Retour sur Audisélia|Ses derniers instants de la reine

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[Deux mois et une semaine avant la destruction d’Octobre]

Une semaine s’était écoulée depuis l’élection de la nouvelle reine. Audisélia avait assisté au décompte des votes et avait été surprise par le résultat, mais cela était une bonne chose… Elle aura fait de son mieux pour en arriver là.

Elle allait devoir bientôt donner sa belle couronne et le dessin de son couronnement qui s’affichait sur son front et au-delà de sa chevelure allait finir par disparaître.

Toute seule, dans la salle de réunion, après avoir congédié ses anciens conseillers pour procéder convenablement au dernier préparatif du couronnement de la nouvelle reine, cette dernière était pensive.

Environ quarante ans environ s'étaient écoulés depuis son couronnement. Quarante longues années dont les quinze premières ont été les plus difficiles puisque dirigeant à peine le royaume, quarante longues années à résoudre des conflits internes et à participer à des conflits externes, elle contribua grandement à l'amélioration du mode de vie de son royaume, bien que de nombreuses personnes étaient réticentes à l'idée d'importer des technologies humaines, elle a prouvé sa détermination, son courage, son intelligence durant son règne permettant cette ère de paix qu'elle a pu établir dans cet état cosmopolite.

Mais elle savait déjà que ce que retiendront ses contemporains et ceux qui la succèderont sera ni plus ni moins que cette étrange force qui dépassait l’entendement. Il était déjà peu commun qu’une fée puisse tenir tête à n’importe quelle créature pourvue d’une force normale, bien que la magie aidant, comme le sont ses congénères fées-combattantes, mais qu’une fée sois capable d’accomplir les exploits qu’elle a pu faire durant sa vie était tout bonnement impossible : abattre une armée entière d’orcs, raser un royaume d’une simple levée de main, être presque capable de contrôler la colère des cieux ténébreux en les faisant gronder ou les apaisant… en plus de ses capacités hors du commun et de son intellect hors-norme. Il n’y avait pas à dire, la légende d’Audisélia, vingt-sixième du royaume de Sylvania, autoproclamé Haut Protectorat des Féériques de tous horizons.

Néanmoins, à la fin, que restera-t-il ? Retournerait-elle dans le terrier où Caemgen les a trouvés, elle et son protecteur ? Ou pire dans le cocon où Torn l’avait sortie ?

Mais qu’est-ce qu’elle racontait ? Cette époque est révolue depuis longtemps ! Et de toute manière, elle avait un objectif en tête depuis bien longtemps, et la prédiction de l’oracle Sybille ne l’avait fait que l’accélérer. L’argent qu’elle avait dérobé dans les caisses de l’État était bien caché dans un coffre que Sawyer et elle récupéreront à leur départ pour acheter cette arme légendaire que devrait leur fournir celui qu’on nomme le Forgeron de Guerre pour accomplir le rêve qu’elle espère tant réaliser depuis le départ d’Elena.

Avant tout cela, il faudra qu’elle termine son apprentissage dans le Protectorat Sombre, elle en est à la phase finale, et elle ne devrait pas se louper. Après cela, il faudrait qu’elle fasse taire cette mauvaise intuition qu’elle a, à chaque fois qu’elle s’y rend. Quelque chose de malsain rode là-bas…

Cependant, il y avait quelque chose qui la turlupinait depuis le départ du Héros… C’était cette discussion, dans les Limbes, avec cette femme.

Le jour du départ du Héros, l’ancienne reine Audisélia, comme vous le savez, s’est rendu dans les Limbes pour y voir une mystérieuse prisonnière qu’elle avait agressée et qu’elle avait appelé « mère ». Douze ailes de fée sur le dos, yeux ficelés, chaines lui traversant le corps de part en part, la lumière qui se trouvait derrière qui ombrageait son corps et la rendait encore plus effrayante à regarder. Aucune bienveillance n’émanait de ce corps qui tenait plus du cadavre que de l’être vivant et majestueux que devrait être une fée de sang royal.

Audisélia retenait les décharges électriques remplies de sa rage de déferler dans chaque recoin de cette prisonnière, la main de la fée, tremblant de haine, agrippant le cou de son « hôte ». Ses cheveux pastel tombaient devant ses yeux qui lançaient un regard noir à cette femme qu’elle haïssait plus que tout.

- Je ne pensais pas que tu me le redirais un jour…

- La ferme ! lui hurla la fée, vos envies, espoirs et autres fantaisies n’entreront pas en ligne de compte de cette conversation ! C’est clair ?

- Du calme, jeune fille, ricana la prisonnière, tu te mets en colère contre moi comme si j’avais fait quelque chose de mal…

Audisélia lui agrippa les joues et referma fermement ses doigts sur sa mâchoire. Les yeux injectés de sang, elles serraient les dents, les membres animés par la colère. Si elle se laissait aller à la colère, elle pourrait lui exploser la tête, mais cela serait une très mauvaise erreur.

- Depuis combien de temps tu manipulais Globox ? l’incendia Audisélia.

Le sourire arrogant de l’inconnue enchaînée disparue puis s’énerva :

- Depuis que tu étais dans le ventre de ta mère !

La reine sursauta et s’éloigna rapidement de son interlocutrice, se préparant au combat. La prisonnière éclata de rire, faisant trembler ses chaines et se balançant d’avant et en arrière.

- A ton grand âge, tu as encore peur ?

- Ne jouez pas à cela avec moi.

- Le vouvoiement… Tu t’es rappelée qui j’étais le temps d’un instant, hein, sourit la fée aux douze ailes, idiote que tu es… Tu es censé être une version supérieure en tout point de Rosalie, et tu n’arrives même pas à m’égaler ?

- Vous vous… Tu t’embrouilles. Il n’a jamais été question de cela.

L’interlocutrice d’Audisélia releva la tête, circonspect.

- Ah bon ? réfléchit la détenue, tu as sûrement raison. Cela fait bien trop longtemps que je n’ai pas vu la lumière d’une quelconque source, que je n’ai pas quitté cette pièce faite de pierres d’anti-pouvoir, que je n’ai pas senti le monde que nos dieux ont créé, le bruit des esprits élémentaires gambadant dans la nature, équilibrant ces terres…

- Et cela ne risque pas de se produire un jour.

- Moi, vivante, tu ne quitteras pas ces sous-sols. Si tes fidèles étaient un dragon, nous pouvons dire que nous avons ficeler ses jambes et couper leurs têtes.

- Belle analogie, mais en langue commune, cela donne quoi ? As-tu tué ce gros porc de Globox ? Bien sûr que non. Quand arrivent les choses concrètes, lorsque tu dois agir avec fermeté, de façon adulte, tu n’as de cesse de fuir tes responsabilités, déléguant tes tumultes à autrui… Regarde la gamine que tu as condamnée ! En plus, tu t’es mise en tête d’être parent…, se moqua l’enchaînée.

- Je crois n’avoir pas demandé de conseiller venant de toi, la rabroua Audisélia, surtout après ce qu’il s’est passé pour ta fille.

- Pourtant tu dresses face à moi, Rosalynélia.

- C’est cela… Finalement, cette discussion n’a abouti à rien alors je ferai mieux de m’en aller.

La reine-fée tourna les talons et s’en alla vers la sortie, lorsque son hôte l’appela, l’arrêtant.

- Jeune fille… Je ne suis pas de ton côté, mais je vais t’avertir d’une chose : si tu n’as pas été capable de savoir qui était tes ennemis au sein de ton royaume, ne t’attendant pas à ce que ton projet aboutisse, car pour l’exécuter, ça n’est pas qu’une question de force, même si tu es encore trop faible pour te mesurer à lui, même à moi en fin de compte. Dis-le aussi au gamin qui te sert de substitut de fils, ça devrait l’intéresser.

Audisélia resta immobile, interdit, le regard fixe envers cette femme dont n’émanait aucune bonté, l’aura qui l’enveloppait pourrait faire frissonner n’importe quel grand guerrier de ce royaume – et supposer que la reine en était indifférente serait un terrible mensonge.

- J’en prends note, finit-elle par dire, j’en parlerai aussi au fils de Torn.

- Étant donné que je t’ai rendu service, il prendra quelque ch… Attends…

La prisonnière s’arrêta de parler un instant avec d’ouvrir grand la bouche.

- Au fils de qui ?

- De Torn. Vous…

Soudain, la voix d’Audisélia disparut… Elle qui, depuis le début de son entretien avec cette personne, avait le regard dur et ferme se décontracta, car l’anomalie qu’elle avait sous les yeux, lui fit oublier toute la malveillance qu’elle pouvait ressentir de la prisonnière. Bien que les paupières de ses yeux soient ficelées comme celles d’une tête réduite, qu’elle arborait un sourire malicieux, que ses douze ailes ombrageaient la pièce, ses menaçantes griffes au bout des doigts et des pieds, Audisélia vit les commissures des lèvres de cette fée tremblaient et une goutte perlait le long de sa joue droite.

- Qui est-il ?

Sortant de son hypnose, la colère d’Audisélia revint aussi vite et tourna cette fois-ci le stalons définitivement.

- Je n’ai pas le temps de vous réconforter comme à mes quatorze ans.

- Rosalyn ! l’appela la prisonnière, Rosalyn ! ROSALYN !

Audisélia sortit de la cellule de cette prisonnière hautement surveillée, et ordonna aux gardes de la faire dormir et d’étouffer tout bruit provenant de sa cellule, avant de remonter aux étages supérieures.

Que lui arrivait-elle, bon sang ? se demanda Audisélia, perd-elle la mémoire ?

­D’un coup sec, les portes de la salle de réunion s’ouvrirent dans un grand fracas, sortant l’ancienne reine de sa réflexion et un troupeau de gardes vient à la rencontre d’Audilsélia.

- Qui a-t-il ? demanda la reine.

Le chef de la police militaire et le chef des gardes royaux se présentèrent face à elle, le chef des gardes royaux, une fée aux ailes vert clair du nom monseigneur Kalavel, déroula un papier qui était manifestement un décret royal. Les gardes pointèrent leurs armes en direction d’Audisélia. Celle-ci ne comprenait pas ce qu’il était en train de se passer.

- Ancienne monarque du Protectorat Féérique, vingt-sixième reine du royaume de Sylvania, Audisélia II Vanguard, aussi connu sous le nom moins connu de Rosalienélia Grave, vous êtes en état d’arrestation.

Oh ! Hein ?

- Hein ? Quels sont les motifs de cette arrestation ?

C’est le chef de la police militaire, une fée à la cicatrice noire qui couvrait l’ensemble de son front, qui prit la parole.

- Vous êtes en état d’arrestation pour corruption, vol, crime contre la fééricité, mais surtout pour complicité d’assassinat, allégeance à groupuscule recherchant à renverser l’état et assassiner une princesse et la souveraine et, plus important, filiation avec la Grande Félonne.

Finalement, ce n’est pas de la manière dont le présageait la reine que les gens de son royaume allaient se souvenir d’elle.

Ce n’est pas médium qui veut.

Les dictons ne sont pas tous mensongers : « Sous les cieux, aucun secret n’est éternel. ».

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