La décision de Beneltig

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Le Héros et Beneltig s'en allèrent dans un parc s'asseoir sur un banc juste à côté de l'entrée de l'hôpital. De là, le Héros put s'apercevoir que cette entrée se trouvait juste en face de la fontaine de Haute-Ville : il s'agissait juste d'une pyramide couchée à base rectangulaire en brique blanche où il était écrit hôpital en Oli'Ane.

À mon humble avis, il a été bâti après la fondation de l'hôpital.

Tous les deux, assis sur un banc, regardèrent les passants faire leurs activités journalières ne se doutant pas de la machination qui se déroulait dans les coulisses du royaume où ils résidaient.

Et, alors qu'à leur âge, ils auraient pu et dû parler de choses beaucoup plus à leur portée, ces deux enfants, se rapprochant dangereusement de l'âge adulte, allaient avoir une discussion d'importance étatique.

Les adultes devraient empêcher les enfants de se mêler de leurs affaires, sérieux... Mais bon, toi tu venais à peine d'atteindre l'âge adulte donc je vais être partiale haha...

- Tu te rends compte que ces gens s'amusent alors que le royaume est en danger et qu'il risque une nouvelle tragédie, déclara Beneltig, même ta présence ils ont fini par s'y habituer.

- En même temps, je ne suis que de passage, lui répondit le Héros, il ne faudrait pas qu'ils aient un souvenir intemporel de moi.

- Dis celui qui est appelé affectueusement Visage Noir par les habitants d'un royaume haïssant les humains, lui rétorqua Beneltig, tu fais partie des meubles maintenant. Une bête de foire en liberté. Qu'est-ce que ça peut m'énerver...

- Je pense pas que tu m'aies fait venir pour parler de ma réputation, le coupa le Héros, alors viens-en seulement aux faits, Beneltig.

La fée couarde se détendit, écarta les bras le long du dossier du banc et fixa les branches de l'arbre qui les cachaient de la lumière artificielle du dôme céleste.

- Ta venue n'a rien changé et ne changera rien à la situation de ce royaume.

- J'en ai jamais eu la prétention.

- Ce qui est la source de mon dégoût et de mon aversion à ton égard.

- Étonnant... Attends... Quoi ? dit le Héros décontenancé.

- Un homme qu'on appelle « héros de la légende » et qui se fait menacer par deux trois Féériques alors qu'il jouait les gros durs dans les Basfonds, je n'appelle pas ça un sauveur mais un bouffon.

- Tu sais que je pourrais te briser la nuque comme à un agneau sacrificiel, le menaça le Héros sans détacher le regard de la foule qui défilait devant eux.

- Je le sais et pour pas me faire dessus, j'ai pris des potions calmantes en plus de la morphine que je me suis arrangé de piquer à l'hôpital pour venir te parler.

Les fameuses limites du courage... Il faut bien un moyen de les dépasser pour devenir le héros de sa propre vie.

Normalement, ce genre de phrase aurait fait rire l'humain, mais au ton sérieux de la conversation, et à cause de leurs dernières entrevues et des récents événements, il percevait la vérité à travers les plaisanteries de son interlocuteur.

Si la situation n'était pas critique, Beneltig n'aurait pas pris la peine de faire tous ces efforts pour se confronter en vain au Héros. Alors, malgré tout ce que pourrait dire le plus grand des couards, il ne lui ferait aucun mal. Il pourrait même lui reprocher les blessures de Jacob si cela le chantait.

- Je n'arrive pas à te comprendre : tu as toute la force du monde, tu as accompli des exploits tellement... ubuesques à la face de tous, tu as combattu à « arme égale » face à la reine, celle qu'on dit qu'elle peut rayer une montagne d'un simple regard, faire déferler des torrents d'éclairs sur toute une contrée, dont la simple apparition fait abandonner ses adversaires...

Je ne pensais pas qu'Audisélia était aussi connu à travers le monde. Elle en a accompli des choses une fois qu'elle s'est reprise en main.

- ... tu as ses faveurs, ma fée t'apprécie, tu es un champion, tu t'amuses avec mes amis d'enfance, certaines filles ne sont plus rebutées par cette malédiction qui te recouvre, toute une population compte sur toi, et malgré cela... tes sourires restent fades, toujours remplis de tristesse et tu es encore plein de faux semblants. Ça me débecte... Tu es traité comme un prince et tu joues toujours le malheureux de service. Sais-tu au moins ce que j'endure à porter le fardeau des poids de toutes les vies qui se font supprimer à cause des Adeptes, héros de la légende ?

- Tu as le choix, toi...

- Tu sais très bien que non, lui riposta Beneltig, si j'étais né dans une famille de Haute-Ville, j'aurais pu vivre dans l'insouciance et vagabonder joyeusement sans me soucier des ficelles qui se tissent en coulisse. Mais non, je dois marcher dans les traces de mes prédécesseurs sans savoir où va me mener cette voie, parce que...

- ... c'est la seule chose à faire ? finit le Héros, parce que se débattre face à son destin est futile si ce n'est que causer la mort de sa misérable vie, hein ? Si je ne le savais pas, tu me verrais sourire allégrement. Je me souviens plus si je te l'ai dit mais je pense au fond de moi que nous deux nous sommes pas différents. C'est juste que moi je marche dans la vallée de la mort en permanence, en aveugle, à batailler avec les racines du trépas qui m'entrainent inexorablement dans sa vase sans aucune échappatoire.

- Je l'ai très bien vu, lui certifie la fée, plus que quiconque. Je vois que tu portes la mort sur tes épaules.

- La mort de qui ? rit le Héros.

- À toi de me le dire. Généralement, c'est la sienne qu'on porte.

- Et toi ? Tu portes la mort sur tes épaules, Beneltig ?

- Non. J'aime trop la vie pour faire une chose pareille. C'est d'ailleurs pour ça que je t'ai appelé : je vais continuer à me battre aux côtés des Adeptes de Marrynélia.

Le Héros soupira.

Il n'y avait rien d'étonnant à la déclaration de Beneltig ; il n'allait pas changer parce qu'il lui avait dit de le faire.

Pourquoi avait-il eu une once d'espoir envers lui ?

Pour rallier de nouveaux camarades à la cause de sa princesse et de la reine ?

Ou peut-être voulait-il juste faire changer quelqu'un. Apporter un peu de lumière chez autrui car lui qui n'était fait que de ténèbres.

- As-tu appris quels sont les trois grands pouvoirs qui composent notre monde ? lui demanda Beneltig.

- Militaire, Technologique...

- Je ne te parle pas de ça, le corrigea Beneltig, surtout que c'est potentiellement faux. Je te parle des 3 Grands Pouvoirs.

- Ah. Cela. On compte les dérivées genre le vaudou et ces autres conneries...

- Non.

- Alors : « Magie », « Attribut génétique » et les plus rares, les « Miracles ».

- Oui, c'est ça, lui confirma Beneltig, ainsi, sois digne de ta renommée et montre-moi un miracle.

Il se leva et s'étira.

- Puisses-tu sauver la princesse, la reine et le royaume sans qu'aucun des trois ne meure ou soit détruit.

- Pourquoi continuer à te battre contre moi et la reine alors que la vie de ta princesse est en danger de mort ? lui demanda interloqué le Héros, il y a quelque chose qui tourne pas rond chez toi ?

Beneltig attrapa le Héros par les épaules.

- Si je veux que tu accomplisses un miracle, c'est bien parce que j'en suis incapable malgré toute ma bonne volonté. Tes chaines ne te retiennent pas à ce destin alors détruis tout et sauve-nous. Si la Princesse-Sans-Aile-Et-Sans-Nom crois en toi, ne la déçois pas ! lui ordonna-t-il avec le plus grand des sérieux, je ne vais cependant pas te retenir plus longtemps. Tu as l'air d'une boule de nerfs sur le poing d'exploser et tu as sûrement besoin de te défouler sur quelque chose ou quelqu'un. Et je n'ai pas très envie d'être cette personne.

Il tapota l'épaule du Héros et s'en alla.

- C'étaient tes dernières volontés ? le railla le Héros.

- Toi qui lis beaucoup, tu devrais savoir que les rats sont les derniers à mourir dans les histoires.

- Il est vrai.

Le Héros le regarda s'en aller. Il avait eu raison de prendre ces calmants. Cette discussion fut plus enrichissante qu'elle en avait l'air. Bien qu'il ne soit pas la personne qu'il porte le plus en haute estime, c'était au Héros qu'il avait laissé entrevoir l'intérieur de son cœur. Sans doute à cause de leur ressemblance si distincte. L'un drapé d'un faux courage ressemblant beaucoup plus à de la lâcheté et l'autre drapé d'une vraie couardise qui grâce à son honnêteté la faisait ressembler à du courage. Les deux faces d'une même pièce.

- Ah, au fait, dit Beneltig, ils ont mordu à l'hameçon, informa-t-il le Héros.

À la fin de cette histoire, les rats resteront encore en vie cette fois-ci.

Dommage que le Héros ne sera pas témoin de la fin de ce récit – ni Malalalivia d'ailleurs.

Beneltig avait raison. Le Héros avait besoin de se défouler et la seule personne avec qui il pouvait se donner à fond n'allait pas tarder à montrer le bout de son nez.

Des traits formants un rectangle bleu se formèrent en face de lui et un nouveau paysage se dresse devant lui à l'intérieur de ce rectangle. Cette porte, fait de ce qui semble être de la magie, fut traversée par la reine et ses gardes du corps. Cependant, pour une fois, ce n'était pas elle qui était en tête de gondole, c'était Sawyer.

- Tu as à l'air remis, lui dit Sawyer, suis-moi, on va s'entraîner toi et moi.

Sans rechigner, le Héros se leva du banc et les suivit à travers la porte spatiale.

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