Le journal de Thoosa
L'oracle Sibylle était une femme aux cheveux cendrés, au visage amaigri et au teint blafard, ses yeux avaient l'air si fatigué mais elle arrivait tout de même à garder un sourire de façade malgré l'immense douleur qu'elle ressentait causée par la perte de son enfant. S'il devait lui donner un âge humain, elle aurait entre trente-cinq et quarante-cinq ans s'il l'imaginait sans sa tristesse qui vieillissait son visage.
Le Héros baissa les poings, honteux d'avoir menacé cette petite dame.
- N'aie pas honte, lui rassura l'oracle Sibylle, il est normal, étant donné ta condition, que tu sois suspicieux malgré ton immortalité.
- Toutes mes condoléances, madame. C'est ma faute si votre fille est morte, si elle n'avait pas croisé ma route...
- Non, non, non, l'arrêta la diseuse de bonne aventure, ça n'a rien à voir avec toi, elle a fait d'elle-même le choix de t'aider à combattre cette secte.
Il voulait encore refuser sa compassion car cela serait accepter que sa fille est morte pour servir les desseins du Destin du héros de la légende et cela il ne pourrait jamais l'accepter, mais Sibylle mit sa main sur son épaule pour l'arrêter dans sa turpitude.
- Je le sais déjà. Tu n'as pas besoin de te triturer, c'est ainsi et pas autrement.
- Au courant de quoi ?
- Du Destin, lui sourit-elle tristement.
Entendant cela, le Héros tomba des nues, se tenant la tête entre les mains. Mettre en lumière cette malédiction que lui infligeait le héros de la légende était insupportable pour le Héros. Lin ne l'avait jamais vu aussi désemparé, lui qui pouvait être si froid et dénué de tout sentiment, pourquoi semblait-il aussi désespéré face aux paroles de l'oracle ? Malalalivia n'exprimait aucun sentiment face à cette situation, elle ne fit qu'observer la réaction du Héros.
- Mais elle est morte à cause de moi... comment pourrais-je me pardonner auprès de vous ?
- Tu te trompes. Elle n'est pas morte à cause de toi mais pour toi, rectifia la mère de la défunte.
- Comment ça ? dit le Héros, pourquoi pour moi ?
L'oracle fouilla dans l'une des poches de sa robe, en sortit un petit carnet bombé et elle le tendit au Héros qui le prit rempli d'incompréhension.
- Va aux pages où se trouvent les pliures, lui indiqua la diseuse de bonne aventure.
Il feuilleta alors les pages jusqu'à arriver à l'endroit qu'elle lui avait indiqué et lut les inscriptions qui étaient marquées :
« Venalon 12 Ianfier
Cher journal,
Ce matin, j'ai voulu aller voir Tarkus qui était toujours à l'hôpital pour se faire soigner de la potion que je lui avais fait boire pour qu'il soit capable de vaincre Selma-Keltna. Je savais qu'il en serait incapable à cause de l'amour qu'il lui porte mais je ne pensais pas qu'il allait la rosser à ce point. Même si je faisais la dure, c'était un spectacle plutôt insoutenable. Mais si je ne le faisais pas, je savais que j'allais perdre à cause de cette greluche et demie. Je n'arriverai jamais à comprendre comment Tarkus a pu s'enticher de cette fille, mais bon... je ne suis pas vraiment la bonne personne pour les juger.
Être amoureuse de l'homme qui m'a fait perdre à la course au trône de Sylvania en se jouant de l'arrogance de Tarkus, n'est-ce pas encore plus pitoyable ?
Néanmoins, grâce à ce foutu humain qu'on appelle le Démon-Sans-Visage qui a empêché Tarkus de se faire exécuter sur place publique pour désobéissance aux règles du tournoi, mon vieil ami cyclope est toujours en vie. Je dois dire que j'ai ressenti autant de soulagement dans le fait que Beneltig ne soit pas mort que Tarkus ne se fasse exécuter...
Comme je l'ai dit plus tôt, j'allais rendre visite à Tarkus à l'hôpital, mais je ne l'ai pas trouvé dans sa chambre. C'est l'une des infirmières thérianthropes qui traînent dans l'hôpital souterrain qui m'a informée qu'il était parti « rendre visite » à Beneltig. J'ai couru comme une dératée pour empêcher Tarkus de commettre l'irréparable envers mon doux Beneltig. Mais arrivée sur place, j'ai croisé ce fameux humain empêchant Tarkus de briser le cristal contenant le champion de la Fée-Sans-Aile à coups de poing, je n'aurais jamais pensé que je remercierai autant un Homme se dresse sur mon chemin. Bon, il m'a fait un peu la morale mais malgré son aspect effrayant, cela se voit qu'il a bon fond et qu'il ne voulait que mon bien. Alors j'ai concédé à le prévenir que la Fée-Sans-Aile, qui avait éructé son amitié naissante avec lui, était en grand danger et qu'il devait se méfier.
Je ne pouvais pas lui en dire plus. Qui sait qui pourrait nous écouter ? Sachant que ces hommes étaient d'une dangerosité dépassant tout ce qu'a pu rencontrer le royaume depuis la Grande Félonne et la venue de l'Hydragon à cinq têtes.
Bien que je ne la porte pas dans mon cœur, j'espère qu'il pourra la protéger parce que si elle devait compter sur ce lâche de Beneltig...
Un beau parleur, ce vaurien ! Mais, je me dois de passer à autre chose et avancer !
Je devrais aussi en profiter pour m'excuser auprès des adversaires de Tarkus pour les avoir blessés indirectement à cause de mes machinations, surtout auprès de Selma-Ketna ! Elle doit vraiment en vouloir à Tarkus sans savoir que c'est à cause de moi s'il s'est comporté ainsi avec elle.
En espérant qu'elle me pardonnera...
De toute façon, si elle ne me pardonne pas je m'en fiche ! Tous les moyens sont bons pour gagner !
Je devrais arrêter de penser comme ça, ça ne me réussit plus, en ce moment.
Revoir mes préceptes pour qu'ils soient plus en accord avec la nouvelle moi que je veux devenir !
Au final, je me demande à quoi il peut bien ressembler ce Démon-Sans-Visage sans la malédiction qu'il se trimballe sur le corps. »
La suite n'était que le reste de sa journée, il passa à un autre jour où se trouvait une pliure et finit sur la date de la fête des champions et de leurs protégées.
« Lunes 23 Kapril :
Cher journal,
Dans une semaine, je serai mise à mort si je me rends à la réception à laquelle nous a conviés la reine. De toute manière, je ne comptais pas vraiment y aller, je ne suis plus une participante au tournoi et Tarkus ne sort même plus de chez lui. À quoi bon y aller si c'est pour mourir en définitive ? Cependant, pour une fois, j'ai vu une réalité alternative où je discutais avec le nouveau champion de la Fée-Sans-Aile. Ma mère m'a toujours dit que dans de très rares cas, on pouvait apercevoir différentes lignes temporelles qui peuvent être empruntées pour un autre futur. D'habitude, les oracles peuvent voir l'avenir et peuvent l'éviter donnant lieu à un autre futur, ce qui fait que rien n'est inéluctable... MAIS LÀ ! Voir deux possibilités de futur, c'est une première pour moi ! Je suis vraiment mais vraiment trop fière de moi !
Bon, après réflexion, je pense y aller.
J'ai bien envie de revoir le Démon-Sans-Visage qui n'a vraiment pas l'air d'un démon. Je l'ai croisé de nombreuses fois, mais nous nous apercevions qu'en coup de vent. Mais depuis quelques temps, il avait l'air de vouloir me parler et moi aussi j'avais quelques mots à lui dire ! Déjà le remercier pour son compliment, pour avoir empêché Tarkus de faire une bêtise bien trop lourde malgré ses larges épaules mais surtout pour ses sages conseils... J'ai arrêté de fréquenter ce lâche de Beneltig, il n'en vaut vraiment pas la peine et il continue toujours de travailler pour ces gens malicieux. Je préfère m'en éloigner.
À ce qu'il paraît, la paria fait des gâteaux humains à l'humain, peut-être pourrais-je lui faire goûter des pâtisseries féériques ou du pain elfique (je vais éviter tout ce qui concerne les nains parce qu'il faut vraiment avoir un estomac solide pour supporter leur cuisine !), je pense vraiment qu'il appréciera. Du moins, je l'espère du fond du cœur !
Quand je repense à ma prémonition et à l'air grave de cet humain, je me dis que cela devait être vraiment important. Peut-être que j'irai finalement à cette réception. La reine fait toujours les choses en grande pompe donc il devrait y avoir de gargantuesques bons petits plats, et là-bas, je verrai pourquoi le Démon-Sans-Visage a eu une telle expression dans ma vision.
Ça sera peut-être l'occasion de le remercier en bonne et due forme, et peut-être qu'on pourrait devenir... amis ! Il sera mon premier ami depuis Tarkus, n'est-ce pas exceptionnel ?
En vérité, je ne sais pas comment les gens font pour nouer une amitié.
Journal, toi et moi, nous le savons que je n'ai jamais réussi à me faire des amis, en même temps, avec ce troisième œil qui apparaît parfois quand j'ai une prémonition... J'ai appris à mes dépends que les gens n'étaient pas vraiment bons, même plus jeunes, ce qui a fait de moi ce que je suis maintenant...
Mais je sens qu'avec lui ça sera différent ! Je pense que je vais être incroyablement gentille avec lui et lui donner un surnom, où simplement le baptiser l'Humain-Sans-Visage. Ça sera mieux que porter ce nom mensonger et dénigrant ! Et pour lui montrer ma bonne foi, je vais lui communiquer des informations sur les hommes qui en veulent à sa fée et qui vénèrent cette traîtresse de Marrynelia. Je me fiche pas mal du bien-être du royaume mais si empêcher que l'autre déchet sans ailes perde la vie me permet de devenir son amie...
Et si, je me renseignais plus amplement sur la légende du héros et de la fée, ça nous permettra de nous rapprocher ! Même si apparemment, il n'aime pas trop en parler... Et imaginons, que je le sois vraiment, on pourrait devenir compagnon de route ! Ah mais non, seule celle qui gagnera le tournoi le sera selon la prédiction de mère... C'est désolant... Mais bon, pas grave, je me contenterai de cela pour l'instant. »
Le Héros ferma le journal, épris d'une rage incommensurable, la sclère de son œil gauche devint rouge et son iris prit la couleur jaune.
- Pourquoi ? Pourquoi elle est morte ? Il fout de ma gueule ! Si son destin était de me rencontrer, pourquoi ne s'est-il pas réalisé ? Je croyais que le Destin du héros était absolu !
A ces mots, l'iris de son œil droit s'illumina d'une couleur dorée extrêmement pure. C'était comme si la nature de ses pouvoirs se confrontait en lui pour prendre le contrôle de son corps.
- Mais ne t'a-t-elle pas rencontré ? demanda Malalalivia.
- Si, mais...
Le Héros se rappela qu'effectivement il avait rencontré Thoosa, puisque c'est elle qui l'avait soigné lorsqu'on l'avait rossé dans un couloir du château.
- Alors c'est cet air grave qu'elle a vu ? explosa-t-il, bon sang ! À quoi pouvait bien servir cette prémonition à la con ? Et si c'est moi qui l'ai provoquée...
- Rien ne dit que c'est obligatoirement toi, lui dit Sibylle, si ma fille m'en avait parlé, j'aurais pu infirmer sa supposition.
- On peut pas voir alors deux futurs si ?
- Si mais il y a une façon de pouvoir le savoir, c'est juste que ce n'était pas ça pour Thoosa... Elle avait eu juste deux visions pour le même jour. Ça ne lui était jamais arrivé...
- Ça ne change rien que ça peut toujours être de ma faute !
- Même si c'est le cas..., lui cria l'oracle en le prenant les épaules.
Son visage était embué de larmes, elle n'arrivait plus à cacher son malheur aux yeux de ces enfants. Il était dit que cette femme était imperturbable, peu importe la violence avec laquelle on pouvait s'en prendre à elle, elle restait impassible, n'affichant qu'un simple sourire de politesse à toutes les personnes qu'elle rencontrait. Là, elle venait d'atteindre son ultime limite, on lui avait pris l'être le plus cher qu'elle avait, c'était bien trop dur pour qu'elle puisse encore tenir.
- Même si c'est le cas, reprit-elle, cela doit être pour une bonne raison, pour que vous quatre soyez réunis.
- Nous « quatre » ? demanda Malalalivia, nous ne sommes que trois.
- Sors de ta cachette, Tarkus, ordonna l'oracle.
C'est alors qu'une grande et massive silhouette ombrée sortit des fourrés, il s'agissait bien du cyclope qu'avait arrêté le Héros lors de sa confrontation avec Beneltig. Il n'avait plus la même fougue que dans l'arène, ni même la même rage que lorsqu'il voulut tuer Beneltig. Il partageait la même tristesse que la mère de son amie morte. La paupière basse, l'œil gonflé et rouge du fait de la fatigue et les larmes qui ont dû couler. Bien que les jours soient passés, eux ne sont pas passés à autre chose.
- Il va vous aider dans votre quête pour combattre cette secte, leur expliqua la fée diseuse de bonne aventure, il faut juste un peu le pousser pour qu'il se mette au travail ces temps-ci.
Le Héros s'énerva, furibond, serrant les dents à s'en faire saigner les gencives. La rage qui se trouvait dans son regard montrait que son esprit allait être englouti par une folie meurtrière inarrêtable.
- Qu'est-ce que vous nous voulez ? Ou plutôt, qu'est-ce que vous attendez de moi ? La vengeance ? Hé bien, je vais vous l'accorder, je vais décimer tous ces fils de putes qui ont pris la vie de votre fille ! Je vous dois bien ça après avoir causé sa mort...
Sans en entendre plus, Dame Sibylle, lui mit une gifle calmant instantanément les ardeurs du jeune Héros, il se toucha la joue, stupéfié de ce qu'il se venait de se produire.
- Cesse d'être aussi arrogant, jeune homme. Tu poux bien être le héros de la légende mais tu restes un mortel comme nous autres, soumis aux lois des dieux qui nous gouvernent tous. Si ma fille est morte, bien que cela me fasse mal de le dire, c'est de sa propre faute, pleura-t-elle, tu n'as aucun droit de t'attribuer sa mort pour en faire la raison d'un massacre. Je veux juste que vous nous débarrassiez de ce mal insidieux qui sommeille depuis bien trop longtemps en ces terres et que vous sauviez vos camarades.
- Sommes-nous nous aussi menacés ? l'interrogea Malalalivia.
- Oui. Toutes autant que vous êtes, princesses de Sylvania, vous avez l'étreinte de Salace est autour de vos cous. La question n'est pas qui survivra mais quand viendra votre tour car la seule chose que reconnaissent ces illuminés, c'est la légitimité de la Grande Félonne sur le trône.
- Même après tout ce qu'elle a fait ? demanda Lin.
- Pour eux, ce qu'elle voulait faire était juste et tout à son honneur. C'est pour ça qu'ils veulent anéantir toutes les autres descendantes des Rois-Combattants. Je ne sais pas si vous, Malalalivia Talemilia Grave, comptez parmi les autres princesses, mais il vaut mieux les attaquer, plutôt qu'espérer qu'ils vous épargnent.
- Je n'ai pas besoin d'attendre de le savoir pour arrêter ces fous qui s'en prennent aux citoyens des Basfonds comme s'ils n'étaient rien. Vous avez l'air d'être bien renseignée, vous pouvez peut-être nous dire pourquoi ils veulent anéantir la descendance « illégitime » des Rois-Combattants, pourquoi ils ne s'en sont jamais pris aux autres princesses jusqu'à il y a quelques semaines et pourquoi qu'ils ne font que tuer les pauvres gens des Basfonds.
- Je n'en ai pas la moindre idée, avoua Dame Sibylle, c'est le peu d'informations que j'ai pu recueillir dans le journal de ma fille, s'en excusa-t-elle, je sais juste qu'elle n'était pas censée être tuée par eux de sitôt, ils ont dû apprendre qu'elle allait se mêler de leur manigance et la faire taire car bien qu'ils soient ennemis de la reine, il n'est pas bon de l'être à visage découvert.
- Merci Dame Sibylle de votre aide, de vos conseils et du soutien que vous nous apportez avec Tarkus, lui gratifia Malalalivia, nous allons nous charger du reste, je vous promets de stopper ces dégénérés pour que la mort de la princesse Thoosa ne soit pas vaine.
- Merci princesse Talemilia de votre sollicitude, j'espère que vous et votre coterie réussirez à les arrêter.
- Ne vous inquiétez pas, intervint Lin, surtout que nous avons le héros de la légende avec nous, dit-il en enroulant son bras autour du cou du Héros.
Celui-ci n'avait pas bronché depuis que l'oracle lui avait mis une gifle. Ses yeux étaient redevenus normaux, regagnant leur rouge pourpre habituel, mais son regard était dans le vague, le visage grave. Il était plus ou moins difficile de savoir s'il s'était calmé et avait refoulé sa colère en lui ou s'il s'empêchait de tout simplement exploser.
Ayant obtenu plus qu'ils n'avaient voulu, la petite troupe s'en alla accomplir leur objectif premier, n'oubliant pas de dire au revoir à l'oracle.
Alors qu'il allait les suivre le Héros fut stoppé par l'oracle Sibylle, elle le retint en lui attrapant le bras et le rapprocha d'elle.
- Je te demande pardon de m'être emportée. Je comprends ta haine pour le Destin du héros de la légende, c'est juste que...
- C'est rien. Vous avez pas à vous en faire, j'avais compris.
Il se retira de son étreinte, mais elle le rattrapa une nouvelle fois.
- Cependant, j'ai quelque chose à te demander.
- Quoi ?
- La malédiction que tu portes sur toi, c'est la sorcière de la Montagne Décharnée qui te l'a mise.
Délicatement, en douceur, le Héros se retourna vers Dame Sibylle et lui jeta un regard bien plus menaçant que tout ce qu'il a pu faire auparavant. L'un de ses secrets venaient d'être découvert, il ne l'avait dit, ni à la reine, ni à la Fée, de qui lui avait jeté ce sort. Elles n'avaient connaissance que du pourquoi mais pas du comment. Et si le comment était su, mais surtout « à quel prix », forcément elles lui empêcheraient d'accomplir sa vengeance envers le héros de la légende et le Némésis. Il rapprocha sa bouche de son visage et lui demanda :
- Comment vous avez appris cela ? C'est votre boule de cristal qui vous l'a dit ou peut-être que vous êtes affilié au Némésis, hein ?
- Pour quelqu'un qui maîtrise la magie, il est facile de reconnaître la source de celle-ci, surtout quand on a connaissance de son incantateur et qu'on est une érudite comme moi. Si tu veux tout savoir, je la connais à cause de nos réunions de magie pluriannuelles. C'est une pestiférée dans nos assemblées magiques, mais il est difficile de savoir si elle est une bonne ou mauvaise personne. La seule chose qu'on sait vraiment d'elle c'est qu'elle pourrait bien être l'une des personnes les plus puissantes de ce pays, peut-être même au-dessus de la fée de la légende.
- Vous êtes bien informée dites-moi. Que ça soit sur la légende du héros et de la fée ou de cette habitante de la Montagne Décharnée. Mais j'imagine que vous ne voulez pas simplement connaître l'un des nouveaux prodiges de votre consœur.
- Qu'est-ce que tu lui as demandé et qu'est-ce qu'elle a pris de toi ?
- Une force infinie en échange de quelque chose à laquelle je n'étais particulièrement attaché...
- C'est faux ! Cette femme prend ce que les gens ont de plus précieux et leur retire en leur faisant croire que ça n'avait aucune valeur à leurs yeux.
- Ah bah parce que vous croyez que je tenais précieusement à mon apparence d'humain sanguinolant ? s'agaça le Héros, ma peau bardée de blessures qui n'arrivaient pas à cicatriser, peu importe le nombre d'heures ou de jours qui s'écoulaient ? J'étais déjà un monstre avant, vous croyez que quelque chose à changer depuis ce jour où j'ai pactisé avec cette sorcière ? Elle m'a donné la force de pouvoir me venger du Némésis et de mettre fin, une bonne fois pour toute au héros de la légende qui a pris ma mère, et c'est la seule chose qui compte à mes yeux !
Ses mots remplis de rage, de souffrance mais aussi de tristesse, peinaient l'oracle. Elle avait déjà entendu de la bouche de la reine à quel point ce garçon souffrait, mais elle n'aurait jamais cru qu'un être vivant pouvait nourrir une telle haine, au point de se haïr lui-même. Elle le lâcha et tous les deux restèrent silencieux jusqu'à que Malalalivia appelle le Héros.
- Pardon de m'être emporté. Je n'ai rien contre vous, et en plus, vous devez être endeuillée encore aujourd'hui...
- Ce n'est pas si grave. Néanmoins, avant que tu partes, je veux que tu sois conscient d'une chose : cette malédiction que tu penses être le moyen de vaincre le héraut du Malin et ce que tu considères comme la source de tous tes maux sera non seulement source de malheur pour toi mais aussi pour tes proches. Obtenir sa force d'un pouvoir maléfique comme le maléfice qu'elle t'a jeté n'apporte jamais rien de bon, surtout que ce n'est pas le seul que tu possèdes...
Le Héros voulut encore la contredire, mais se tut. Il comprit que son antagonisme envers lui n'était pas pour jouer les moralisateurs, mais bien parce qu'elle connaissait les conséquences de cette sorcellerie contrairement à lui qui était incapable de la pratiquer, ni de vraiment la sentir.
- On va dire que c'est pas rentré dans l'oreille d'un sourd, lui répondit le Héros, allez, le devoir m'appelle. Si vous avez besoin de réconfort, je passerai vous voir ou sinon allez voir ma ma... la reine Audisélia. Elle sait faire preuve de gentillesse lorsqu'elle est... enfin... quand... vous m'avez compris, quand elle en a envie.
- Je tâcherai de m'en souvenir.
C'est sur ces mots que le Héros courut rattraper la troupe qui s'était formée. Ils lui demandèrent – sauf Tarkus qui resta mutique – de quoi avaient-ils bien pu parler. Il ne dit mot sur leur conversation leur disant que c'était entre lui et l'oracle. Lin lui notifia que c'était bien la première fois qui l'entendit bien utiliser le vouvoiement en Oli'Ane et l'en félicita.
Sibylle les observa s'éloigner au loin se demandant si ces jeunes gens seraient capables d'arrêter cette secte odieuse. En espérant que leurs cœurs meurtris pour trois d'entre eux ne provoqueraient rien de dommageable pour leur petite bande. On ne pouvait pas faire troupe plus disparate.
Dommage que le Destin du héros interférât avec ses pouvoirs, sinon elle pourrait voir s'ils réussiraient leur mission...
Et comme prévu, ils kidnappèrent Beneltig.
Annotations
Versions