Girl Meets Boy
Et non, Meat Boy... Ok j'arrête.
De retour à la case départ, le corps encore plus mutilé qu'à son arrivée. Il entendait encore sa chair grillée dans ses oreilles. Il était incapable de se déplacer tout seul, vu le niveau de ses dégâts, la régénération allait prendre beaucoup plus de temps que s'il l'actionnait manuellement...
Ses compagnons de cellule avaient déguerpi pour d'autres cachots loin de lui, encore traumatisés par les événements d'Oranas et de ce qu'ils avaient été témoins durant leur "séjour" dans ce lieu Féérique. Ses exploits étaient notables, peu d'humains normaux ou modifiés - s'il en reste encore - pouvaient se targuer d'avoir accompli de telles choses.
Il tenta de se redresser mais la douleur de ses blessures étaient telles qu'il préférait être dans la position inconfortable où il se trouvait plutôt que risquer de se casser quelque chose. L'air entrant dans ses poumons lui brûlait les alvéoles, il tentait de stopper sa respiration pour adoucir avant de s'y résigner pensant qu'il allait finir dans un profond coma. Étant à la merci de tous... Heureusement d'ailleurs qu'il avait décimé les araignées Mexicula sinon il aurait été une proie de choix pour ses ignobles bêtes suceuses de sang.
Son seul choix fut de patienter qu'il aille mieux de lui-même, en espérant aucune interférence dans ses pouvoirs héroïques. Le sommeil accélérerait la vitesse de sa régénération, donc d'ici douze heures, il serait sûrement sur pied et il pourrait réfléchir à un moyen de s'échapper de sa cellule.
Malheureusement pour lui, à peine deux heures s'étaient écoulées qu'il fut réveillé par les braillements des autres prisonniers. Les paupières mi-closes, il observait ce qu'il se déroulait, mais il utilisait plus son ouïe pour savoir ce qu'il se passait : il entendait les criminels s'affolaient d'une présence féminine, s'excitant de voir une femme parmi eux. Le Héros finit par entendre la voix de cette anomalie dans ce lieu rempli de testostérone et au taux exceptionnel de criminalité - si les crimes de tous ceux ici présents étaient bien avérés.
Dans tout le brouhaha créé par les taulards qui entouraient le Héros, à travers toutes leurs avances perverses et de gros lourd, il distinguait la demande qu'elle leur adressait : « Où se trouve l'humain ? » en bégayant. Cette voix n'était vraiment mature mais plutôt frêle bien qu'elle soit relativement grave.
Il finit par apercevoir la personne qui le recherchait, il s'agissait de la fille qu'il avait sauvée durant la parade sur son char lorsqu'il fut confronté à l'homme-lézard Jordan. Elle était vêtue d'une différente robe que celle qu'elle portait que ce jour-là mais elle semblait aussi belle que la précédente – au vu des événements, il n'avait pas eu le temps de l'apercevoir correctement, et étant donné ses goûts en matière de mode, je doute que son avis soit pertinent.
Elle l'étudiait de loin, n'osant ouvrir la bouche pour exprimer un quelconque son, elle l'observait comme un animal en cage. Elle avait déjà des humains dans sa vie, mais rien ne pouvait confirmer qu'il était humain à part son manque de lien avec la nature, ses membres qui lui donnaient une allure humanoïde et l'intelligence qu'il avait exprimée lorsqu'il la défendit de cet assassin – le témoignage de Diasirée et d'Al-Ryanis allait dans ce sens aussi – mais le reste... aucun humain, dans toute sa malveillance ne pouvait être aussi menaçant, ses yeux écarlates remplis de haine et de mépris, son corps qu'aucune lumière ne pouvait montrer les contours, son allure qui démontrait une agressivité phénoménale et ses chaines qui l'entouraient et le paralysait.
Il tenait plus du démon que toutes les autres races qui habitaient Nueva Terra.
Lorsqu'il ouvrit complètement les yeux et les dirigea vers cette intruse dans ce lieu auquel elle n'appartenait pas, elle eut un pas de recul, le corps frissonnant de toutes parts, mais se ressaisit, elle n'était pas venue pour fuir.
Elle tenait entre ses mains une assiette remplie de nourriture mais le garçon était bien trop loin et bien trop attaché pour venir jusqu'à elle pour pouvoir en profiter, alors elle lança une incantation et en agitant son doigt en face de la serrure :
- Maître des Clés, toi, créateur de tous les passages et de toutes les ouvertures, offre-moi la possibilité de pouvoir ouvrir cette porte : Passe-partout.
À ses mots, la porte de la cellule du prisonnier humain s'ouvrit et elle put entrer à l'intérieur de la cage de cet ignoble bête par tous les prisonniers. Lorsqu'elle avait ouvert l'entrée de la cellule de son sauveur, tous les prisonniers hurlèrent pour qu'elle fasse de même pour eux – et qu'elle les rejoigne accessoirement – mais quand elle fit ses premiers pas à l'intérieur de la cage, tous se turent. Observant attentivement la scène, certains priaient leurs dieux pour protéger cette ravissante jeune fille du danger qu'était le Héros, d'autres insultaient son insouciance, mais aucun ne put réagir physiquement, tous pris d'une torpeur générale.
Elle s'avança à pas feutrés vers le garçon aux yeux rouges, il l'examinait scrupuleusement pour savoir ce qu'elle comptait faire. Une fois arrivée à sa hauteur, elle déposa son assiette en face d'elle et se releva aussitôt instinctivement, craignant qu'il s'en prenne à elle.
Le Héros ne fit aucun mouvement, il ne fit qu'observer l'assiette... avec envie. Il était malheureusement incapable de bouger à cause des chaines qui lui écartelaient les bras. La fée sans aile le remarqua et s'approcha du lieu où était accrochés ses liens, elle voulut les détendre avec sa magie mais elle fut inefficace, alors elle le fit manuellement et fit s'écrouler le Héros sur le sol.
Après quelques secondes, il poussa un petit cri de douleur, elle s'approcha pour l'aider mais il grogna pour qu'elle s'écarte de lui. Il était désormais en face du plat que lui avait apporté et la raison le rattrapa – enfin, sa paranoïa –, il se demandait bien pourquoi une princesse comme elle – si elle en était bien une – s'embêterait à lui apporter de la nourriture, même s'il l'avait sauvée de son agresseur.
Il se redressa difficilement et s'assit, il prit le plat, le sentit, à l'odeur, il semblait meilleur que les araignées Mexicula – que les gardes avaient retirées à cause de l'odeur de cadavres qui s'échappait d'elles et que la reine allait les tuer si elle trouvait encore l'une de ses bêtes dans les Limbes.
Il n'y avait aucune raison qu'elle veuille l'empoisonner ou lui faire du mal – sauf si c'était une sadique en manque de cobayes –, alors il lui accorda le bénéfice du doute et enfourna son plat dans sa bouche et le mâcha goulument, il manquait de viande mais il était déjà meilleur que tout ce qu'il avait mangé ses derniers temps.
La Fée s'accroupit devant lui et lui demanda si c'était bon, il hocha la tête en léchant l'assiette.
- Je sais qu'on ne vous nourrit pas décemment dans ce lieu alors j'essaierai de vous apporter de la nourriture dès que je peux.
Le Héros ne dit rien et lui tendit l'assiette en laissant échapper une éructation. Durant ce court laps de temps où il avait laissé sortir un gaz de sa bouche, elle aperçut que ses crocs devinrent des dents normales. Elle constata alors qu'il avait une certaine capacité à se transformer, peut-être provenait-il du Protectorat et qu'il était un loup-garou.
Elle reprit l'assiette et s'éloigna de lui, elle referma la porte, partant sous le regard curieux de tous les prisonniers et du Héros.
Quelle étrange personne, pensèrent-ils.
Les visites de la Fée durèrent un petit moment. Le Héros reçut ces petits repas, pendant au moins deux semaines, qu'il ne pouvait guère refuser tant son ventre se tordait de douleurs après la « nourriture » que leur apportaient les gardes. Ce rituel ne dura qu'un court moment car soudainement cette fée n'était plus revenue, laissant le Héros seul dans cette cellule. Cela l'avait soulagé un peu d'avoir une certaine compagnie, bien qu'ils ne s'échangeassent aucun mot à part les adieux que lui adressait la Fée à chacun de ses départs.
L'ennui, les remords et le désespoir reprirent leurs cours.
Et un mois finit par s'écouler depuis la parade et l'incident de l'humain face à l'homme-lézard.
Tout le royaume était en effervescence. Une tentative d'assassinat sur l'une de leurs princesses en plein jour, un humain qui s'était libéré de l'emprise des gardes et un des leurs s'était uriné dessus face à ce « simple » humain devenant la risée du royaume. Cela remit en question la légitimité des gardes à leur poste s'ils craignaient de simples humains, et surtout s'ils les laissaient s'échapper. Ce garde s'était gentiment fait offrir une retraite anticipée et une maison protégée pour qu'il ne soit pas embêté par je ne sais quel gredin – ou qu'il se suicide de honte.
Tout ça lui avait été donné par sa Majesté en personne, elle avait l'intuition de savoir à quoi il s'était frotté, même si personne ne voulait comprendre, et personne n'avait été capable de le notifier, ce garde-fée avait fait preuve d'un grand courage étant donné ce qu'il avait eu en face de lui.
La prédiction de cette voyante commençait incontestablement à se confirmer, elle n'aurait pas pensé que cette vision se déroulerait aussi tôt – et s'il était vraiment celui que le monde attendait, elle aurait pensé qu'il aurait eu une plus grande classe que cela... et qu'il ne serait pas dans les geôles de leur royaume.
La reine, étant plongée dans ses recherches avec l'aide de ses ministres et de certains de ses mages et historiens, ne constata pas que quelqu'un surgit dans la salle de réunion, c'est lorsqu'elle entendit son titre qu'elle leva la tête de ses papiers. C'était la Fée qui fulminait de rage.
Hé merde ! dit la reine en son for intérieur en se grattant la tête, ce n'est vraiment pas le bon endroit pour qu'elle se montre.
- Utiliser une magie de niveau sept sur un humain est complètement de la folie !
- Déjà « bonjour », non ? l'interpella la reine, puis, viens on va dehors...
Audisélia poussa la Fée hors de la salle de réunion sous les regards enragés des ministres, des mages et des historiens.
Pourquoi elle se comporte ainsi, putain ? jura la reine.
- La révérence ! ordonna Audisélia, le « mes hommages » ensuite tu peux exprimer ton mécontentement.
La Fée s'exécuta, puis reprit son réquisitoire.
- Majesté, comment avez-vous pu utiliser une incantation aussi puissante sur cet humain qui m'a sauvée la vie ? C'est comme ça que vous le remerciez ?
La reine se frotta les yeux, éberluée par l'indécence dont faisait preuve la princesse-fée sans aile.
Elle a attendu un mois entier le temps que l'état d'urgence diminue pour venir te plaindre auprès de moi ? se dit la reine, elle a dû ruminer longtemps jusqu'à aujourd'hui...
Elle dit en s'avançant vers sa protégée :
- Pardon ? Pardon ? Pardon ? Je crois avoir mal entendu. C'est moi que cet homme a sauvé et que j'ai même eu l'impudence de me cacher de lui alors qu'il était en train de griller sous mes yeux pour moi ? Si c'est effectivement moi, j'irai bien évidemment le remercier moi-même et le récompenserai comme il se doit, mais nous savons pertinemment toutes les deux que ça n'est pas le cas, n'est-ce pas ? Bien sûr, il sera gratifié d'avoir sauvé l'un de mes sujets en étant prêt à faire usage de son corps, toutefois, ça ne veut pas dire que je n'allais pas sévir contre cet humain qui allait s'en prendre à l'un de mes citoyens, qu'il soit un soldat ou non.
La Fée baissa la tête, honteuse de s'être emportée aussi facilement, en ne prenant pas en compte ses propres actes.
- Ne t'inquiète pas, la rassura Sa Majesté, je comprends trop bien ton attitude et ton inquiétude, mais s'il est bien ce que je pense qu'il est, il ne peut pas être mort pour si peu...
- « Pour si peu » ? s'étonna la fée aptère choquée par le fait que la reine minimise la puissance de son sort.
La reine rit face aux yeux écarquillés de la jeune princesse et par le fait qu'elle la voyait un peu plus s'épanouir.
- Si tu es si inquiète pour lui, va le voir, lui conseilla la reine Audisélia, va le remercier de vive voix. Mais ne te rends pas dans les Limbes toute seule, je vais commander aux gardes...
- Ne vous en faites pas ma reine, dit la Fée toute joyeuse, Beneltig me sera bien suffisant. Et de toute manière, ce n'est pas la première fois que j'y vais.
- Hein ? s'écria la reine.
La princesse s'en alla en direction des escaliers où se trouvait son protecteur et lui annonça la nouvelle, contente d'avoir l'accord de descendre dans les Limbes pour aller voir ce mystérieux humain. Il n'avait pas l'air du tout enchanté de se trouver dans les « sous-sols carcéraux » du royaume.
- S'il arrive quelque chose en bas, c'est elle qui risque de le protéger, se moqua l'un des gardes du corps de la reine qui sortit de la salle de réunion.
- D'habitude, je t'aurai châtiée mais là...
- Vous comptez réellement la laisser aller voir cet humain ? demanda un autre garde du corps qui accompagnait le premier, Maniq nous a dit qu'il était bien trop dangereux pour que quelqu'un s'en approche...
- Je suis au courant, Sawyer, concéda la reine Audisélia, mais je ne crois pas qu'après l'avoir sauvé, il compte s'en prendre à elle.
La reine s'étira, épuisée par toute cette agitation qui tournait autour d'elle à cause de la sélection de la princesse qui devait devenir la nouvelle régente du royaume. Voulant se sortir un peu la tête de toute la paperasse administrative et des préparatifs, elle se tourna vers ses deux gardes du corps et leur annonça qu'ils vont se rendre au chevet de l'assassin qui avait voulu s'en prendre à l'une de ses protégées.
- J'ai envie de voir cet homme-lézard tétraplégique.
- C'est le rôle de la police militaire de s'occuper des ennemis du royaume et de faire leurs interrogatoires, l'arrêta le garde Sawyer, vous n'avez pas à vous rendre dans un endroit aussi dangereux que le seizième étage des Limbes.
La reine s'avança vers lui et lui ébouriffa les cheveux.
- Oh mais ce n'est pas qu'il s'inquièterait vraiment pour moi ce cher Sawyer, se moqua la reine en lui parlant comme à un enfant, mais je ne crois pas que ces crapules de bas-étages auraient une quelconque chance d'espérer m'arriver à la cheville s'ils m'attaquaient. Mais si tu tiens tant que ça à me faire renoncer à ma balade, tente de m'arrêter, le provoqua-t-elle.
Sawyer détourna le regard et grommela :
- Votre surpuissance ne vous rend pas pour autant invulnérable, vous le savez autant que moi.
La reine lui embrassa la joue, sous les yeux ébahis du collègue garde de Sawyer qui hurla de surprise face à cette situation tellement inattendue.
- Merci de toujours veiller sur moi.
- De rien...
Elle se redressa et tous les trois partirent pour la salle du trône, une grande pièce remplie de décorations florales. Le trône de la reine se trouvait devant un grand arbre polyfloral – un arbre composé de plusieurs fleurs, créé magiquement grâce au pouvoir des rois-fée et des reines-fée qui se sont succédés – : le tronc était bien épais, nul doute qu'il devait avoir des milliers d'années. Les fenêtres étaient décorées de vitraux racontant l'histoire du royaume depuis les premiers rois, ceux dénommés les Rois-Combattants, jusqu'à la fondation de ce royaume, terre d'accueil des Féériques, puis jusqu'à nos jours – aucun d'eux ne parlaient de la fameuse Félonne, enfin pas de ce côté du mur – bien sûr, on pouvait voir au travers en un coup de baguette magique ou en un tour d'index magique.
Mais au plafond, on pouvait y voir un vitrail très spécial ne mettant en contexte aucun Féérique. Il montrait le héros de la légende affrontant l'Avatar des Ténèbres, celui qu'on appelait le Némésis. Ce personnage était important même pour des personnes haïssant les humains plus que leurs propres criminels. Cependant, le héros de la légende était accompagné de quelqu'un qu'on discernait mal, l'une, voire la principale source de recherche de la reine concernant cette légende.
Ils arrivèrent face au trône de Sa Majesté et la reine incanta un sort qui fit fendre en deux le siège royal pour faire apparaître un trou dans l'arbre polyfloral, ce trou n'était autre qu'un ascenseur végétal qui fonctionnait par enchantement.
- Allez les enfants, on se rend dans le domaine de Père Wara-gra'teni !
Au troisième étage des Limbes, la Fée et son compagnon traversaient les couloirs et les dédales de cette prison souterraine, observant tous les cachots où étaient cloîtrés tous les prisonniers humains et Féériques à la recherche de l'Homme qui avait sauvé la princesse.
Circulant dans ses galeries, la Fée était sifflée par les détenus, aboyée par des prisonniers qui commençaient plus à se rapprocher de l'animal que l'être sentient, ils imitaient les hurlements des loups, l'invitant à « passer du bon temps » avec eux. L'un d'entre eux en profita pour toucher les fesses de la princesse, elle prévint son champion, celui-ci voulut prendre sa défense mais la terreur que lui faisait ressentir les prisonniers lui fit renoncer à cette initiative et il partit se cacher derrière son amoureuse – que dire...
Les deux fées arrivèrent face à une énorme cellule où était répandue sur son sol des tas de cadavres d'araignées géantes, démembrées, lacérées, éventrées, dévorées, leurs fluides corporels s'étalant sur le sol, un véritable cimetière d'arachnoïdes. Et au fond de cette pièce, la Fée revit cet homme enchaîné de toute part, mais cette fois-ci les chaînes passant au travers de ses bras et son cœur, il avait malgré tout une assez grande marge de manœuvre pour pouvoir se déplacer dans sa cellule.
La Fée s'agenouilla devant les barreaux de la cage de son sauveur pour se mettre à la même hauteur que celui-ci.
- Euh... monsieur l'humain, vous êtes en vie ? demanda la Fée.
Elle ne reçut aucune réponse, elle retenta une nouvelle fois le coup.
- Monsieur l'humain, vous êtes en vie ? répéta-t-elle d'une voix plus forte.
Toujours aucune réponse.
Elle attrapa un caillou et le jeta sur le pied de l'étranger.
Aucune réaction de la part du garçon.
Le champion s'approcha des barreaux et frappa dessus.
- Hé ! Réveille-toi l'humain ! lui ordonna Beneltig, que tu sois mort ou vivant, tu te dois de répondre à la future reine du royaume de Sylvania !
Il prit une pierre et la jeta contre le visage du garçon, le caillou se fracassa contre le front du Héros et mit son visage face au plafond avant de chuter lourdement à sa position initiale.
Soudainement, les deux fées entendirent des grognements provenir de l'être humain en face, une petite lumière rouge jaillit sur son visage puis une deuxième, le jeune homme releva le visage pour regarder qui se permettait de le réveiller durant son sommeil paradoxal.
Il se mit debout et s'avança lourdement et avec difficulté vers les deux êtres Féériques qui lui faisaient face.
Stoppé dans sa marche par la chaine en Ardésium qui contraignait ses mouvements, il la brisa d'un seul mouvement de bras, choquant Beneltig et les prisonniers qui étaient témoins de cet exploit que même un tank ou orc ne pourrait accomplir avec sa propre force.
La Fée ne voyait pas ce qu'il y avait de si impressionnant dans ce dit-exploit, il n'était pas le premier à briser ses chaines – malheureusement, elle avait quelques lacunes au niveau de la géologie, on ne peut pas être parfaite sur tous les points.
À mi-chemin, il se stoppa et se tourna vers la cellule de ses autres camarades prisonniers, il s'en alla les voir et attira l'attention de l'un d'entre eux, cet homme choisi par le Héros s'approcha de lui.
Quelle erreur !
Le Héros saisit le col du vêtement de bagnard et lui éclata la tête contre les barreaux qui les séparaient jusqu'à ce que son visage ne ressemble plus à rien.
- Que fait-il, bon sang ? s'insurgea Beneltig, déjà qu'il se permet de ne pas vous entendre alors qu'il ne pouvait avoir comme excuse que la mort. Maintenant, il nous fait languir, c'est inexcusable ma Dame. Nous ferions mieux de nous en aller, dit-il en tirant la manche de la robe de la princesse.
La princesse retira l'étreinte du champion et s'avança contre les barreaux, elle savait très bien pourquoi le Héros venait de faire ça, elle avait reconnu l'homme qui venait de lui palper le derrière.
Pourquoi prenait-il autant sa défense ? Pourquoi la défendait-il ?
Le Héros, après avoir fini de défigurer l'harceleur, s'approcha de ses visiteurs inopinés, Beneltig mit en garde l'humain en faisant reculer la Fée.
- Arrière, manant ! s'écria le maigre garçon, comment ose...
La Fée dégagea gentiment son protecteur et le prit par le bras pour que tous les deux fassent face à leur sauveur.
Le Héros jeta un regard rempli de mépris à l'amoureux de la jeune fille à la longue chevelure brune qu'il avait sauvée.
De quel droit se permettait-il de pointer une arme à son encontre pour le menacer alors qu'il avait fui le navire lorsque cette fille était en danger ? POUR QUI SE PRENAIT-IL ?
Il tendit sa main en direction de ce couard, il comptait bien lui faire payer son affront.
Voyant le malheur arriver, la Fée saisit la main du Héros et la serra en baissant la tête.
- Pendant mes précédentes visites je n'ai pas pris le temps de le faire proprement mais je tenais à vous remercier pour m'avoir sauvée, il y a un mois de cela ! lui dit la Fée.
Pourquoi s'incline-t-elle ? se demanda le Héros.
- Je vous promets de vous faire sortir d'ici par tous les moyens pour que vous puissiez repartir chez vous...
Le Héros lui lâcha la main, lui montra ses menottes et brisa le lien qui les reliait ensemble sous les yeux ébahis de la princesse et de son champion, puis enroula la chaine qui restreignait ses mouvements autour de son bras et en éclata une partie pour s'en détacher, ensuite, il écarta les barreaux de la cellule, prouvant qu'il n'avait pas besoin d'eux pour sortir de sa geôle, mais pour sortir de cette prison souterraine, c'est une autre histoire.
Il est vraiment fort ! s'extasia la Fée.
Il la regarda droit dans les yeux avant de tourner son attention vers son compagnon, il bouscula Beneltig et s'en alla, leur indiquant de les suivre, avec toujours un bout de chaine lui traversant le cœur.
- Je ne crois pas cela soit une bonne idée de le suivre, ma Dame, l'avertit Beneltig, c'est un Homme, il doit avoir une bien sombre idée derrière la tête pour nous piéger.
C'est parce qu'il a le visage noir que tu te permets de dire qu'il a de sombres idées, mon cher Beneltig ?
La Fée l'ignora complètement et parti à la poursuite de son sauveur muet.
Passant à côté d'une torche, il s'en saisit et avança dans les obscurs dédales des oubliettes de ce royaume en compagnie des deux Féériques. S'il ne s'était pas risqué à s'enfuir, c'est parce que ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait enfermer dans une prison Féérique, il savait très bien que ces petits vauriens enchantaient leurs donjons pour ne pas risquer une quelconque évasion, donc il n'allait pas se risquer à se permettre inutilement. Mais avec les deux fées derrière lui, c'était une autre paire de manche, si la Fée avait réussi à venir jusqu'à lui et repartir à de nombreuses reprises alors il y avait de fortes chances qu'avec eux, il pourrait décamper.
Devant le silence qui régnait dans leur trio, la Fée prit l'initiative de faire la causette au Héros.
- Euh... alors vous êtes... un humain ? demanda la Fée un tantinet anxieuse à cause de la présence du Héros, un homme... humain, j'imagine ?
Le Héros hocha la tête pour répondre à la question de l'inconnue qui l'importunait.
La réponse égaya le visage de la Fée, elle était tout excitée de rencontrer un humain pour la première fois de sa vie, en chair et en os – même si c'était le plus bizarre et le pire représentant de son espèce – et qui ne soit pas un impitoyable tueur, assassin, meurtrier, violeur, esclavagiste, caïd ou un pervers sexuel. Juste un type lambda qui avait l'air juste... sale – mais comment lui en vouloir ? La reine n'offrait pas de douche et ne nettoyait pas les cellules pour que les prisonniers aient une vie décente. Après tout, s'ils étaient là, c'était pour une bonne raison, hein ?
Cette excitation énervait vraiment le garçon, elle avait vraiment l'air idiote et sa voix l'irritait, enfin... son intonation ? Ou peut-être était-ce le fait qu'elle avait vraiment l'air stupide. Mais il y avait plus débile...
Quinze minutes qu'ils tournaient en rond, quinze minutes que le Héros n'arrivait toujours pas à trouver la sortie. La Fée l'observait avec un grand sourire malicieux, elle avait bien remarqué que tout puissant qu'il était, il n'avait aucun sens de l'orientation et avait réussi à se perdre dans ce dédale magique.
Peut-être ne possédait-il aucun pouvoir magique ? se demanda la Fée d'un ton moqueur, Les humains sont si nuls que ça ?
Elle lui tapota l'épaule et lui demanda s'il avait besoin d'aide, le Héros ne savait pas si elle voulait vraiment l'aider ou si elle se moquait de lui. Dans les deux cas, il ne comptait pas sur son aide pour sortir de ce lugubre endroit, il pouvait très bien y arriver tout seul !
Douze minutes plus tard, c'était la Fée qui était devenue la cheffe du groupe, les deux garçons la suivant de près puisqu'elle était la seule à être capable de se repérer dans ces interminables longs couloirs faits de pierres et remplis de prisonniers pervers et manquants d'éducation.
Le Héros observait cette fille, il percevait très bien qu'elle agissait bizarrement : elle avait peur de lui, mais elle faisait croire le contraire en lui souriant et en sautillant joyeusement.
Pourquoi se comporte-elle ainsi ? Elle est vraiment bête...
Ce comportement qui l'énervait lui faisait ressentir de la gêne vis-à-vis d'elle.
D'habitude, il serait parti en coup de vent après avoir accompli son acte héroïque sans même recevoir de remerciements ! Là..., il s'était fait coincer et il allait se faire libérer par celle qu'il avait auparavant sauvée. Payer ou faire payer des dettes était vraiment quelque chose qu'il dépréciait, mais à force d'éviter tout dialogue envers les personnes qu'il avait sauvé bien gré mal gré, il ne savait pas comment réagir lorsqu'il recevait de l'aide ou des remerciements, et se retrouvait mal à l'aise quand arrivait une telle situation.
Mais le plus mal à l'aise parmi les trois jeunes adolescents n'était autre que Beneltig qui était effrayé par l'« être humain » surpuissant. Il ne percevait que la mort chez cet Homme. Déjà que rien de bon ne pouvait provenir d'un humain, alors qu'attendre cet humain en particulier ? Il valait mieux qu'il disparaisse du royaume pour qu'aucun d'entre eux ne coure le moindre danger. Si la reine, ou pire, le Juge, apprennent qu'ils l'ont aidé à s'évader de la prison souterraine, c'est la peine de mort assurée.
Deux raisons différentes, un seul objectif.
Les bruits incessants des prisonniers commençaient à exaspérer le Héros, être autant non civilisé en tant qu'être vivant civilisé était un affront pour toutes ces années d'évolution, il fit éclater le sol d'un simple coup de talon dans le sol le lézardant, ce qui réussit à faire taire ces babouins sauvages.
- Je ne crois pas que cela soit nécessaire, le rassura la Fée.
Le Héros la regarda attentivement, consterné, avant de hausser les épaules et de reprendre la route, puis se rendit compte rapidement qu'il allait une nouvelle fois se perdre dans ce labyrinthe carcéral et exprima à la Fée son besoin d'être guidé par elle puisqu'elle était son fil d'Ariane vers la sortie de ce lieu angoissant.
Dans un silence rempli de malaise, ils arrivèrent à la sortie des Limbes, il ne leur restait plus qu'à gravir les escaliers menant à la liberté du Héros. Prendre l'ascenseur les fera sûrement des gardes, il y avait plus de chance qu'ils puissent les distraire pour laisser de la marge au Héros pour s'enfuir.
Cependant, un évènement inattendu apparut devant les trois enfants, ce fut l'arrivée de la reine Audisélia et deux des plus puissants gardes du royaume féérique : Sawyer et Globox.
- Le remercier ne voulait pas dire le faire évader, mademoiselle, soupira la reine.
Devant le danger imminent, le Héros voulut prendre l'épée du champion de la fée aptère, mais il ne l'avait plus sur lui – elle avait fondu après l'attaque de la reine sur le Héros.
Aux maux désespérés, remèdes désespérés.
Il attrapa la chaine dans son cœur, l'arracha et prit en otage la princesse. Pas besoin de parler, ils avaient compris ce qu'il voulait.
Beneltig ne savait quoi faire, s'il avait le courage d'agir, il ne pouvait pas deviner la réaction du criminel, il allait finir avec la gueule cassée.
Les gardes s'armèrent de leurs armes respectives, mais la reine les stoppa d'un simple levé de main avant de pointer son doigt en direction du Héros.
- Je te laisse dix secondes avant de te corriger.
Le Héros n'était pas dupe, il savait très bien qu'elle ne le laisserait pas s'en sortir aussi facilement – elle a quand même fait s'abattre la foudre sur un enfant de quinze ans ! S'il faisait du mal à cette fille peut-être le laisserait-elle partir...
Non !
Il ne pouvait pas se permettre de faire une chose pareille !
S'en prendre à des personnes innocentes sans aucune raison valable, ça lui ferait ressembler à cet immonde chevalier, et cela, il ne le permettrait pas !
La chaîne était juste apposée sur le cou de la Fée, rien de bien méchant, elle avait juste son sang qui coulait le long de sa gorge. Le Héros espérait juste que cette reine toute-puissante comprenne sa détermination à sortir d'ici.
La reine le devinait bien, sa détermination était réelle et il comptait bien sortir même si c'était en bouillie. Il comptait sur son facteur d'immortalité pour se sortir de cette situation merdique, sinon il ne se serait pas laissé un trou béant dans le cœur. Il devait juste tenir quelques minutes le temps qu'elle accepte de le laisser sortir pour qu'il l'active pleinement et qu'il ne s'épuise pas petit-à-petit comme actuellement.
Cependant, pour ne pas envenimer la situation et le prendre à revers, elle exécuta sa menace avant la fin du décompte, elle lui tira un éclair en pleine tête le faisant s'écrouler sur le dos, et avant que la chaine n'étrangle la Fée, Sawyer fonça sur eux et d'un seul coup d'épée trancha la chaine en deux, empêchant la princesse d'être emportée dans sa chute.
La princesse et son champion étaient impressionnés par la vitesse fulgurante du garde du corps de la reine, ils n'avaient jamais vu quelqu'un d'aussi rapide, il doutait même qu'il se soit véritablement déplacé.
Avant même que la Fée ne pose sa question, la reine Audisélia répondit à sa question :
- Oui, il va bien. Je l'ai juste endormi.
Ce n'était pas cela la question de la Fée, elle voyait bien que l'humain n'avait rien puisqu'elle percevait sa poitrine se gonflait et se dégonflait. Non, la véritable question qu'elle souhaitait lui poser est : « Comment Sa Majesté peut envoyer de la foudre sans magie ? ».
Mais elle ne pouvait pas l'interroger sur ça alors qu'elle avait été prise en flagrant délit de complicité d'évasion, elle risquerait juste de se faire méchamment rabrouer.
- Je pense que ces garnements méritent une punition Majesté, suggéra le deuxième garde enrobé.
- Crois-tu réellement que c'est du fait de l'un de ces deux enfants qu'il ait réussi à s'échapper ? demanda la reine de façon ironique, l'Ardésium est connu pour être l'un des matériaux les plus résistants au monde et d'être insensible à la magie. Aucun des deux, malgré leurs capacités, ou absence de capacité, n'est capable d'accomplir le prodige que de pouvoir briser ses chaines.
La reine s'approcha et s'agenouilla près du Héros, elle l'observait très attentivement, elle doutait de plus en plus de son intuition, pourtant il avait réussi à survivre à l'une de ses attaques la plus puissante qu'elle avait en stock et son corps se reformait petit-à-petit sous ses yeux. Malgré cela, il n'avait pas cette aura si particulière qu'elle avait distingué chez elle. À moins qu'il soit l'autre...
- Allez-vous exécuter le jugement du juge Triface ? demanda Sawyer.
- Je n'ai pas vraiment le choix. Aucun humain n'a le droit à une quelconque souplesse de ma part quand il s'agit de son « jugement », tout bon qu'il soit.
- Hein ? s'exclama la Fée, vous ne pouvez pas ! Vous ne pouvez pas l'exécuter !
- Et pourtant si. Les règles sont faites pour être appliquées et respectées.
- Ce ne sont pas les premières que vous tordez, rétorqua la Fée.
- Si je ne les avais pas tordues ce jour-là, nous n'aurions absolument pas cette discussion en ce moment même, répliqua la reine-fée, ce n'est pas de mon fait s'il va être occis. Un témoignage disant qu'il serait le complice de l'assassin jouerait contre sa faveur, expliqua la monarque.
- Impossible...
- Allons bon, il ne s'agit là que d'un humain..., dit Globox.
- ... qui m'a sauvée..., répondit la Fée.
- ... et que tu allais aider à décamper, finit la reine.
La Fée se tut, elle avait perdu la joute verbale, et faire un hors-sujet sur le fait qu'elle utilise des pouvoirs sans magie ne changerait rien à la situation. Elle ne pouvait être que frustrée par cette injustice.
- Emportez le corps et préparez-le pour les jeux pré-tournoi, ordonna la reine à ses gardes du corps.
Les gardes prirent le corps et partirent avec en empruntant les escaliers.
- Vous, je vous renvoie chez vous, dit-elle aux enfants, et toi Beneltig, tâche de ne plus être un couard et d'être la fierté de ta princesse. Il y a bien eu trop d'interventions extérieures pour la sauver.
La reine les enjoignait à rentrer dans l'ascenseur puis ils remontèrent à la surface. Audisélia repensa aux mensonges éhontés qu'avait déclarés ce vil serpent lorsqu'ils étaient au Tartare.
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