Balblair
Par une journée au ciel dégagé
Perdu sur la planète Highlands
Se déroulait un ruban de méandres
Duquel, de chaque côté s’étalait la lande
Rouille parsemée de jaunes genêts
Laissaient sur ma face mes lèvres étirées.
Je gambadais de passing place en passing place
Un toit sur la tête à l’abri de la douche écossaise
Quand tout à coup, à la sortie d’un sinueux virage
Me saute aux yeux une pancarte, j’ai cru au mirage
Un doux nom gravé dessus en lettres décaties
Je salive rien qu’à la lecture du mot distillery.
Au frein à main la voiture glisse, dérape
Le moteur s’époumone, j’ai peur qu’il dérate
Elle s’engage au cordeau, passe de justesse
Effleure un poteau, je maudis l’étroitesse
Du chemin que j’emprunte, je serre les fesses
Et enlève le costume de Sébastien (Loeb) qui me drape
Pour enfin arriver au sommet de ma hâte.
M’accueillent des barriques en rang d’oignon
Sur lesquelles peintes en gros ton Prénom
Sous mon crâne, l’ébullition chasse l’air
Le vent se lève, un choc et passe l’éclair
Qui électrise mon neurone, merde, je suis chez Balblair.
La jeune fille guide mes pas au cœur des boyaux
Unique visiteur, je profite au mieux sans troupeau
Des effluves naissants évadés des alambics
J’en remplis mes sinus, mes pores, échappe un hic,
Pour finir dans l’antre où foisonne le labeur
De patients artistes, véritables adorateurs
D’un travail à façon, d’années d’apprentissage
Pour à la fin colorer ce sublime breuvage
De notes d’ocre, de reflets ambrés, cuivrés
Issus de tonneaux aux essences exaltées.
Puis sonne l’heure de la dégustation
Sur pied, trois verres attendent mes lèvres
La jeune fille verse le nectar, le poison
Qui me colle au plafond, me refile la fièvre
Je crie à mon Dieu que je sais rester sage
Mais dans mon dos mes doigts se croisent
Cinq mots glissent, tant pis pour l’ardoise
Elle s’éclipse, revient, instille un hors d’âge
Mon temps s’écoule, je me bannis jusqu’au sevrage.
Perdue dans les Highlands, à la croisée d’eau limpide
Balblair, ton whisky en étendard, aux autres l’insipide
Qu’as-tu fait de moi, tu retiens mon corps entier
Je pourrais vivre ici, impossible de me déloger.
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