Rencontre d'un frère : le massacre de Satrouville
À cette époque, où Astéron était encore un vagabond plus que riche de son héritage bourgeois, il n’était pas encore le marchand d’armes internationalement connu qui tenait tête à la tête pensante de la Gear-O Tower.
Astéron était – est ? – un être égoïste, menteur, cupide, cureur de ju… amoureux des femmes, meurtriers, esclavagistes… Enfin, un être ignoble qui n’avait aucun mal à répandre le mal autour de lui contre un billet de valeur ou une piécette qui lui permettait de festoyer en bonne compagnie.
À cette période, il se contentait juste de vendre son savoir sur les armes. S’enrichissant sur la volonté destructrice des Hommes et des Féériques. Pour lui, l’argent sale n’existait pas, et si l’humanité Féérique était vouée à s’autodétruire alors qu’il en soit ainsi. La valeur de la vie n’avait aucun sens à ses yeux, il la méprisait plus que tout.
C’est pour cela que lorsqu’il croisa le Héros, nu comme un ver, dans les bois d’Elmèsth, en train de manger de la terre, des insectes et autres choses ignobles du règne animal, sa première idée fut de le vendre en tant qu'esclave pour pouvoir en tirer un bon prix.
Cependant, en l’observant, il se dit qu’il n’en tirerait pas grand-chose, étant donné son corps si particulier, noyé de blessures et de pustules – en ce temps-là, la malédiction du Héros ne s’était pas étendue tout le long de son corps et il n’avait pas réussi à entrer dans une ville, sans s’y faire jeter, pour récupérer des bandages.
Bien heureusement pour Astéron, qui traquait le Héros comme une bête ou un enfant sauvage, l’observant à bonne distance pour saisir l’occasion de l’attraper, abandonna son projet lorsqu'il le trouva en train de dévorer les boyaux d'un manticore qu’il avait, au préalable, dépecé avec une étrange épée. Il se dit, à ce moment-là, que s'il était capable de tuer un monstre aussi mythique pour en faire son casse-croûte, il serait bien plus utile en tant qu’arme huma… que collaborateur que comme simple revenu unique.
Alors, il se décida à aller à la rencontre du Héros pour faire ami-ami. Comme attendu, cet enfant n’était pas facile à amadouer ; Pire encore, Astéron ne s’était pas douté que cet enfant était doué de parole et était capable de tenir une conversation, ce qui le prit au dépourvu.
- Qu’est-ce que tu me veux ? gueula le Héros alors que le vagabond était à peine sorti de sa cachette, ça fait un moment que tu me suis. Tu t’es enfin décidé à vouloir me tuer ?
- Mais non ! nia Astéron d’une belle voix suave et avenante, en aucun cas, je ne voudrais m’en prendre à un enfant comme toi.
- C’est ça… C’est le maire de Satrouville qui t’envoie ? Réponds avant que je décapite sur place !
Le Héros créa une petite vague de glace, en direction d’Astéron, avec Ymir, pour effrayer son interlocuteur. Là, Astéron se trouvait mal, il ne pensait pas que le garçon maitriserait la magie, ce qui laissait encore plus d’inconnus dans sa façon de procédé. S’il faisait un faux pas, soit il serait tué, soit il devrait le tuer. Heureusement pour lui, dans cette forêt, il n’y avait aucun Homme ou aucun Féérique dans les environs, aucune chance d’être importuné alors qu’il tente une négociation.
Il avait entendu parler de l’incident de Satrouville : la gamine du maire se serait fait poignarder par une créature monstrueuse casquée qui se baladait avec une énorme épée plus grande que lui et qui répandant de la glace tout autour. Mais d’autres rumeurs affirmaient que cette fameuse fille n’avait plus rien à voir avec la fille du maire, elle aurait été remplacée par une sentinelle démoniaque. Ce qui signifiait que ce fameux village n’en avait plus pour longtemps si cette sentinelle avait invoqué une armée de l’outre-monde qui se serait repaît des habitants de ce hameau.
Il avait bien, ce qu’il pourrait appeler, une petite créature qui faisait de la glace devant lui, mais où était son casque ?
Astéron prit un ton et visage sérieux. Il leva les mains au ciel pour se rendre le moins menaçant auprès du garçon et recommença à interagir avec lui :
- Je n’ai rien à voir avec les gens de Satrouville. Je ne suis pas en mission à ta poursuite, je ne sais pas s’il y a une prime sur ta tête ou que ce soit d’autres.
- Comment vous pouvez savoir que je suis poursuivi si je n’ai rien dit.
- Bah si, tu viens de le dire que le maire que tu pensais que le maire avait envoyé des gens à tes trousses.
- Ah c’est vrai.
Le mercenaire avait bien de la chance, il était véritablement en face d’un enfant qui essayait de paraître adulte.
- Mais ça ne change pas que cela fait quand même quelques semaines que tu t’attaches à mes couilles comme une mouche au cul d’une vache !
Dis donc, quelle vulgarité.
- C’est vrai, je ne peux pas le nier, lui concéda Astéron, mais je te promets que je n’ai rien à voir avec eux. Si je t’ai suivi c’est parce que…
Je ne vais quand même pas avouer que je voulais le vendre au plus offrant ? se dit l’homme avare.
Bien sûr qu’Astéron ne pouvait l’avouer. Il était sûr qu’il allait se faire tuer ! Mais il n’avait pas le temps de broder un mensonge complexe, il devait trouver quelque chose d’assez convainquant.
- … parce que je pensais que tu faisais partie des monstres qui avait assassiné mes frères et sœurs…
Astéron baissa les bras, la tête baissée…
Moment émotion.
- On a été envahi par je ne sais quoi de pernicieux et sauvages durant ma jeunesse, de sacrés petits bâtards, il faut le dire. D’habitude silencieux et dociles, pour une raison que je n’ai pas eu connaissance…, ils s’en sont pris à nous. Me retrouvant orphelin, j’ai vagué de hameau en hameau jusqu’au jour où je suis devenu adulte et que j’ai fait ma petite vie de vagabond. Mais, en te croisant, j’ai cru voir en toi l’un de ces monstres. C’est…
- Ça suffit ! hurla le Héros.
Astéron sursauta de frayeur.
Qu’est-ce qui n’allait pas ? Il avait pourtant sorti son meilleur jeu d’acteur ! Néanmoins, à la vue du jeune garçon retroussant ses lèvres et au regard furieux, il fallait s’attendre au pire.
Il n’aurait jamais cru qu’un jour quelqu’un le perce à jour, et que ce même jour soit aussi le dernier.
Le vagabond avait bien une arme sur lui, mais avait-il le temps de la dégainer et de lui tirer dessus avant qu’il le tue ?
Une seule seconde d’inattention et sa tête roulera au sol ou peut-être c’est son corps qui finirait sectionner.
Une seule seconde suffirait pour répondre à cette question.
Et aucune des deux réponses n’étaient satisfaisantes.
Puis soudain, le garçon rangea son épée dans son dos et reprit sa dégustation de chair fraiche.
Le marchand d’armes haussa un sourcil, consterné par la tournure qu’avait pris la situation.
- … euh… ?
- Tu peux t’en aller, lui dit le Héros, ta famille a dû rencontrer une bande de téphaniés. Ce sont des bêtes sournoises qui s’en prennent à leurs proies que lorsqu’elles sont un nombre suffisant pour les combattre. Ta famille a fait la mauvaise rencontre de trop, et j’en suis désolé. Enfin, que ton mensonge soit vrai ou pas, je n’en ai que faire. Mais si je te recroise, je ne ferai qu’une bouchée de toi, c’est clair ?
L’avait-il cru, finalement ?
Il ne savait pas quoi dire.
Cependant, son premier objectif était atteint.
Il ne restait plus qu’à rallier cette bête humaine à sa cause.
- Je ne te veux aucun mal, mon garçon, commença Astéron, je sais qu’on n’est pas partie du bon pied et c’est ma faute en ne m’étant pas présenté convenablement. Néanmoins, je pense que ma profession peut t’aider dans tes torts avec ce maire.
- Comment ça ?
- On peut dire que je suis un mélange de chasseur de prime… du calme, je ne suis pas à ta poursuite ! Donc, je disais… Je suis un mélange de chasseur de prime, de redresseur de torts et de négociant.
- Négociant ? demanda le jeune garçon qui avait fini par interrompre son repas.
- Un marchand qui peut intercéder entre deux parties en échange d’argent…
- J’en ai pas…
- Ne t’inquiète pas pour ça ! le rassura Astéron, je n’en ai pas besoin ! Je tiens à t’aider de bon cœur, mentit-il, indique-moi la direction de ce village et allons régler cette histoire absurde de démons.
Le Héros le fixa, l’observant attentivement, voulant dénicher le moindre mensonge sur front bien trop immaculé. Mais il n’avait que onze ans. Il n’avait pas encore assez d’expériences pour dénicher les mensonges chez les gens et les voix dans sa tête ne vinrent pas le perturber, alors pourquoi pas accepter. Cela lui permettra de retirer la potentielle prime qui serait sur sa tête.
- Ça marche pour moi.
Il se releva, cracha dans sa main et la tendit à son nouvel allié pour sceller leur association.
- Ne fais plus jamais ça, lui dit froidement Astéron, j’ai l’air d’un crasseux de bandits pour faire ça ?
- Oui, lui rétorqua le Héros.
Asétron grogna et exigea qui lui indique la route de cette maudite ville pour qu’il puisse régler son histoire de prime.
Le voyage fut rude pour notre cher Astéron : le garçon dont il avait décidé d’en faire son allié ne parlait pas, il exprimait aucun besoin, aucune envie, aucune parole ne lui était adressée, si ce n’est des grognements, sinon… il ne faisait qu’avancer sans s’arrêter. Jamais s’arrêter était les maitres-mot de ce périple.
Néanmoins, au bout de deux jours de voyage, il finit par tomber de fatigue.
Quel est cet absurde comportement de marcher sans se reposer ? S’il faisait cela à chaque fois, il finirait par se faire tuer, asservi, dévorer ou je ne sais quoi encore, se dit Astéron.
Astéron pouvait tenir plus d’une semaine sans dormir grâce aux pilules de vitalité qu’il avait volé à son père après son départ, mais il savait prendre que ces choses expérimentales lui joueraient plus d’un mauvais tour.
Il dressa un camp, couper des bois et alluma un feu pour la nuit.
Le Héros se réveilla le jour d’après. Il alla reprendre sa route sans même daigner prendre un repas, mais Astéron le retint.
- Je pense qu’il serait temps que tu apprennes à survivre. Je ne sais pas comment tu fais pour ne pas mourir depuis le temps que tu vagabondes… En plus, le griffon que tu as mangé la dernière fois, tu l’as mangé cru ? Parce que ces trucs sont ultra venimeux et bourrés de maladie !
- Je suis immortel, lui répondit tout simplement le Héros.
- Comment ça tu es « immortel » ?
- Je ne meurs pas, en gros.
- Mais c’est pas le problème ! s’excita le marchand d’armes, qu’est-ce que tu es ?
- Bah, humain.
- Non, mais…
- Tu n’en sauras pas plus.
Il me vole les mots de la bouche.
Après tout, il était logique qu’il agisse ainsi : il a toujours été ainsi depuis la mort d’Elena et même avant. Méfiant, parano et suspicieux… Voilà les maitres-mot de sa survie.
Astéron souffla d’exaspération et débuta son cours de survie, qu’il l’écoute ou ne l’écoute pas. Bien sûr, il ne pouvait pas tout lui apprendre en une seule nuitée, surtout qu’il fallait qu’il se dépêche d’aller à Satrouville, Astéron avait rendez-vous ailleurs.
- Quel âge as-tu pour te balader nu et seul en pleine forêt ?
- 11 années humaines.
- J’imagine que ça fait dans l’ordre des choses surprenantes chez toi.
Il avait trouvé un bien étrange associé. Dur de glaner plus d’informations sur lui avec sa personnalité de taiseux, alors qu’il était la plus grande bizarrerie que le vagabond négociant ait rencontré de sa bien trop longue vie : cette « encre » qui le recouvrait certaines parties du corps, ces contusions qui se refermaient et s’ouvraient sans arrêt, le fait qu’il se balade nu avec un simple couvre-chef sur la tête et son épée qui tenait toute seule sur son dos. Pourtant… Pourtant, il y avait quelque chose de fascinant dans toute cette étrangeté qu’il remarqua très rapidement, lui qui avait l’habitude de côtoyer des gens de tous horizons, des petites gens aux grands patrons voire aux nobles rois, il décelait toujours une pointe de malice dans leurs mots. Bien sûr, tout le monde ne l’avait pas, mais il détectait à la seconde près quand la vapeur allait se renverser.
Chez ce garçon, bien qu’il sache qu’il lui mente, il ne voyait aucune malice dans ses paroles. Il lui cachait des informations sur lui, mais ne le trompait pas. Il était naturel dans toutes ses actions, concordant toujours avec sa personnalité, mais c’est cette tâche d’« encre », qui cachait son corps, qui amoindrissait ses sentiment, les micro-expressions qu’on pourrait observer chez d’autres êtres vivants n’étaient pas présents chez le Héros. Ce qui l’effrayait d’autant plus, car cela voulait dire que peut-être qu’un moment, le garçon pourrait vouloir le tuer, et il ne le saura qu’au dernier moment.
Et enfin, ils arrivèrent à Satrouville après quatre jours de marche supplémentaires après l’évanouissement du Héros.
Malheureusement pour lui, le village n’était pas béni d’avoir une oasis de lumière, et n’avait pas la chance d’être relié électriquement à quelconque centrale électrique. Alors ils naviguaient dans les rues de ce village en pleine nuit, éclairée de leur lampe frontale et de la luminance intégrée du casque du Héros. Ils entrèrent dans le village, les gens commencèrent à saluer Astéron avant de s’apercevoir du retour du monstre qui a “tué” la fille du maire et de s’enfuir en hurlant.
- T’as pas bonne presse, commenta Astéron.
- C’est vraiment le moment de faire de l’humour ? Ils vont sûrement revenir avec des armes pour essayer de me tue...
- T’inquiète, on va régler correctement.
Cinq minutes plus tard, ils arrivèrent vers le lieu de l’exécution de ladite fille du maire. Il restait encore une grosse tache de sang sur le sol montrant qu’aucune pluie n’était survenue depuis le départ du héros. Pourtant, il avait plu le jour où il l’avait tué.
Astéron s’accroupit, toucha la tache de ses doigts et reniflant le sang avant de le gouter.
- Qu’est-ce que tu fous ? s'écria le Héros.
- Savais-tu que les Féériques avait un sang d’un gout bien plus différent que celui des descendants des premiers terriens ?
- Heu... non...
- Le goût et l’odeur sont beaucoup plus sucrés que le nôtre, même s’il tend à être aussi sucré que le leur à cause des mélanges. Mais il faudra encore des milliers voire des dizaines de milliers d’années.
- Et ça veut dire quoi ?
- Si le maire est un humain, l’affaire est réglée. Sinon, il va falloir qu’on autopsie le cadavre.
- Il est humain, lui dit le Héros, enfin, à première vue...
- Bah on va le vérifier tout de suite puisqu’il a l’air de venir...
Comme attendu et espéré, le maire vint à leur rencontre. Sans sommation, il tira dans la jambe du Héros avec son arme et la pointa en direction du marchand d’armes.
- Je ne crois pas que c’est comme ça qu’on salue des voyageurs, se fâcha Astéron.
- Vous êtes un chasseur de prime ? demanda le maire.
Sans même attendre une réponse, il lui jeta une bourse de pièce et dirigea le canon de son arme en direction de la tête du Héros. Astéron compte les pièces et rangea la bourse dans sa poche avant de prendre la défense du garçon.
- Désolé mais non, je ne suis pas assez pauvre pour m’atteler à la chasse aux criminels surtout quand j’en suis un. Je suis agent de la diplomatie de la Nouvelle République de Francilia.
Il lui tendit un faux badge qu’il avait volé à un vrai agent.
- Alors que faites-vous avec ce monstre ? Vous êtes venus détruire notre village ?
- Non, je suis venu clarifier cette histoire de monstre.
- C’EST UN MENTEUR ! s'écria le maire, MA FILLE N’AVAIT RIEN AVOIR AVEC UN DEMON !
- Du calme, le calma Astéron, je suis juste venu voir si ce qu’il me disait était vrai. Si vous avez raison, alors je le flinguerai moi-même sous vos yeux.
Astéron avait établi certaines règles avant d’entrer dans le village : quoi qu’il arrive, avant qu’il découvre le pot-au-rose, il ne devait en aucun cas montrer son immortalité - à cette époque, il ne s’avait pas encore qu’il pouvait se régénérer de ses blessures – et il ne devait n’agir en aucun sans son signal.
Après de longues palabres, le maire décida de bien vouloir le laisser exhumer le corps de sa fille, mais il avait intérêt à tuer ce petit démon, puisqu’il était certain de la véracité de l’humanité de sa fille.
En attendant, le Héros croupirait en prison où il ne recevra aucun soin.
Astéron se rendit sur la tombe de la jeune fille, on lui donna une pelle motorisée et avec cinq autres hommes, en moins d’un quart d’heure, ils réussirent à déterrer la sépulture de la jeune fille décédée et ils remontèrent son cercueil.
Moment de silence.
Astéron réfléchit quelques instants à ce qu’il était en train de faire : si le gamin s’était trompé sur la fausseté de l’identité de la jeune fille, il se retrouvait dans une sacrée panade. Cependant, bien qu’il ait cette apparence étrange, il n’avait pas complètement l’air fou. Et Astéron ne s’était jamais trompé sur les gens qu’il rencontrait.
Il souffle un bon coup et ouvrit ce cercueil. Une grosse fumée grisâtre en sortit, Astéron et le reste du groupe d’hommes du maire sautèrent en arrière, toussotant et se cachant le visage avec leurs bras. Astéron revint devant le cercueil.
- Mais qu’est-ce que c’est ? demanda le maire.
Astérron, rieur, lui répondit :
- Vous me le demandez ? dit nonchalamment Astéron, c’est vous qui l’avez enterré ?
Il s’avança et regarda dans le cercueil. Ses yeux s’écarquillèrent et sa commissure droite s’éleva d’incompréhension, une goutte de sueur coulant sur sa tombe.
- Sans déconner… c’est pas un démon je sais pas quoi mais un mimic.
Dans la cellule où se trouvait le Héros, celui-ci retirait avec ses doigts les balles qui s’étaient logés dans ses jambes. Il aurait préféré qu’on lui tire dessus au laser, au moins, il aurait pu se régénérer directement, mais là, se régénérer avec une balle de plomb dans les jambes – les balles perforantes auraient aussi transpercé son corps mais qui a des balles perforantes en tant que maire ?
Alors qu’il se débattait avec les projectiles dans son corps, une ombre qui faisait vaciller les lumières des geôles de la petite prison de Satrouville, elle se rapprochait discrètement, sans aucun regard ne se pose sur elle, ignorée de tous. Cette inconnue qui ne s’était aucunement infiltrée dans la prison avançait à pas lent, pour ne pas éveiller les sens du Héros. Malheureusement pour cette chose, les sens héroïques du Héros, bien qu’interférés par son attribut génétique, fonctionnait déjà, et il l’avait remarqué mais ne lui donnait pas signe de la découverte de sa présence.
Le monstre rentra dans sa cellule comme une ombre, se rapprocha petit à petit de sa cible dans son angle mort, une lame de ténèbres sortit de la pénombre et fut projetée à l’encontre du Héros. Vite, le Héros se retourna et laissa ses jambes être tranchés, le monstre put sortir de sa cachette pensant son adversaire mit hors d’état de nuire, mais à peine son buste dépassa de la flaque d’ombre que le Héros régénéra ses jambes en les projetant à l’encontre de sa ravisseur, l’étourdissant un bon coup.
- Merci pour le coup de pouce ! Si j’avais été vraiment seul, j’aurai dû les arracher moi-même.
La créature d’ombre se releva et dévisagea le Héros. Elle tenta de s’enfoncer dans les ténèbres mais le Héros réussit à la saisir par la gorge et l’envoya valser contre les barreaux avant de lui exploser le crâne avec ses nouveaux pieds. La créature morte, elle se métamorphosa pour reprendre sa vraie forme, celle d’un mimic.
Je me doutais bien qu’une Ombras aussi faible ne pouvait être que fausse, conclut-il, maintenant attendons qu’un garde vienne.
Et comme attendu, le garde chargé de surveiller le Héros vint voir ce qu’il se passait puisque ayant entendu le vacarme s’étant déroulé dans les cellules. Il vint, fusil à la main et regarda à l’intérieur de la cellule, il n’eut pas le temps de s’armer de son arme que le Héros l’attrapa et lui fit subir le même sort qu’au mimic mais en lui frappant la tête contre les barreaux jusqu’à qu’il se retrouve ensanglanté. Il se baissa vers le corps du garde et attrapa les clefs de sa prison, déverrouilla la porte et s’en alla de sa geôle.
Espérons que ça sera la dernière fois que je finis en prison…
Que nenni.
A l’extérieur, Astéron avait le visage désemparé face à la découverte qu’ils venaient de faire avec les hommes du maire.
- Un mimic ? Qu’est-ce qu’un mimic ? lui demanda le maire de Satrouville.
- Un mimic, pas les coffres, est une créature métamorphe qui vit en meute et qui capable de prendre l’apparence d’être vivant mais surtout d’objets. C’est cela qui les différencie des autres métamorphes. Cependant, le problème principal est comme je l’ai dit, c’est qu’ils vivent en meute et s’il a réussi à prendre l’apparence de votre fille et à vous duper, c’est qu’il vous a étudié depuis un long moment et qu’il n’était pas le seul à le faire.
- Et donc ? dit le maire avec un frisson qui lui traversa le dos.
- Et donc, votre village est envahi de mimics, lui répondit Astéron, et le plus grand problème à cela, c’est que ces mimics semblent beaucoup plus avancées que les normaux s’ils ont réussi à copier l’apparence et la personnalité de votre fille.
- Je ne… je ne sais pas… Elle ne me parlait plus beaucoup ces derniers temps. Je pensais qu’elle m’en voulait de ne pas passer beaucoup plus de temps avec elle puisque nous sommes en négociation avec d’autres villages des alentours pour faire du commerce entre nous et…
- En gros, vous étiez trop obnubilé par vos affaires pour remarquer que votre fille a été remplacé, cracha Astéron.
- Ce n’est pas…
Astéron se releva et s’essuya les mains.
- Vous devriez remercier le gamin de vous avoir…
En se retournant, le marchand d’armes remarqua quelque chose d’étrange chez les compagnons du maire. Leurs yeux étaient vitreux et ils avaient quelques spasmes étranges. Astéron un très mais très mauvais présentiment.
- Monsieur le maire, veuillez vous rapprocher de moi.
- Pourquoi ?
- Si vous tenez à revoir votre fille de votre vivant, je vous prierai de m’obéir sur le champ.
- Je vois pas pourquoi…
Les deux hommes hurlèrent, et avec des mouvements erratiques, se jetèrent sur le marchand d’armes. Celui-ci, en une fraction de seconde s’arma de son bras bionique et tira à laser en direction de l’un des hommes avant de sortir un colt laser de derrière son pantalon et décocha une balle laser sur son deuxième assaillant. Les deux tirs firent mouches, et les deux hommes tombèrent à tir en se tordant de douleur. Néanmoins, cela n’était pas aussi simple et suffisant pour abattre des mimics.
Il emporta le maire et tous les deux s’enfuirent vers la grand place. Du coin de l’œil, Astéron guetta les alentours, et voyait ces regards vitreux dans chacun des habitants dont ils croisaient le chemin.
Bordel de merde ! Dans quel guêpier j’ai réussi à me fourrer encore ?
Alors qu’ils arrivèrent vers la place, des cris retentirent au loin, en direction du commissariat de police de Satrouville, des civils s’enfuirent du lieu du fracas, puis des mimics sous leur forme d’origine – flasque, boueuse et vicieuse – se débattait avec le Héros qui, à l’aide de l’épée Ymir gelait chacun des adversaires qui passaient sous sa lame.
- Gamin ! hurla Astéron.
Celui-ci se tourna en direction de son compagnon de route et courut à sa rencontre.
Des cris venaient de partout, les citoyens de Satrouville étaient assaillis non seulement par les mimics mais aussi par les démons, les dévorant, kidnappant femmes et enfants pour les ramener dans des trous.
Une apocalypse à petite échelle.
Une association que n’aurait jamais imaginé Astéron. Il n’y avait qu’une seule et même façon de réunir ses deux espèces sous la même bannière : un chef qui leur fit imposer le respect.
Astéron se tourna vers le garçon pour lui dire cela mais il fut stoppé par le regard de celui-ci. Il n’était pas dirigé à son encontre mais droit devant eux, il ne regarda ni les citoyens qui étaient attaqués, ni les mimics et les démons qui se repaitraient de leurs victimes. Ce regard était dirigé vers les tréfonds de l’obscurité de l’horizon. Il se mit la main sur le visage, tentant de cacher ce rictus macabre, mélangeant extase, folie et fureur, qui s’affichait sur sa sombre face.
Le marchand d’armes ne savait pas comment réagir, il ressentait quelque chose de malsain amenait du corps du garçon, c’est comme si cette sombre énergie lui faisait avoir des hallucinations, il avait comme l’impression de percevoir la tâche du garçon… bouger ?
Soudain, le Héros prit avec la main qui ne tenait pas son visage son arme Ymir et la tendit vers les cieux. Elle dégageait une étrange énergie qui fit cesser le carnage des mimics et des sentinelles démoniaques.
Alors qu’il était préoccupé par ce qu’il observait chez son jeune compagnon, d’imposants bruits de bas vinrent de la direction d’où se dirigeait le regard du Héros. Le Héros descendit Ymir et la fracassa sur le sol. A plusieurs reprises. Tout en fixant devant lui. Son corps frissonna, ses dents s’acérèrent, des spasmes lui parcouraient l’ensemble des membres, ses lèvres frétillèrent.
Quelque chose n’allait pas. Quelque chose de très malsain se préparait et aucun des deux hommes à ses côtés ne le comprenaient.
Astéron ne se doutait pas encore que ce n’était pas lui qui tenait entre ses mains, mais bien le jeune garçon qui le tenait dans la paume de sa main.
Petit-à-petit, un immense corps loin de l’être humain fit son apparition. La créature avait un torse velu, un gros ventre recouvert d’ignobles poils noirs et gris, bardé de cicatrices et qui cachait son entrejambe, il avait une sorte de jupette militaire autour des hanches et il trainait le corps d’une femme qu’il tenait par les cheveux, et sur son épaule, c’était celui d’un homme déjà mort. Une fois assez proche, ils firent le visage de deux rats qui se tenaient sur le même tronc.
- Monsieur l’expert en monstre, interpella le maire, vous avez une idée de ce que s’est ?
- Je n’en ai aucune idée, dit Astéron béat.
Le Héros baissa la main qui cachait son visage et s’avança vers le monstre qui leur faisait face.
- Un mutant, leur répondit le Héros, mais pas n’importe quel mutant, un tout spécialement créé par le Némésis.
- Le Némésis ? dit Astéron interloqué, tu veux parler des ennemis du héros de la légende ? Mais ce sont des vieilles conneries de bondieuseries à la noix inventés par des illuminés.
Le Héros s’arrêta et se tourna vers cet incroyant.
- Finalement… je t’apprécie bien.
Astéron eut un haut-le-cœur en voyant les yeux du Héros, ils étaient jaune citron et ses iris étaient rouge sang, un mélange ignoble qui augmentait l’immondice de son expression faciale.
- Mais qu’est-ce que tu es à la fin ?
- Je te l’ai pourtant, je suis humain. Mais peut-être que je ne me suis pas présenté convenablement : je suis le héros-sans-visage-sans-nom, le dernier héros de la légende.
Le choc fut si brutal qu’Astéron que ses jambes flanchèrent. Lui le sceptique était face à la légende qui trouvait la plus absurde qui soit, et la rencontre avec ce garçon la rendait encore plus ridicule : un individu qui était censé être synonyme de courage, de vertu et d’altruisme était habité par un gamin à l’allure encore plus démoniaque que ces adversaires.
Plus le Héros s’avançait, plus son corps se transformait : ses cheveux crépus devenaient longs et lisses, une corne noire vêtu d’une fissure en forme d’éclair lui poussa sur le haut de la tête, ses muscles gonflèrent et son corps changeait de taille…
Le maire éclata en sanglot devant cette vision d’horreur, répétant inlassablement : « Nous sommes en Enfer ! Nous sommes en Enfer ! ».
L’homme qui devait être le messie de l’humanité Féérique n’était autre qu’un démon.
- Dis-moi, demanda le Héros au monstre, je suis tout-nouveau dans le secteur, tu pourrais me dire ce que tu es ? Un Némésis ? Une Aberration ? Je t’imagine pas être un corrompu comme tous ces mimics et sentinelles démoniaques qui se tiennent parmi nous. Mais ce qui me met la puce à l’oreille, c’est cette arrogance que tu oses avoir face à moi alors que je suis ton…
Sans crier gare, l’animal mutant sortit sa hache de son dos et frappa le Héros d’un coup sec et nerveux, un volute de fumée et de poussières apparut, entourant les deux monstres. Le sbire du Maléfique poussa un cri rempli d’insolence et de fierté moqueuse, mais celui-ci s’arrêta lorsque la fumée retomba et vit que le coup n’eut aucun effet sur son assaillant. Alors que le monstre avait voulu frapper le flanc gauche du Héros, ledit héros avait stoppé son coup de sa main droite avec une nonchalance outrancière. Cette fois-ci, ce n’était pas le monstre qui se marrait mais le garçon assoiffé de revanche et de vengeance.
Puis il s’arrêta et finit sa phrase :
- … bourreau. Vu ton intelligence, t’es moins que rien qu’une Aberration… C’est bien dommage, j’aurai tellement voulu passer mes nerfs sur un Némésis, feint-il d’être déçu.
Avec sa simple force, il brisa la lame de la hache de son adversaire et s’avança d’un pas nonchalant vers loin, poursuivant sa transformation en une bête immonde.
- Mais au moins, je pourrai me défouler envers toi, créature incapable d’atteindre le rang de Némésis, rit-il avec maléfice.
Le monstre mutant eut un pas de ridicule, à son expression, c’était bien la première fois qu’elle dût prendre peur, ou peut-être cela datait-il de l’époque où elle n’était pas encore une aberration à la solde de l’ennemi de l’humanité Féérique. Elle poussa un cri pour sortir les mimics et les sentinelles démoniaques de leur torpeur, et attaquer leur ennemi.
Toutes et tous lui sautèrent dessus, les mimics prenant la forme de créatures terribles capables de déchiqueter l’émissaire de la « justice » humaine et Féérique, mais d’un simple revers de l’épée, le Héros les gela sur place avant de les hacher menu comme s’il n’était de la chair à paté. Mais cette démonstration de force n’était pas suffisante pour les faire fuir, eux et leur maître, alors le Héros redoubla d’efforts pour les terroriser jusqu’à dans leurs entrailles et que cette peur les tiraille, eux et les créatures du Maléfique qui observeraient cette désolation.
Le Héros disparut pour n’être que l’apôtre de la désolation et de la mort, réduisant à néant les assauts de ses adversaires, saccageant la ville, arrachant de ses mains et de ses dents toutes les créatures maléfiques qui se dressaient sur son passage, festoyant du massacre de ceux qui avaient osé prêter allégeance au meurtrier de sa mère. Ceux qui avaient détruit le dernier de son bonheur. Ceux qui avaient créé le démon qui les condamnerait à fuir jusqu’au bout du monde. Il était leur juge, leur juré et leur bourreau, car il était la justice massacrante et fétide qu’ils avaient créé en le condamnant à reprendre le rôle d’héros de la légende.
Dans cette nuit noire dans laquelle les avait plongés le Maléfique, il les massacrerait, tous autant qu’ils sont, lui qui n’avait pas demandé à naître dans ce monde fétide.
Astéron n’avait jamais vu une telle rage se perpétrait dans toute son existence, il était en train d’observer une vile entité maléfique qui combattait de façon si décharnée, si erratique, si… inhumaine. Ce garçon n’avait plus rien à voir avec celui qu’il avait côtoyé durant ces quelques jours. Il avait dormi, soupé et rit avec un véritable démon adorant massacrer ses ennemis et adversaires. Il était effrayé, tout bonnement effrayé par ce qu’il avait sous les yeux. Du moins, quand il l’avait sous les yeux.
La rapidité de la créature qu’il appelait « gamin » était prodigieuse, il arrivait à peine à le suivre du regard, les mimics le poursuivaient et tentaient de l’attraper, mais même quand ils s’en saisissaient, celui-ci se libérer avec une aisance et une facilité remarquables. Il n’avait vraiment plus rien à avoir avec le genre humain, il n’y avait que ceux possédant un attribut génétique ou maîtrisant la magie qui pouvaient lui tenir tête.
Pendant que le Héros s’affairait à massacrer avec allégresse ses ennemis, le chef de ses envahisseurs se rapprocha d’Astéron et du maire. Se savant incapable de faire un quelconque mal à cet enfant sous adrénaline, le monstre aux têtes de rats comptait prendre en otage, l’humain avec lequel il était venu dans le village. Il ordonna à ses hommes de faire de même avec les habitants du village, après tout, s’il est ce qu’il prétend, il devrait prendre en compte la vie de ces personnes innocentes. Lorsqu’il baissera sa garde, il se saisira de cette occasion pour le tuer.
Les mimics et les sentinelles démoniaques obéirent et réussirent à avoir un nombre conséquent d’otages assez important pour que le Héros ne puisse les ignorer.
Et comme attendu, l’enfant se stoppa dans sa danse macabre, son sourire disparut et son regard se pointa vers le mutant à deux têtes. Il observa autour de lui et vit la gigantesque prise d’otage qui s’était établi autour de lui.
Le monstre ricana, lui faisant comprendre qu’il n’avait pas d’autre choix que de se rendre s’il tenait à ce que les habitants aient une chance de survie – chance qui était proche du zéro absolu mais, tout de même une chance. Les sentinelles démoniaques accompagnèrent les rires du mutant, les faisant s’accroître dans l’air, les mimics, à leur façon, imitèrent le rire de leur chef de meute, et tous rirent de la situation sous les pleurs et les cris de détresse de la population.
Mais contre toute atteinte, le Héros lui aussi rit, il riait de plus belle, les yeux plissés et avec un rictus montrant toutes ses dents. Il n’y avait pas besoin de le connaître personnellement pour se rendre compte de la malice que signifiait son hilarité soudaine. Il planta Ymir dans le sol et se planta les deux pouces dans le thorax.
- Régénération héroïque accélérée.
Toutes ses blessures dues à son affrontement avec ses assaillants disparurent, puis ses yeux brillèrent de la lumière des héros de la légende. Il se mit en position de course, et en une fraction de seconde, il disparut sous les regards béats des civils et des monstres. Brusquement, les monstres chutèrent un à un, les mimics devenant de flasques cadavres noirs et les sentinelles perdant la tête tour à tour. Sans qu’ils puissent le voir, le Héros faisait un carnage dans les troupes de l’Aberration, il n’était pas aussi rapide que la reine Audisélia dans sa toute-puissance, mais sa vitesse ne pouvait être égalée sans des modifications génétiques ou bioniques.
De façon désarticulée et sans faire le moindre mal aux citoyens de Satrouville, il décapitait les têtes des démons et arrachait les noyaux des mimics jusqu’à avant ne plus trouver un seul otage, et put alors se diriger vers le dirigeant de cette troupe infâme. Le mutant crut qu’il allait apparaître devant lui, alors il se renforça magiquement le tronc avec un sort, mais malheureusement, c’est son dos que visait le Héros. Le garçon, d’un double coup de pied sauté, passa au travers de son corps, lui sectionnant brutalement les colonnes vertébrales avant d’atterrir sur la statue du premier maire de Satrouville, de lui voler sa fourche, de sauter sur l’Aberration et de planter l’arme sur l’une des têtes du mutant rongeur siamois. Il se réjouit de son acte, se gargarisant avec joie dans un cri plus que terrifiant. Cette bête sauvage à laquelle on avait le titre de héros de la légende poursuivit son acte en arrachant la tête de l’Aberration et en la fracassant contre son autre tête, répétant à plusieurs reprises son acte jusqu’à qu’il ne reste plus qu’une purée sanguinolente de chair et de cervelle.
Il lâcha la fourche et poursuivit sa barbarie en déchiquetant de ses griffes la chair de l’une des créatures qu’il haissait le plus au monde.
C’était horrible à observer, horrible à constater. Comment un enfant d’à peine onze ans pouvaient avoir un tel comportement ? Quelle rage animait un humain juvénile pour être capable de passer à la plus sympathique des âmes au démon le plus vil qui existe sur cette foutue planète ?
Qui es-tu, bon sang ? s’écria en pensée Astéron.
Soudain, le Héros se stoppa.
Fatigué de son combat ? Non.
Son regard se tourna vers le maire de Satrouville qui s’était réfugié loin de la grand place, il s’approcha de celui-ci. Il leva la main et appela son arme démoniaque. Il la fit frotter sur le sol, laissant éclater des étincelles qui éclairait ses pas.
Le maire n’arrivait plus à bouger, il était totalement terrifié. Ses jambes flageolaient, ses nerfs lâchèrent, il n’était plus capable que de lâcher des petits cris de mulot en détresse face la rancœur de l’homme le plus fou qu’il n’est jamais rencontré.
- Alors que je vous avais dit que votre fille était plus votre fille, vous avez osé me traquer et m’insulter… D’habitude, j’aurai laissé passer, mais comme vous pouvez le voir, je suis plus trop trop moi-même alors… si vous pouviez me servir de défouloir !
- NON ! s’écria le maire tendant la main pour se protéger.
Alors que le Héros, les yeux révulsés, une femme se dressa face au Héros, protégeant le maire de son corps et de son arme à feu. Les yeux du Héros redevinrent normaux et son sourire disparut, laissant place à une expression de dégoût et de simple colère.
Avant qu’il n’eût le temps de dire quelque chose, il fut bombardé, dans le dos, de fléchettes tranquillisantes, il se retourna et vit que c’était Astéron qui lui avait cela. Et avant qu’il n’eût le temps de s’offusquer de quoi que ce soit, le marchand d’armes, à l’aide de l’un de ses doigts bioniques, lui tira un laser au milieu du front, le faisant tomber à la renverse. Sa transformation commença à s’annuler, cela donnait un effet de feu qui s’éteignait avec des cendres s’envolant et s’éparpillant au-dessus de son corps.
- Il est mort ? demanda le maire.
- Vous croyez vraiment qu’un gars ayant été capable de faire un telle massacre se ferait avoir par un stratagème aussi ridicule. Il doit être juste évanoui puisqu’étant immortel.
- Mais qu’est-ce qu’il est à la fin ?
- Il nous l’a pourtant dit : il est le héros de la légende. Je pense que nous avons réglé votre petite histoire, alors je vais embarquer le gamin et vous demandez de quoi me nourrir durant le voyage jusqu’à la prochaine ville, puis nous nous en irons.
- Dégagez ! lui crièrent des citoyens.
Il reçut des boîtes de conserve à la figure, mais ne broncha pas.
- J’imagine qu’on ne pourra pas récupérer une quelconque nourriture. Un conseil, monsieur le maire : y a peu de chances que votre fille soit encore en vie, mais étant donné le temps et le nombre de mimics qui se sont installés dans la ville, elle doit être dans l’un des garde-manger qui se trouve dans ces trous. Cherchez.
Astéron attrapa le corps du garçon et le mit sur son épaule, s’en allant, honnis par les habitants de Satrouville.
Le maire les observait s’en aller avec un petit pincement au cœur de remord.
- Dans le fond, c’était peut-être un bon gars…, se dit-il.
« Dans quoi s’était-il encore embarqué ? » était la question que se posait le marchand d’armes. Sur son dos se trouvait la créature la plus belliqueuse qui lui était jamais été donné de voir. Que pourrait-il faire à son réveil s’il voulait s’en prendre à lui ? Il fallait qu’il trouvât une solution et…
- Maman… je suis désolé…, dit le garçon sans nom.
Astéron ne pensait plus à rien. En entendant cette voix enfantine appeler sa mère, il se disait qu’il y avait bien des choses qui prouvaient encore une fois que tout n’était pas binaire comme il le voudrait.
Au réveil du garçon, quelques jours plus tard après les événements de Satrouville, Astéron passa un marché avec lui en mettant tout carte sur table : il lui révéla la vérité sur ses envies premières, son activité de marchand d’armes/chasseur de primes/inventeur et ce qu’il voulait de lui. Cela n’avait pas l’air de déranger plus que cela le garçon sans nom, après tout, lui aussi n’était pas exempt de défauts, de vices et de cadavres dans le placard.
- Mais ça me rapporte quoi de vous suivre ?
- Hé bien… à première vue, tu te dirais rien, on est d’accord. T’as ton arme surpuissante, ta régénération folle et ton immortalité et tout le tralala.
Le Héros hocha la tête.
- Néanmoins, il est évident qu’à ton jeune âge, si tu ne m’as pas menti, tu n’es aucune connaissance médicale, car une chose est sûre : ta régénération n’est pas parfaite.
- Comment ça ? demanda le Héros.
- Vois-tu, j’ai étudié des tas d’espèces possédant ce critère, et à moins de l’avoir maitrisé complètement, il se peut que tes os brisés se réarrangent mal ou que tes organes s’entremêlent et que cela te fasse défaut, alors moi, je serai là pour arranger tout cela.
Le Héros baissa la tête et appuya son menton contre le dos de ses mains, tout en continuant de l’écouter.
- Je vois que ça t’intéresse, commenta Astéron, m’étonnerait pas que ça te soit déjà arriver.
- Une fois avec ma colonne vertébrale. J’ai dû aller quémander des soins dans un hospice de campagne avec un doc à moitié alcolo.
- Tu vois ? De plus, je m’y connais pas vraiment en magie, je suis un homme de science, mais je sais que ça draine énormément en énergie et tu restes humain. User de cette épée doit être éreintant, alors comme je suis marchand d’armes, je pourrais te fournir en toutes sortes d’outils pour tuer envers ta rage est dirigée.
- C’est cool, c’est cool, mais qu’est-ce que t’y gagnes ? T’es là pour faire dans la charité.
- Qu’est-ce que j’y gagne ? C’est pas évident ?
- Non.
Astéron se frappa le visage de dépit.
- Je te pensais plus intelligent que ça. J’y gagne que tu vas faire le chasseur de primes à ma place pendant que je me concentrerai sur mes inventions et mes négociations.
- Ça vous gêne pas d’envoyer un gosse au turbin comme ça ? ricana le Héros.
- Hé oh ! Tu vas pas me le faire après ce que je viens d’assister. Bon ça marche ou pas ?
- J’aurai un toit.
- Toit, nourri, blanchi et même de l’argent de poche.
Astéron lui tendit sa main.
- Alors ça marche ?
Le Héros hésita un court instant, mais osa les épaules se disant que s’il lui mettait à l’envers, il n’aurait qu’à faire sauter sa tête de ses épaules – ce qui laissait de longs mois à Astéron pour trouver un moyen de défense contre cet individu au tempérament hostile.
Il fallut bien une année pour que ce gamin lui fasse entièrement confiance. Et c’est durant tout ce temps qu’il lui enseigna tout ce qu'il savait sur les armes et la survie.
Mais durant toutes ces années, les galères s’enchainèrent jusqu’au jour où le Héros se mit à cracher du sang à chacune de ses paroles, la malédiction prenant de plus en plus de place sur son métabolisme. La première fois que cela arriva fut la plus terrible : il saigna de tous ses orifices et n’arriva même plus à respirer. Dans cette situation d’urgence totale, Astéron, au milieu d’un casino où il devait régler une affaire dût lui faire une trachéotomie pour qu’il puisse de nouveau respirer. Le Héros fut sauvé mais l’homme avec qui ils devaient faire affaire s’était enfui avec leur butin.
Astéron était un homme avare et sournois, mais il ne tint jamais rigueur le Héros pour ce qui était arrivé. Mais ce jour-là, il comprit une chose : l’immortalité de son protégé n’était pas aussi viable qu’on pouvait le penser. Il en conclut même que peut-être elle avait une date limite. Soit la sorcière s’était jouée du jeune garçon, soit… Il ne savait pas.
Depuis ce jour, il ne décrocha plus jamais un seul mot, c'est comme si le mercenaire parlait à une machine qui enregistrait tout ce qu'il disait et exécutait ses ordres sans aucune once d'intelligence. L'enfant, désormais, lui paraissait plus se rapprocher de la bête sauvage trouvait dans une forêt lugubre où aucun gosse n'est censé survivre –puisque c'est là-bas que les parents abandonnent leurs marmots sachant qu'ils ne reviendraient jamais, étant dévorer par les loups ou les ogres qui y résident – que de l’humain.
Dans ses yeux ne se trouvaient plus que tristesse et mélancolie, Astéron pouvait bien le maltraiter, lui cracher dessus, le bousculer, l'insulter... Le regard de cet enfant s'animait d'une colère noire qui disparaissait juste après pour qu'il n'y reste plus qu'un regard vide de toute autre émotion qui n’était pas de la grisaille. Les années passèrent et finalement le chasseur de primes se prit d'affection pour cet enfant qu'il avait recueilli, ressentant une étrange compassion à son égard alors qu’il haïssait et méprisait tout le monde. Il finit par le considérer comme son petit frère, petit frère qu'il fortifierait face au monde extérieur pour qu'il soit suffisamment solide pour s'en sortir tout seul - et qu'il lui ramène aussi une tonne d'argent, il restait toujours un investissement !
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