Le Démon-Sans-Visage contre la Déesse de Foudre partie 2
La haine noircit les cœurs
La rancune obscurcit les âmes
La colère détruit les esprits
La rage assombrit toute raison
Altruisme, gentillesse, vertu et humanité seront abandonnés
Au profit de l'ultime force
Pour obtenir récompense
Pour obtenir vengeance
Ils s'abandonneront à la colère
Ils s'abandonneront à la luxure
À ce moment-là, le Némésis apparaîtra
Il étouffera tout espoir
Il dévorera ce nouveau monde
Et toute amour s'évaporera
Le Héraut corrompra l'enfant
Le Héraut corrompra la vierge
Faisant de la venue du véritable démon inéluctable
Parasitant toute nature bonne
Voilà la fin de ce monde...
Les yeux du Héros luisaient d'un rouge écarlate, il en transparaissait de l'aigreur et de l'amertume, de la fumée s'échappait de sa bouche à chacune de ses respirations, son œil gauche s'injectait de plus en plus rouge.
La reine releva les yeux et foudroya du regard le Héros, elle s'appuya sur le mur pour se relever en s'essuyant le nez.
- Qu'est-ce que tu prétends, vile créature humaine ? Que je suis un danger pour mon propre peuple ?
- Tu n'as qu'à regarder à l'extérieur, lui dit le Héros avec une voix encore plus grave qu'à l'accoutumée et résonante.
Elle glissa un regard par l'un des vitraux explosés et put être témoin que par sa simple colère, elle avait provoqué une incroyable tempête dans tout le royaume.
Pour beaucoup, c'était la première fois qu'ils voyaient un orage qui, plus est, était incroyablement dévastateur.
- Ce n'est pas important, lui répondit la reine, je règlerai cela plus tard.
Le Héros ouvrit de grands yeux, fut outré face à autant de négligence et lui lança un regard noir.
- Tu me hais au point de tuer des innocents ? se mit en colère le Héros.
- Tu n'imagines pas.
La reine Audisélia saisit la lame brisée de son arme royale, se saigna la main avec et y mit son sang sur l'épée en incanta un sort de réparation du peuple de Lerdon et parla en langue Valraz pour redonner à l'épée de ses prédécesseurs toutes sa superbe, son éclat et sa solidité. Il y grava une rune orange pour la consolider et augmenter sa résistance avant de retourner au combat.
- C'est inutile, lui dit le Héros, tu penses réellement que ta vulgaire épée dépassera l'arme du Némés...
Brusquement, la reine disparut sous les yeux du Héros. Celui-ci entendit un sifflement, et vit le tibia de la reine s'approcher dangereusement de son visage, mais il ne put l'esquiver à temps au vu de la vitesse du coup. Elle l'envoya valser jusqu'au trône, le faisant rouler jusque-là, il se redressa et freina son inertie en plantant l'épée dans le sol ralentissant la projection.
- Abstiens-toi d'être arrogant, vulgaire humain, lui rétorqua la reine
Soudainement, le bruit retentit encore une fois provenant au-dessus de lui, il leva les yeux et croisa le regard d'Audisélia qu'il vit s'illuminer d'un bleu électrique, puis il remarqua son poing rempli d'électricité qui allait s'abattre sur le crâne du Héros, explosant tout sur son passage.
Sawyer était le seul à ne pas être étonné par le comportement de son amie Audisélia, il la savait bien trop têtue quand elle était dans cet état, capable de perdre toute raison sous l'emprise de la colère.
Même si le royaume était en danger, il ne pouvait rien faire pour empêcher sa destruction... Il avait failli à sa mission...
Sans crier gare, Globox mit une gifle à Sawyer, en lui griffant, par accident, le visage, avec ses ongles d'ogre.
- Pourquoi ? s'exclama Sawyer.
- Parce que tu dois te ressaisir, au lieu de trembler comme une fiotte, l'engueula l'ogre Globox.
- Rien ne t'oblige à être aussi vulgaire...
- Oh que si, mon grand. Je ne peux pas te laisser aller à autant de lâcheté alors que tu es le fils du héros Torn, tu es le plus à même à pouvoir arrêter la folie de notre reine et de ce monstrueux pseudo-héros qui lui fait face, lui rappela son homologue ogre, tu es le chef des Saints de la reine alors agis en tant que tel.
Alors il souffla du nez et stoppa son tremblement. Son collègue avait raison, il était le fils de Torn qui avait été chargé par celui-ci de veiller à la santé et au bien-être d'Audisélia. Il plaça ses mains loin de son corps et lança un sort d'emprisonnement :
- Par les chaines du Shéol et du Néant, là où ni matière, ni vivant peuvent entrer ou sortir, je te crée, Ô toi, prison éternelle !
Une énorme sphère d'énergie magique se créa autour de l'étage, dépassant les murs du château, scellant toutes les personnes à l'intérieur de la salle du trône. Bien que cela ressemblait à une vitre opaque sphérique, ils perçurent que l'orage à l'extérieur s'était calmé.
- Une chose de faite, dit le garde Sawyer.
- Tu nous as enfermés avec ces deux monstres de puissance.
- Tu avais une meilleure solution ? réagit Sawyer.
- Non. Je tenais juste à te le rappeler. Que comptes-tu faire maintenant que nous sommes prisonniers de ton sortilège ?
- Stoppez leur combat avant que l'humain se fasse tuer avec nous, annonça le chef des Saints.
- C'est l'Homme sans nom et sans visage qui te préoccupe avant le sort de ta reine ? s'offusqua Globox.
- Si tu savais observer correctement un combat, tu verrais les sentiments des combattants s'opposer en face à face ou ceux de tes propres adversaires. Ça te permettrait de pouvoir appréhender les raisons de leurs luttes. Et si tu savais observer une fée, tu verrais les marques sur le visage de la reine luirent et se modifier. Tu verrais que même s'il devient de plus en plus fort, l'humain n'a aucune envie de tuer la reine malgré ses fortes réponses. À chaque fois que ses attaques font mouches, elles sont que physiques.
- Que veux-tu dire par là ?
- Que cet Homme aurait pu choisir la voie de la facilité en « tuant » la reine ce qui aurait fait cesser la tempête, pourtant il s'évertue à vouloir la ramener à la raison. Alors peu importe son apparence, je l'empêcherai de se soumettre à sa propre colère et de se faire tuer par Audisélia.
Sawyer se craqua ses index et ses majeurs, se mordit le pouce pour en faire sortir son sang et inscrivit des signes sur son armure et ses bras dénudés, dès qu'il eut fini, il dit :
- Magie runique : NAUDHIZ : Armure des Mille Tempêtes !
Son corps s'illumina d'une lumière couleur verte et une énergie apaisante déferla en lui.
- Vas-tu vraiment l'utiliser ? La magie runique met trop de temps à se charger.
- Vois-tu une autre solution pour se confronter au héros de la légende et à l'Incarnation des déesses de la guerre et de la destruction ?
Le garde dit à toutes les personnes non-combattantes de se réfugier vers le trône, il généra un dôme de protection.
Il ordonna aux Saints de la Reine de se préparer à combattre et aux autres gardes à les soutenir au moment propice à leurs attaques.
Pendant ce temps, le Héros transformé réussit à bloquer le coup in-extremis de la reine en la parant grâce à son épée Ymir. Se voyant bloquée par son adversaire, elle lança une énorme décharge électrique sur le Héros, l'électricité traversa l'épée et l'armure qui étaient forcément conducteurs, et électrisa le garçon. Il finit par repousser la reine avant d'attraper son bras et de la ramener vers lui, de se relever et de lui mettre un coup de genou dans la poitrine lui faisant cracher ses poumons, mais elle ne perdit pas de temps à se prendre un nouveau coup et s'éloigna de son opposant aussi vite que lui permettaient ses capacités hors-normes.
Puis revint à la charge en tentant de lui mettre un coup de poing en pleine face, le Héros répondit en frappant son poing contre le sien, le choc fut brutal pour les os du Héros mais il tint bon. Cependant, l'électricité qui circulait dans le corps d'Audisélia s'excita, réagit à l'impact des poings et déchira la peau de l'humain qui hurla de douleur.
Mais cela ne l'arrêta pas.
Et il tenta de lui mettre un autre coup, la reine le stoppa avec son autre poing, puis la même réaction se produisit, et le processus recommença une bonne centaine de fois, créant un barrage de coups de poing entre les deux.
Sous la trop grande douleur, le Héros s'écarta de la reine-fée en tentant de l'atteindre dans le même temps avec la longue allonge que lui offrait son épée, mais elle réussit à s'extraire de la zone d'action de l'arme.
Soudainement, un évènement improbable se produisit alors qu'il n'y avait aucun sens à ce qu'il se réalise. Alors qu'elle s'écarta du Héros, dans l'ombre de son épée circulait une énergie magique, et avant qu'elle ne s'en rende compte, les jambes de la reine furent saisies dans la glace.
- Ère Glaciaire des Temps Primordiaux ! dit le Héros en exécutant un sort.
Impossible ! s'écrièrent la reine Audisélia et la Fée, il devrait être incapable d'exécuter le moindre sort.
La reine gigota dans tous les sens pour se dégager de l'emprise de la glace créée par le Héros. Mais bien qu'elle provînt de lui, la reine ne ressentit aucune vie dans la magie qu'il venait d'exécuter. Le sort qu'il venait de faire ne provenait pas de lui mais de l'épée maudite. Il était logique qu'elle en fasse, en effet, au vu du nom de l'arme. Elle devait provenir du même endroit de naissance que les ancêtres de Sawyer.
Affronter ce garçon se révélait beaucoup plus retors pour la reine qu'elle aurait pu penser. Il avait plus d'une capacité en réserve.
La peau des bras du Héros était écharpée, ils dégoulinaient de sang avec de la peau qui pendait de ceux-ci.
La souveraine de Sylvania était un adversaire beaucoup plus coriace qu'il n'aurait cru, beaucoup de rois et de reines avaient souhaité se confronter au Héros à cause de sa réputation, en combat singulier ou face à toute une armée.
Contrairement aux racontars que les gens sortaient sans vérifier leurs sources, il lui arrivait souvent de perdre, c'était un gamin après tout, mais tous le prenaient pour un adulte aguerri, alors qu'il ne s'agissait que d'un enfant esseulé et déboussolé qui, inversement aux apparences, à ses faits, gestes et pensées, haïssait toutes sortes de violence, se battre et combattre. Et pourtant, le mal qui le ronge le faisait avoir des raisonnements contraires à sa volonté propre, l'excitation qu'il ressentait à chaque combat devenait de plus en plus forte après chaque affrontement. S'il se laissait aller à cette absurde excitation, elle finirait graduellement par le dévorer et il... deviendrait ce qu'il pourchassait.
Toutefois, il savait une vérité qui l'insupportait au point mais qu'il pensait vraie dur comme fer : dans ce monde comme dans le précédent, seule la force est la véritable vérité – bien que le dicton dise qu'on trouve toujours plus fort que soi. Une vérité qu'il avait fini par accepter malgré le fait qu'elle le dégoutât, tout menait à cette affreuse conclusion et rien en ce monde n'allait en sa défaveur.
Cette vérité allait au contraire de ses croyances, des préceptes que lui avait appris sa mère, et pourtant dans un lieu qui semblait aussi paisible que celui-ci – malgré l'esclavage et la discrimination ambiante à l'intérieur du royaume –, il se retrouvait confronté à encore de la violence, on trouvait encore des raisons de s'en prendre à lui.
Il en avait assez... Et s'il se laissait aller à cette violence fatidique ?
Et pourquoi pas ? dit le Némésis amusé.
La Fée avait vu bon nombre de combats violents dans l'arène, que ce soit de chez elle ou de ses propres yeux, mais aucun d'eux n'était allé aussi loin.
Ce combat tenait plus des légendes et du récit historique que de la simple querelle.
Ce garçon qui était à la fois si bon, il l'avait consolé lorsqu'elle lui avait raconté son rêve, il avait pris parti lorsque Beneltig était en difficulté, il était même venu à son match, alors qu'il avait aucun intérêt à le faire et désormais, il était devenu son champion... était devenu une bête sanguinaire à la limite du démoniaque !
Elle ne pouvait omettre cette façon de se battre qui était si violente, que ce soit avec l'homme-lézard, les autres prisonniers dans les Limbes, les araignées Mexicula ou maintenant. À chaque fois qu'il combattait, il avait toujours ce regard froid qui lui glaçait le sang, comme si ses émotions disparaissaient le temps d'un instant révélant sa véritable nature de machine à tuer...
Y avait-il un moyen de le faire redevenir ce garçon si amical qu'elle aimait côtoyer ?
Même si elle en avait peur à cause de son apparence lugubre à souhait, surtout à ce moment-là qu'il s'était transformé, elle avait grand espoir de pouvoir être plus proche de lui pour le comprendre, avec le peu de paroles qu'il eut dites, elle comprit que ce garçon humain souffrait beaucoup et s'était engouffré dans cette extrême brutalité car c'était la seule solution qu'il avait trouvée pour apaiser son âme mutilée. Elle n'aurait jamais pensé que le héros de la légende soit un être aussi lésé.
D'une certaine façon, leurs ressemblances se rapprochaient de plus en plus.
Alors que le Héros grimpait le glacier qu'il avait créé grâce à Ymir, la reine réussit à briser la glace qui lui avait saisi les pieds et s'envola, elle décida d'attaquer à distance avec ses éclairs. Celui-ci s'était déchargé du haut de son armure pour ne plus attirer la foudre de la reine et pouvait esquiver plus simplement les attaques d'Audisélia. Il n'avait gardé qu'un bras d'armure.
Bien que les éclairs touchaient les jambes de son armure, il était protégé par le collant qu'il avait en-dessous qui était isolant et isotherme.
La reine notifia que le corps du garçon s'était amaigri depuis le début du combat, déjà qu'il n'avait pas beaucoup de chair, là il allait bientôt atteindre l'anorexie.
- Mais dis-moi, pour un héros, tu es bien maigrichon, rit Audisélia à gorge déployée, ce n'est pas avec un tel corps que tu vas me vaincre.
- Pourtant, c'est avec celui-ci que je vous tiens tête, reine de Sylvania, ricana l'humain sans nom avec ironie.
La reine ne supportait pas la répartie de cet odieux enfant qui était là, au mépris de la vie d'Elena. Chaque fois qu'il ouvrait la bouche pour le contredire, elle avait envie de le pulvériser ! Mais oui, c'est cela qu'elle comptait faire, le pulvériser !
Elle leva les yeux bras au ciel et s'exclama :
- Par Eclina, toi, véritable déesse féérique de la foudre, fais abattre sur mes ennemis ta toute-puissance : Foudroyante Punition Divine !
- C'est impossible qu'elle puisse faire cela, s'exclama Sawyer, je nous ai enfermés hors de l'orage.
Mais une partie des cumulonimbus avait été enfermée avec eux – ce qui est logique, ils n'allaient pas sortir bien gentiment de leur plein gré.
Des éclairs se mirent à s'abattre à l'intérieur de la salle du trône, traversant le plafond du château, s'approchant à grands pas du Héros. Malgré ses esquives, ils finirent par l'atteindre, sa chair brûlait sous l'énorme tension et intensité électriques qui émanaient de ces éclairs surpuissants.
- Tu as fini de préparer ta sur-armure ? lui demanda Globox nerveux, parce que la petite est en train de se déchainer, là !
- L'humain la tient en respect pour l'instant, j'ai encore le temps de la mettre au maximum. Tant que ses éclairs ne deviennent pas rouges, on a encore nos chances.
- Ouais mais l'abomination humaine ne semble pas pouvoir tenir plus longtemps.
- Ne t'inquiète pas. C'est un héros de la légende, après tout ?
- Si tu le dis...
Entre-temps, le Héros ne se laissa pas désarçonner par cette attaque et réussit à tenir sur ses jambes bien que ses muscles n'arrivassent plus à fonctionner correctement à cause de la foudre qui lui était tombée dessus. Il avait été quand même proche de l'électrocution et son sang bouillait autant à l'extérieur qu'à l'intérieur de son corps à cause de l'attaque de la reine.
Toutefois, il se produisit quelque chose que Sa Majesté fut la seule à percevoir, elle avait ressenti qu'une partie de la foudre qu'elle avait lancée sur le gamin avait disparu, cela fut confirmé par l'éclair jaune qu'elle aperçut sur la corne sur la tête de l'humain. Elle ne voyait pas l'utilité de cette corne au-delà d'être un minable paratonnerre magique.
- Tu es vraiment un garçon plutôt coriace, admit Audisélia, mais je n'admettrai jamais que tu es le fils d'Elena ou le héros de la légende.
La lueur brillante disparaissait petit à petit de l'œil droit du Héros et son œil gauche devenait davantage écarlate.
- Que tu l'admettes ou non, dit le Héros avec une respiration fatiguée, ne change rien au fait que je suis face à toi...
- C'est bien ça le problème et tu...
- J'en ai assez de vous entendre me cracher dessus pour ma naissance alors que mes parents s'en plaignaient déjà et pour le titre du héros alors que je n'ai absolument pas choisi d'avoir sa Volonté. Je comprends à quel point ma mère te manque, Cristalmeth, mais si tu pouvais te contenter de faire ton deuil, ça me rendrait plus qu'heureux, au lieu de me battre ou te battre inutilement.
- Comment connais-tu ce surnom ?
- D'après vous ? dit le Héros avec ironie, ma mère me parlait souvent de vous : une fée aux cheveux de cristal, yeux bleu clair, lèvres charnues, nez fin et droit, petite cicatrice au front, taille de géante, marques rosées sur les joues et sur l'arête du nez comme toutes les autres fées, elle a un comportement erratique allant de la plus belle des roses à épines à la plante carnivore cannibale. Une description qui vous sied bien, Cristalmeth.
- Je ne te donne pas le droit d'user de ce nom pour me nommer !
La reine envoya des éclairs avec des signes de la main, mais, avec ses dernières forces, le Héros prit le Bras du Titan Ymir et créa une barrière de glace pour contrer l'attaque de la reine. Pas assez solide pour résister aux assauts de la reine, mais assez résistant pour lui permettre de s'échapper malgré son corps en lambeaux.
Il allait devoir utiliser plus de force qu'auparavant. Elle le forçait à aller au-delà des cinquante pour cent du pouvoir héroïque et d'user de la puissance démoniaque de la véritable forme de l'épée Ymir. Non, ce n'était pas assez, il devait encore augmenter sa résistance et sa force. Dire que face à Albedo Wata, il n'avait pas eu à se pousser au-delà de ses retranchements alors qu'elle était une Némésis, une faible Némésis, mais une Némésis quand même. Il ne pouvait plus faire semblant de l'attaquer, il poussa alors son corps à combattre réellement.
- Titan Ymir, soigne-moi.
Le fluide noir et rouge coula sur tout son corps et la plupart de ses blessures guérirent à une vitesse phénoménale au prix d'une apparence de plus en plus monstrueuse. Cependant, il n'avait besoin que de l'un de ses bras et de ses deux jambes en assez bon état pour pouvoir la vaincre.
Son prochain assaut serait le dernier !
Le pouvoir héroïque fonctionne de cette manière : en obtenant la Volonté du héros, on se voit octroyer une force surhumaine qui vient s'ajouter à celle qu'on possède déjà, mais en plus, comme une base de données, on obtient les connaissances, voire les aptitudes des autres prédécesseurs, ce qui permet à la façon d'un rogue-like – un genre de jeux vidéo – de connaître les dangers qui nous guettent à travers le monde et les pièges que le héraut du Maléfique pourrait dresser face à nous pour nous en préparer étant donné son esprit mesquin et tourmenteur. Cependant, à cause d'une anomalie du corps du Héros, celui-ci n'avait pas accès à toute cette « base de données » et manquait de connaissances – c'est bien pour ça qu'Audisélia le trouve médiocre à l'épée. Ce qu'il pouvait faire néanmoins, c'était d'user des pouvoirs dont il avait accès comme la force surhumaine, la résistance, la régénération.
Nonobstant, le fait qu'il avait la capacité d'utiliser l'une des armes du Némésis était une énigme en soit.
Caché derrière la glace, il se propulsa de toutes ses forces en direction de son opposante, mais sa trajectoire était bien trop prévisible et sa vitesse trop lente pour que la reine ne puisse pas l'esquiver. Mais le Héros le savait, c'est bien pour ça qu'il allait utiliser son atout.
Elle s'attendait à ce qu'il la rate et qu'il utilise le mur derrière elle pour ricocher et donner plus de force à son coup, d'ici là, elle l'aurait intercepté et elle réussirait enfin à le tuer.
Mais, contre toute attente, elle vit sa trajectoire faire une courbe.
Il se rapprochait dangereusement d'elle, elle n'eut pas le temps de s'écarter qu'elle prit de plein fouet un double coup de pied sauté dans le ventre, l'expulsant contre le sol.
Sans qu'elle ne s'en aperçoive, le Héros avait sorti un grappin de son bras d'armure et l'utilisa pour s'accrocher au lustre. Il fit un nouveau tour autour du lustre pour gagner beaucoup plus de vitesse et d'élan, et fonça sur la reine, mettant son bras blessé en arrière pour préparer son coup de poing.
Audisélia se dégagea des gravats causés par sa chute et elle vit le Héros arriver vers elle. Décidément, elle n'allait jamais en finir avec lui, il était temps qu'elle en finisse peu importe le coût. Elle ferma les poings, elle redressa ses index et ses pouces, et les fit se croiser, elle glissa un œil dans le losange que créait ses mains pour viser l'humain sans nom.
- Voici mon ultime attaque ! C'est avec ça que je vais te réduire en cendre, bâtard ! Prends toutes mes forces, fait éclater toute ma fureur, toute ma colère, toute ma haine et punit les fous qui ont osé se dresser face à moi : Fulgurante Vengeance d'Eclina.
Une énergie fabuleuse parcourut ses bras depuis sa poitrine jusqu'à l'extrémité de ses doigts, un cercle magique apparut à sa surface en face d'elle et une immense boule bleue d'énergie électrique jaillit du cercle et se dressa face au Héros.
Le Héros sans visage avait mis toute sa force dans le coup qu'il allait lui asséner, peu importe le sort, rien ne pourrait se mettre en travers du chemin de son attaque.
- Maintenant ! s'écria Sawyer en fonçant entre le Héros et Audisélia.
Plus le Héros se rapprochait, plus le choc des deux combattants semblaient inévitable.
- Mais quand vas-tu arrêter de te conduire comme une folle, lui cria le Héros, ressaisis-toi, reine hystérique !
- Je n'ai pas d'ordre à recevoir d'une vulgaire larve comme toi, s'énerva la reine.
Le choc allait être imminent, mais, subitement, apparut un cercle magique vert solide où s'écrasa le Héros, l'arrêtant dans sa course et il faillit se tordre le bras. Il était étalé dessus comme une crêpe, il ne comprenait pas d'où prouvait provenir ce solide magique qui s'était matérialisé face à lui.
Une lumière aveuglante surprit tout ce joyeux petit monde.
- Arrêtez-vous ! cria une voix derrière Sawyer.
Les gardes et Sawyer se retournèrent en direction de la voix, le Héros leva les yeux hors de ce cercle magique et vit de l'énergie magique de la même couleur que la figure sur laquelle il était posé entre les mains de la Fée, il était évident que c'était elle qui avait construit ce cercle qui paraissait indestructible.
- Comment est-elle sortie du dôme de protection ? s'écria l'un des gardes, il est censé être impénétrable, inébranlable et infranchissable sans l'accord de Sawyer.
- C'est... exact, reconnut le principal intéressé en pleine incompréhension.
Et ils découvrirent avec stupeur que celui-ci avait été détruit... par la Fée qui y avait fait un immense trou, tous virent la fée aptère dans cet éclat étincelant, on aurait dit que cette lueur était...
Ils connaissaient les extraordinaires capacités magiques de la Fée bien qu'elle fût dénuée d'une paire d'ailes, mais cela dépassait le raisonnable.
La Fée désactiva le sort de Sawyer en un claquement de doigt.
Mais l'intervention de la Fée ne fut pas suffisante pour stopper la reine Audisélia dans son obsession meurtrière, la souveraine de Sylvania déclencha son attaque qui fit éclater la boule d'électricité et envoya un rayon d'énergie électrique à l'encontre du Héros, la Fée retira son cercle magique tangible, ce qui fit s'écraser le Héros contre le sol et le fit esquiver de justesse l'attaque de la reine qui percuta et troua le plafond avant d'aller vers le ciel hors de celui du royaume.
- NON ! s'écrièrent l'ensemble des personnes présentes dans la pièce et celles qui étaient à l'extérieur du château qui virent l'attaque de la reine, mis-à-part le Héros, la Fée et la reine.
Sawyer se tourna vers la Fée et lui demanda si elle était capable de stopper l'attaque de la reine avec le sort qu'elle avait lancé pour arrêter le garçon sans visage. La Fée hocha la tête et en une appellation « Bouclier des Mille Cieux », elle fit apparaître le cercle vert et celui-ci stoppa l'attaque de la reine en étant à peine éraflé.
- C'est incroyable, s'exclama le conseiller du ministre de l'Éducation Magique épaté, c'est la première fois que quelqu'un soit capable de stopper l'un des plus puissants sorts de la reine.
La lumière étincelante disparut et la Fée se retrouvait à bout de souffle.
- Saints ! Encerclez l'humain, ordonna Sawyer.
Ils s'exécutèrent et tous pointèrent leurs armes contre le Héros. Au même moment, l'enfant commençait à reprendre son apparence normale et Ymir reprit sa forme originelle. L'humain sans nom se releva, prit son épée avec laquelle il s'aida pour se relever et se mit en garde face à ces nouveaux adversaires. Il avait épuisé toute son énergie dans le combat face à cette folle monarque et tenait difficilement sur ses jambes. Il ne savait pas concrètement s'il allait pouvoir réellement se confronter à dix soldats d'élite, en plus des autres gardes.
- Sawyer ! Pourquoi vous en prenez-vous à lui ? s'interposa Helmir, c'est la reine qui s'en est prise à lui en premier lieu.
- Tant pis, rétorqua Sawyer, toute personne s'en prenant à notre reine doit être arrêtée.
- Vous allez une nouvelle fois le mettre dans les Limbes ou changer d'avis sur sa peine de mort ? répliqua l'elfe de nuit, alors qu'il est le nouveau champion de la fée sans aile et qu'on vient de découvrir qu'il est le nouveau héros de la légende ?
Sawyer ne comptait pas sérieusement le mettre aux arrêts, il voulait juste le calmer pour cesser toute cette violence démesurée.
- « On vient de découvrir qu'il est le héros de la légende » ? demanda Tadzi, tu es censée être au courant vu que tu le connais.
- J'avais des doutes que je n'ai jamais pu vérifier...
- Et tu es plutôt véhémente, toi qui as le regard mort d'habitude, lui fit remarquer Tadzi.
- Car je ne vais pas le laisser subir une nouvelle injustice.
- Car tu es sa « tata » ?
- Car je connais le cœur de ce garçon.
Brusquement la reine se releva et se jeta en direction de l'enfant, le garde Sawyer l'arrêta en se mettant en travers de sa route.
- Arrête-toi, Sélia, c'est terminé.
- JAMAIS ! JE VAIS LUI ARRACHER SES ENTRAILLES ET LAVER MON HONNEUR BAFOUE !
- Mais qu'est-ce que tu racontes, Audisélia ? Qu'est-ce qu'il a à voir entre toi et sa mère ?
- NE LUI DONNE PLUS CE TITRE ! hurla-t-elle en lui jetant un éclair qu'il esquiva aisément d'un simple pas de côté.
Elle lui lança des éclairs grâce aux glyphes qu'elle avait gravé sur son épée. Le chef des Saints Chevaliers Royaux – ou Saints Royaux pour faire plus court – esquiva encore les attaques de la reine. Encore, et encore, jusqu'à ce qu'il les dévie carrément avec ses bras avec l'aide de sa magie runique.
- « L'Armure des Mille Tempêtes » ? Tu penses sérieusement que cela soit suffisant pour te confronter à moi ? Surtout que je connais son point faible.
Elle lui donna un coup de poing dans le ventre si fort qu'il cracha tripes et boyaux. La reine avait une force surhumaine dépassant le commun des mortels. Comment Sawyer pouvait se dresser face à une fée aussi grande ?
- Comme l'Ardésium, ça n'est efficace que contre la magie, tu aurais dû ajouter à NAUDHIZ, ISA, pour pouvoir te protéger.
Mais le garde du corps ne se laissa pas dérouter et lui attrapa le bras et lui saisit l'épaule.
- Étant donné qu'il est le héros de la légende, moi aussi, je connais ton point faible, Sélia.
Il lui pressa l'épaule gauche et appuya sur la partie droite au-dessus de sa poitrine, elle se tordit de douleur sous la pression de la main de Sawyer, puis rapprocha rapidement son corps vers lui et il lui mit un coup de tête qui la sonna et elle s'évanouit sous l'effet du coup que lui avait asséné son ami. Il la rattrapa avant qu'elle ne s'écroule par terre.
- C'est terminé, déclara Sawyer en s'adressant au Héros, tu peux te détendre.
- Qu'est-ce que tu racontes ? dit le Héros avec une voix différente de la sienne, ça ne fait que commencer.
- Hein ? dit le garde du corps en se tournant vers le garçon.
Il vit que les yeux de l'humain devenaient de plus en plus rouges. La lueur brillante qui était dans l'œil droit disparut au profit de la sclérotique rouge de son œil gauche et d'une affreuse iris jaune comme la couleur de la sclérotique de son autre œil.
L'aura qu'il dégageait était bien différente de celle qu'il avait durant son combat avec la reine. Il n'avait jamais perçu une aura aussi imposante et maléfique chez quelqu'un.
C'est comme s'ils étaient face à un véritable démon.
- Tu n'as pas compris ? lui demanda le Héros avec une autre voix, j'ai soif de sang, je veux me battre ! Faites vos prières !
Les soldats renforcèrent leur attention sur le garçon et se tinrent prêts à se confronter à lui à la moindre action impromptue de sa part. Leurs armes et pièces d'armure claquèrent au moindre mouvement de leur part.
Le danger qu'il incarnât ne pouvait les laisser agir imprudemment face à lui, il était bien trop dangereux pour être mis hors d'état de nuire même avec des unités d'élite comme la garde royale, les Saints de la reine.
- Vous mettez du temps à passer à l'offensive... Vous me craignez ? les provoqua-t-il avec une voix davantage singulière qui paraissait venir d'outre-tombe, alors c'est moi qui vais venir à vous !
Ils se mirent tous en gardes, prêts à l'attaque, quand il s'apprêtait à charger contre eux lorsque soudain, ils purent le voir se coller une violente droite dans la mâchoire à s'en casser une dent. Tellement son coup fut violent qu'il s'envola presque et qu'il eut du mal à se réceptionner vu qu'une fois au sol, il se mit à sautiller pour pouvoir stopper son inertie.
- Casse-toi de mon corps, enfoiré ! hurla le Héros avec sa véritable voix, arrête de faire ça !
Quel ingrat fais-tu, mon jeune garçon, rit la voix qui s'était incarné dans le corps de l'humain, tu pourrais être beaucoup plus aimable avec moi ? J'ai le droit d'en profiter un peu.
Cette voix parlait dans son esprit comme l'autre voix qui le harcelait depuis qu'il était devenu le héros de la légende.
- Je vois pas en quoi je devrais l'être ! répondit le Héros.
Les autres personnes qui l'entouraient se demandaient bien à qui il pouvait parler.
À qui appartient le pouvoir que tu viens d'utiliser face à ce misérable insecte, rappelle-moi ? À qui appartient l'épée Ymir, dis-moi ? lui demanda la voix dont on pouvait sentir toute la méchanceté et l'ironie dont elle faisait preuve.
- C'est toi qui me l'as donné cette foutue épée démoniaque et je compte bien te retrouver avec et te l'enfiler dans le corps, Némésis !
La bombe était lâchée.
Ce gamin était en pleine communication avec l'ennemi naturel des Terriens Féériques.
Sawyer ordonna aux soldats de sortir à l'extérieur du château et d'avertir les autres gardes de faire attention, ils se devaient d'aider la population en proie à l'inquiétude et au désarroi après la crise de nerfs de la reine-fée et de sortir voir s'il n'y avait pas de personnage suspect qui rôdait dans l'enceinte du royaume ou à l'extérieur de celui-ci.
Si le garçon pouvait communiquer avec lui par télépathie c'est qu'il n'était pas loin, le garde du corps d'Audisélia ne savait pas si cela était nécessaire de prendre autant de précautions face à un ennemi dont la nature est plus que surnaturelle, même pour les Féériques.
Ces mortels s'agitent vainement ! lui dit le Némésis en pensée, si j'étais là, tu l'aurais senti n'est-ce pas ? Sinon tu serais venu me chercher au lieu de te battre face à cette imbécile survoltée. Tu ne m'aurais pas loupé, hein ? se moqua le Némésis, ta gentillesse te nuira...
- Mais tu vas la fermer oui ! J'ai pas besoin de leçon de morale de ta part ! Attends que je te retrouve, je vais te monter la force que j'ai obtenu pour t'écraser depuis le temps ! cracha le Héros entre ses dents.
J'ai hâte ! s'en réjouit le Némésis, j'espère que tu m'offriras une bien plus grande distraction en tant que pantin que cette pauvre femme qui t'a protégé.
- FERME TA PUTAIN DE GUEULE AU LIEU DE PARLER DE MA MÈRE !
Oups ! Sujet sensible, on dirait, s'en amusa le Némésis, tu aurais pu t'en remettre depuis le temps. Le jour où j'ai honoré ton village était sans conteste le plus important de toute ta misérable vie, mais pour moi, c'était un simple nustia, un jour comme un autre à tourmenter les êtres de ce malheureux monde.
- Cinq ans que je te traque et tu penses réellement que je vais oublier toutes les atrocités que tu as commises et les êtres qui m'étaient chers que tu m'as volé ce jour-là ? Plus le temps passe, plus ma rancœur envers toi ne fais que croître ! Tu vas payer pour les habitants de Nisélios, pour Zelda, pour ma mère...
Oui, c'est bien ! Nourris-toi de cette colère envers moi, de cette insatiable haine qui te dévore. Nourris-t'en, et viens te confronter à moi, moi qui t'attends depuis tant d'années, champion des Hommes, des Féériques et du Destin. Repais-moi de la noirceur de ton cœur, rassasies-moi de cette tristesse qui te tiraille le cœur et qui te tord tant les boyaux et deviens celui qui fera chuter ce monde dans les noirs abîmes du mal par l'avènement de mon maître à grâce toi ! monologua le Némésis avec extase, qu'il se rassie de ce monde et de l'univers entier.
- Jamais ! Tu m'entends ? Jamais ça arrivera ! s'égosilla le Héros, car je suis... je suis... JE SUIS LE PUTAIN DE HÉROS ! JE SUIS PUTAIN D'HUMAIN ! PAS UNE ATROCITÉ COMME TOI !
Tu te plains envers moi comme si c'était purement et simplement ma faute si tu te retrouves dans cette situation. Je suis comme toi, soumis aux règles de ce monde, monde qui ne fait que te persécuter depuis ta « tendre » enfance. Si ce n'est pas moi qui m'acharne sur toi, il restera toujours cet impitoyable monde pour le faire. Alors que feras-tu pour l'arrêter, hein ?
- JE LE DÉTRUIRAI ! JE DÉTRUIRAI LE MONDE AVEC TOI ET LE HÉROS DE LA LÉGENDE, QUITTE À EN PERDRE LA VIE !
Je m'en doutais...
L'explosion de colère de l'humain sans nom créa une invraisemblable énergie qui fit trembler tout l'édifice, les yeux du Héros se révulsèrent, tous ses muscles se contractaient, du sang coulait de sa tête, son état mental était vraiment instable, il se lacérait ses bras qui étaient déjà en piteux état à cause de son combat face à la reine. C'était le rire du Némésis au fond de son esprit qui le rendait complètement fou, il n'arrivait plus à se contrôler poussant des hurlements de douleur et détresse.
Personne ne pouvait s'approcher de lui à cause du champ d'énergie qui se dégageait du garçon sans être blessé ou pire, perdre un membre.
Mais soudain, alors qu'il était au bord du craquage mental, il sentit une chaleur apaisante lui parcourir tout le corps, cette chaleur le calma, sa névrose s'arrêta et ses paupières s'alourdirent jusqu'à devenir infiniment pesante.
Cette agréable sensation provenait de la Fée qui avait réussi à passer la barrière d'énergie qui isolait le Héros, elle avait apposé sa délicate main sur sa poitrine et faisait circuler à l'intérieur de son corps, cette mystérieuse magie qu'il avait ressentie lorsqu'elle lui avait fait prendre son bain.
Est-ce un ange ? dit le Héros ne la voyant pas distinctement.
Elle l'attrapa, l'enlaça contre elle et lui chuchota d'une voix mielleuse et bienveillante :
- Vaillant héros, endors-toi.
Et les yeux du Héros se clorent.
Tout le monde assistant à cette scène ne pouvait pas se persuader que cela soit réel.
Cette lumière donnait vraiment à la Fée l'impression qu'elle possédait...
- C'est impossible à son âge, s'exprima l'un des conseillers, ça tiendrait du miracle.
Une fois le garçon assoupi et ayant récupéré sa respiration normale, cette fabuleuse lueur disparut.
Ce qui venait de se passer dépassait l'entendement, ils n'auraient jamais cru qu'ils assisteraient à de tels évènements à cause d'une simple convocation pour poser quelques questions et une annonce de disqualification.
Sawyer regardait la reine de son cœur et ressentait à ce moment-là seulement de la pitié et de la tristesse pour elle, il ne savait pas ce qu'il se passerait à son réveil. Peut-être devrait-il lui injecter le sérum pour la calmer...
- On peut plus laisser cette folle à lier sur le trône plus longtemps, s'énerva Mathgen.
- Quoi ? dit Sawyer, répète un peu pour voir ?
- Pour qui tu te prends, je suis ton supérieur même si tu es le garde du corps de la reine et son confident.
- Tu insultes la reine, et tu penses que je vais faire passer l'ordre de hiérarchie en laissant passer tes propos inadmissibles ?
- Qu'importe les propos que je tiens, tu me dois le respect, Sawyer ! Et vous, après ce qu'il vient de se passer vous n'allez pas me dire qu'on va rester aveugle devant la dangerosité qu'elle représente et le boxon qu'elle a fait à cause d'une pitoyable histoire amoureuse avec une humaine ? dit-il en s'adressant à toutes les personnes réunies dans la pièce.
- Je ne te permets pas de la juger alors que vous savez tous que la reine est différente de nous...
- Ça ne change rien à ce qu'il vient de se passer ! répliqua le Commandant Suprême, je veux bien que tu sois son ami d'enfance, mais on n'a pas à supporter ses crises de nerfs et ses coups de folie ! Tu vas me dire que ce n'est pas le pire cas qu'on ait dû affronter mais je suis désolé, on n'a pas à faire vivre cela aux citoyens... On va encore dépenser de l'argent public en réparation...
Globox lui fit fermer son clapet en mettant son marteau sous son menton en le fixant d'un air menaçant.
- Le jour où tu payeras tes impôts et que tu cesseras de taper dans les caisses, tu pourras prétendre te préoccuper de l'argent public, le rappela à l'ordre l'ogre, qu'importe ses folies, tu dois respect et loyauté à notre souveraine. Qu'aurais-tu fait si tu avais été sous les ordres des Rois-Combattants qui ont semé zizanie et discorde là où ils passaient ? Déjà que tu baissais les yeux face à leur résidu qu'était Triface.
- Je... je..., bégaya Mathgen.
- C'est bien ce que je pensais, dit le second garde du corps de la reine en rengainant son marteau.
- Je t'interdis de faire comme si je ne me souciais pas d'elle..., cracha Mathgen.
Globox l'ignora et se tourna vers son ami.
- Va coucher la reine, Sawyer, nous autres nous nous chargeons des dégâts qu'elle a pu causer dans le royaume.
- Et pour le gamin qu'est-ce que vous allez faire ? demanda Helmir.
Ils l'observèrent, le corps allongé sur les genoux de la Fée qui le soignait tant bien que mal - cela tenait plus des antidouleurs que des vrais soins.
- Emmenez-le à l'hôpital, ordonna Sawyer, on ne peut pas laisser le champion d'une princesse de ce royaume dans un état aussi critique. Mais prenez-lui l'arme du Némésis et scellez-la de toutes les manières possibles. Cette arme corrompue est un vrai danger pour quiconque s'en saisit.
La Fée se réjouit de cette décision. Ce garçon qui l'avait tant de fois aidée n'allait pas être laissé pour compte. Elle ne savait pas comment le remercier de sa bonté...
Dans son sommeil, la voix du Némésis résonnait encore dans sa tête. Ses dernières paroles tenaient autant de l'avertissement moqueur que d'une réelle menace :
Lorsque tu observes les ténèbres, sache que celles-ci t'observent également... Ne l'oublie, jamais...
Quelques heures plus tard.
Dans les sous-sols du royaume, dans les Limbes, au plus bas étage de la prison souterraine s'était retrouvé Jordan Lastick, l'assassin homme-lézard.
Il avait été solidement ancré au mur de sa cellule avec de la Tetralonite, l'un des métaux les plus résistants au monde mais facilement brisable avec de la magie, sauf que Jordan avait été bien trop épuisé par son combat avec l'humain.
Comment avait-il pu être battu par un simple humain alors qu'on venait de booster son métabolisme ? pensait-il.
Depuis son combat avec lui, il sentait quelque chose de malsain circulait dans ses veines, ses mains lui brûlaient atrocement et il avait encore le tournis après tous les tours de passe-passe elfiques qu'avait fait ce démon sans visage.
Maintenant il allait se trouver à avoir la tête tranchée en deux en place publique sans avoir accompli sa mission. Mais avant cela, il allait devoir se confronter à la terrifiante reine Audisélia, ce monstre de puissance. Pourquoi avait-il fallu qu'elle se mette sur sa route ? Il était pourtant le meilleur assassin au monde - oh, ça va les chevilles ? - alors même si cette gamine sans nom avait la réputation d'être intuable, il comptait bien accomplir sa tâche...
Mais brusquement, la porte de sa cellule s'ouvrit et des hommes en rouge entrèrent à l'intérieur, tous encapuchés. L'un d'entre eux portait sur sa capuche à pointe, un œil jaune en face de son visage, avait la peau verte et était bien plus bedonnant que ses compères sveltes, dont l'arrière de leurs manteaux leur donnait l'air d'être bossu.
- Hé ! Vous en avez mis du temps pour venir me libérer ! Je ne vous attends même plus.
- Nous méditions sur ton sort, répondit le chef de la troupe d'hommes et de femmes en rouge.
- Comment ça ? Vous n'avez pas meilleur agent que moi ! C'est pas ma faute si je m'y suis retrouvé face à cet énergumène.
- C'est vrai, avoua l'homme au gros ventre, nous avons eu vent de sa véritable identité et nous te concédons qu'il a été capable de tenir tête à la reine Audisélia Vanguard alors qu'elle était prise d'une folie meurtrière. C'est pour ça que nous n'allons pas te punir et te donner la récompense que tu mérites.
Enfin, un peu de reconnaissance, se réjouit l'homme-lézard, il était temps.
- Cela nous fera une pierre deux coups, ajouta l'homme bedonnant, puisque nous devons récupérer quelque chose qui ne t'appartient pas.
- Qu'est-ce donc ? Vous ne m'avez rien donné pour que j'effectue mon opération.
- Tu ne l'as pas reçu de nous. Tu l'as reçu du futur héraut du Malin, héraut de l'homme de notre bien-aimée souveraine. Durant ton combat dans l'arène.
Un des hommes encapuchés s'agenouilla et sortit une boîte de sa longue cape pourpre, le chef à un oeil ouvrit la boîte et en sortit une dague à la lame courbe et au manche doré.
- Oh là, qu'est-ce que vous faites ? s'inquiéta Jordan.
- Nous allons accomplir notre promesse Jordan Lastick, faire un élément principal de notre reine, c'est ce que tu avais souhaité, non ?
- Oui, faire partie de votre organisation pas mort.
- Tu vas faire partie de quelque chose de plus grand... Ne t'inquiète pas, ça va bien se passer, ne t'inquiète pas.
Le chef des hommes en rouge lui planta la dague dans le torse qui rentra, au passage, comme dans du beurre.
L'homme-lézard poussa de grands cris de douleurs, son corps se flétrit, ses muscles disparurent, son immense mâchoire rapetissa, ses dents rétrécissèrent et sa peau devenait pâle.
À la fin du processus, il n'avait que la peau sur les os, ses écailles tombaient, les yeux révulsés, et la bouche béante. C'est ainsi que c'était éteint, Jordan Lastick, un simple Féerique qui rêvait de grandeur.
- Apparemment, il n'était pas digne, dit l'un des hommes.
- Il ne l'a jamais été, clarifia leur chef, il ne servait que de sacrifice pour notre reine et stoppait notre usurpatrice. Mais maintenant qu'elle était sous la garde du héros de la légende, il sera difficile de s'en débarrasser, surtout que j'ai été témoin que son pouvoir latent s'est éveillé, il ne nous reste plus beaucoup de temps avant qu'elle se souvienne de qui elle est. Maintenant, rendons tout de même hommage à notre future reine ressuscitée ! Ingloriosa Malekista Beliritona Marrynélia !
Et ils répétèrent cette incantation indéfiniment sous les oreilles attentifs de la seule prisonnière de cet étage qui se réjouissait que son plan se mette en place après tant d'années.
A suivre: Entrevue entre l'elfe de nuit et la princesse-fée
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