Le rêve de la princesse sans nom
Une semaine s'était écoulée depuis la dernière visite de la Fée, elle n'était pas revenue le voir depuis. Elle devait vaquer à des occupations beaucoup plus importantes que discuter avec lui ou aller voir des gens beaucoup plus importants que lui à ses yeux – après tout, son amoureux avait accompli l'exploit de la faire rester dans la course malgré sa faiblesse naturelle. Il a dû remonter une sacrée pente descendante dans le cœur de la jeune fille après toutes les preuves de sa couardise.
Il voudrait bien le voir pour lui dire quelques mots, la Fée lui avait dit qu'il arrivait à entendre à travers ce bloc de diamant magique lorsqu'il avait demandé de ses nouvelles en l'appelant d' « imbécile », ce qui ne manqua pas de se faire très sévèrement réprimander par la Fée. Il apprit une leçon qu'il allait garder fortement en mémoire : « les filles pardonnent plus facilement les erreurs qui sont dans leur cœur que n'importe qui d'autres. ».
Après tout, il devait rencontrer son prédécesseur par courtoisie.
Il tenta de se relever mais l'infirmière qui était chargé de s'occuper de lui l'en empêcha, il n'était pas encore en état de se relever, ses blessures étaient bien plus graves qu'il ne l'aurait cru, sa vision en était aussi affectée, heureusement qu'il avait les lunettes que lui avait offertes lors de sa dernière venue. L'infirmière l'avait rattrapé de justesse alors qu'il voulait poser un pied à terre, elle avait lâché le plateau-repas qu'elle lui avait amené pour l'empêcher de tomber par terre.
- Monsieur le héros, il ne faut pas vous déplacer donc vous serez incapable de vous mouvoir sans mon aide.
Cette infirmière s'appelait Flora, une thérianthrope biche qu'on appelle plus communément Niaagin, une race de zoanthrope qui était catégorisé comme étant pacifiste, chaleureux et parfois craintif, mais ils étaient connus pour aider toutes les personnes se perdant dans les forêts où ils habitent, qu'elles soient humaines ou non. Les vaillants Niaagin mâles sont les gardiens des forêts, bien qu'ils soient massifs, ils ont le cœur sur la main et se laisse facilement caresser et monter dessus pour transporter les enfants.
Ils sont très appréciés par les Hommes pour leur force qui leur permettent d'être de très bons esclaves, pouvant pousser charrettes à la place des bœufs, et servir de « pattes blanches » lors des chasses, leurs femelles sont souvent prostituées à très bon prix. Mais vous n'y prenez pas, les Féériques crachent sur une activité qu'ils avaient eux-mêmes initiés puisqu'ils ont été les premiers à les asservir, mais les Hommes ont réussi à capitaliser énormément sur ces braves bêtes, et surtout, « nul Homme ni Féérique ne peut résister aux délices que sont les Niaagis, autant mâles que femelles » - un slogan devant une maison close de Jistine, une ville jumelée avec Vicenti.
Flora faisait partie de ces thérianthrope qui tire plus leurs apparences faire l'humain que vers l'animal, si on puit dire. La plupart des gens de son espèce ont les jambes de leurs homologues animaux mais elle n'avait que les sabots, elle avait une carnation bronzée et des taches blanches allant de son visage à ses jambes, et elle possédait aussi des oreilles pointues différents des elfes et fées, elles étaient celles des cerfs et elles avaient de grands yeux – moins grands que ceux de la Fée mais tout de même – et avait un corps élancé avec quelques zones avec de pelage brun-roux et une petite queue très courte à l'arrière.
Elle replaça le Héros dans son lit et sauva le peu de repas qui pouvait l'être et le mit sur lui.
- Vous le savez pourtant.
Le Héros souffla d'exaspération, il s'ennuyait fermement et les bandages qui lui recouvraient le corps le gênait et l'irritaient affreusement.
- C'est vrai que vous êtes humain ? lui demanda Flora.
Le garçon hocha la tête en regardant devant lui. Il comptait éviter de parler s'infliger de douleurs inutiles et cracher ses cordes vocales. C'est quand même étrange qu'il puisse un peu communiquer avec la Fée ou quand il en présence de la Fée.
- C'est la première fois que j'en vois un de mes yeux, vous savez. On dit souvent du mal de vous au royaume, mais vous, vous n'avez pas l'air si méchant que ça.
Il haussa les épaules et vit le visage enjôleur de la Niaagi, il n'y vit aucune malveillance dans son regard et ne voyait aucun mensonge dans sa façon de parler, elle semblait dire la vérité, mais il était courant que le Héros se trompe. En tout cas, il ne lui accorderait pas facilement sa confiance, qu'est-ce qu'elle pourrait répéter avec les mots qu'il pourrait lui dire.
- Je le vois à votre cœur, lui sourit-elle.
La première réflexion qu'il eut, fut :
Mais qu'est-ce qu'elle baragouine celle-ci ?
Lire dans son cœur, et puis quoi encore ? Il n'avait aucun cœur depuis bien longtemps, il était l'Abomination, le Démon-Sans-Visage, celui dont la face était recouverte de cette « noirceur » pourrait éviter aux femmes enceintes d'engendrées des monstres, il est le monstre caché sous le lit des enfants pour dévorer leurs pieds qui dépassent, il ne pouvait pas avoir un quelconque cœur comme le prétendait cette femme. Il ne pouvait avoir de cœur.
Face à cette affirmation, il la dévisagea méchamment.
- Pourquoi ce regard noir ? s'étonna le demi-biche, vous pensez peut-être que je mens ? Pourtant, c'est la stricte vérité, comme la plupart des gens de mon espèce nous sommes capables de lire dans le cœur des gens, mais nous n'utilisons pas cette capacité car nous préférons faire confiance à tout le monde, car les sentiments sont volatils.
Ce qui vous vaut d'être les esclaves sexuels d'hommes puissants refoulant leurs natures ou les jouets sexuels des orcs et des ogres sauvages, pensa le Héros.
- Vous voyez, même si là vous êtes particulièrement énervé, ce n'est qu'à l'instant T. Et de toute façon, je vous ai vu comment vous vous comportez avec la Fée. C'est très mignon.
Mignon ? s'écria le Héros extrêmement gênée par la remarque de l'infirmière.
- Là vous êtes gêné ! Mais vous n'avez pas à l'être. C'est bien que vous soyez bon avec elle vu les remarques et le mépris qu'elle subit depuis sa naissance.
C'est vrai qu'il avait été témoin de la méchanceté dont pouvait faire preuve les autres fées à son égard. Peut-être c'est pour ça qu'il a été gentil avec elle dès le départ – il oublie qu'il l'avait utilisée comme otage pour s'enfuir des Limbes –, il avait dû voir sa tristesse muette lorsque leurs regards se sont croisés le jour de la parade des princesses et de leurs champions, mais ça allait au-delà de ça, c'était comme si, lui aussi, avait été capable de lire dans son cœur.
- Et elle doit avoir remarqué cette gentillesse dont vous lui témoignez. Les femmes voient plus de choses que vous l'imaginez, dit-elle en tapotant sur son nez. Et il n'y a pas qu'elle qui l'a dû le voir, la reine aussi.
Le Héros eut un rictus circonspect. La reine voir qu'il avait le cœur honnête, non cette dame déraillait complètement, elle devait avoir le cerveau enfumé par toutes les herbes qu'ont l'habitude de fumer les Niaagis. Elle avait tenté de le tuer de toutes ses forces.
- J'ai été témoin de la force de la reine lorsqu'elle nous a sauvé des braconniers, expliqua Flora, même si vous êtes le héros de la légende, vous seriez incapable du moindre mouvement si elle aurait voulu expressément vous tuer. Même si elle a son tempérament colérique, elle est la personne la plus gentille que j'aie eu à connaître dans ma courte vie. Et je peux vous jurer que lorsqu'elle a face à quelqu'un de véritablement malfaisant, il ne s'en sort pas comme vous en êtes sorti.
Comme si elle avait rechigné à lui faire du mal. Ses bras sont en lambeaux, ses blessures se sont réouvertes et il a des picotements de partout, elle était si féroce face à lui qu'il dû user de la vraie forme d'Ymir et utiliser les pouvoirs du Némésis pour se battre face à elle, faisant que sa régénération héroïque était entravée par l'énergie maléfique de l'épée. Il n'avait jamais été autant mal en point de toute sa vie et regrettait amèrement d'avoir voulu se confronter à cette folle.
Mais elle avait des regrets donc ce n'est pas grave.
Toutefois, il ne pouvait pas donner tort Flora, elle avait réussi plusieurs fois à le mettre coup en un coup d'éclair, qu'il ait faim ou non, ne change pas le fait qu'avec de simples gestes, il s'était plusieurs fois retrouvé au sol sans qu'il ait pu rien faire. Ils s'étaient tous les deux retenus de se battre au summum de leur force parce qu'ils aient dû être conscient du danger qu'il représentait pour les gens qui les entourait.
Il allait lui donner le bénéfice du doute.
Le Héros prit son ardoise avec difficulté et tenta d'écrire quelque chose.
- Attendez ! Donnez-moi ça, je vais vous faciliter la tâche. C'est qui qui vous a donné cette ardoise ? La princesse sans aile ? Elle pourrait vous aider en l'enchantant. Pensées intrusives, pensées invasives, laissez place à sa parole, que ce qu'il souhaite dire s'écrive sur cette ardoise : Pensées Écrites.
Elle toucha l'ardoise et fut recouverte d'une aura rose avant de disparaître, et elle redonna l'ardoise au Héros.
- Ça vous évitera de trop user vos articulations le temps qu'elle se remette.
Il essaya alors ce que la biche humanoïde lui avait donné et cela fonctionna.
Vous croyez vraiment que je suis le héros ? Et comment vous le savez ?
- Des bruits de couloirs, sifflota l'infirmière, vous savez ce que c'est : une servante qui en parle à une deuxième, ainsi de suite.
Pourquoi se justifie-t-il à lui ? Ce n'est pas lui qui va lui reprocher de s'informer malgré qu'il déteste les ragots.
- Mais ne vous inquiétez pas, les choses du château restent au château, surtout avec les pouvoirs de la reine. Et j'ai vu votre combat face à l'homme-lézard dans l'arène, vous n'êtes pas quelqu'un ordinaire, surtout pour un humain, mais je ne sais pas si cela est vraie, mais si ça peut donner espoir à cette fille qui rêve d'acquérir des ailes.
Vous êtes au courant ?
- Tout le royaume le sait ! C'est l'une des histoires les plus connues ici ! La reine a promis à la fée aptère que si elle devenait reine, elle pourrait obtenir des ailes, mais ce n'est qu'une supposition, certains pensent qu'elle lui a délibérément menti par abus de compassion et que maintenant, elle était prise au dépourvu vu que son éviction est assurée et programmée, mais depuis toujours, elle avait toujours démenti cette allégation mensongère.
Voilà d'où elle tenait sa force de conviction a réalisé son rêve, d'une promesse avec ou sans fondement de la reine Audisélia. A-t-elle vraiment menti à la Fée pour qu'elle puisse se rassurer de pouvoir un jour être comme les autres ? C'est ce genre de mensonge qu'il est incapable de dire, c'est pour ça qu'il se retrouve dans des situations où des fillettes d'à peine onze ans se mettent à le haïr parce qu'il a ramené les corps de leurs parents inertes.
C'était une adulte ! Elle ne pouvait pas se permettre de mentir à une enfant qui est maintenant convaincue qu'elle pourrait un jour être comme les autres. Mais si c'est vrai... Il fera tout pour que cette fille puisse réaliser son rêve et arborer de magnifiques ailes comme ses congénères, pas comme l'autre idiot.
Vous pouvez m'amener auprès de Beneltig, l'amoureux de la fée sans aile ?
- Je ne pense pas que cela soit une bonne idée. Vous n'êtes pas vraiment en état de vous déplacer, en plus, vous avez des tests a effectué avec le docteur De Brunsmark.
De Brunsmark ? Il avait déjà entendu ce nom quelque part, il n'y a pas si longtemps que cela. Sa curiosité passera après, il veut d'abord clarifier quelque chose auprès de Beneltig.
C'est vraiment important.
L'infirmière thérianthrope refusa catégoriquement de laisser son patient se déplacer, surtout pour discuter avec un bloc de pierre précieuse. Mais au vu de l'insistance dont faisait preuve l'être humain, elle finit par céder, elle partit chercher une chaise roulante et l'y déposa. Le Héros se retint d'hurler de douleurs sous le contact de Flora qui le transporta jusqu'au fauteuil.
Elle l'emmena jusqu'à la salle où avait été entreposée le héros de la Fée. Durant la route, il remarqua que cet hôpital ressemblait vraiment à ceux qui se trouvaient dans les villes humaines, il y avait la même odeur d'antiseptique et de maladie. Le sol, les murs et le plafond étaient d'un blanc maculé et d'une propreté irréprochable, seulement cet hôpital lui faisait plus penser à une cellule psychiatrique qu'un véritable hôpital, avec leurs portes vertes turquoises. Peut-être était-ce parce qu'il n'avait pas vu son entrée et qu'il était à l'étage des chambres, mais d'une certaine façon, cela l'effrayait.
Ils arrivèrent enfin face à la porte de la « chambre » de Beneltig, le Héros demanda à la femme-biche de lui ouvrir la porte et de rester à l'extérieur, ce qui allait être dit et plutôt confidentiel et tient plus du secret des hautes instances. Elle accepta à contre-cœur et le laissa seul face au bloc de diamant, elle le prévint qu'elle va voir d'autres patients, elle reviendra dans une trentaine de minute, sinon il n'a qu'à appuyer sur le crapaud à côté de la porte, lorsqu'il croassera, elle viendra le chercher par l'intermédiaire d'une infirmière. Il hocha la tête et la remercia d'autant de prévenance.
Le voilà seul en compagnie du plus poltron de tous les champions et celui qui a vendu et abandonné la Fée pour sa propre vie.
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