Chapitre 14 - Relance - partie 2
- XIV -
Relance
(partie 2)
Fatou est rentrée vers 19h ; elle était aussi élégante que contente de me voir. Nous avons dîné tous les cinq et j’ai mangé comme quatre. Puis j’ai entrepris de coucher mes filles. Elles étaient excitées comme deux puces à cause de mon retour, et je ne pouvais pas vraiment le leur reprocher. Pour les calmer peu à peu, je leur ai lu une histoire en russe qui parlait de princesses et de sorcières. Elles se sont blotties contre moi au fil de la lecture, et elles se sont endormies, Esméralda sur mon épaule gauche et Manon sur mon flanc droit, comme quand elles étaient petites, avec la même confiance sucrée.
Je suis resté assez longtemps immobile à les écouter dormir, puis je les ai bousculées doucement pour me relever. Elles m’ont souri comme des soleils ensommeillés en chuchotant « bonne nuit papa », et j’ai quitté leur chambre sur la pointe de mes rangers réglementaires.
Ensuite je suis parti pour Cannes, le pied au plancher et l’espoir au ventre. Il était près de 23h quand j’ai garé la voiture de Catalina devant la clinique où elle travaillait. C’était une bâtisse impressionnante, plus proche du palace que de l’hôpital, avec un jardin magnifique et une vue plongeante sur la Méditerranée.
J’ai pris l’escalier de service et je suis monté au dernier étage. Je suis resté planté bêtement devant la porte de Catalina quelques minutes ; c’était d’autant plus ridicule que je savais qu’elle ne terminait pas sa garde avant une heure. J'ai finalement fait appel à tout mon courage ; à tout mon amour, aussi. Et je suis entré.
L’univers de Catalina était tout petit mais tout mignon. Il y avait des photos de nos filles à tous les coins de mur, deux petits fauteuils rouges un peu éclopés, et un grand lit moelleux sur lequel je me suis assis. L’attente aurait pu être interminable et anxiogène, mais la fatigue a eu raison de moi, et je me suis endormi au bord de l’évanouissement.
J’ai été réveillé en douceur par une main sur mon front et des lèvres sur les miennes. Catalina me regardait en silence, avec des larmes dans le sourire. Mon cœur s'est mis à jouer l'Hymne National Européen dans ma poitrine, à la grosse caisse. J’ai voulu me lever mais une petite main très douce m’a attrapé au vol. Catalina a posé sa joue au creux de mon épaule et son regard au fond du mien. Ensuite j'ai vu Le Lac se brouiller dans ses yeux. Alors j’ai pris son visage entre mes paumes, je l’ai regardée très fort et je l’ai embrassée encore plus fort. Nous sommes restés longtemps muets et immobiles comme dans un rêve. Puis le miracle s’est avéré réel et nous sommes redescendus sur Terre.
Catalina m’a murmuré à l’épaule pendant des heures : elle ne m’a épargné ni les reproches, ni les potins, ni les mots tendres. Elle avait toujours sa petite voix douce qui me faisait tant de bien et qu’elle ne prenait que pour moi. Elle avait toujours l’art de poser des mots simples et purs sur notre amour absolu. Et je n’avais qu’à tendre l’oreille pour que ce soit mon cœur qui respire au lieu de mes poumons.
J’ai glissé dans le sommeil comme dans un nuage, sans trop m’en rendre compte, avec un sourire béat posé sur mes lèvres et ma belle étincelle posée sur mon corps. J’ai eu le temps de lui murmurer « je t’aime », elle s’est lovée dans la nuit et j’ai dormi comme je ne l'avais pas fait depuis longtemps.
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