Début de la finale des princesses
Deux jours après la réception de la mystérieuse lettre par la Fée, le jour tant attendu était arrivé : la reprise de la course pour le trône de Sylvania.
Dans la salle de réception royale se trouvait les cinq finalistes du tournoi qui a pu montrer la férocité, l’ingéniosité, le courage, mais surtout, la détermination et la puissance des bras droits des potentielles futures reines du royaume Féérique. Cette fois-ci, ce qui décidera de la gagnante de cette “course”.
En cette belle journée, les prétendantes au trône de Sylvania étaient venues seules car en cette dernière partie du tournoi, ceci ne les concernait qu’elle. Parmi ces princesses se trouvaient certaines que vous connaissez déjà comme : Mananélia Diasirée, grande rivale de la fée aptère du Sanctuaire, son fidèle champion n’est autre qu’Al-Ryanis, un ogre dont la force n’est plus a prouvé, il était d’une férocité infatigable malgré son insoupçonné gaîté.
Comme à son habitude, lors de sa venue dans la salle de réception, elle ne se fit pas prier pour se faire remarquer : elle était venue avec ses suivantes et servants pour assister à cette cérémonie, l’un d’eux annoncer son arrivée ceux-ci lancer des fleurs sur son passage jusqu’à la table ronde au milieu de la pièce, pendant que Mananélia, tout sourire, le visage radieux avec un soupçon de maquillage, relevait dignement sa robe de velours rose pour ne pas marcher dessus. Il était sûr que Al-Ryanis n’était pas au courant de cela sinon, il l’en aurait empêché - il détestait l’extravagance, le minimalisme était une meilleure preuve de goût pour lui. Il fallait voir la tenue qu’il avait prévu de mettre pour ses combats, on était sur du paysan beauf par excellence, heureusement que l’extravagance de sa princesse a réussi à rattraper le tout pour qu’il est une tenue décente digne de son statut de champion.
Mananélia s’installa sur l’un des sièges et attendit la venue des autres concurrentes. Ce qui ne mit pas très longtemps.
La prochaine venue était un nom que vous n’avez sûrement dû jamais entendre auparavant durant mon récit, mais elle était bien connue parmi ses contemporains : Lavemmelia B’chiret. L’une des seules fées de ce royaume à porter des lunettes. Elle était une fille très intelligente et très jolie, elle avait des cheveux frisés brun rose bonbon, de beaux sourcils fins qui s’assortissaient bien de ses longs cils marrons. Elle possédait, ce que qualifiait les fées de Sylvania l’une des nombreuses anomalies de Java-Aleim, un teint bronzé. Anomalie car la pureté de l’arbre ne devrait donner qu’u seul type de fées : féminin et ayant la carnation des Trois Rois-Combattants, ainsi que la même couleur de cheveux, de yeux, d’ailes… mais quelque chose semblait s’être vraiment mal passé lors de la conception de l’arbre magique de naissance. Néanmoins, elle ne subissait pas la même discrimination que la fée aptère, elle n’était pas la première fée bronzée que les habitants de ce royaume autarcique avaient pu observer étant donné les nombreux voyages de Lily. Elle aussi fut annoncé à son arrivée, bien sûr, avec moins d’apparat que sa prédécesseuse. Elle était dans l’élégance. Ce qui plaisait fortement à Al-Ryanis.
Puis vinrent deux nouvelles venues, deux des amies de la première fée à être arrivée dans la pièce : Marinenélia Ra'Ajirar et Roxannélia Begleiter.
L’une aussi avait la particularité d’avoir le teint bronzé malgré ses cheveux lisses, brun aux pointes blondes, ses ailes étaient pourpres et marronnes, son corps était plutôt fin et élancé, ses membres étaient d’une vive élégance, ce qui ajoutait, à ce que disaient certains, à sa beauté et sa mignonnerie. Mais ne la prenez pas pour une enfant, elle est l’une des jeunes filles qui composaient les finalistes du tournoi des futures reines, cela vient sans doute de son éducation spartiate où elle a été éduquée à être une souveraine en vue de ce jour tant attendu. Elle était celle qui dont l’appartenance se rapprochait le plus de ce qui s’apparentait à une élite dans le monde humain – si ce n’était pas pour dire que c’était une caste secrète qui avait des vues sur le royaume et avait des alliances à l’extérieur de celui-ci. Je ne me permettrai pas de sous-entendre qu’elle était une manipulatrice et qu’elle avait approché le Héros avec une pensée cachée, mais… je vais juste que c’est bizarre… Même lui se demanderait la même chose – peut-être se l’est-il déjà demandé étant donné sa constante paranoïa. Pour faire simple, elle était un être à absolument pas sous-estimé.
Et concernant Roxannélia Rosélia Begleiter, vous connaissez déjà son tempérament impétueux avec autrui, bien qu’elle ait un bon fond, elle n’en restait pas moins froide et agaçante, malgré tout, le Héros appréciait sa compagnie car elle était très susceptible. Et elle aussi ne dérogeait pas à la règle des finalistes de ce tournoi, elle l’une des filles ayant eu les meilleures résultats dans sa classe, que cela soit en cours de magie théorique ou pratique, les sciences ne l’intéressaient pas plus que cela mais elle révisait assez pour que cela n’affecte pas ses évaluations. Son tempérament aigri et bagarreuse ne la désert pas totalement puisqu’elle sait se faire respecter par autrui. Et avec son intelligence, elle aurait pu devenir une Karyoten de type agressive vu ses tests d’aptitude en stratégie et ses capacités intellectuelles. Bien sûr, elle ne restait pas en reste en beauté, et selon le Héros et ses gouts en matière de femme, elle était encore plus belle que la Fée lorsqu’elle enlevait sa paire de lunettes, sa coupe courte brune et rosée était en adéquation avec ses ailes d’un bleu ciel marquant parsemés de disques presque aux extrémités.
Toutes des beautés qui se devaient de mettre en valeur leur future position royale et être à l’effigie de ce royaume.
Cependant, il manquait juste une personne. Elle n’était pas en retard, mais conformément aux règles tacites qu’elle se devait de respecter en tant que sans ailes, la Fée se devait d’être en retard de quelques minutes. Une sorte d’inconvenance qui permettait aux autres fées de l’humilier car elle ne respectait pas les codes et étaient, par définition de son être, une dégénéré incapable de respecter leur étiquette.
Néanmoins, ce jour-là, à son arrivée, aucune des fées ne l’insulta ou se moqua d’elle. Elle pouvait bien la toiser du regard, mais, son champion et elle, avaient prouvé leur force pour être arrivés jusqu’ici. Elles savaient grâce à leurs espions, que même s’il était le héros de la légende, elle avait participé à ses entraînements et que tous les deux avaient progressé bien que la Fée n’eût pas eu l’occasion de montrer ses progrès, mais son heure était arrivée. L’heure de montrer qu’elle était digne de prendre le trône et d’obtenir l’objet de son désir le plus cher. Elle avait vécu jusqu’à maintenant pour ce jour tant attendu et qui était arrivé plus tôt que prévu.
À l’annonce de son « nom », elle s’avança rempli d’une détermination jamais vue dans son regard de fée esseulée et sans ailes, transpirant l’opiniâtreté et la hardiesse, bien que son cœur soit tremblant, elle ne resterait pas sans rien faire après les efforts surhumain qu’avait fait le Héros pour combattre celle dont il avait éprouvé la bravoure avec la plus grande des forces au point qu’il dût user de ses pouvoirs héroïques et démoniaques provenant du Némésis pour la combattre à pleine puissance. Elle avait vu dans son regard, ses lamentations à briser les espoirs d’une femme ayant pour rêve de sauver les siens de la pauvreté et de la criminalité. Alors si elle doit accomplir son rêve égoïste, elle le ferait sans remord, et accomplira la dernière volonté du Héros avant son départ d’aider son homologue des Basfonds.
Elle s’assit sur la dernière chaise des invités autour de la table. Alors que d’habitude, elle aurait baissé les yeux face à ses adversaires, honteuse d’exister, cette fois-ci, elle leur tint tête comme le Héros l’avait encouragé à le faire, en toutes circonstances. Elle ne devait surtout pas perdre confiance en elle dans chaque aspect de sa vie, sans pour autant être orgueilleuse.
La tension autour de la table était si forte, qu’elle en donnait des nausées aux cinq fées réunis autour de la table, aucune once de moquerie ou d’arrogance ne pouvaient sortir de leurs clapets d’insolente. La confrontation ne se ferait plus par champions interposés mais en face à face.
Mais la tension s’amplifia lorsque la reine de Sylvania, Audialia II Vanguard, daigna montrer sa face. Les deux portes qui étaient face au dos de son siège où elle allait s’assoir, retentirent comme une explosion. Deux yeux brillants d’un bleu turquoise scintillant brillèrent au-delà du concevable, un regard à en percer les cieux. Vêtue d’une robe jaune étincelante, perlée de gemmes brillantes, le cou bordé de bijoux et de fleurs rares, quatre roses pour chacun des rois bâtisseurs de ce royaume, ceux qui ont refusé de vivre sous le joug de ces Hommes imbus d’eux-mêmes et qui se sont crus supérieurs à eux. En allant au-devant de ses sujettes, elle vêtit le masque de sa jeunesse, un masque ressemblant à un bouclier d’or à la forme d’une maison renversée, surmonté d’une série de couronnes qui entourait sa tête. Il était constellé d’inscriptions magiques et ne laissait entrevoir que les lèvres de son propriétaire, faisant disparaître tout autre attribut de son visage, ne laissant entrevoir que ses oreilles et ses cheveux pastel.
Aucune des fées ne l’avait jamais vu avec, et cela était bien normal puisqu’elle ne l’avait porté qu’un court temps, durant sa jeunesse lorsqu’elle devint reine.
Elles ne l’auraient jamais cru, mais revêtant ce masque, la reine en était encore plus imposante, aucune émotion n’était discernable sur son visage. Si elle paraissait déjà terrifiante sans, alors avec, sa ressemblance avec la figure de la déesse implacable Eclina n’en était que plus saisissante – alors qu’elles n’avaient jamais distingué de ressemblance avec elle, d’où pouvait provenir d’autre cette terrible frayeur ?
Fermant sa marche vinrent les gardes royaux, les Saints Chevaliers de la reine guidés par leurs chefs, les principaux ministres du royaume, ainsi que le conseiller de la reine. Tous s’alignèrent au-dessus de la reine, sur des estrades, debout, droit et inflexibles : voici l’élite du royaume de Sylvania.
Le manque de Globox était visible, et sa place n’avait toujours pas été prise. Pour le royaume, il était mort en affrontant les sous-fifres de cette secte qui voulait prendre la tête de la Fée. La reine ne se voyait pas déshonorer le souvenir de l’un de ses meilleurs amis, même s’ils ne s’entendaient pas toujours, il avait toujours été d’une aide précieuse et de précieux conseils. Un ignoble personnage au cœur d’or, manipulé par cette odieuse…
La reine s’installa sur son siège et fit face aux cinq finalistes.
- Mes chères enfants, mes chères filles, mes chères princesses-fées… Je vous souhaite la bienvenue pour la finale du tournoi à la succession du royaume de Sylvania. Je vous félicite pour votre performance jusqu’à maintenant, ou devrais-je dire, vos champions ont eu de très belles performances vous rendant merveilleusement honneur. Nous avons déjà eu cette discussion, auparavant, sur l’utilité de l’épreuve, mais je ne crois pas que vous avez été franchement utile pour vos champions, à part être une source de motivation.
- C’est faux, ma reine, protesta la princesse Roxanne Rosélia, j’ai établi plusieurs stratégies avec mon champion pour pouvoir contrer nos adversaires, analysant leurs comportements pour lui permettre d’être avantagé.
- Intéressant, dit la reine, il est rare que les princesses prennent en compte de l’utilité d’assister aux combats des champions adverses.
- Vous voulez dire que cela était totalement délibéré de nous contraindre à regarder tous les combats ? demanda Lavemmelia.
- Exactement, lui confirma Audisélia avec un hochement de tête, peu de princesses prennent au sérieux ces combats ne comptant que sur leurs champions pour les mener à la victoire alors que, à l’instar, d’un Karyoten, vous vous devez de planifier divers stratégie pour combattre vos adversaires, que cela soit sur le terrain… ou en dehors.
- Que voulez-vous dire ? demanda une autre princesse.
- Que manifestement, vous n’avez pas remarqué qu’aucune règle n’interdisait de s’en prendre à un champion en dehors du tournoi, que cela soit dans la nuit noire, ou en plein jour.
- Mais cela nuirait à la réputation de ladite princesse, si nous agissions ainsi, notifia Marinenélia.
- Peut-être, mais cela serait à ladite princesse d’en assumer les conséquences si elle était arrivée à votre niveau. Vous avez bien assimilé le concept de réputation depuis votre tendre enfance, et vous n’avez que porter attention à cela, ce que je déplore affreusement.
- Pourquoi cela ? demanda Mananélia, la réputation d’une princesse est la chose la plus importante pour une princesse, voire pour une reine, ajouta-t-elle d’un ton sarcastique, c’est ce que l’Histoire et les gens se rappelleront notre vivant jusqu’à notre mort. Nous ne pouvons nous permettre de la ternir. Les choses, que vous nous demandez de faire, sont gérées par autrui, des gens personnes engagées pour s’occuper de cela, nous déléguons ces vils travaux aux personnes adéquats…
La reine eut un petit rire.
- Qu’y a-t-il de drôle dans ce que je dis ?
- Ce qui est drôle, c’est que vous pensez que le rôle de reine n’est juste que de l’apparat, de la performance vocale, se montrer au peuple et agiter la main… Je sais que vous ne prendrez pas part au combat lorsque nos soldats iront au front, et je ne vous le reproche pas. Cependant, il y a une chose qu’il va falloir que vous vous mettiez dans le crâne : être reine, peu importe le royaume, n’a rien d’un conte de fée, comme dise les humains. Que notre royaume soit une monarchie matriarcale ne change rien à la dure réalité de celle-ci : comme dans tout gouvernement, les rats infiltreront le navire et, à la nuit tombée, s’empresseront de vous dévorer les membres à petit feu jusqu’à que vous en perdiez totalement l’usage avant de se presser de vous attacher à des fils pour assouvir leurs plus noirs désirs, en faisant de vous leur marionnette. Vous ne serez plus que l’instrument de leurs jouissances personnelles alors que ce n’est pas votre rôle. Et d’autres rats auront d’autres ambitions, ils voudront votre tête s’ils ne vous trouvent pas utiles, et mutineront pour vous faire chuter et mettre quelqu’un qui leur sied mieux. Après tout, c’est ce qui est arrivé, il n’y a pas si longtemps.
- Comment ça ? demandèrent les princesses.
Audisélia inspira un grand coup avant de leur révéler la vérité derrière la mort de Globox. Du début à la fin, elle débitant son script sans aucune émotion, comme une machine, énonçant simplement son texte, déclarant les faits rien que les faits et n’omettant aucun détail obscur, que ça soit la secte de Marrynélia, la mort de Thoosa, l’utilisation de jeunes enfants des Basfonds pour alimenter une dague servant à je ne sais quel rituel… Tout cela les princesse-fées l’apprirent et elles n’en croyaient pas leurs esgourdes. Elle leur révéla tout, sauf une chose : que la reine maléfique s’était « réveillée » de son sommeil.
Une petite voix se lança dans le silence qui suivit la déclaration de la reine.
- Qui… Qui a découvert la supercherie ? demanda la Fée-Sans-Nom.
- Si tu me le demandes c’est que tu doutes bien de qui y a participé, dit la reine avec un petit rictus en coin qui disparut aussitôt, mais nous en parlerons un peu plus tard dans la conversation. Mais vous voyez qu’il y a des tas de choses qui se sont déroulés sous votre nez sans que vous le sachiez.
Roxanne se leva de sa chaise et frappa, de ses deux mains, sur la table en s’écriant :
- Pourquoi nous avoir menti ? Pourquoi avoir menti aux citoyens de Sylvania, reine Audisélia ?
- Crois-tu, réellement, que révéler aux citoyens que l’un des proches de la reine complotait son assassinat et l’assassinat des princesses de ce royaume pour ramener à la vie, la pire menace que ce royaume n’est jamais connu aurait été une bonne idée ? Qu’une secte se réunissait en sa gloire ?
- Pas vraiment.
- Je comprends votre stupeur, mais le monde des rois n’est pas celui des simples citoyens. Et les complots sont la première chose à laquelle vous devriez faire attention. Ne vous laissez pas guider par vos émotions comme avait pu le faire la princesse Thoosa, paix à son âme, qui a commencé à mettre en place un plan pour sa victoire mais s’est laissé engrainé dans une futile amourette. Si vous vous intéressez tant à votre réputation, qu’on ne se souvienne pas de vous car vous avez laissé entrer l’ennemi dans votre demeure à cause d’un amour inutile.
Toutes hochèrent la tête.
- Et ne croyez pas que je ne sois pas au courant des complots que mijotent vos familles pour prendre plus de pouvoir qu’elles n’ont déjà…, clarifia la reine.
Certaines déglutirent en entendant cela. Il était évident que l’enjeu politique de la prise du trône de Sylvania n’était pas qu’un jeu d’enfants voulant devenir reines et chevaliers royaux.
- Mais, cela ne m’intéresse pas plus que cela si cela n’interfère pas avec la bonne tenue du royaume, et de toute manière, nous y reviendront lorsque nous parlerons du mécénat durant votre dernière épreuve. Et pour revenir et terminer définitivement sur cette histoire, justement d’Histoire, et de réputation, connaissez-vous ce masque que je porte sur le visage ?
Toutes répondirent par la négative.
- C’est bien que vos histoires de réputation ne tiennent lieu que de racontars pernicieux et de nuisibles critiques, dit la reine en ayant un léger spasme à la commissure de sa lèvre du coté droit, faisons alors un léger cours d’histoire.
La reine retira son masque d’or et secoua la tête, détachant ses cheveux pastel pour qu’ils s’étendent tout le long de son échine. Elle déposa le masque-couronne sur la table et commença son petit cours d’histoire.
Il n’y a pas si longtemps que cela, quelques mois après son intronisation au trône, le royaume rentra dans une ère de guerres incessantes sans discontinuité. Les batailles avec d’autres nations, les affrontements contre des groupes belligérants, des alliances, des trahisons infinies… Rien ne semblait pouvoir terminer cette ère de guerre dans laquelle les ministres de Sylvania avaient lancé le royaume féérique, laissant des familles entières déchirées, anéantis, affamant le peuple car les échanges commerciaux s’étaient interrompus, les défenses du royaume commençaient à être violées malgré la présence des esprits de la forêt… La chute de Sylvania n’était pas très loin.
Nonobstant, des flammes et des cendres de la guerre naquit des flaques de sang et des viscères les plus horribles, des batailles les plus violentes et les plus sanguinaires que comptaient le monde, la toute jeune reine de Sylvania, Audisélia II Vanguard. Vêtue d’une toge de soie enroulée d’une cape violette, de larges colliers d’or, serti d’un rubis chacun, de bracelets de ficelles, de ce fameux masque doré qui, à cette époque, avait deux cornes sur le sommet, fait dans le même matériau et d’une immense double lame, sa poignée de soixante centimètres qui était trop grande pour être empoignée par les deux petites mains de la reine. Elle avançait sur tous les fronts, combattant avec hargne et férocité, tranchant dans le lard de ses opposants, détruisant les armées des nations belligérantes à la simple force de sa lame et de sa magie qui était encore balbutiante. Elle était le bras armé de la nation féérique, la figure de proue de la puissance du royaume des fées-combattantes ; inarrêtable, infatigable, violente, sanguinaire… Celle qu’on nommait « la Fée à la Terrible Face d’Or » régnait sans pareil sur tous les fronts et champs batailles, jusqu’à devenir, par la force des choses, une héraut d’Eclina, déesse de la foudre et de la guerre.
Voilà comment s’est forgé la réputation de la reine qui se tenait devant ces jouvencelles.
- Je crois, qu’avant aujourd’hui, personne ne connaissait cette courte histoire du règne de mon règne.
- Effectivement, aucun de nos professeurs ne nous a parlé d’une situation de déclin durant votre règne à Sylvania, dit Roxanne, la seule ère de déclin se situe lors du règne de la Reine Traîtresse.
La Fée déglutit, espérant qu’aucune d’entre elles ne tourne son regard vers elle.
- Si je me souviens bien, intervint Mananélia, avant notre naissance, c’était vous qu’on accusait d’être la réincarnation de la Félonne.
- Il est vrai, répondit la reine, et c’est bien pour cela que je portais ce masque, pour me faire oublier de tous. Malheureusement, les bouc-émissaires changent de tête aussi vite que le temps défile, et cette haine sempiternelle s’est redirigée vers cette pauvre fée sans ailes à laquelle on a retiré le droit d’avoir un nom. Mais vous vous demandez sûrement où je veux en venir avec tous ces boniments… J’ai voulu vous faire comprendre que cette réputation que vous tenez à vous forger peut très bien chuter au moindre écart, et avoir une image lisse sans action ne changera pas le fait qu’à votre mort, la seule chose qu’on retiendra de vous, c’est que vous avez été inutile, comme la reine Jacinélia. Très belle, mais n’a rien apporté aux royaumes. On devient reine de ce royaume pour que ses habitants puissent vivre en toute quiétude sans se soucier des tumultes qu’ils ont vécu dans leurs vies passées au-delà de ces murs. Même si vous commettez des écarts et que durant un temps, on vous fustige, la vérité éclatera au grand jour et votre blason sera redoré. C’est ma conviction propre et le conseil que je veux vous donner. Je sais qu’auprès de vos familles et de vos mécènes vous avez des impératifs à remplir, mais souvenez-vous que seules vous serez reines de Sylvania, et nulle autre. Ne reproduisez pas la même erreur que moi qui me suis laissé aller guerroyer au-delà des murs comme l’exiger les ministres d’avant la Grande Épuration Gouvernementale et qui ont plongé notre pays et notre peuple dans un âge de ténèbres.
Les prétendantes au trône baissèrent la tête et réfléchissaient au propos de la reine. Même la Fée qui n’avait que pour seuls soutiens, ses amis, sa famille et la reine, dans une moindre mesure, réfléchissait à ce que cela signifiait d’être reine, au-delà du fait d’obtenir l’objet de ses désirs les plus profonds.
- Pour en revenir à l’épreuve finale, ça serait une élection…
- Hein ? s’écrièrent les princesses.
- Personne ne nous avait dit ça, s’écria Mana.
- Je sais, répondit la reine, c’est moi qui aie changé les règles. Comme je vous l’ai dit, personne ne devra mourir durant ces épreuves, il y a eu quelques ratés qui ont résulté à la mort d’une princesse, mais normalement, cela ne devrait plus se reproduire. Surtout que, vous cinq, désormais, connaissez une partie de la vérité de Sylvania et je ne vois pas pourquoi vous devriez mourir au cours de ce processus pour que seule la reine soit au courant des plus noirs secrets de ce royaume. Je pense que vous devriez vous soutenir après ces épreuves pour pouvoir accomplir votre devoir en tant que reine et princesses de Sylvania.
- Donc, on devra devenir les suivantes de la reine en place ? éclata Lavemmelia.
- En quelques sortes. Je dirai plus ses conseillères privilégiées.
- Si je perds, au grand jamais, je ne deviendrai la suivante de l’une d’entre elles, s’énerva Roxanne, encore mourir qu’être un sous-fifre.
- S’es-tu ce que signifie mourir, Roxannélia.
- Non, comme vous, ma reine. Vous avez toujours gagné chacune de vos batailles, vous ne connaissez aucunement la défaite, mis à part, une fois, durant votre jeunesse. Votre force est louable et admirable, et je fais partie des personnes qui vous adulent et c’est bien à cause de cette inspiration que je ne peux pas me résoudre à ne pas être votre égale.
- Cela me touche d’avoir une admiratrice mais, princesse Roxanne, sache que la guerre n’a rien d’admirable. Elle n’apporte rien aux peuples et ne fait que les massacrer inutilement. Ce monde est déjà sur le bord de l’extinction, le ciel de ténèbres ne fait que se rapprocher, de jour en jour, pour nous engloutir. Je vais peut-être à l’encontre des dogmes des Rois-Combattants, et de mon passé tumultueux de guerrière, mais ce que je souhaite c’est que ce pays soit en paix. Je sais que nous ne pouvons pas arrêter les guerres d’un claquement de doigts et que notre objectif et de récupérer le plus de Féériques en danger ou subissant des oppressions mais, les guerres ne servent en aucun cas notre peuple. Surtout qu’une partie des notres vivent déjà assez mal. Alors réfléchissez avant de refuser cette proposition.
La reine semblait beaucoup plus ouverte à la discussion qu’à la soumission par la violence. Était-ce la mort de l’un de ses meilleurs amis qui l’avaient autant affecté ? Elle ne le montrait pas en gardant son air stoïque, mais cette diction très calme, même quand Roxanne s’est énervée ne semblait pas naturel chez elle. C’était bien trop différent de sa véritable nature.
Tous l’avaient remarqué, Sawyer le premier concerné, mais que pouvait-il faire que la contraindre à avancer jusqu’à la fin de ces dites élections.
- Je reviens donc au déroulement de cette épreuve : Les citoyens de Sylvania, qu’ils proviennent du Sanctuaire, du château, de Haute-Ville ou des Basfonds, pourront voter pour l’une d’entre vous à travers diverses étapes qui démontreront votre capacité à diriger ce royaume. Que cela soit par votre éloquence, vos qualités de souveraine, de chanteuse, de meneuse… Tout cela sera jugé par les citoyens. Bien sûr, pour éviter la triche, aucune ne vous sera divulguée, mais vous pourrez toujours tenter de les deviner avant le jour-j. Concernant vos soutiens durant cette épreuve élective, vous pourrez bien sûr concourir avec vos champions qui pourront vous être utiles en tant que conseiller. Sachez, néanmoins, qu’un guerrier n’a rien à voir avec politique, donc choisissez bien qui sera votre soutien. Je sais que d’anciennes reines privilégiaient leurs champions, mais les épreuves ont changé. Si vous avez des questions à poser, c’est maintenant.
Aucune n’avait réellement de questions, la reine avait répondu à toutes celles qu’elles auraient pu se poser tout au long de cette conversation.
- S’il n’y en a aucune, nous pourrons passer aux inscriptions de vos conseillers.
Toutes semblaient avoir déjà connaissance de celui ou celle qui les soutiendrait durant cette dernière étape avant leur intronisation sur le trône de Sylvania. Chacunes commencèrent à nommer le conseiller, ou directeur de campagne comme durant une vraie élection, qui les soutiendrait. A l’entente des noms, la reine savait que c’étaient des vieux de la vielle qui attendaient leur heure de gloire pour briller et rançonner la place qu’ils avaient toujours rêvé d’avoir. Puis vint le tour de la Fée, elle avait réfléchi depuis le début de cette réunion à qui elle voulait comme directeur de campagne, son esprit était perdu dans deux choix, dont l’un était plus stupide que l’autre. Le Héros n'étant plus là, elle ne pouvait plus compter sur lui, mais après tout, il n’était qu’un champion remplaçant en attendant le retour de Beneltig. Beneltig qui n’avait toujours pas fait ses preuves jusqu’à maintenant. Il était évident qu’à cause de l’amour qu’elle lui porte, elle le choisirait. Et si elle ne choisissait pas, elle savait très bien qu’il lui en voudrait indéfiniment. Il détestait se battre et était quand y aller pour elle, et maintenant qu’il pouvait jouer un rôle beaucoup plus intellectuels, elle ne le prendrait pas ?
Elle hésitait fortement.
Les paroles de la reine résonnaient dans son esprit, elle comprenait parfaitement où elle voulait en venir dans sa question de jouer. Peut-être que ces tirades s’adressaient directement à elle, car les autres fées avaient des mécènes qui avaient déjà tout panifié pour elles. Alors qu’elle, elle n’avait pas personne d’aussi puissant sur qui compter – la reine ne pouvait compter car cela serait du favoritisme bien plus conséquent que de simples soutiens psychologiques ou l’autorisation de l’intervention du Héros. Mais qui pouvait-elle prendre autre que Beneltig ? Il n’était pas vraiment doué d’une grande intelligence, et privilégier l’amusement au devoir – surtout les filles à son devoir de promis à la princesse.
Qui lui restait-il ?
Qui ?
Elle n’allait tout de même pas demander à ce vampire qu’elle connaissait à peine et qui lui faisait du charme d’être son directeur de campagne. Elle ne le connaissait que depuis à peine quelques mois, et elle ne pensait pas que Beneltig soit en accord avec cela. Déjà qu’il était méfiant envers le Héros alors que celui-ci ne l’avait que traité en ami, alors ce charmeur de vampire…
Puis elle se souvint d’un nom. Ce nom l’énervait plus que tout. L’existence de cette personne tendait à prouver l’égoïsme de sa volonté à vouloir être reine, mais surtout, une certaine jalousie naquit depuis la victoire de son champion et des paroles élogieuses qu’il a prononcées à son encontre. Malgré cela, qui d’autre avec un aussi grand savoir et une aussi grande volonté de fer pourrait-elle trouver en aussi peu de temps ? Il n’y avait qu’elle pour l’aider. Après tout, ne l’avait-elle pas invitée pour discuter à ce sujet, car le Héros l’avait enjoint à la soutenir en échange de sa victoire dans sa démarche de revalorisation des habitants des Basfonds ?
Quelle ironie du sort, de faire appel à la dernière perdante de ses combats durant ce tournoi pour s’élever au rang de reine ? Le destin avait un drôle de sens de l’humour.
La Fée releva la tête, le visage grimaçant, et déclara le nom de sa directrice de campagne :
- Je souhaite qu’Avelilinélia Malalalivia de la famille Grave, soit ma directrice de campagne.
Certaines fées pouffèrent de rire comprenant l’ironie de la situation et d’autres s’amusèrent de voir une sans-ailes soutenir une autre de ces congénère. Certains ministres palabraient sur le fait d’accepter que les Grave s’immiscent encore plus dans les affaires du royaume.
- Ils ont été presque décimés, on peut bien leur accorder une certaine rédemption, non ? s’exprima Morvian.
Ce que plussoya la reine, alors elle accorda à la Fée cette directrice de campagne.
- Et sais-tu où se trouve cette bouseuse déchue ? demanda Mananélia, pour qu’elle soit légitimée, elle doit être là dans l’heure et dans une tenue correcte. Pas dans ces habits raffistolés.
- Ne t’inquiète pas pour elle, dit la reine, cela fait bien longtemps qu’elle est arrivée à Haute-Ville.
Devant la plage de Sylvania, désertée en ces jours de deuil national, se tenait Avelilinélia, le visage empli de dégoût devant cette affreuse plage.
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