Le nouveau champion
Quelques heures s'étaient écoulées et le Héros dormait toujours.
Le contrecoup de la malédiction qu'on lui avait lancée se faisait sentir, il transpirait à grosses gouttes et commençait à ressentir des douleurs à l'abdomen. S'il n'agissait pas maintenant, les répercussionslui seraient extrêmement dramatiques.
Mais soudain, il fut dérangé par quelque chose qui parcourait son visage, puis finit par s'appuyer sur son nez, il plissa les yeux et scruta discrètement autour de lui pour voir qui s'amusait à lui toucher le visage. Il aperçut qui lui touchait le visage.
Le Héros lui saisit le doigt et fit semblant de vouloir le croquer, la fille retira son index et le protégea avec sa main.
- J'étais sûre que tu étais cannibale ! plaisanta-t-elle.
Le Héros roula des yeux et voulut écrire quelque chose sur son ardoise mais la fée aptère le stoppa.
- Pourquoi tu fais encore semblant d'être muet alors que tu as hurlé des encouragements ?
Il tenta encore une fois de lui expliquer la raison de son mutisme à l'écrit, mais elle ferma les yeux, s'entêtant à ne pas vouloir obtenir une réponse à l'oral.
Lui qui était plus qu'une tête de mule lorsqu'il prenait une décision avait rencontré encore plus borné que lui.
A chaque fois qu'il voulait lui montrer ce qu'il avait marqué, elle détournait le visage pour ne pas voir – bien que ses yeux soient fermés – l'ardoise.
Agacé par son attitude, il finit par céder et lui parla de vive voix.
- Je n'ai pas le droit de le faire. J'en ai fait le serment.
La princesse-fée ouvrit les yeux et fut surprise, une deuxième fois, par la tonalité de sa voix.
- Quel serment ? Une promesse ? le questionna la fée aptère.
- Non, un serment magique.
- C'est pour ça le sceau magique sur ton ventre ?
- Toi aussi tu l'as vu ?
- Je suis une fée, banane, lui sourit la Fée, cependant, je te rappelle que tu baignais dans le Bain Miraculeux qui était rempli d'énergie magique. Mais ce serment, tu l'as fait pourquoi car il est le plus puissant que je n'ai jamais vu.
Le Héros eut le regard fuyant, il se leva et se tint à la fenêtre, les yeux remplis de tristesse et d'amertume. Cet aspect de sa personne, il n'avait aucune envie de lui révéler.
Après tout, il ne la connaissait pas, et cela le répugnait d'avoir acquis cette sale habitude de faire confiance parce qu'on lui donnait un minimum de sympathie. Il finit par lui répondre :
- Tu n'as pas à le savoir.
- Pourquoi ? dit la fée, vexée.
- Parce que j'en ai pas envie.
La Fée grinça des dents mais se retint de commenter.
- Fais à ta guise...
Le Héros se sentit coupable de répondre aussi sèchement à la seule personne qui se préoccupait de lui dans tout ce pays. Mais c'était un réflexe, il haïssait parler de lui, surtout sur des sujets épineux comme celui-ci.
- Je veux juste que tu saches que je ne dois parler sinon je le payerai très cher. Je fais cet effort maintenant car dès que votre reine me l'autorisera, je m'en irai.
- Déjà, tu n'as même pas eu le temps de visiter le royaume dans son entièreté.
- Tu me le feras visiter le jour où je reviendrais, ça marche ? dit-il en se retournant vers elle posant ses coudes sur les bords de la fenêtre et lui souriant.
La Fée trouvait fascinant que la lumière ne lui donnait vraiment aucun trait, aucun relief à son visage, il n'y avait aucune nuance pour pouvoir discerner son visage d'une quelconque manière à cause de cette chose noire qui lui recouvrait l'entièreté du visage.
- C'est d'accord, lui répondit-elle avec un grand sourire, j'ai hâte !
Le Héros trouvait à la Fée, une étrange beauté qui l'éblouissait une fois qu'elle avait atteint son paroxysme, alors que la majorité du temps, il la trouvait lambda, voire banale, lorsque son visage se trouvait dans un certain angle, elle devenait un parangon de la beauté féminine. Et la lumière de ce soleil artificiel amplifiait cet aspect de son physique.
Ce sourire lui chamboulait les triples.
Il espérait du fond du cœur que cette fille puisse atteindre son rêve, aussi égoïste soit-il. Au moins, son but la rendra heureuse comparé au sien...
- Au fait, j'ai quelque chose pour toi de la part de la reine, justement, se souvint-elle.
Elle partit fouiller dans la sacoche qu'elle avait déposée sur la table de chevet du Héros, pour trouver l'objet de sa visite.
La jeune fille sortit un rouleau papier marqué du sceau royal.
- Tiens ! Une missive de la part de Sa Majesté.
Le Héros la prit, la lut et... n'y comprit rien. Le voyant froncer des sourcils, la Fée lui demanda ce qui n'allait pas. Il lui montra et lui dit :
- J'arrive pas à lire.
- Hein ? fit la fée étonnée, mais tu parles l'Oli'ane ?
- Bah j'ai pas appris à le lire, se justifia-t-il, en plus, votre alphabet est horrible à apprendre. On dirait du Xen Tuin.
Elle lui prit la lettre des mains et la lut pour lui.
- Oh, fit-elle surprise, nous sommes convoqués en même temps.
- Ah bon ? À quelle heure ?
- Dans quinze minutes.
- C'est quand même loin la salle du trône à partir d'ici.
- Oui.
- Bon bah tu peux me porter sur ton dos jusqu'à là-bas ? lui demanda-t-il avec une voix innocente.
- Hein ?
- Allez, s'il te plaît, j'ai perdu mes béquilles.
La Fée ne sut quoi répondre face à cette demande incongrue, elle n'eut le temps de trouver une réponse qu'il se trouva sur son dos à crier « hue dada ». Elle se retrouvait dans une incompréhension totale avec cet Homme qui se trouvait sur son dos, Homme qui lui apparaissait si froid, si adulte, si distant, si sanguinaire, c'était transformé en enfant en un instant.
Cette situation était si ubuesque qu'elle ne dit et se mit à marcher jusqu'à la salle du trône.
Quelques minutes plus tard – quarante-cinq minutes de retard, c'est plus que quelques minutes – le Héros et son « canasson » arrivèrent à la salle du trône avec trois quarts d'heure de retard à cause de toutes les pauses qu'avait dû prendre la Fée à cause du poids de son cavalier.
L'humain descendit de la fée et lui tira la joue.
- Tu vois que tu pouvais le faire avec tes grosses cuisses !
- MES « GROSSES CUISSES » ? hurla la Fée.
Le garçon lui tapota le dos en guise de réponse et ouvrit les deux grandes portes menant à celle qui les avait convoqués.
Cette fois-ci la salle était bien plus bondée qu'à son habitude, toutes les grosses pointures du pays étaient réunies dans la pièce : les ministres et leurs conseillers, les Saints de la reine, les gardes impériaux, les gardes du corps personnels de la reine du royaume de la Forêt des Fées, quelques espions dont Helmir et la reine Audisélia, elle-même.
Le Héros était impressionné par les vitraux qui parsemaient les fenêtres à sa droite et à sa gauche, d'un côté, on pouvait observer la glorieuse histoire du royaume et de l'autre, ses défaites et malheurs. Il n'eut le temps de voir seulement certaines parties de son histoire : sa construction, ses premiers conflits, la plantation d'un arbre à fleurs qui semble importants, ses hauts-faits, ses différentes ères, l'immigration des autres races Féériques vers le royaume des sylphides, la mise en place de certaines infrastructures dites humaines comme l'hôpital souterrain, un vitrail montrant une fée qui semblait plutôt maléfique avec ses cornes sur le front et son fard à paupière rouge accompagné d'un étrange individu qui paraissait familier au Héros, un autre vitrail décrivait la victoire d'un héros autre que celui de la légende sur un ignoble monstre et cette fée, et un autre vitrail montrait l'actuelle reine vainquant un dragon.
Il y avait aussi des vitraux montrant le héros de la légende accompagné de cette fameuse fée comme dans le récit que leur avait relaté la reine avant le début du tournoi.
Face à la reine, la Fée s'agenouilla en guise de salutation, contrairement au Héros debout, droit comme un piquet.
- Salue la reine, l'exhorta la fée sans aile.
- Non.
La fée aptère ouvrit de grands yeux face à la grande insolence de l'humain qu'elle devait surveiller.
Cette insolence agaçait aussi l'ensemble de cette assemblée. La reine semblait amusée par cet acte de rébellion – espérons que ça n'était pas le dernier pour notre cher protagoniste.
- Je voudrais bien savoir pourquoi tu ne ploierais pas le genou face à la reine de la destruction, déesse de la foudre et régente de Sylvania.
- Car je ne m'agenouille que face à l'Éternel, lui répondit-il.
La reine eut un petit rire nerveux.
- J'ai déjà entendu cette phrase de la bouche d'une des représentantes de ton espèce. Mais soit. Tes croyances t'y obligent et je vais respecter cela.
Il y eut quelques bruits de protestations dans la pièce, on pouvait entendre certains propos comme : « Quel irrespect ! », « Toujours ces fils d'Adam pour faire les intéressants ! ». La reine frappa de son pied le sol pour les faire taire.
- Cependant, jeune Homme, je te prierai de faire preuve d'un peu plus de respect à l'égard de la régente de ce territoire, exigea-t-elle.
- C'est compris, accepta-t-il.
La reine porta ensuite son attention sur la princesse et lui demanda en riant :
- Avant de commencer, vous pourriez m'expliquer qu'est-ce que c'est que cette histoire de « grosses cuisses » ?
Toute la peau de la princesse devint rouge écarlate comme une tomate de la tête au pied, ses yeux allaient vraiment sortir de leurs orbites, la honte qu'elle ressentait vis-à-vis de cette remarque de la reine, elle n'aurait jamais cru finir dans une telle position alors qu'elle faisait particulièrement attention à son image pour qu'aucune personne ne puisse s'en prendre à elle plus qu'on le faisait déjà.
- Ma reine, c'est un malentendu, tenta de se justifier la princesse sans nom.
- Entre nous, intervint le Héros en lui coupant la parole, vous ne trouvez pas que ses cuisses sont grosses ?
Cette fois, la fée aptère se mit à avoir une peau pourpre, elle regrettait le jour où il s'était mis à parler – bah en fait, c'était y a quelques heures quand même, pas besoin de parler de jour – c'était vraiment la pire erreur de sa vie d'avoir voulu qu'il se mette à parler.
Invitez-le à vos soirées, vos anniversaires, vos barmitsvas... et vous pouvez être assurés de les voir gâchées et de vous retrouver humiliés.
- Je... je ne sais pas, je ne les ai jamais... observées, dit la reine gênée.
- En tout cas, je les aime bien, dit le garçon tout sourire, j'aime bien les filles ayant des formes comme elle.
Globox, Sawyer et tous les autres qui assistaient à cette ahurissante conversation se retenaient de rire, ils n'en croyaient pas leurs oreilles. Si on omettait ses exhortations à Beneltig, c'était la première fois qu'ils l'entendaient parler, ce petit gars était rempli de mystères auxquelles ils voudraient qu'il réponde, et ils étaient témoins d'une conversation sur les jambes d'une princesse-fée sans gêne.
Ce gamin était impayable.
- Je voulais vous remercier de m'avoir confié entre les mains d'une compagnie telle qu'elle, j'ai passé de bons moments à rire avec elle.
L'embarras de la Fée disparut en entendant les paroles du Héros, elle ne s'attendait aucunement à des remerciements de sa part, elle ne comprenait vraiment rien à la personnalité de cet humain avec lequel elle avait passé tant de temps, mais elle aussi était contente du temps qu'ils avaient passé ensemble.
- Je sais que vous l'avez envoyée pour me surveiller, continua-t-il, mais j'aurais pu avoir pire comme geôlier, dit-il en souriant.
Les mots touchaient profondément le cœur de la Fée.
- Je suis ravi qu'elle ait pu t'être de bonne compagnie, dit la reine Audisélia, mais nous devons parler de ton avenir.
En fait, il est en présence de la conseillère d'orientation, là ? Elle veut l'envoyer aux mines, c'est ça ?
Traumatisme personnel.
- Tu te doutes, sans doute, de la raison de ta venue.
- J'ai des suppositions, rien de concluant, répondit le jeune homme.
- Déjà sache que tu ne seras pas exécuté, lui annonça Audisélia, enfin potentiellement...
Le Héros eut un petit rictus en entendant cela.
- J'aurais voulu vous voir réussir à m'exécuter, dit-il avec un ton acerbe, peu importe le procédé, cela se serait révélé impossible.
- L'impertinence a ses limites, humain, s'interposa l'un des ministres.
La reine le fit taire d'un signe de la main et redirigea son attention vers le garçon.
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Car le Destin ne le permettrait pas.
Soudain, Sawyer eut un haut-le-cœur et déglutit fortement pour réprimer le vomi qui lui remontait l'œsophage, la reine ne laissa rien transparaître. Cette horrible phrase qui les avait tant traumatisés.
- Soit. Si tu crois tant en ta bonne étoile, rétorqua-t-elle de manière froide et distante.
Ses yeux ne s'étaient pas éclairés de cette lueur jaune dorée, ils n'avaient rien à craindre.
- J'ai accédé à ta première demande : les prisonniers humains ont été rapatriés à la prison comme tu l'avais demandé et ton armure nous a été rapportée mais il n'y avait qu'un gant et un casque.
Elle claqua des doigts et une servante avec un plateau d'argent sur lequel était posé le fameux gant qu'il avait sommé qu'on lui rende.
- Justement. C'est tout ce dont j'ai besoin.
Il voulut l'enfiler mais se rappela qu'il déshabillait son propriétaire. Déjà qu'il était gêné lorsqu'il était dans son bain en compagnie d'une seule personne alors être nu le temps d'un instant devant des dizaines de personne, c'était trop pour lui.
- Mais il y a deux choses auxquelles je ne pourrai accéder : tuer le Héros de la légende et te rendre Ymir, enfin pour l'instant, je te le rendrai selon tes réponses à mes questions et en dehors du royaume.
- Comme vous voulez.
- Bien. Tout d'abord, je voudrais t'expliquer pourquoi tu es resté aussi longtemps dans tes appartements : au vu des services que tu as rendu à notre nation en défendant l'une de nos sujets, je ne pouvais pas te laisser moisir en prison, surtout que la fée sans nom m'a imploré de faire preuve de clémence à ton égard, mais de nombreux faits suggèrent ta possible malveillance envers nous à cause de l'épée Ymir et de tes propos menaçants sur le héros de la légende. Nous avons profité de te surveiller, étudier ta personnalité et ton corps si étrange, et nous avons dû statuer sur le fait qu'entre les racontars et ce que nous avons et ce qui nous a été raconté de la part de la princesse sans aile, il y a un gouffre. Donc nous allons te poser deux trois quatre questions et nous te laisserons partir.
- Ce sont ces questions qui vont me déclarer apte à vivre ou non, c'est ça ? D'où la présence d'autant de personnes armées dans cette pièce.
- Perspicace, le petit Homme, chuchota Globox à son collègue.
La Fée sursauta à la déclaration du garçon. Allait-elle assister à l'exécution de celui-ci ?
- Tout dépendra de toi, répondit-elle, si tu mens, je le saurai.
Le Héros souffla du nez, se retourna vers la Fée et lui fit un clin d'œil pour la rassurer.
- Ça marche, accepta-t-il, posez vos questions.
Un liquide bleu dégoulina du plafond jusqu'au sol face au Héros. Il s'agissait bien, évidemment, de Tadzi mais il avait une mine beaucoup plus sérieuse que d'habitude, son sourire enjôleur qu'il affichait au stade avait disparu au profit de cette face austère.
- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda la Fée.
- De toute manière, tu finiras par l'apprendre donc je te le dis, je suis le directeur des services secrets du royaume sous les ordres du conseiller Igniasté et du ministre des Informations, Uberlith.
- Alors les histoires de mouches et de...
- Mensonges et storytelling. Mes vraies mouches sont les sycophantes noirs du royaume. Cet humain était vraiment une tare sur laquelle se renseigner, démêler le vrai du faux était infernal, heureusement que nous avions Helmir qui a pu acquérir la majorité des informations, c'était tellement ardu que nous pensions qu'il était la Bête du Doubs, mais il n'a pas ses canines.
- En même temps, on se connaît, dit le Héros.
Un grand silence s'installa dans la pièce, Helmir, justement, était présente dans la pièce, elle restait impassible malgré tous les regards interrogateurs.
- Comment cela se fait ? demanda Igniasté à la meilleure espionne du royaume.
- Nous avons des connaissances en commun, répondit-elle sèchement, mais c'est pas comme si je le connaissais vraiment, puisque, comme vous, je l'entends pour la première fois parler.
- Cette connaissance..., demanda Sawyer.
- Oui.
- Oké.
- Mais retournons-en à toi, reprit Tadzi, peux-tu nous expliquer, si tu n'es pas le Némésis, pourquoi es-tu en possession de l'arme des damnés, Ymir, si tu n'en es pas un ?
- C'est simple, répondit-il, il me l'a donnée.
- Qui ? demanda la reine.
- Le Némésis.
« Impossible » s'écrièrent des voix dans l'assemblée. La foule s'excita, même la fée sans aile se mit à être effrayée.
La conclusion logique qu'on pouvait se faire de cette réponse était qu'il était le sous-fifre du Némésis.
- Tu es un damné ? dit Tadzi.
- Et puis quoi encore ? J'ai cette épée pour le retrouver car je compte le buter avec le héros pour avoir tué ma mère, cracha-t-il avec un filet de sang sur le bord de ses lèvres, je traquerai ce fils de pute et leur ferai payer la mort des miens.
Les yeux du Héros s'étaient injectés de sang, ils s'étaient durcis dès lors qu'il avait entendu le nom de l'ennemi naturel des Nouveaux Terriens. La colère avec laquelle ses mots sortaient transpirait de haine, une viscérale haine à l'encontre de ces deux personnes si respectées pour le héros de la légende et craintes pour le héraut du Malin.
- Tu ne devrais pas parler du protecteur de notre monde, le réprimanda la reine.
- Je n'en ai que faire du respect qu'on devrait avoir à son égard. Je leur rendrai coup pour coup ce qu'ils m'ont fait.
Lui qui paraissait si gentil, si avenant avec la fée aptère, c'était devenu un autre homme, différent de celui qui avait encouragé son champion à continuer le combat, qui l'avait sauvé de son assassinat, avec qui elle avait joué à différents jeux.
Était-ce sa vraie nature ?
Les rumeurs seraient donc vraies ?
Il l'effrayait vraiment, et il le voyait bien du coin de l'œil, mais sa colère dépassait toute raison.
- Cette épée me mènera jusqu'à lui et j'utiliserai sa puissance... non, j'utiliserai tout ce qui est en mon pouvoir pour le défaire. C'est ce que vous attendiez comme réponse ?
Il n'y avait pas que la douleur physique de ces blessures et de ce mal qui s'insinuait dans chaque partie de son corps, cette douleur qui frappait son cœur transparaissait dans chacun de ses mots.
Nul réconfort ne saurait apaiser son cœur encore plus meurtri que son corps que par la mort du Némésis. À moins que...
- Alors tu as fait la rencontre du Némésis en personne ? lui demanda Audisélia avec une voix chevrotante.
- Je suis le seul survivant de ma rencontre avec lui.
- Mais alors tu en veux au héros de n'avoir pas sauver ta mère ?
- Non. D'être la cause de sa mort.
Brusquement, le Héros sentit une crampe au cœur, il se demandait bien quand le sortilège allait agir sur lui depuis qu'il s'était mis à parler. C'est même étrange qu'il ne se soit pas activé lorsqu'il avait ouvert la bouche au tournoi.
Le pire est à prévoir.
- Je ne devrais pas te laisser te balader avec une arme aussi dangereuse qu'Ymir et devrais te faire renoncer à ta quête de vengeance mais localiser le Némésis est une opportunité à saisir, reconnut Tadzi, si cette arme est vraiment la sienne, c'est une véritable aubaine, n'est-ce pas, ma reine ?
- Effectivement, tu as raison, valida-t-elle, que comptes-tu faire ?
- L'envoyer avec deux espions à la recherche du Némésis et dès que nous le trouvons, nous envoyons notre armée à sa poursuite.
- J'approuve ce plan, dit le ministre des Armées Jazter.
- Je ne me vois pas en désaccord avec celui-ci, approuva la reine, alors tu peux t'en aller et deux espions t'accompagneront dans ta recherche du Némésis, mais pour le héros, je te suggère d'abandonner, non seulement, elle est d'un tout autre niveau, mais de plus, je devrai interférer.
- Comme vous le souhaitez, dit le Héros.
Il se tourna vers la Fée et lui fit au revoir de la main avant de s'en aller.
- Au fait, l'épée se trouve à l'étage en-dessous.
- D'accord.
L'espionne-elfe se mit face à la reine et courba l'échine.
- Ma reine, pourrais-je accompagner le jeune humain dans son expédition ? demanda Helmir.
- Oui. Après tout, tu le connais mieux que nous.
- C'est génial, ça ! se réjouit le Héros, on va être ensemble tata Helmir !
- Tata Helmir ? dit l'elfe rougissante en se retournant en direction du Héros, surprise.
Toute la salle éclata de rire.
Cet Homme avait vraiment le don de mettre dans l'embarras toutes ses connaissances.
Après ce petit moment d'euphorie, la reine reprit son sérieux et s'adressa à la princesse sans nom pour lui faire part de quelque chose de très important qui allait sûrement la contrarier.
Alors qu'il était au pas des deux grandes portes, le Héros attendait la malencontreuse nouvelle de la reine.
- Petite princesse sans aile, je suis dans le regret de t'annoncer que tu es disqualifiée du tournoi.
- Hein ? s'écrièrent la Fée et le Héros.
- Pourquoi ? demanda la fée aptère.
- Bien sûr, à moins que tu ne trouves un remplaçant, tu ne peux plus participer au tournoi car cela prendra plus d'un mois pour sortir Beneltig du bloc de diamant où il s'est enfermé.
- Mais il est toujours en vie et les médecins m'ont déclaré qu'il allait bien.
- Je crois que tu n'as pas compris. Il ne pourra pas participer à temps au prochain round du tournoi au moment de son tour.
- Vous ne pouvez pas faire une exception, s'il vous plaît votre souveraineté.
- L'assiduité est le propre du champion, être là quand le devoir le demande est une exigence première pour un champion, voire tout sujet du royaume, intervint Mathgen le Suprême Commandant des Forces Féériques.
Il est sérieux lui ? pensa la reine, il est vraiment en train de faire croire qu'il est ce qu'il ordonne d'être ? Son arrogance est sans borne.
- Il a raison, accentua la reine, nous ne faisons d'exception pour personne hormis pour les Féériques provenant du Protectorat Obscur. Je suis vraiment désolée pour toi, mais c'est le jeu. En situation de guerre, tu ne demanderais pas aux ennemis d'attendre que vous puissiez le sortir du bloc de diamant ou que vous puissiez le rapatrier, il serait plus une gêne pour ses camarades qu'autre chose. Son idée était bonne dans le contexte du tournoi mais pas dans celui d'une bataille. Les combats vont au-delà de la simple prestation physique, tu comprends ?
Elle hocha la tête, contrariée par la situation, vraiment cette journée était pleine de mauvais rebondissements, elle ne s'attendait pas être disqualifiée alors qu'il y a à peine quelques heures, elle avait tout donné dans ses encouragements, après avoir crié toute sa joie...
Dire qu'elle avait une chance de pouvoir obtenir des ailes, même un nom. Finalement, elle allait devenir une simple noble comme les autres fées, devant supporter des diners mondains avec ses congénères qui la haïssaient pour son handicap.
- Et si je trouvais un remplaçant ?
- Pas un tordu qui profiterait de toi en ne faisant aucun effort pour te gagner ? lui demanda la reine, et rappelle-toi que tu as le droit à un seul remplaçant donc tu ne pourras pas en choisir un en attendant d'en trouver un autre meilleur...
La Fée était à la limite de pleurer, elle serrait les poings et se mordait la lèvre inférieure jusqu'au sang comme pour ne pas s'avouer vaincu.
Il n'y avait plus aucun espoir pour elle...
S'avançant à pas déterminés jusque devant le trône, dépassant la Fée et Helmir, se tenant droit, ayant le regard assuré, pointant la reine du doigt, avant de pointer son cœur avec le pouce, et de passer son doigt sous son nez en reniflant. L'humain le plus recherché de tout Europea fit face à la reine du royaume de Sylvania et déclara en ces termes, avec un rictus plein d'assurance :
- Moi, celui qui est né sans nom, je me présente comme nouveau champion de la princesse sans nom !
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