Soirée explosive

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Ils débarquèrent par groupe de deux, trois, quatre, cinq personnes voire plus encore, des êtres de toute race et de tout genre. À leur venue s'ajouta un brouhaha assourdissant qui était le signe d'une future migraine pour le Héros qui était le genre de personne préférant la solitude au rassemblement de centaines d'individus dans une même pièce – qu'elle soit grande ou non. Il identifia aisément les groupes d'amis qui entraient dans la salle de réception et arrivait à percevoir quel champion appartenait à quelle protégée. Puis soudain, il aperçut celle dont il attendait la venue depuis son arrivée en ce lieu : Thoosa Miriakia, de son nom complet Thoosaranélia – le « ra » qui s'est ajouté est une forme rare parmi les prénoms de ce royaume.

Étrangement, elle n'était pas accompagnée de son champion. Il aurait pensé qu'en un mois, il se serait remis du sort de sa princesse et de l'humiliation que lui avait infligé Beneltig. En parlant du loup, il le vit arriver en compagnie de sa princesse, celle-ci écarquilla de grands yeux en le voyant, il inspira un grand coup et se leva pour aller la saluer, il se demandait bien si elle allait l'engueuler d'être arrivé trop en avance ou l'en féliciter.

Pile ou face.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? lui demanda la Fée.

- C'est toi qui m'as demandé de venir, non ? Pourquoi une telle question ?

- Tu parles poliment aujourd'hui, dit-elle, méfiante.

- On l'a exigé de moi pour cette cérémonie.

- Bon, là n'est pas le problème ! Mais j'ai envoyé Mina te chercher chez toi parce que j'étais persuadée que tu serais en retard.

- D'une, ça lui fera les pieds, de deux, ton intuition était vraiment fausse, dit-il avec un rictus arrogant.

Et le Héros se tourna vers le compagnon de la Fée et lui tendit la main.

- Cela fait longtemps depuis la prison.

- Oui, c'est vrai, lui répondit Beneltig, tu as acquis le don de parole entretemps.

Par la façon dont il parlait, le Héros se doutait qu'il n'était absolument pas surpris par sa voix – qui était plus grave que la moyenne des jeunes gens de son âge –, cela signifiait qu'il se rappelait très bien ce qu'il s'était passé à l'hôpital. Au moins, il se souvenait qu'il avait une dette envers lui pour avoir empêché Tarkus de l'avoir transformé en parure de diamant.

Ils furent rejoints par la bande qu'il avait croisé à la sortie de la chambre de l'hôpital, ils se saluèrent tous et allèrent s'installer à leurs places attribuées. Le Héros aurait pensé qu'il ne serait en présence que de héros et de champions, mais apparemment, ils avaient obtenu le droit d'emmener leurs amis à cette réception. Tous dégustèrent les bons plats cuisinés par les meilleurs cuisiniers du royaume de Sylvania, le Héros s'éprit d'amour pour le calmar de Tombesta qui avait un goût extrêmement sucré. Il le partagea avec l'un des amis de la Fée, Lin qui aimait lui aussi cet animal. Tous les deux apprirent à faire connaissance, mais l'humain avait une étrange impression chez cet elfe, c'était comme si quelque chose dénotait chez lui, mais il mit cela sur le compte de son extrême paranoïa. N'oubliant pas la raison de sa venue, il recherchait du regard où se trouvait Thoosa, dès qu'il l'aurait fini de déguster tous ces mets et qu'ils auraient la possibilité de se déplacer, il irait la voir pour lui chuchoter deux, trois mots concernant cette secte qui se répandait dans le royaume.

Un barde vint s'installer sur l'estrade construite pour les spectacles qui allaient leur être présentés, et il se mit à leur chanter une sérénade et fut accompagné par un orchestre. Ensuite, c'était un spectacle de joueurs de bulles qui vinrent sur scène et leur firent montre d'un spectacle où ils donnaient forme et presque vie aux bulles qu'ils créaient grâce à leurs cerceaux.

Il y avait une bonne ambiance dans la salle, bien qu'on le guettât du coin de l'œil, que des messes basses étaient faites à son encontre, on devait sûrement maudire sa naissance, sa race, se moquer de son physique peu attrayant, mais il n'en avait que faire, le repas était si délicieux et il avait l'opportunité de goûter toute chose exotique.

- Sinon, mon bon ami, d'où nous viens-tu ? lui demanda Lin.

- Si tu me donnais une carte, je pourrais te le pointer car je saurais pas te dire déjà où nous sommes ! rit-il la bouche pleine.

Tu m'étonnes que les gens le dévisagent s'ils le voient postillonner.

La Fée intervint en lui fermant son clapet en pinçant ses lèvres avec ses doigts.

- Tiens-toi mieux, lui ordonna-t-elle.

Il roula des yeux, mais lui obéit. Après tout, il était son représentant et se devait de lui faire honneur.

Du coin de l'œil, il observa le couple que formaient la Fée et son compagnon, il percevait tout l'amour qu'elle lui portait en ayant la tête sur son épaule, et lui semblait bien lui rendre. S'était-il assagi après son avertissement lorsqu'il était coincé dans le diamant ?

- La paria te plaît ?

Il leva les yeux en direction de la personne qui paraissait s'adresser à lui, c'était la fée-princesse dénommée Marine qui lui avait posé la question. Elle lui semblait beaucoup plus jeune que les autres fées de la réception mais sa gestuelle et son parler démontrait une maturité plus grande que la Fée ou que les autres fées nobles qu'il a pu croiser.

- Plaît-il ? lâcha le Héros, pris de court.

- Je ne sais pas, pour un simple humain de passage dans notre territoire, tu sembles plus que proche de la Fée.

- Il est logique qu'à force de passer du temps avec quelqu'un, on finisse par la considérer, rétorqua le Héros.

- C'est vrai, je le conçois. Mais toi... Ses yeux que j'observe me montrent quelque chose d'autre.

- Oui, bah après je vais pas nier qu'elle n'est pas laide.

- Ça serait mentir.

- Exactement.

- Rappelle-toi juste qu'elle a déjà un amoureux.

- Comme si j'allais me mettre avec elle, s'insurgea-t-il en arrachant une patte de Litiop poilu avec les dents sous le regard effrayé des autres convives, vous devez avoir des centaines d'années par rapport à moi, genre toi tu pourrais être ma grand-mère.

- Qu'est-ce que tu racontes ? s'offusqua-t-elle, que nenni. Dis-moi ton âge.

- Quinze ans.

- Tu me dis que j'ai huit cents ans alors que tu es plus âgé qu'une partie de l'assemblée ici présente ! s'esclaffa-t-elle de rire.

- Même de la grande perche, là ? dit-elle en pointant du doigt la fée qu'il avait effrayée lors de la parade.

- Qui ? Mana ? Elle a ton âge.

- De toute façon, elle est bien trop jeune pour moi.

Marine haussa les sourcils devant cette étrange affirmation.

- Ou bien tu déblatères des bêtises plus grosses que toi...

- Sachant que je suis pas très gros..., plaisanta-t-il.

- Ou bien tu mens ouvertement.

Le Héros se mordit les lèvres et haussa les épaules comme s'il ne voyait pas où elle voulait en venir, en aspirant l'intérieur d'une patte de crabe Cramoisi.

- Rappelle-toi juste qu'elle est en couple.

- Je ne crois pas que lui le sache.

Marine eut un petit sourire en coin, signifiant qu'elle avait décelé sa perspicacité. Ensuite, elle retourna parler à ses amies, dont Mana, cette fille qu'il avait entendue être nommée Diasiré.

Tous occupés à parler avec les leurq, le Héros se leva de sa place et partit rejoindre Thoosa. Mais à peine il quitta son siège, il fut interpellé par un groupe de Féériques qui l'enjoignit à le rejoindre à l'extérieur. Il les suivit sous le regard complice de nombre de champions et de princesses.

Mené dans un couloir plutôt mal éclairé, le Héros ne fit pas attention au piège qui se construisait autour de lui, son esprit était obnubilé par cette même phrase « Brise la glace ! », donc il faisait abstraction de tout traquenard qui pourrait se dresser face à lui, même les plus évidents. Ils s'arrêtèrent dans un coin assez sombre, c'est à ce moment-là que le Héros se dit qu'il serait temps de leur demander ce qu'ils lui voulaient.

- Les humains sont arriérés au point de se laisser entrainer dans des guet-apens..., déclara l'un des trois champions.

Dans la grande salle, la fête se poursuivait, les rires et les chants envahissaient la pièce, la Fée et Beneltig roucoulaient ensemble, se racontant des choses que trouveraient ennuyants le Héros. Elle le rouspétait de passer plus de temps avec leurs amis qu'avec elle, il lui rappela qu'il était enfermé dans un bloc de diamant, il n'y a pas si longtemps, donc il ne voyait vraiment pas de quoi elle parlait, ce qui contraint la fée aptère de faire une moue boudeuse pour se défendre. Brusquement le visage de son amoureux s'obscurcit et il prit un ton sérieux.

- Princesse.

- Oui ?

- Je voudrais que tu t'éloignes de cet humain.

- Pourquoi ?

- Il est étrange.

- Je sais qu'il peut paraître étrange, mais je peux te jurer qu'il est sympa et marrant, en tout cas, il me fait rire bien que ses blagues soient nulles. Tu devrais apprendre à le connaître.

- Il peut être tout ce que tu veux, néanmoins, le fait qu'il soit humain te porte préjudice. Cela fut fort aimable de sa part de me remplacer durant le tournoi, mais tu as déjà assez d'ennuis avec nos compatriotes pour que tu en rajoutes avec cet inconnu, héros de la légende ou non.

- Tu serais pas jaloux, par hasard ? lui dit-elle avec un sourire taquin.

- De ce blaireau ? Et puis quoi encore ?

Elle lui tapota les cotes avec son coude, mais cela ne le fit pas réagir, alors elle ne fit que détourner la tête, soupirant de lassitude. Elle l'aimait éperdument, mais il ne semblait pas lui rendre et agissait comme si elle n'était pas au courant qu'il minaudait avec d'autres filles, mais elle ne disait rien car elle était persuadée au fond d'elle qu'elle était celle pour qui il n'avait d'œil.

Beneltig aperçut les trois champions qui avaient embarqué le Héros hors de la salle des fêtes et tous les quatre hochèrent la tête avant que ceux-ci reprennent leurs places et retournent à leur amusement.

Le Héros, lui, était affalé sur le sol, la bouche en sang, fixant le plafond lointain du couloir. Il n'aurait jamais cru que, désormais devenu le héros de la légende, il puisse encore se faire rosser, alors qu'il pouvait exterminer tout le royaume en un clin d'œil. Mais surtout, qu'il puisse tomber dans un piège aussi bateau, on dirait qu'il était redevenu cet enfant de huit ans à qui on s'en prenait tout le temps. La seule différence avec cette époque, c'était que maintenant, il avait ce surplus d'adrénaline qui lui permettait d'ignorer la douleur... et ce sentiment de culpabilité lorsqu'il imposait sa suprématie à ses adversaires, ne voulant pas décevoir les personnes qui le soutenaient. Mais la malédiction ne pouvait être à sa pleine puissance s'il avait des remords, et de toute façon, il n'était plus h...

Il entendit des pas venir dans sa direction, il baissa la tête, mais l'obscurité du couloir limitait sa perception des personnes qui venaient à sa rencontre. S'attendant à devoir se laisser battre une nouvelle fois, quelle ne fut pas sa surprise lorsque cette personne lui essuya le sang coulant sur le coin de ses lèvres.

- Un Homme capable de stopper les coups de Tarkus ne peut pas se permettre de se faire rosser par des perdants, lui dit la princesse.

Effectivement, il ne s'agissait pas d'un champion, mais d'une princesse qui vint lui apporter son soutien. Il releva les yeux et perçut la longue chevelure violette parsemée de tresses de Thoosa. C'était elle qui prenait soin de lui. Et elle n'était pas venu seule : elle était en compagnie de Lin, Mina et Marina.

- Vous aviez pas besoin venir de m'aider.

- Je sais, lui répondit Thoosa, mais j'ai une dette envers toi, peut-être même deux, donc je te dois bien ça.

- Et vous ? s'adressa-t-il aux trois autres.

- Au-delà du fait que tu sois ami avec la Fée ? demanda Lin.

- On est amis avec toi, abruti, lui répondirent Marina et Mina à l'unisson.

- Et c'est plus que suffisant, poursuivit l'elfe.

- Si vous le dites...

Le Héros se releva en s'appuyant sur le mur et put découvrir, exaspéré, que ses habits avaient été salis avec son propre sang. Thoosa posa sa main sur son torse et incanta un sort qui rendit à ses habits leur couleur éclatante.

- Il ne faudrait pas salir tes magnifiques habits.

- Il y a un sort pour tout, hein.

- Effectivement. Sauf pour défier le destin, n'est-ce pas ? dit-elle avec une douce voix mélancolique, sinon qu'est-ce que tu me veux à me suivre du regard depuis tout à l'heure ? lui demanda la princesse à la longue chevelure violette.

Il lui chuchota dans l'oreille la raison de sa venue à cette réception, elle hocha la tête et lui dit de l'attendre à l'extérieur dans une heure.

- C'est quoi ces messes basses ? les invectiva Marina.

- Ce sont des secrets entre champion et pri...

- Je lui demandais d'être ma femme, mentit le Héros.

Le visage de Thoosa devint rouge tomate et elle mit un coup de pied dans le dos du Héros, par réflexe. Il ne la croyait pas aussi susceptible face à une remarque aussi stupide. Elle s'en alla furibonde, suivie de Marina tout sourire qui voulait en savoir plus.

- Peu importe les races, les femmes sont toujours les mêmes..., grogna le Héros en se caressant le dos.

- À qui le dis-tu, renchérit Lin en secouant la tête et en y mettant les mains derrière, sinon pourquoi tu es par terre alors que tu es celui qui doit se tenir face au mal ?

- Ah parce que tu crois en la légende du héros, toi ? demanda le Héros.

- Tu es la preuve de son existence, à moins que tu aies menti, ce qui donnerait raison à la naine ici présente.

- Oui, je le suis malheureusement. Mais cette légende qui prétend que je suis invaincu est fallacieuse, sinon je n'aurais jamais été le héros, s'ils avaient réussi à sauver le monde.

Ils se mirent en marche pour rejoindre la salle des fêtes.

- Tu te perds, reprit Mina, on t'a demandé pourquoi tu es par terre. Alors réponds.

- Je suis par terre parce que j'ai perdu c'est simplement ça.

- Non pas parce que tu crains d'effrayer, une nouvelle fois, Princesse ?

- Tu dis ça comme si quand j'ai arraché un Fenrir en deux, tu n'étais pas en panique.

- Comme si cela arrivait tous les jours que quelqu'un, de plus un humain, une race qui n'était pas connue pour sa force démesurée, puisse coupait un loup géant en deux à la simple force de ses mains.

- C'est vrai, dit comme ça, intervint Lin.

- Parce que tu en as vu toi ? lui demanda la naine.

- Dans ce monde tout est possible. Ça ne serait pas le premier exploit du genre. Genre, j'ai déjà vu une femme humaine dans un cirque casser des noix de coco avec son fessier.

- Mais ça n'a rien à voir ! éclata la naine.

La conversation ne menait nulle part, et cela faisait pouffer de rire le Héros, il trouvait drôlement comiques ses deux compagnons. Lin était un garçon que le Héros trouvait niais et stupide à cause de sa gentillesse. Mais il avoua l'avoir jugé trop vite, il était juste bon, malgré ses jeux de mots nuls sur son nom de famille. Et Mina, il l'avait bien cernée, une fille bagarreuse qui ne se laissait pas faire facilement. Il les entoura de ses bras et les colla contre lui.

- Vous vous arrêtez jamais, les deux comiques, dites-moi, rit le Héros.

- En même temps, tu ne vois pas les bêtises qu'il déblatère, se défendit-elle.

- Roh ! Tu n'as juste pas d'humour, la naine, lui rétorqua l'elfe.

Thoosa se retourna, vint vers le Héros et lui mit une pichenette sur le front.

- Ah ! Aussi, cesse de te laisser faire et de te retenir. Tu es le plus grand des héros. Alors sois à la hauteur de ta légende et impose-toi.

Puis lui fit un clin d'œil avant de repartit.

Le Héros se dit qu'elle avait raison, ce n'est pas en se laissant faire que les choses allaient changer envers lui. Thoosa avait presque dit les mêmes paroles qu'avait prononcé Zelda dans sa jeunesse. Et aussi Sawyer dans un autre contexte.

Arrivé dans la salle des fêtes, le Héros surprit ses assaillants ; ils le voyaient bien portant alors qu'ils l'avaient tabassé durement jusqu'au sang. Outrés par la nonchalance de cet humain, ils ne prirent plus de gants et le prirent à parti devant tout le monde, le Héros dégagea ses nouveaux amis loin à côté de lui pour qu'ils ne soient pas pris dans la bataille. L'un des champions le saisit par le col et voulut le soulever de terre, mais le Héros l'en empêcha en lui serrant le poignet, le champion ignora la douleur et lui grogna dessus :

- On s'est pas montrés assez clair, « héros » ?

- Qu'est-ce qu'il me fait le putois des montagnes cendrées ? lui cracha le Héros, tu crois que c'est avec ta force faiblarde que tu vas pouvoir me faire quelque chose ? Je suis le héros de la légende, donc tes menaces à deux balles de délinquants prépubères, je m'en carre l'oignon.

Le champion voulut lui mettre un coup de poing mais au regard de sa victime, il vit que celle-ci n'allait pas se laisser faire comme tout à l'heure et allait lui rendre coup pour coup s'il commençait à se battre. L'un de ses compagnons, une fée masculine de petite taille, plus intelligente que les deux autres et dotée d'une forte éloquence, s'orienta vers l'audience et les invita à écouter son réquisitoire.

- Mes amis Féériques de toutes races et de toutes peuplades ! Je m'adresse à vous pour que nous parlions d'une anomalie qui se trouve parmi nous. Nous qui avons vécu si longtemps en autarcie loin des Hommes et des Féériques corrompus, nous voilà en présence l'un de nos anciens persécuteurs, qui rit et qui boit avec nous sans aucune gêne, avec une hypocrisie non cachée alors que son peuple nous massacre et nous asservit aux quatre coins du monde !

Mais je n'ai pas été leur esclave, il n'y a pas quelques mois de cela ? se dit le Héros.

- Sans ambages, je vous le dis, bien que la reine l'ait dans ses bonnes grâces à cause de cette stupide légende sans queue ni tête qui lui fait perdre la tête ! continua-t-il son réquisitoire avec un ton encore plus flamboyant, n'avez-vous donc aucune fierté pour laisser un humain parmi vous ?

- Je crois que tu devrais arrêter, Sicione, le stoppa Lin.

- Ta gentillesse naturelle est admirable, mais dans cette situation, tu es méprisable, l'invectiva-t-il en le poussant à l'en faire tomber par terre, nous devons déjà accepter la participation de la fée aptère qui est le sosie de la Félonne et de son homologue déchue et pauvre, toutes deux rejetées par le destin et par nos ancêtres à cause de leur face et leur sang souillés. Tous les trois n'ont aucun droit d'être parmi nous, ces parias, mais surtout ce monstre qui revêt une apparence humaine !

La tension dans la pièce montait, la face de certains Féériques devenait effroyable, tordue par la rage et la haine. Ils commencèrent à entourer le Héros et Princesse en montrant des mines bien menaçantes. Voyant l'inquiétude dans le regard de ses nouveaux amis et la véhémence dont faisaient preuve les Féériques avec les leurs, il se décida à prendre leur défense.

Le Héros attrapa la nuque de Sicione et le souleva du sol, sous les regards effarés des autres champions et fées. Certains voulurent intervenir mais les yeux rougeoyants du Héros les firent trembler de peur. Nombre d'entre eux serraient les poings ou les crocs pour se confronter au défenseur des Féériques Terriens, mais se retenaient à cause du souvenir de la puissance du Héros et de son imprévisibilité.

- Hé ! Le nabot ! grogna le Héros, vous déblatérez les mêmes conneries depuis des mois sans prendre le temps d'y réfléchir ! On dirait les bouffons qui se croient intelligents et supérieurs dans les « agoras informatiques », alors que ce sont des clowns affalés dans leur crasse putride, qui perdent leurs grandes gueules lorsqu'ils sont confrontés à la réalité.

Il jeta Sicione dans la foule, et tapa dans ses mains, mimant leur nettoyage, enrageant la petite fée.

- Oui, les humains asservissent les autres espèces, mais ils s'asservissent eux-mêmes et les Féériques font de même, et vous allez me dire quoi ? « Nous, nous sommes des Féériques civilisés ! », quelle blague ! Faire un cirque pour voir des humains se faire dévorer par des monstres ou des gladiateurs s'affronter dans le sang de leur prédécesseur. Ça ne veut pas dire parce que vous vivez de manière presque égale dans ce lieu relativement paisible que vous êtes différents ou supérieurs aux Féériques ou humains à l'extérieur. Et au vu du jugement que vous portez sur des rancœurs du passé qui vous concernent aucunement, j'imagine pas si vous saviez le secret de certains. Vous déjanteriez complet.

Il piqua le verre d'une princesse rempli de jus d'agrumes exotiques pour les Hommes de Francilia et le siphonna pour se requinquer la voix, avant de lui rendre et de reprendre son discours.

- Et puis, oui, la légende du héros est stupide ! poursuivit-il, le ciel est toujours noir parce que, peu importe qu'ils soient Féériques ou humains, les héros ont toujours été des foutus perdants accrochés à la vie. Que ça soit ma mère ou les autres. Et je les comprends, putain ! Avec les sept mille ans de souvenirs que j'ai dans ma tête qui font gonfler mon crane, je peux vous le dire : qu'il soit d'un noir profond ou d'un bleu éclatant, la malice du cœur des habitants de Fayiera Terra ne changera pas à cause de la couleur de cet immonde ciel destructeur. Alors je ne vois pas pourquoi je vous sauverai, pourquoi, nous, les héros, devrions-nous nous sacrifier pour des misérables comme vous ? Vous me trouvez méprisable ? Sachez que c'est réciproque ! rit-il à gorge déployée.

Ils avaient vraiment réussi à le mettre en rogne, cela l'énervait de s'irriter, lui donnant même des maux de tête, mais il se laissait rapidement emporter par sa propre colère et à faire une folle diatribe, les dents serrées et les yeux exorbités, déployant un sourire macabre. L'adrénaline lui montait à la tête, au point que d'un moment à l'autre, il finirait par se déchaîner sans aucune retenue, comme s'il était enivré par sa propre fureur, ébréchant, petit à petit, son esprit.

- Surtout que vous êtes bêtes comme des poêles déconnantes, vous défendez vos princesses de moi alors que je vais devoir inévitablement en embarquer une avec moi pour me battre avec le Malin. Mais rassurez-vous, car en mémoire de mon serment : « Nul être n'aura à subir le fardeau de ma propre existence. », leur dit-il, feintant de les rassurer, vous resterez toutes ici ! Mais cessons ces palabres sans queue ni tête, même si on dit que la violence est la force des faibles, par rapport aux mots, c'est la seule qui fait avancer ce monde. Alors venez vous battre si vous avez un quelconque honneur à défendre, bande de p'tites merdes. Que ça soit garçon ou fille, la maison ne fait pas de discrimination. Après tout, je suis bien plus connu sous le nom de Démon-Sans-Visage qu'héros de la légende, alors autant me tuer ici et maintenant, si vous vous pensez exorcistes !

Il n'en fallut pas plus pour que les champions prennent la mouche et veuillent se battre contre l'impertinent humain qui leur avait craché allègrement dessus et qui s'en était pris à l'un des leurs. La Fée voulut les arrêter mais Beneltig la rattrapa in-extremis pour qu'elle ne soit pas mêlée à cette bagarre.

- Je ne peux pas le laisser se battre !

- Et tu penses sérieusement pouvoir l'aider dans cette mêlée générale ?

- Alors fais-le !

Beneltig l'évita du regard, et ne fit que la serrer dans ses bras en éloignant son regard de l'Homme.

Le Héros succombant à la rage et à l'adrénaline qui coulaient dans ses veines, laissant couler son sang à l'extérieur de ses plaies crâniennes, arracha les manches du bel habit qu'on avait confectionné pour lui, bomba le torse, gonfla les muscles, prêt à se battre et à combattre la rancœur de ce jeune Féérique qui n'avait rien connu du monde extérieur, à part lors de leurs voyages diplomatiques dans les différentes oasis de lumière qui parsèment le monde. Ce fut un Pertasith aux mèches blondes qui s'élança en premier à l'encontre du Héros, celui-ci courut à sa rencontre pour lui donner directement la riposte qui réclamait tant, sans plus attendre.

Mais soudainement, ils furent stoppés avant même que leur échange de coups éclate.

Quelqu'un avait-il la force de retenir la force, bien que réduite, du Héros ?

Cela ne pouvait être qu'un garde supérieur, un Saint de la Reine.

Helmir ?

Sawyer ?

Sélia elle-même ?

Non.

C'était quelqu'un d'autre.

Le Héros reconnut les habits des servants, bien que ceux de cette personne étaient modifiés les rendant un peu plus « chic » que les normaux.

Le poing du Héros avait été saisi par la main de cette fille, elle avait réussi à encaisser le choc de l'attaque de celui qui était voué à défaire le Maléfique. Il l'observa dans les moindres détails : ses biceps étaient bien taillés, la pose de ses jambes était correcte pour arrêter son coup, ongles limés et soignés, des doigts beaux et fins, elle avait une apparence humanoïde, voire humaine, mais le Héros savait très bien qu'ils n'étaient pas issus de la même race – enfin, pas au même degré –, et ses yeux le lui confirmèrent : ils étaient étoilés.

Toutefois, bien qu'elle ait réussi à stopper l'attaque de l'humain sans visage, son corps penchait du côté de l'assaillant du Héros. Elle avait utilisé la force du coup du Pertasith pour pouvoir arrêter celui du Héros.

Était-elle, elle aussi, un génie du combat insoupçonné ?

- Je pense que les esprits se sont assez échauffés pour ce soir, déclama la servante, notre reine n'a pas organisé ce repas pour que de vaines querelles retentissent.

- Vaines querelles ? beugla le Pertasith, tu dis ça car toi aussi tu es un déchet...

La servante lui compressa le poing au point de lui faire ployer le genou.

- Tu penses pouvoir t'opposer à moi ? Ne m'oblige pas à t'humilier, voire à te t...

- Arrêtez-vous, là ! intervint Lelelitio.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Je pense qu'ils ont compris qu'il fallait qu'ils se calment.

La fille aux yeux améthyste étoilés le foudroya du regard avant de relâcher les mains du Héros et du Pertasith, et s'en alla avec Lelelitio qui la réprimanda.

Elle avait l'apparence, mais aussi la force d'être considérée comme forte.

C'était la première fois, hormis le Némésis et la reine – et encore, avec Audisélia, il s'était retenu comme pas possible, bien qu'elle aussi l'ait fait –, qu'il rencontrait quelqu'un qui pouvait faire jeu égal avec sa force d'une manière ou d'une autre – oui, il avait perdu de nombreuses fois mais c'était à cause de la supériorité numérique ou de son cœur...

Le Héros sortit de la pièce alors que débarquait Sawyer et d'autres gardes pour apaiser la foule en tapant dans ses mains et pour qu'ils profitent de la soirée tranquillement. Il ne s'aperçut aucunement de la disparition du Héros.

De toute manière, il avait fort à faire à l'extérieur. Il se rendit sur le lieu du rendez-vous qu'il avait avec Thoosa pour en apprendre plus sur cette secte qui inquiétait tant la reine.

Dehors le Héros n'aperçut personne si ce n'est, par chance, le clair de lune, ce qui est un phénomène rare, car cela signifiait qu'il y avait un trou dans les nuages de ténèbres qui lui permettait de l'apercevoir. C'était bien la seule chose qu'il pouvait apercevoir dans l'obscurité de ce ciel nocturne. Malheureusement, pour une raison inconnue, la lumière des étoiles ne lui parvenait pas.

Il soupira et se vida l'esprit.

Il n'avait rien à se souvenir qui le rendait nostalgique pour se dire qu'il appréciait le bon vieux temps, il aurait aimé se souvenir de bons moments de son passé, mais il n'y avait qu'ici où il était capable de se déplacer sans ingurgiter une demi-douzaine d'antidouleurs. Qu'ici où il s'amusait sans souffrir. Mais peu importe l'endroit, les gens ne pouvaient s'empêcher de le faire souffrir de toutes les manières.

Arrête de pleurnicher, sale merde ! s'injuria dit-il en se collant une baffe.

La lumière de la lune se faisant de plus en plus en forte, il aperçut au-dessus de sa tête un étrange fruit qui se balançait de gauche à droite. Comme il avait du mal à voir dans la nuit noire sans ses lunettes qu'il ne portait jamais, il décida de grimper en haut du porche.

Se hissant au sommet, il vit que ce qui reliait le fruit au haut de l'entrée de la salle de réception était une corde, il remonta ce qui se trouvait à l'autre bout de la corde et découvrit avec effroi que l'étrange fruit n'était rien d'autre que le corps sans vie de Thoosa.

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