ERUNF : Défiance envers la reine Audisélia
A l'extérieur, Morvian et Rivkaé n'avait exprimé aucun mot, ils s'évitaient du regard.
- Morvian, dis pardon à Rivkaé.
- De quel droit ma cadette recevrait un quelconque « pardon » de ma part ? grommela Morvian, il est logique que...
- Grandis un peu, tu veux ? Tu n'aurais jamais voulu qu'on t'accuse à tort d'avoir blessé notre reine, n'est-ce pas ?
- Sans doute...
Sawyer dût prendre le bras de son ami et l'amenait à Rivkaé puisqu'il semblait avoir beaucoup de mal à faire le premier pas. Morvian, d'abord boudeur, soupira et dirigea son regard sur la naine.
- Je m'excus...
- On ne s'excuse pas soi-même.
Une réflexion qui vient d'Elena.
Morvian grogne.
Rempli d'arrogance, il croise les bras et regarde vraiment de haut – ce qui ne change rien à d'habitude du côté de Rivkaé.
- Pardonne-moi Rivkaé de t'avoir jugé comme traîtresse alors que tu es ma camarade adorée et une fidèle protectrice.
Rivkaé accepte timidement ses excuses. Comprenant que le malaise continuait malgré ses excuses, Morvian caressa la tête de la naine et partit en lui disant :
- Si tu veux des excuses en nature, tu connais le chemin de ma chambre.
Rivkaé ne put s'empêcher de laisser passer un petit rire.
- Comme si j'allais accepter ce genre de dédommagements.
La fée-dragon pouffa avant de la saluer et de s'en aller.
De l'autre côté, Sawyer était pensif sur le cas de Rivkaé.
- Qu'est qu'on va faire de toi ? réfléchit-il à voix haute.
- Comment ça ? sursauta la naine.
- Tu as découvert l'un des secrets les plus précieux de notre reine, peut-être devrais-je te laver le cerveau ou te faire disparaître...
Rivkaé trembla de peur. La chevalière naine redoutait que Sawyer soit vraiment sérieux dans ses propos.
- Vous...
- Non, je te taquine.
Elle put soupirer de soulagement.
- Finalement, ma véritable interrogation serait sur si tu fais encore confiance à notre reine après t'avoir effleuré la joue avec un éclair et avoir vu une face sombre de sa personnalité.
L'expression de torpeur de Rivkaé qu'elle avait depuis la menace de la reine s'amplifia, elle n'osait pas regarder dans les yeux son supérieur de peur que sa peur lui fasse douter de sa loyauté envers la reine.
- Tu n'as nul besoin de me le cacher, je sais déjà la peur qu'elle a pu t'inspirer, la rassura Sawyer, j'imagine que son comportement a dû changer en une fraction de secondes dès qu'elle remarqua sa chevelure rousse.
- Mais pourquoi elle s'est autant énervée pour une couleur de cheveux ? Je sais qu'en symbiose, les plus grands magiciens prennent les caractéristiques de la magie qu'ils utilisent alors c'est sûr que si elle utilise constamment ses pouvoirs, elle sera tout le temps en symbiose avec celle-ci.
- Tu as raison, avoua Sawyer, mais as-tu déjà vu des images de notre reine avec cette rousseur ? Est-ce qu'on t'en a même déjà parlé ?
- Je... je ne crois pas...
- C'est bien que peu de personnes ne sont au courant pour une certaine raison.
Rivkaé avait bien une théorie sur la question, mais elle n'oserait se tenter à la dévoiler.
- Exprime-toi, l'interrompit Sawyer dans le fil de ses pensées.
Rivkaé balbutia, se retenant de poser la question interdite, sa respiration était haletante et effrayée par cette idée persistante qui lui était venue en tête, elle se tint le bras à s'en compresser l'os. Puis elle avouait, un rictus de malaise sur les lèvres, les yeux dirigés vers le sol :
- Est-ce que cela est en rapport avec cette fameuse histoire comme quoi elle serait liée à la Félonne ?
Le garde de la reine était étonné de voir à quel point une légende purement attachée au royaume de Sylvania, qui n'avait aucun lien avec les autres royaumes féériques ou Féériques pouvaient autant effrayer les immigrés de leur royaume. La Félonne était le croque-mitaine de tous les sylvains, qu'ils soient des fées ou non, des primo-habitants ou de tous nouveaux arrivants, une fois que vous entendez parler de cette horrible sorcière, c'était comme si elle faisait partie de la culture de vos ancêtres, qu'elle est le diable de votre religion, l'ultime démon à abattre, au-delà même du Maléfique qui était un démon avéré pour l'ensemble des habitants de Faiyeria Tierra. Bien que son père l'ait vaincu et fut mis au rang de héros national – et si la religion avait encore une grande place dans leur royaume, il aurait sûrement été canonisé comme le héros Avan avant lui – pour cette action remarquable, l'ombre de cette fée maléfique d'ombrager le cœur et les esprits de tous les habitants de tout âge, de tout rang social ou de toute race. Elle était l'ultime cauchemar de ce refuge pour Féériques.
Alors pouvez imaginer les pensées de celles qui étaient accusées d'en être les descendantes ? Le désarroi dans lequel elles pouvaient vivre ?
- Tu le penses vraiment ? sourit le chevalier servant d'Audisélia, tu penses vraiment qu'elle est la fille de notre sorcière nationale ?
- Non ! Pas du tout ! hurla Rivkaé, ce n'est absolument pas ce que je voulais dire, se défendit-elle, je voulais dire que peut-être qu'elle cache sa couleur de cheveux car on l'assimilerait bien trop à la Félonne..., finit-elle par dire timidement.
Sawyer gloussa.
- Mais la Fée-Sans-Nom-Et-Sans-Ailes, elle aussi on l'assimile à la Félonne pourtant, elle est brune aux yeux roses, lui rétorqua Sawyer, alors ta théorie ne tient pas debout.
- Bah... je vois pas pourquoi elle se comporte ainsi, dit-elle attristée.
Son chef vint auprès d'elle et lui tapota et caressa sa joue blessée.
- Ne te prends pas la tête avec cela, lui dit-il, c'est juste qu'elle aussi incompréhensible que ses pouvoirs...
- C'est trop facile de dire ça, le rabroua Rivkaé, les yeux qu'elle avait n'ont rien à voir avec une personne juste démente ! La fée que je connais et que j'admire, quand elle est indécise, elle est juste embêtante. Ça là, ça n'avait absolument rien à voir à ce qu'on voyait d'habitude, elle était totalement effrayée ! Que ça soit sur les champs de batailles ou face aux plus grosses monstruosités, elle n'avait jamais eu un tel regard... Sawyer, ne dites que c'est une personne ne la connaissant pas alors que vous êtes son meilleur allié, son meilleur ami depuis l'enfance.
Sawyer perdit son sourire devant la tirade pleine de tristesse de sa subordonnée, il secoua la tête d'agacement. D'habitude, ce genre de phrases lâché en l'air était suffisant pour distraire le premier quidam venu, mais là, on était face à l'un des membres de la garde rapprochée d'Audisélia. Ils la connaissaient presque autant qu'elle, alors ce genre d'excuses ne fonctionnerait absolument pas sur elle. Et au vu de la réaction de celle-ci, elle se sentait outrée que Sawyer puisse avoir un tel avis sur leur reine.
Prenant une mine sérieuse, Sawyer posa un genou et fixa intensément Rivkaé droit dans les yeux.
- Et si c'était vrai, ma petite Rivkaé ? demanda Sawyer, et si c'était vrai qu'elles étaient toutes les deux, Audisélia et la fée sans ailes du Sanctuaire, des descendantes de Marrynélia Juselia Grave ? Qu'on avait véritablement empêché la résurrection de cette sorcière à travers une gamine de quinze ans ? Cesserais-tu de protéger celle qui t'as nourri, logé, entretenu, entraîné et relevé de ta misérable condition ? Irais-tu tuer cette jeune fille qui n'a jamais rien demandé depuis sa naissance si ce n'est d'être considérée par ses pairs ? L'assassinerais-tu si elle montée sur le trône ?
La naine déglutit, ses pensées étaient en branle. Sawyer avait totalement raison, mais elle n'y arrivait pas, elle n'arrivait pas à surpasser cette peur qui lui a été instillée dans le cœur. Et pourtant, elle le devait ! Lorsqu'elle n'était qu'un déchet méprisé, utilisé pour satisfaire les fantasmes de pervers immondes, cette personne l'a sauvée. Lorsqu'elle était considérée comme une bouffonne royale en raison de son handicap, cette personne l'a acceptée. Comment pourrait-elle maintenant la renier simplement à cause d'un fardeau qu'elle n'a jamais souhaité porter ?
Rivkaé redressa son buste, surmontant sa peur de la sorcière Marrynélia, et adressa un salut militaire à Sawyer.
- Au grand jamais je n'abandonnerai la reine Audisélia II Grave, mon capitaine ! s'écria Rivkaé, jamais plus, je ne douterais de ma bienfaitrice et ne suggérais une quelconque menace à l'égard d'une princesse de Sylvania.
Sawyer n'en attendait pas autant d'elle, et même si elle l'avait rejeté, il l'aurait comprise, et elle n'avait aucunement menacé la Fée aptère. Il l'avait manipulé en l'incluant dans le dilemme pour qu'elle fasse pencher la balance du côté de son amie, mais peut-être cela a été un peu trop efficace. En soit, ce n'était pas un mal, se disait-il.
Il se releva, fier de sa subordonnée et lui caressa farouchement la tête.
- Elle a effectivement eu raison de te choisir, ma petite naine.
Elle rougit face au compliment de son supérieur.
- Mais j'imagine que je n'ai pas répondu à ta question, dit Sawyer, pour tout te dire, c'est juste que contrairement à ce qu'elle affiche, elle n'est absolument pas bien sa peau, et ce mal être finit par se matérialiser en crise de nerf que je me dois d'arrêter avant que le pire arrive.
- Comme lorsqu'elle a rencontré son fils, demanda la naine.
- C'est encore différent, mais on va dire que c'est un peu lié, lui concéda-t-il, et cette couleur rousse et ses yeux bleu turquoise sont aussi des symboles de son mal être et de ce qu'elle pense être. Néanmoins, ce n'est pas à moi de te l'expliquer, son visage a été vêtu d'une bouche, ce n'est pas pour que je me fasse son porte-parole. Allez, va rejoindre les autres... enfin, va voir Calendula de ma part pour qu'elle te soigne puis va rejoindre tes camarades, c'est compris.
Rivkaé acquiesça avant de se diriger vers la salle de jeu, en marchant sur ses mains bioniques. Sawyer remarqua dans les traits de son visage que cela ne suffisait pas vraiment à la rassurer. Malheureusement, il avait déjà du mal à gérer la situation avec la femme qu'il aimait, alors que pouvait-il faire pour les autres ? Il s'appuya contre le mur et se plongea dans ses pensées.
- Maman, comment faisais-tu pour rendre si heureuse Audisélia alors que tu étais au courant de sa vraie nature ?
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