Protectorat Sombre : Épreuve Suprême de Magie des Archimages
Le gouverneur Rothr'aghi était un gobelin aristocrate qui avait la pleine confiance de la reine. Bien qu'il soit affublé d'énormes cicatrices au-dessus du crâne laissant voir sa chair, il restait un homme respectable, soigné et propre sur lui. Est-ce raciste de dire qu'il était différent de ses pairs qui étaient de véritables sauvages qui rapinaient et dévoraient autrui ?
La reine l'avait connu sur les champs de bataille d'un monde de tous les dangers se trouvant dans l'hémisphère Sud de l'ancienne Terre : Austra. Lui et son peuple étaient soldat-esclave pour le compte de grosses sociétés employant des braconniers de Féériques. L'ayant découvert grâce aux ondes électriques, de sa propre initiative, elle les libéra et tua tous les humains qui avaient asservis ces races et ces peuples, comptant aussi des humains. Elle avait découvert l'intelligence et les facultés administratives de ce gobelin et n'ayant plus personne sur qui compter à cause d'une énième attaque de Féérique, lui proposa d'être gouverneur du Protectorat en échange d'une place pour lui et sa famille, et presque toutes les personnes qui voulaient venir habiter à Sylvania.
Désormais, il était son homme de main sur ces terres ténébreuses, elle n'avait aucun reproche à lui faire. Bien sûr, il avait ses défauts mais sur la gestion du Protectorat, sa sécurité, la propreté, la gestion des différentes populations qui y résidaient, des conditions de vie qui leur étaient propres à tous... on ne pouvait nier que le gouverneur Rothr'aghi était au point.
- Quel bonheur de vous revoir, reine Audisélia.
- De même, légat Rothr'aghi Grekip.
- Vous ne vous êtes toujours pas décidée sur quel nom choisir ? rit le gobelin.
- Je vous ai dit que je ne me prendrai plus la tête avec ça. Je vous avais proposé « Protecteur », mais vous avez catégoriquement refusé.
- Et je vous répéterai la même chose que la dernière fois : « La véritable protectrice de ces lieux, c'est vous. Sans vous, nous ne serions rien, surtout moi ». Sinon, j'imagine que ce n'est pas une simple visite de courtoisie ?
- Est-ce un reproche ? demanda la reine, curieuse.
- Non, du tout, se défendit le gobelin, juste que je suis curieux.
- Si cela l'avait été je l'aurais compris, c'est vrai que je ne vous rends pas souvent visite.
- Mais avec votre agenda de reine, il doit être difficile de vous procurer du temps libre.
- Si vous saviez, roula des yeux Audisélia, mais vous n'avez pas tort. Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour parfaire ma magie auprès des archimages étant donné que je vais bientôt perdre ma place de reine.
- Il est vrai qu'au royaume se déroulent les combats pour votre succession, se rappela le gouverneur, en parlant de cela, vous avez reçu la délégation du prince Lucello ?
- Une délégation ? Quelle délégation ?
- Celle du prince, pardi. Un prince au teint blafard, grand de taille, menu, il est h...
- Désolé de vous interrompre, dit la reine, mais je ne suis au courant de rien. Je ne dis pas que ce dit-prince n'est pas chez nous, je crois même l'avoir croisé avec l'une de nos princesses mais je n'ai reçu aucune délégation officielle.
Le réseau neuronal de la reine se mit en branle pour réfléchir à cette nouvelle, qu'est-ce que cela pouvait signifier ?
Serait-ce l'armée à l'extérieur du royaume ? pensa la reine, pourquoi n'avons-nous donc reçu aucune information à ce propos ? Surtout que cette armée avait l'air plutôt belliqueuse à notre égard. Est-ce que Rothr'aghi m'aurait trahie ? Non, ça n'aurait aucun sens puisqu'il m'a demandé si je l'avais reçue, s'il voulait préparer une rébellion, il ne me l'aurait pas dit. Ai-je été arrogante de laisser cette force armée tranquille ? Qu'est-ce qui est en train de se passer ? Pourquoi je laisse cette armée tranquille, d'ailleurs ?
Sa pensée, contrairement aux autres êtres vivants, n'avait pas durée 0,066 seconde mais moins de 0,0000054 seconde grâce à l'utilisation de son attribut génétique qui augmentait sa vitesse de réflexion, ce qui permit de ne pas couper la conversation et faire remarquer que les propos de son interlocuteur lui firent susciter des doutes sur ce qu'il se passait dans son royaume. Bien sûr, son attribut génétique étant comme une sorte de muscle, elle utilisait cette aptitude qu'en cas de réelle utilité, déjà qu'elle usait de son attribut génétique et de sa magie bien plus que les autres êtres vivants en l'employant en continu.
- Étrange. Bon, tant que le prince Lucello est chez vous et qu'il réalise son devoir pour lequel il a été convié, tout me va.
- Je crois qu'il a perdu, l'informa-t-elle avec un sourire pince-sans-rire.
- Rien d'étonnant, désespéra le légat, il a toujours été lâche, prétentieux, imbu de lui-même, manipulateur, mais surtout faible... Pourtant à son départ, il avait semblé..., comment pourrais-je dire... « différent ». Une aura particulière l'entourait. J'avais cru que cela aurait auguré un changement chez lui mais il m'apparaît que je me suis fait de fausses idées.
- On dirait que vous vous êtes attaché à lui, le titilla la reine.
- On peut dire cela, soupira le gobelin, mais je dois déplorer l'amour de la chair de ce jeune homme...
- Chacun a ses tares, j'imagine. Le mien semble être mu d'une carapace qui feint d'ouvrir mais sa taciturnité s'avère n'avoir pas bougé.
- Vous avez un fils ?
- On peut dire cela, pouffa tristement la reine en s'étirant.
Réussirait-elle à l'ouvrir complètement à elle ? Peut-être l'était-il déjà et qu'il ne s'agit là que de sa nature ? Nature qui le mènera forcément à sa perte à cause de cette quête absurde.
Quelle charge m'as-tu confiée là, Elena ? gémit la reine en pensée.
- Mais nous devrions en discuter plus tard, dit Audisélia, pour l'instant, je veux que vous m'emmeniez auprès des Archimages.
- Donc vous voulez en devenir une ?
- Oui, affirma-t-elle il le faut pour mes propres intérêts.
- Je ne vais pas vous poser de plus amples questions car cela ne me regarde pas mais tachez de ne pas vous faire enivrer par le pouvoir, lui conseilla le légat.
- Vous savez déjà ce que je suis de la part de votre prédécesseur, donc je n'ai aucun intérêt à ce que cela arrive, lui répondit reine en se redressant, mais merci pour votre bienveillance.
- Ce n'est rien. Je vais appeler mon assistant qui vous mènera jusqu'aux lapisdères et aux poules.
Le légat tinta une cloche qui se trouvait sur son bureau et un squelette arriva en quelques secondes avec une charge de papier sur les bras. Il portait un smoking dont la longue cravate était attachée à sa colonne vertébrale, il revêtait quatre petites cornes sur le crâne et ses orbites brillaient d'une lueur violette.
- Voici, mon assistant Hyakin Schmidt, celui qui me remplacera lors de mon départ à la retraite.
Étonnée de cette nouvelle, la reine se tourna vers le légat et lui demanda pourquoi une telle décision.
- Je ne vous dois qu'à vous le fait d'être en vie et si vous partez je penserais m'être acquitté de ma tâche. Je n'ai jamais eu l'ambition de diriger toute une cité mais vous m'avez fait l'honneur de payer ma dette dans une tâche plus qu'honorable, mais je ne peux vous cacher que cela n'est pas simple et que je voudrais me reposer.
- « Lourde est la tête qui porte la couronne » comme disait ma prédécesseuse... Je ne vais pas vous mentir que je ne peux que comprendre et sachez que pour moi vous avez du bon travail, alors prenez votre retraite bien méritée.
La reine se tourna vers le squelette.
- Et donc c'est à vous que ma successeuse va devoir s'adresser dans le futur ?
- C'est exact, lui répondit Hyakin Schmidt en la saluant promptement, je vous promets de faire de mon mieux pour pouvoir être à la hauteur des attentes qu'exigent nos concitoyens et nos anciennes et futures régentes.
- Tu parles bien, le complimenta la reine.
- Il est jeune droit, adroit et plein de vigueur, c'est un homme en qui j'ai toute confiance. Dépose ces documents sur ma table, Hyakin et emmène la reine jusqu'à la tour renversée.
- D'accord.
Audisélia suivit le jeune squelette plein de vigueur jusqu'au centre de la ville. Ayant abandonné sa cape d'illusion, tous les regards des habitants se portaient sur elle, plein de chuchotements, n'ayant pas étendu ses ondes électromagnétiques dans toute la ville et elle ne pouvait les entendre distinctement. Cependant, une jeune fille elfe de nuit vint vers elle, en la voyant, Audisélia revit Helmir un peu plus vieille en elle, ce qui la fit sourire. La petite fille lui donna une pomme bien juteuse en cadeau, la reine l'accepta volontiers et la petite elfe de nuit lui demanda si elle était bien la reine de Sylvania, leur protectrice.
- Tu ne vois pas la couronne scintillante qui me sert le front et l'autre qui s'accroche au sommet de ma tête, gloussa la reine dignement en mettant la main devant sa bouche.
Elle l'attrapa et la mit sur son épaule.
- Je suis bien la reine de Sylvania, lui répondit-elle en se délectant de sa pomme offerte.
C'est alors qu'une foule de personne sortit de leurs habitations et de leurs trous, ils poussèrent des cris de joie et louèrent leur protectrice, l'applaudissant et la remerciant pour tous les bienfaits qu'elle leur avait apportés. Il n'était pas rare qu'elle soit psalmodiée en tant que reine de Sylvania et Héraut des Dieux, mais il était bon d'en entendre de véritables réjouissements sans arrière-pensées laissant supposer qu'une brebis galeuse était parmi les autres brebis, voire un grand méchant loup.
- Vous savez, reine de Sylvania, les habitants du Protectorat vous apprécient énormément, vous avez une place particulière dans leur cœur, lui dit Hyakin.
Audisélia ne dit rien, elle ne fit qu'hocher la tête en guise d'approbation. Malgré toute cette joie apparente, elle ressentait quelque chose d'étrange chez les habitants, mais elle ne distinguait pas quoi. Et bien qu'elle employât son attribut génétique pour distinguer des pensées dangereuses, elle ne perçut aucune menace chez eux, mais ce mauvais présentiment ne l'avait pas quittée. La mine des habitants jouait dans son appréhension, mais elle ne pouvait pas se permettre de les juger sur leurs apparences : elle n'était pas une humaine ! Surtout avec leurs sourires chaleureux et leurs visages qui s'enjolivaient à son passage. Pourtant, elle s'apercevait du manque de gardes dans le protectorat, c'était inhabituel mais elle pensa aux rondes qu'ils faisaient aux alentours pour surveiller la venue de monstres dangereux, peut-être en avaient-ils aperçus et étaient partis s'en occuper ?
Puis presque arrivée à la fontaine des Roi-Archimages, elle déposa l'enfant au sol et lui offrit son collier de cristal.
- En guise de paiement pour ta pomme.
- Wouaaa ! Merci madame la reine.
- Ce n'est rien. Passe une agréable journée, petite.
La reine rejoignit Hyakin Schmidt devant la fontaine, celui-ci écrivit une rune violette dans l'eau de la fontaine et la source d'eau s'ouvrit laissant entrevoir des escaliers menant aux entrailles de la terre. Une énorme crevasse où on avait l'impression que l'escalier flottait dans le vide, au milieu de rien. L'eau qui s'échappait de la fontaine tombait au milieu de rien, on ne l'entendait pas atterrir ou atteindre le moindre sol.
- C'est ici que nos chemins se séparent, régente de Sylvania.
- Je vous remercie de m'avoir accompagnée, Hyakin Schmidt.
- De rien. Je préviendrai vos hommes vous êtes arrivée à destination. Retenez que ce que vous allez vivre est une quête bien plus éprouvante que ce que vous avez pu vivre, au-delà même des épreuves que vous allez affronter dès à présent...
- Je n'en attends pas moins des archimages qui ont refusé l'accès à la suprématie magique à la plupart des princesses et reines de Sylvania.
- Bonne chance, en tout cas.
- Merci, lui dit-elle en lui faisant un clin d'œil.
Et elle s'engouffra dans l'escalier en ayant derrière elle, la fontaine qui se referma.
- Flammes élémentaires, guidez mes pas à travers la pénombre, les ténèbres et l'obscurité. Magie primordiale des flammes : feu follet.
Une petite flammèche apparut devant elle et illumina les marches défilant sous ses pas. Que cela soit de gauche à droite, il n'y avait rien. Ses bruits de pas résonnaient à travers le vide de cet endroit et malgré la lumière de sa flammèche, elle ne distinguait aucun contour de cette grotte... si c'était bien une grotte.
Brusquement des images s'affichèrent au milieu de nulle part, comme des holo-panneaux publicitaires, Audisélia se tourna vers eux et vit un visage qui ne lui était pas totalement inconnu.
- Ma... Marrynélia ! Reine Marrynélia.
Ses membres se crispèrent à la simple vue de cette femme, des décharges remontèrent toute son échine et elle serrait les dents en étant à la fois effrayée et enragée de la voir.
Pourtant, la fée qui lui était présentée n'avait pas l'air d'être la femme qu'elle avait dans ses souvenirs, elle ressemblait bien à la Félonne mais son sourire enjôleur et cette joie de vivre étaient différents de ce qu'elle se rappelait d'elle, de ce qu'elle avait lu dans les livres d'histoire et de ce que lui avait raconté Torn.
Elle desserra ses poings, se décontracta et soupira.
- Pourquoi a-t-il fallu que tu sois comme ça ? marmonna-t-elle, et maintenant, je suis ta route...
- La reconnais-tu ? intervint une vive voix sortie de nulle part.
- Hein ?
Par réflexe, Audisélia envoya ses ondes électromagnétiques sur une large zone pour repérer où se trouvait la source de cette voix et créa deux cercles magiques au bout de ses mains en prévision de toute attaque.
- Intéressant... Ta magie ne s'est pas éteinte en ces lieux, dit la voix masculine, tu as l'air d'être une personne hors du commun, vingt-sixième reine de Sylvania.
- Montrez-vous étant donné que vous avez l'air de me connaître.
- Ne sois pas autant aux aguets Audisélia, nous ne te voulons aucun mal. Néanmoins, nous ne sommes pas tes alliés. L'épreuve que tu vas affronter pour déterminer ton aptitude à pouvoir passer le cap de la magie suprême va t'être éprouvant autant physiquement que mentalement et psychologiquement. Espérons que tu seras préparée à cela.
À la fin de ces paroles, les escaliers prirent fin et la reine arriva sur la terre ferme. Elle posa délicatement un pied pour savoir si ce n'était pas une illusion magique et qu'elle ne tomberait pas dans le vide – elle s'envolerait, toutefois mieux vaut prévenir que guérir. Heureusement, ils ne s'étaient pas joués d'elle : le sol était bien réel.
Elle posa les deux pieds et marcha tout droit en laissant son champ électromagnétique autour d'elle, elle effaça les cercles de pouvoir mais restez aux aguets. Seuls les fous pouvaient marcher dans les ténèbres en toute confiance.
Malgré l'obscurité ambiante, ce sol poussiéreux, cette cavité où résonnait le bruit de ses pas, l'humidité environnante qui attirait l'électricité du champ et la petite lumière issue du sort de la reine lancé plus tôt... elle ne ressentait aucune peur. Non pas qu'elle se sentait supérieure à ces archimages, elle en avait croisé très très peu durant toutes ses expéditions et campagnes guerrières – dans la majorité des cas, il s'agissait surtout de puissants mages mais qui n'étaient toujours pas à la hauteur des compétences de la reine de Sylvania. En même temps, ne devrait-on pas considérait qu'elle trichait avec son attribut génétique greffé à la poitrine ? Toutefois, ce manque de peur provenait de son manque d'attachement à la vie elle-même.
Surtout à la sienne.
Arrivée à un certain point de son parcours, elle croisa la route d'une boule de cristal flottant dans l'air, elle tourna autour d'elle pour mieux l'observer et passa une main en dessous pour identifier un quelconque poteau qui la tenait en l'air... après toutes ces expériences, elle en conclut qu'elle était enchantée.
- Saisissez la sphère de cristal, lui ordonnèrent de multiples voix.
Audisélia approcha ses mains de l'objet sphérique et la tint fermement, l'enchantement disparut et elle en ressentit tout le poids. Cette chose n'était pas simplement une boule de cristal, elle était bien plus lourde qu'une boule de bowling, elle n'était même pas sûre que des enfants géants puissent la porter à plusieurs.
- Première étape de l'Épreuve à l'accession de la magie suprême : illuminer cette boule de ta magie de prédilection en classe élémentaire.
Bien sûr sa magie de prédilection était celle de la foudre comme on avait pu tous y assister depuis le début de cette histoire, mais la magie de prédilection n'est pas à confondre avec celle de statut. De nombreuses soigneuses et soigneurs connaissent des sorts de soins mais cela ne veut pas dire que ces sorts sont des choses innées pour eux, c'est en apprenant la magie primordiale que les gens savent quelle magie se révélerait à eux.
Selon les écoles, soit les élèves apprenaient la magie primordiale pour connaître leurs magies de prédilection, soit ils apprenaient la magie simple pour apprendre à réciter des sorts, graver des runes ou dessiner des cercles de magie.
La reine fit jaillir de petits éclairs des paumes de ses mains pour qu'ils se connectent à l'intérieur de la boule de cristal, ensuite la boule s'illumina d'une vive lumière bleue avant de s'éteindre soudainement et de glisser des mains de la reine. Elle sentit un étrange frisson parcourir ses mains et d'un seul coup ses éclairs disparurent. Elle tenta de les refaire jaillir mais rien ne sortit de ses mains. Elle pouvait encore maintenir son champ électrique ou faire des cercles magiques mais faire le minimum lui en était impossible : elle venait de perdre sa capacité de pratiquer la magie primordiale.
- Première étape réussie, indiquèrent les voix, avancez jusqu'à la deuxième étape.
La reine semblait démunie face à cette situation inattendue. Si elle continuait cette épreuve, elle se retrouverait à la merci de ces gens dont elle n'avait entendu parler que par des ouï-dire. Ce n'était pas totalement exact mais les archimages étaient vraiment des personnes peu communes à croiser.
Elle ne devait pas se laisser effrayer par ces gens et leurs épreuves, elle était venue avec l'objectif de monter sa classe magique au rang suprême et elle ne devait pas reculer face à ses frayeurs qui commençaient à remonter en elle.
« Frayeurs » ? Quand avait-elle bien pu avoir peur dans sa vie ? Elle pouvait craindre pour les autres, mais jamais elle n'avait craint pour elle-même alors d'où lui venait cette émotion ?
Elle devait occulter ces pensées qui débutaient l'émergence de souvenirs qu'elle n'avait aucune envie de faire remonter à la surface.
Reprenant le dessus sur ses émotions, Audisélia poursuivit sa quête de puissance dans ce long couloir rocailleux, ensuite elle arriva dans une grande pièce où des pylônes verticaux enroulés de gros fils en cuivre avec des boules de fer à chaque extrémité avant suivi de deux barres se rejoignent en un seul point. Elle avait en face d'elle un circuit électrique complet avec deux boules de cristal similaires à celle qui avait pris sa magie primordiale.
- Deuxième étape de l'Épreuve à l'accession de la magie suprême : récitez un sort, écrivez une rune ou dessinez un cercle de magie pour faire fonctionner le mécanisme électrique pour pouvoir ouvrir la porte.
- Comme si j'avais besoin d'exécuter un sort pour faire fonctionner un sort électrique.
Elle chargea ses mains d'électricité, ensuite pose ses mains sur ces boules de cristal, mais rien ne se passe, elle en ressentit même un certain malaise. Consciente que quelque chose n'allait pas, elle retira rapidement ses mains. Ce frisson qu'elle avait ressenti plus tôt revint, mais d'une autre façon, celui-ci engourdit ses bras et lui fit mal à la poitrine, autour du noyau qui lui avait été implémenté à la naissance.
- Veuillez obéir à la condition de réalisation de cette étape, la blâmèrent les voix.
- Fais chier ! maugréa-t-elle.
Elle dessina un simple cercle magique au-dessus des deux boules de cristal et laissa l'énergie électrique se déverser dans ceux-ci. Elle perçut l'énergie magique se répandre dans les fils de cuivre mais à un moment cela ne fut pas assez pour atteindre les secondes boules menant aux secondes barres. Son sort n'émettait pas une puissance électrique assez forte pour ouvrir la porte.
La reine observa les deux barres, soupira et transporta les deux poutres surmontées de boules de cristal auprès des deux autres immenses boules. Et elle relança le même sort en y inscrivant cette fois-ci une rune pour que l'énergie magique électrique s'écoule jusqu'à la porte et qu'elle explose les barres métalliques arrières pour qu'il n'y ait aucune perte.
Comme attendu, son expérience fut un succès, on annonça son succès et la porte s'ouvrit. Encore une fois, elle ne pouvait plus utiliser la magie simple comme avec la magie primordiale.
Dans une sorte d'amphithéâtre, une réunion se déroulait dans le même instant où était rassemblés tous les archimages observant, avec grand intérêt, une projection du parcours de la reine sur un mur à l'aide d'une orbe projectrice.
L'une des archimages demanda aux autres :
- Avait-elle le droit de faire cela ?
- Il est tard pour la question, Séfonia, lui rétorqua un autre archimage du nom de Stapkel, nous l'avons déjà autorisée à continuer l'épreuve.
- Et faire preuve d'ingéniosité n'est pas un mal en soi. Et le but de cette épreuve n'était-elle pas de valider cela ? lui demanda une autre archimage du nom de Vitenzel.
- Elle a tout de même détourné le but de l'épreuve ! se révolta Tyzeni, agir comme si elle devait résoudre un schéma de physique.
- Apaise ton cœur, ce n'était qu'un circuit électrique, se moqua Ilérion.
La cheffe parmi eux tapa sur la table et exigea le silence.
- Je ne vous ai posé qu'une seule question, et si l'ensemble d'entre nous n'y voit pas d'objection alors laissons-la poursuivre son épreuve.
Tous se turent et reprirent leur visionnage du parcours de la reine-fée.
Audisélia parcourait ce dédale labyrinthique en étant toujours sur ses gardes. Elle ne savait pas quand une quelconque menace pourrait pointer le bout de son nez et l'agresser – elle parle comme si elle était une citoyenne lambda ayant avait vécu dans une grande métropole et qu'elle y parcourait les sombres ruelles tard le soir à la sortie d'une boîte de nuit ou de son travail, alors qu'elle l'un des êtres les plus redoutés de ce monde. Cela étant, elle avait déjà expérimenté ce genre de situations auparavant, lorsqu'elle n'était pas encore la reine Audisélia.
Elle arriva face à un grand espace où se trouvait un long pylône électrique et en face de lui, au sol, encore l'une de ses boules de cristal. Elle observa la pièce sphérique et n'y vit aucun piège.
- Troisième étape de l'Épreuve de Magie Suprême : chargez le pylône de fer de toute votre force ! exigèrent les voix.
Elle s'attela à sa tâche et exécuta le même procédé que dans la salle précédente au niveau complexe, mais comme pour la salle précédente, la charge ne fut pas suffisante, cela n'atteignit même pas le dixième de la tour de fer. Elle amplifia alors la puissance de son sort en récitant un sortilège mais cela ne fit qu'augmenter d'à peine deux pour cent le niveau de la charge électrique.
- Cette fois-ci, elle ne pourra pas tricher ! se réjouit Tyzeni.
Ilérion roula des yeux devant la joie affligeante du vieillard puis retourna son regard sur l'épreuve de la fée.
Montre-nous que tu es digne de ta devancière, « Audisélia Vanguard Grave ».
Audisélia se frotta durement le menton et les joues en comprenant très rapidement que simplement superposer les différentes méthodes magiques ne serait pas suffisant pour continuer l'épreuve. Elle se frotta les yeux en envisageant la difficile épreuve qui allait se présenter à elle. Elle tendit le bras vers l'entrée de la grotte et exécuta le sort :
- Mère de la Terre, des Sables et de la Boue confère-moi ta puissance et bâtit un rempart inébranlable : Mur des Tortures Hérissés !
Un rempart rempli de pique recouvrit l'entrée du menant au couloir d'où elle était venue. Cela semblait excessif pour bloquer l'entrée de la pièce, mais elle ne pouvait plus qu'utiliser des sorts de magie complexes et au-dessus. Il s'en suivit d'un sort créant un soleil géant au-dessus de sa tête pour l'éclairer. L'inconvénient, c'est qu'il brulait l'air de la salle et que cela allait bientôt l'asphyxier, mais au moins elle pourrait s'éclairer, je suppose.
Audisélia éclata un morceau du mur de la pièce en un coup de poing et en sortit un énorme bâton qu'elle tailla à l'aide d'un sort de vent, ce qui raccourcit encore plus son temps de respiration. Puis avec son bâton de pierre elle écrivit sur le sol une série de formules magiques incompréhensibles pour le commun des mortels. Il s'agissait d'un mélange entre des mathématiques et des runes magiques mais à un niveau qu'on apprend en dernière année d'école lorsque notre magie maîtrisée est optimale.
- Que fait-elle ? demanda un nouvel archimage du nom d'Yer-Gagquel, n'a-t-elle pas entendu qu'elle devait utiliser de la magie complexe ?
- Vous vous fourvoyez, intervint Ilérion, vous oubliez que si les inscriptions ne brillent pas, la formule n'est pas effective. Elle doit sans doute calculer à un niveau supérieur pour pouvoir ensuite réduire la formule à un niveau complexe.
- C'est ingénieux, mais très périlleux... Il est généralement conseillé de faire cela en ordre croisant, le faire de cette méthode est peut-être bien plus rapide mais si on se trompe d'une rune, d'un chiffre, d'un caractère magique, la formule échoue et il est difficile si on n'est pas habitué à l'exercice de pouvoir repérer l'erreur. Et dans la situation dans laquelle elle s'est mise, elle n'a pas le droit à l'erreur.
- D'où le fait qu'elle ait bloquée l'entrée, conclut Rztak, pour qu'aucun vent ne vienne effacer ses formules. Donc elle n'est pas une brute sans cervelle comme veut le croire Tyzeni.
- Je ne te permets pas de lire mes pensées !
Il est toujours en colère lui ou...
Concentrons-nous sur plus important... la reine !
La sueur au front, retenant sa respiration au maximum pour économiser l'air de la pièce, elle avait déchiré le bas de sa robe pour ne pas que cela la gêne dans l'écriture de sa formule. Elle vola vers le haut du pylône, près de son soleil artificiel et calcula sa hauteur à vue d'œil, elle connaissait parfaitement la taille de ses bras alors elle s'en servit pour échelle en défonçant une nouvelle fois le mur de pierre et en créant des bâtons à la taille de son bras, ce qui réduisit encore une fois son temps de respiration, et les aligna de haut en bas pour avoir la taille la plus rapprochée du pylône. Elle ajouta les nouvelles données à sa formule et finit de la compléter pour remplir le pylône d'énergie électrique sans le surcharger. Le plus dur était à venir puisqu'elle devait réduire son calcul à un niveau complexe.
Elle eut l'idée de le faire réduire à un niveau simple ce qui permettait d'avoir le moins d'erreurs possibles durant le processus de réduction puisque les trop grandes puissances sont dégagées et on les remplace par des plus petites sans conversion mais en faisant qu'elle permette une plus grande réduction au lieu de chercher un équivalent complexe et qu'ils soient compatibles. Cependant, le façonnement des bâtons de la reine avait absorbé beaucoup trop d'air pour lui laisser le temps de faire cela, elle était déjà sur le fil actuellement.
Le temps pressait et elle n'avait que quelques minutes avant de se retrouver à court d'air. Elle exécuta tout le processus sans user de son attribut génétique sinon elle épuiserait trop son corps, selon la distance de la sortie, elle devrait en faire usage.
Puis soudain, elle se rappela une chose importante à laquelle elle avait oublié de penser : le temps d'exécution du sortilège. Bien sûr, une incantation magique prend quelques secondes pour les plus aguerris, mais avec une formule magique, cela se compte en minute et encore pire car c'est la première fois qu'elle rédigeait une formule aussi longue. Ses facilités lui jouaient un tour.
Allait-elle vraiment mourir dans cette pièce ? Asphyxiée à cause de sa propre bêtise ? Non. Cela n'allait pas arriver car elle était la reine de Sylviana, l'Abominable Fée de la Destruction Foudroyante, la Pire Création que la Faiyera Terra n'est jamais connue, mais surtout parce qu'il y avait son peuple qui l'attendait, des hommes et des femmes dont la plupart étaient encore des enfants qui comptaient sur elle. C'est pour toutes ces raisons qu'elle ne devait pas mourir ici et maintenant. Serrant les dents et arrivant dans les temps, elle poursuivit ses calculs jusqu'à arriver une formule magique digne de ce nom.
- Si ça ne passe pas, je suis vraiment finie.
Elle dessina les runes dans son cercle magique en les combinant avec toutes les formules, le cercle magique s'étendit en plusieurs cercles magiques, l'énergie électrique se rejoignit et alla en direction de la boule de cristal, elle amplifia la puissance de son sort pour que tout concorde selon ses calculs. L'effort physique qu'elle devait fournir pour réaliser un tel exercice était réellement éprouvant pour elle avec ce manque d'oxygène, les fées étaient similaires à des plantes, dès qu'elle manquait de quelque chose, elle s'affaiblissait rapidement, heureusement pour Audisélia, elle n'appartenait pas à ces races de fées qui avaient besoin du soleil pour survivre. Une fois le sort stabilisé, elle récita le sortilège pour que son incantation atteigne sa pleine puissance.
- Eclina, déesse de la foudre et de la guerre, offre-moi, à moi, ton héraut, ta toute-puissance divine : Surcharge Céleste !
Elle surchargea la barre de fer jusqu'à ce qu'elle atteignit la limite maximale pour remplir cette avant-dernière étape. Sa vision se flouta, ses mains tremblèrent, ses lèvres s'affolèrent... Elle était la plus concentrée possible, à ce moment précis, plus rien ne pouvait la déstabiliser. Et soudain, la barre finale fut atteinte, elle reçut l'annonce tant attendue :
- Troisième étape achevée. Envolez-vous vers la dernière étape de votre épreuve.
La reine fit disparaître d'un coup de main le sort et s'envola jusqu'à la suite de l'épreuve en se propulsant de toutes ses forces à l'aide de son attribut génétique, cramant les dernières secondes d'air qu'elle avait dans ses poumons et réussit à atterrir à la surface de la salle de la dernière étape de son étape. Le trou se referma derrière elle et elle put donner à ses spiracles la respiration tant attendue. Haletant comme un noyé, elle sentait sa peau la tiraillait – les fées respiraient par la peau contrairement aux autres mammifères, néanmoins les vêtements ne les gênent pas vraiment. Bien sûr, il pouvait aussi respirer par le nez mais cela tenait lieu d'organe décoratif que de véritable pierre angulaire de l'organe respiratoire.
- Lève-toi, reine de Sylvania ! lui ordonna la voix qui lui était retransmise, la dernière épreuve va être imminente.
- Pas... un seul... moment... de répit..., dit la reine époumonée.
- Tu serais restée en bas, tu aurais pu reprendre ton souffle. Mais j'imagine que c'est cela d'être une femme d'action, la railla-t-elle, malgré cela, tu seras ravie d'apprendre que la dernière épreuve sera plus dans tes cordes.
Une tempête de sables se créa au milieu de la pièce, deux rochers émergèrent du sol et se taillèrent pour donner forme à un golem à l'effigie d'un chevalier. La reine, toujours au sol, se releva d'un seul bond et fit face à cet adversaire.
- Bien que cela soit dans mes cordes, je n'en suis pas plus ravie que cela, bougonna-t-elle bruyamment.
- Dernière étape de l'Épreuve de Magie Suprême : à l'aide de vos connaissances acquises tout au long de votre vie et de celles acquises durant les étapes intermédiaires, abattez ce monstre.
L'évaluation finale pour enfin obtenir la classe magique suprême est à portée de main. Elle ne pouvait pas échouer contre ce tas de pierre. Elle avait déjà joué des tours à Triface lorsqu'il était encore vivant en le transformant en verre à coup d'éclair, mais elle pensait bien que cela ne serait pas suffisant. Et cela tombait bien que nous énoncions son nom puisque, comme avec lui, elle généra un cumulonimbus assez chargé en électricité pour reproduire l'attaque qu'elle avait envoyée au Héros lors de leur première rencontre :
- Libération du septième sceau de la foudre : Éclair d'Eclina !
Et une colonne de foudre s'abattit, de la même manière que sur le Héros, sur la créature de pierre, mais à la différence du Héros et de Triface, cela n'eut aucun effet sur le chevalier de pierre qui resta de marbre après avoir subi l'attaque de la reine.
Que suis-je bête ! s'injuria la reine, Triface était du sable pas de la pierre, balancer des éclairs à tout-va ne servira à rien.
Durant son inspection interne, le chevalier se mit à bouger et s'élancer vers la reine en se préparant à la trancher en deux, puis lança son épée contre la reine, Audisélia l'esquiva aisément en s'envolant et en faisant un salto arrière et atterrissant sur le bord de sa lame. Peut-être que le fait qu'on la perçoive comme un monstre, qu'on l'utilise comme tel l'énervait, mais il était indéniable que dans la bataille, elle était une bête invincible et invaincue, et son regard électrique ne démontrait, en aucun cas, le contraire.
Le chevalier de roche souleva sa lourde épée, laissant la fée glisser jusqu'à son heaume, elle créa ses cercles magiques sans même les dessiner et lui lança divers coups électriques, puis s'envola au-dessus de son adversaire et fit le tour du golem, essayant de détecter le moindre point faible mais n'en perçut aucun. Il serait simple pour elle de le détruire à main nue, cependant elle avait conscience qu'on n'attendait pas cela d'elle, elle devait agir de façon beaucoup plus méticuleuse et intelligente. La fée aux cheveux pastel devait se rappeler de l'énoncé qui lui a été annoncé : « à l'aide de vos connaissances acquises tout au long de votre vie et de celles acquises durant les étapes intermédiaires, abattez ce monstre. ». Tout en tournoyant et virevoltant autour de ce gros tas de pierre, elle perçut un début de réponse dans le fait qu'on ne lui ait pas précisé cette fois-ci qu'elle devait utiliser sa magie de prédilection pour réussir cette épreuve, cela voulait sans doute dire qu'elle pouvait user d'autres magies que celle de foudre. Bien sûr, pas son attribut génétique mais ce n'était pas comme s'il était son seul atout.
Audisélia redescendit sur la terre ferme, un peu éloignée du chevalier-golem, elle créa un halo magique avec ses index et ses majeurs en les joignant avant de les éloigner et de les coller à ses genoux.
- Géants, Titans, Colosses... Nains, Liliputiens, Fées... Vous qui touchez les cieux par votre taille, vous qui êtes au plus près de la terre, définissez ma taille selon mes désirs : Chamboulements des Dimensions !
Audisélia traversa le halo magique de lumière transparente puis fut illuminée d'une lumière éclatante, son corps se métamorphosa devenant de plus en plus grand jusqu'à atteindre la taille du chevalier de pierre, la lumière disparut en pétales luminescentes révélant la nouvelle taille de la reine-fée. Elle se craqua le cou et les doigts, et revit jaillir ses cercles magiques mais plaça le deuxième à l'intérieur de son coude, puis incanta deux sorts simultanément qui firent surgir de la foudre de chaque pore de son bras :
- Révèle-toi à moi, puissante Eclina et forme au creux de ma main l'arme tant espérée pour défaire mes ennemis : Épée de la Guerre Foudroyante. Toi, héros des temps anciens, apporte-moi paix et sérénité sur moi en m'offrant ton arme la plus puissante : Épée du Héros Légendaire Avan.
Deux gigantesques épées sortirent du cercle se trouvant face à la paume de la main de la reine, elle les rattrapa en plein vol et se mit en garde.
- Créature de roche, prépare-toi à subir le courroux de mes lames et de leur danse.
Audisélia maîtrisait, comme son chevalier attitré, la danse à doubles épées comme leur avait appris le défunt père de Sawyer, et elle était loin de là mauvaise à l'exercice.
Au sein de l'amphithéâtre, les archimages n'en croyaient pas leurs mirettes. Ils n'avaient pas décelé un tel potentiel chez elle : qui aurait pu croire qu'elle atteignait déjà les frontières de la magie suprême ? La cheffe des archimages se réjouit de la venue d'un tel être parmi eux, elle était bien la fille de sa mère, une anomalie parmi le commun des mortels.
Même si elle dit qu'elle va utiliser l'art de la danse de la double épée, l'espace était trop restreint mais aussi sa taille était bien trop grande pour le faire, néanmoins elle savait ce qu'elle faisait, son sort ne servait pas seulement à l'agrandir. Si elle le voulait, elle pouvait se rapetisser mais elle garderait la même force que lorsqu'elle était grande et aussi les objets qu'elle porte jusqu'à la fin du sort. Cela marche dans l'autre sens, mais cela n'avait pas d'utilité de manière offensive, cela devenait pertinent lorsqu'on se dirigeait sur le sujet du transport– ce sort aurait été utile aux Coursiers lorsque je leur ai demandé de me ramener un carton de bandages et d'autres objets médicaux au lieu de prendre trois semaines à me le faire venir !
Les deux s'élancèrent dans le combat et chaque choc entre les épées projetait de la foudre et des étincelles dans toute la salle de combat, fissurant et craquelant les murs adjacents, mais rien n'y faisait, le soldat de roche restait intact. Alors la reine retrouvant sa taille, encore sous l'influence de son sortilège, elle put pratiquer l'art de la danse de double épée beaucoup plus librement et avec beaucoup plus d'aisance. Attaquant le golem avec des coups beaucoup plus incisifs, mais même avec toute sa force, le golem restait indemne. Cependant, plus elle attaquait son adversaire de pierre, plus elle comprit certaines choses sur son adversaire : elle sentait qu'à chacune de ses attaques, le golem n'était pas totalement invincible, certaines parties de son corps étaient plus faibles que d'autre, mais à la vitesse à laquelle elle allait, elle ne prenait pas le temps de repérer ses endroits. Alors elle vola autour de la créature jusqu'à détecter des fissures qu'elle avait créées sur le chevalier artificiel se rendant compte qu'elle avait réussi à fissurer les jointures du monstre invoqué.
Donc on peut aller jusque-là avec la magie maîtrisée ? Ces archimages ont un sens du détail particulièrement poussé, et j'imagine que ce n'est pas anodin.
Alors Audisélia frappa dans chaque articulation de l'armure du monstre de façon précise, répétée et sabrant toutes les jointures de l'armure du chevalier laissant à découvert ses articulations et son casque qui avaient en leur centre et à la place de ses yeux, des boules de cristal. Elle se douta de là où les archimages du Protectorat Sombre voulaient en venir avec cette nouvelle épreuve, elle allait envoyer des éclairs sur les sphères de cristal mais il la prit par surprise en crachant une boule de feu qui arracha le bras de la reine.
- Hein ? Le chevalier n'est pas censé faire ça ? s'écria l'archimage Faztezia, créateur de la créature de pierre.
- C'est moi qui ai modifié votre sort, indiqua la cheffe des archimages, pensez-vous que la reine des fées-combattantes puissent être surestimée alors que le monde connaît son nom ? Elle n'est pas sa plus belle création pour rien.
Cet homme avait le nez creux puisqu'il avait raison de se douter que la reine avait beaucoup plus de ressources qu'elle le laissait montrer.
Audisélia prit le sang qui s'égouttait de son bras rompu et dessina des runes de renforcement sur son avant-bras et son épaule, celles-ci s'illuminèrent et disparurent, et comme par magie, le bras de la reine réapparut accompagné d'un second. Les deux paraissaient beaucoup plus gros et musclés que l'originel et que son autre bras.
- Si tu penses pouvoir me tuer avec de si simples projectiles...
Elle vola autour de la pièce et dessina un énorme cercle magique au-dessus du monstre de roche qui essayait de la trancher en deux ou de la toucher avec l'un de ses projectiles de feu qu'il crachait abondamment. Le cercle s'éclaira avec diverses inscriptions qui se transcrivirent en son sein. La reine créa d'autres cercles magiques pour toucher les boules de cristal mais cela n'eut aucun effet.
A ce stade de magie, elle ne pouvait manquer de puissance alors il devait s'agir d'autres choses. Ce n'était pas la puissance qui lui manquait mais la synchronisation de ses attaques. Elle avait bien fait alors de créer cet immense cercle magique. Elle plaça les cercles de foudre face à chaque boule de cristal et commença à incanter son troisième sortilège de foudre le plus puissant. Un énorme nuage noir de foudre commença à naître juste en dessous du cercle magique et celui-ci grondait bruyamment, l'orage qui allait s'abattre sur la créature serait dévastateur, les torches de luxinite se mettaient à clignoter à cause de la perturbation magique créée par la reine. Son corps s'électrisa, ses yeux s'illuminèrent d'un vif bleu étincelant, ses pupilles brillèrent d'un jaune éclatant.
- Déesse de la foudre du panthéon de Yuliacina, Eclina, toi qui déchaînes la mort et la désolation sur tous champs de bataille, accorde ta toute-puissance pour faire abattre ta colère sur mes adversaires : Ravages des Cieux de Lotenina !
Un immense éclair de foudre sortit du nuage mais cet éclair se scinda en plusieurs se laissant conduire jusqu'aux cercles d'incantation magique que la reine avait placés devant les boules de cristal puis les éclairs reprirent la forme et la puissance de l'éclair initial et percutèrent les articulations du géant de pierre et détruisirent toutes les boules de cristal. Le chevalier s'écroula sur lui-même et fut réduit en cendres.
Des trompettes retentirent et jouèrent une musique en l'honneur du succès de la reine Audisélia et sa victoire fut annoncée.
- Dernière étape de l'Épreuve de Magie Suprême : Reine Audisélia Vanguard... Grave, vous êtes acceptée à rencontrer les archimages du Protectorat Sombre.
Un nouveau cercle magique aux couleurs chatoyantes apparut au centre de la pièce, la fée reconnut le cercle de téléportation, c'était le même genre de cercle que Sab'ies employait pour les transporter – plus depuis que les agents d'espionnage, les gardes et la Défense n'avaient pas réussi à le retrouver et que désormais, on devait compter sur Sawyer.
Elle secoua ses deux bras droits pour qu'ils ne fassent plus qu'un et se rendit au centre du cercle magique. Elle fut instantanément télétransportée dans l'amphithéâtre où se trouvaient les archimages. Elle regarda autour d'elle et devait compter une centaine d'archimages, tous vêtus de capes violettes et noires, le groupe avait la particularité d'être composé à grande majorité de femmes mais surtout de lapisdères : une race de lapin à apparence humaine qui avait pour trait le nez des lapins, leurs moustaches, leurs pattes et leurs grandes oreilles et... les poules... de grandes créatures ailées à l'apparence de harpies, à la chevelure composée de plumes dont la couleur était variable selon les poules, de grandes pattes d'oiseau et d'ailes plumés sur le dos – elles avaient réussi à évoluer pour pouvoir générer des bras et pas seulement des ailes avec lesquelles elles avaient du mal à tenir un stylo. Voici à quoi ressemblait l'assemblée des archimages du Protectorat Sombre.
Des gobelins sortant d'étranges pénombres foncèrent sur la reine et lui attachèrent des menottes avant de retourner dz retourner dans leurs ténèbres avec les deux épées invoquées de la reine.
- C'était quoi ça ? dit la reine.
- Rien, lui répondit la cheffe des archimages, une assurance que tout se passera bien, vous pouvez voir que les menottes ne sont pas attachées entre elles.
Pourtant la reine ressentit une étrange pression sur sa poitrine, mais elle mit cela sur le compte de sa grande utilisation de pouvoir magique et qu'il y a à peine quelques minutes, elle était au bord de l'asphyxie.
- Venons-en aux présentations !
Une lumière éclaira une table composée de trois poules et deux lapisdères et en fond, distal à la table se trouva, sur une petite plateforme, un siège où résidait la cheffe des archimages, un être qui paraissait ressembler autant à un homme qu'à une femme, à la longue chevelure blonde, aux lèvres pulpeuses et au regard flamboyant. Elle guetta la reine avec beaucoup de curiosité, le menton posé sur le dos de sa main, un sourire en coin.
- Je me présente : Ferastekli Lucie, la Grande Sorcière de Nosra Belii. Pour les pronoms de désignation, vous faites comme bon vous semble. Nonobstant, ici, on me qualifie d'homme, alors faisant de même pour ne pas troubler l'environnement de calme de ce lieu.
En la voyant, la reine ressentit un certain malaise. Même en la sondant, elle n'arrivait pas à savoir si elle était une personne fiable ou non, une personne puissante ou non. Ses poings se serraient instinctivement prête à partir à la charge.
- Tu es la première à réagir ainsi à ma vue, Audisélia, nota Lucie, tu es bien différente de tous ceux que nous avons pu recevoir ici, s'amusa-t-elle, mais avant que nous allions plus loin, présente-toi à nous pour les malheureux qui ne te connaîtrait pas, ma chère reine.
- Vous avez bien du culot à me tutoyer en connaissant mon statut, dit la reine en ayant un petit nerveux, mais avant que je me présente, vous m'appelez depuis tout à l'heure Audisélia, alors je voudrais savoir vous attendez que je me présente à vous de quelle façon ? En tant que reine de Sylvania, protectrice du Protectorat, l'Abominable Arme du Royaume des Fées, mère du fils de ma meilleure amie...
Elle se devait de la placer celle-là... j'en ris presque !
- ... ou fille de la Félonne, Marrynélia Grave ?
- Hé bien..., dit un autre archimage.
- Connaissez-vous mon âge pour vous dire que je suis sa fille ? Est-ce parce que ma ressemblance avec elle vous ait visible malgré le sort d'illusion ? Ou que vous avez des informations auxquelles je n'ai pas accès ?
- Quel âge as-tu pour parler de la sorte ? se révolta l'archimage Tyzeni, crois-tu...
- Soixante-seize ans ! le coupa la reine Audisélia, j'ai soixante-seize ans ! Est-ce que j'ai la gueule d'avoir plus de cinq cents ans ? C'est impossible que j'aie un âge aussi avancé puisque vous savez que je suis soumise comme les autres habitants à la limitation d'âge hasardeuse et le morpho-changement des fées-combattantes que vous avez mis sur notre royaume lors du règne du Troisième Roi-Combattant à sa demande. Donc cessez de croire que je suis la fille de la Félonne Marry Grave, je suis la fille de Torn Vanguard et Audisélia Vanguard.
Un grand silence régna dans la pièce qui s'ensuivit de murmures assourdissants provoqués par les interrogations des archimages. Lucie était amusée par le regard noir que lui lançait la reine, ce qui agrandit son sourire en coin. Elle tapa dans ses mains et se rassit droit, se tenant droite, main sur ses accoudoirs.
- Un sosie, hein ?
- Un sosie est seulement un sosie, lui rétorqua la reine.
Ferastekli Lucie eut un sourire en coin, mais ne dit rien plus à ce sujet.
- Très bien. Alors, au nom de tous, je m'excuse pour la malencontreuse erreur et supposition que nous avons pu faire à ton égard, vingt-sixième reine de Sylvania.
- Je vous en remercie.
- Heureusement que nous t'avons mis ses menottes sinon je ne sais quelle attaque tu aurais pu nous envoyer avec tes décharges électriques non magiques qui sortent de ton corps.
- Hein ?
Depuis tout à l'heure, elle sentait un poids dans sa poitrine, mais elle pensait que cela était dû à l'alternance de magies de classes différentes qu'elle avait faite à intervalle rapprochée mais, avec la remarque de la cheffe des archimages, elle comprit que la Grande Sorcière de Nosra Belii lui avait fait quelque chose. Elle tenta d'utiliser son attribut génétique mais cela fut sans effet, il était bloqué, inhibé.
- Mesure de sécurité, lui notifia Lucie, nous connaissons ta colère légendaire. Bien que nous soyons de puissants archimages, il serait tout de même risqué de se battre avec toi si tu es sans retenue. Surtout si tu es une Talorich.
- Une quoi ? demanda Audisélia interloquée.
- Une ancienne race qui a vécu dans la dimension des Féériques auparavant, lui expliqua Rztak, si on qualifiait les Enfants Solaires de race la plus puissante de l'univers, imagine ce qu'on devrait dire lorsqu'un seul de leurs représentants a exterminé toute une planète d'Enfants Solaires.
- Désolée de vous décevoir, même si je suis forte, je suis une fée pur-sang provenant de Java-Aleim.
- Ah bon ? s'écria la cheffe avant d'éclater de rire, tu es à mourir de rire, ma petite Sélia.
- Ne vous ai-je pas dit de ne pas m'appeler ainsi ? grogna Audisélia.
- C'est vrai, désolé, excuse-moi, ma mémoire me fait défaut devant les fabulateurs. Mais tu es jeune, il est normal que tu aies quelques petits complexes.
Audisélia voulut répondre mais Lucie l'arrêta en levant sa main et retrouvant son sérieux. Elle se leva et sauta jusqu'à une rangée en hauteur d'archimages, une lumière l'éclaira et Audisélia put apercevoir le costume clownesque que portait l'homme aux cheveux d'or et aux yeux magenta.
On disait d'Audisélia qu'elle était excentrique mais ce qu'elle voyait face à elle, virevoltant, dansant gracieusement et sautillant partout la dépassait complètement.
Lucie se dirigea contre une barre en bois et s'y accola.
- Néanmoins, nous n'allons pas tergiverser plus sur cette dispute qui ne mènera nulle part. Avant que nous procédions à ton entraînement à la magie suprême, Dame Audisélia, dis-nous la raison de ta venue sur ces terres de cauchemar. Je n'imagine pas que tu es venu comme ta devancière pour le savoir en lui-même, s'amusa sieur Lucie.
- À l'aide de vos connaissances et de Pluton...
Non ce n'était pas ainsi qu'elle devait le dire. Elle était Audisélia II Vanguard, la vingt-sixième reine de Sylvania, l'arme vivante de Sylvania, la championne du tournoi interdit de Madrianapura.
Elle souffla du nez, pris une pose de vaillante guerrière princière et pointa son torse avec son pouce.
- J'ai besoin de m'élever à la magie suprême et même ancestrale pour exterminer Némésis Prime et Proto-Némésis.
C'est de cette façon que la reine Audisélia devait montrer sa détermination, ce qui ne manqua pas de charmer son interlocuteur et de faire s'esclaffer l'ensemble du public.
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