. La honte. Mourir d'un hoquet ou pire, mourir à cause d'un poteau pris en pleine face car tu ne regardais pas devant toi. Boum. Commotion cérébrale.

Il va bien se marrer Saint-Pierre quand je vais débarquer.

Je crois que dans la mort, je serais la même personne que j'ai été. J'aurais sans doute plus d'humour noir. Cela me semble tout à fait logique.

Je sais pas ce que je vais foutre pendant une heure. Une heure avant de mourir, c'est long. Vraiment long. Là, je regarde le plafond. J'ai pas de regrets, non. J'ai bien vécu. J'ai pas eu l'occasion de tout faire mais là, concrètement j'ai plus vraiment le temps. A moins qu'on me laisse un sursis mais je ne sais vraiment pas à qui m'adresser. Je crois pas que les Moires ont un service après-vente.

Je pourrais prévenir mes proches. Non. Mauvaises idée. Ils vont me faire une crise, pleurer toutes les larmes de leur corps, me rejouer la panique dans la scène du Titanic où le bateau coule : non, merci, bonsoir.

Je préfère leur laisser la surprise. Ils souffriront sans doute moins. & puis, ils ne sauront jamais que je savais.

Et bordel, je me fais chier là.

Tic-Tac. Tic-Tac.

Mes doigts pianotent sur la table, je m'impatiente. Est-ce que les condamnés à morts vivent la chose aussi sereinement ou c'est moi qui ai un problème ? En même temps, ils ne sont plus là non plus le dire.

Han, misère...

J'enfourne un cookie dans ma bouche. Je vais manger tout le frigo, c'est un bon plan. Crever d'une indigestion carabinée ? Non, je passe.

Je sais pas quand on va découvrir mon corps, ça serait bien que mon appartement soit présentable. Je vais ranger. Nettoyer. Ca m'occupera.

Bordel, mais qu'est-ce qui m'arrive ? Je crois que je panique. C'est la crise. J'hyperventile.

Faut que je me calme. Je vais m'allonger. Fermer les yeux & attendre gentiment qu'on vienne me chercher. Car je suppose que quelqu'un va venir. Enfin, j'espère, je n'ai pas le sens de l'orientation. Surtout dans un endroit que je ne connais pas.

Je fais les quatre cent pas. Mon regard est attiré par un vieux jeu de cartes. Les potes vont me manquer. Ils ont pas interêt à me faire attendre longtemps quand je serais là-haut ! Normalement, Jesus pourrait être mon pote. Il change l'eau en vin. Je peux mordre sur ma chique et porter des sandales pour la peine.

Vingt minutes. Il reste vingt minutes.

Je regarde la fenêtre. Je pourrais passer à travers et accélérer le processus mais j'ai clairement pas les couilles de faire ça. Faut qu'on le fasse à ma place. Et si je.

...

J'ai rien senti. C'était pas brutal mais très soudain. Ils étaient en avance, heureusement qu'ils n'ont pas pris le train.

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