Chapitre 4

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Jacinthe

            Je me laisse aller. Les mots explosent hors de ma bouche, je ne peux pas les retenir et même si je le pouvais, je ne le voudrais pas. Il n’y a qu’avec toi que je peux m’exprimer librement.

Une question me vient à l’esprit :

            - Tu as honte de moi, Anton ?

Ton corps tressaille. Qu’est-ce que ça signifie ? Que oui, tu as honte et que tu avais peur que je te pose la question ?

            - Comment peux-tu penser cela, Jacinthe ? Pourquoi est-ce que j’aurais honte de toi ?

            - Parce que tu fais tout pour moi et moi,  je te déçois. Je n’arrive pas à m’en sortir. J’allais mieux et j’ai perdu pied.

            - Oui, tu allais mieux. Tu t’en sortais admirablement. Je suis fier du chemin que tu as parcouru. Je sais que tu ne veux pas en parler maintenant, mais il y a une bonne raison à ta rechute.

            - Oui, dis-je de façon presque imperceptible, j’ai perdu le bébé. Je suis désolée.

            - Tu t’en veux ?

            - Oui. J’ai sûrement fait quelque chose de mal pour qu’il n’ait pas eu envie de rester avec moi.

            - Tu n’as rien fait de mal. Ce n’est pas de ta faute. Cela arrive à beaucoup de femmes, de couples.

            Ce dernier mot me rappelle que toi aussi, tu as perdu un enfant. Et dire que cette douleur est connue par de nombreuses personnes. Comment cela peut-il être possible ? On reprend une vie que l’on a à peine donnée. Je ne peux m’empêcher de penser que le bébé n’a pas eu envie d’une mère comme moi. Il sentait probablement mon mal-être. Au fond de moi, je peux le comprendre. J’aurais peut-être été incapable de m’en occuper.

            - Jacinthe, écoute-moi. Tu n’as rien à te reprocher. C’est une fausse couche, cela arrive. C’est très difficile de porter un enfant. Ton corps a peut-être eu du mal à s’adapter, mais ce n’est en aucun cas de ta faute.

            - Si tu le dis…

            C’est très difficile pour moi d’y croire. D’aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie coupable de tout. Pour me punir, j’ai choisi l’automutilation. Je dis « choisi », mais j’ai souvent eu l’impression qu’elle s’imposait à moi. Que c’était la seule solution. Il me fallait avoir mal pour… Pour quoi, d’ailleurs ? Sur le moment, ça soulage, mais ça ne résout rien. La douleur physique remplace simplement  celle tapie au fond de nos entrailles. Et lorsque l’on commence, il semble impossible de s’arrêter. Le souvenir du jour où j’ai commencé m’apparaît soudain. La première fois que j’ai ouvert ma peau, c’était le jour de notre rencontre. 

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