Fantôme
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J'ignorais où je me trouvais, un coup d’œil aux alentours ne m'apprit rien. C'était une sorte de ruelle malfamée remplie de poubelles débordant d'ordures. Mais qu'est ce que je faisais là ? Tout à coup, ce raccourci ne semblait plus être une bonne idée du tout ! Quelque chose attira mon regard : j'avançai un peu, il y avait quelque chose au fond de cette ruelle. Alors que je m'approchai, un bruit se fit entendre derrière moi.
- Encore là toi ?
Je n'eus pas le temps de me retourner pour faire face à l'homme qui venait de parler. Je ressentis une vive douleur à la tête et tout devint noir.
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Cela s'était passé la semaine dernière. Je vivais maintenant chez ma sœur, j'avais peur de rester seule chez moi. J'étais terrifiée à l'idée que mon agresseur revienne pour s'en prendre à nouveau à moi. Il m'avait parlé d'une telle manière qu'on aurait dit qu'il me connaissait bien. Je n'avais pas vu son visage mais sa voix me hantait encore. J'avais donc emménagé chez ma sœur, sans trop lui demander son avis mais elle n'avait pas protesté. Ce n'était pas son genre de toute façon. Elle avait deux enfants certes, mais possédait une chambre d'amis dans laquelle j'avais établi mes quartiers. De toute manière, mes neveux étaient en colonie de vacances pour l'été. La maison n'abritait que Louisa, son mari Carter et moi. Je n'avais fait que déambuler dans la maison durant toute la semaine. Ma sœur et Carter étaient suffisamment compréhensifs pour me laisser de l'espace pour me remettre. Si j'avais été chez ma mère, elle n'aurait pas arrêté d'être derrière moi. À me dire de ne pas me laisser abattre, de reprendre ma vie en main ou qu'il fallait que je sorte à nouveau. Elle m'aurait regardé avec son air inquiet si je décidais de déprimer encore un peu...
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Après une autre semaine, je décidai enfin de ressortir un après-midi. Je pris mon sac et m'élançai dans la rue. L'air était chaud et sec, pas étonnant, on était en été après tout. Tout le monde s’affairait autour de moi sans me prêter attention. C'était agréable de passer inaperçue. Je prenais garde à rester dans les grandes rues, là où il y avait toujours des passants. Pas question pour moi de ré-emprunter un jour une ruelle en guise de raccourci. Il faisait tellement chaud que j'eus envie de m'acheter une glace pour me rafraîchir un peu. Un vendeur ambulant se trouvait au coin de la rue. Je m'approchai.
- Qu'est ce que je vous sers ?
- Une boule vanille ! répondis-je avec entrain.
- Chocolat et menthe s'il vous plaît ! fit une voix derrière moi.
- Et voilà ! dit l'homme en tendant la glace à la femme qui venait de me dépasser.
- Hé ! Que faites-vous ?! J'étais là avant ! Protestai-je.
- Et pour vous monsieur ? demanda le vendeur.
- Hé ! Je suis devant vous ! Vous ne me voyez pas ?!
Le glacier continua à vendre ses glaces pendant un quart d'heure avec moi plantée devant lui. Je protestai bruyamment à chaque client mais cela ne gênait personne. Tous semblait m'ignorer. Pire, on aurait dit qu'ils ne me voyait pas. Je tentai de saisir le prochain cornet que le glacier tendait à son client, ma main passa au travers de l'objet. J'en restais bouche bée. Mais que se passait-il bon sang ? Je reculai, prise de tremblements. Je ne comprenais rien de ce qui m'arrivait. Les choses comme ça se produisaient uniquement dans les films ! Les gens m'ignoraient, ne me voyaient pas, je passais à travers les choses. Cela arrivait seulement aux …
- Fantôme... ?
Non ce n'était pas possible. Les fantômes n'existaient pas de toute manière. Je m'étais pris un simple coup sur la tête. Je vivais chez Louisa depuis. Mais...je réalisai alors avec effroi que Louisa et Carter ne m'avaient, ni l'un ni l'autre, adressé la parole durant les deux semaines que j'avais passé chez eux. J'avais cru que c'était de la prévenance envers l'épreuve que j'avais traversé, qu'ils me laissait me reprendre en main à mon rythme. Mais... et si... ils ne me voyaient pas ? Serais-je morte ? Était-ce possible ? Je m'en serais rendue compte quand même ! Je courais à toute allure pour rentrer chez Louisa. Elle allait bientôt revenir du travail. Il fallait absolument que je lui parle. Je tournai en rond dans le salon, complètement apeurée. Que se passerait-il dans le pire des scénarios ? Et si j'étais vraiment morte ? La porte d'entrée claqua et Louisa passa dans le salon. Elle se tenait face à moi mais son regard sembla glisser sur moi sans me voir. Les battements de mon cœur s'affolèrent de plus en plus. Du moins, c'est l'impression que j'avais. En plaçant ma main sur ma poitrine, je sentais mon cœur battre, était-ce aussi une illusion ?
- Louisa ?
Ma sœur lança sa veste sur une chaise et s'assit sur le canapé. Elle saisit un magazine sur la table basse et se mit à le feuilleter.
- Louisa ! Ne m'ignore pas ! C'est une blague n'est-ce pas ? Pitié, parle moi !
J'avais crié, les mots résonnaient dans mes oreilles mais à en juger par la réaction de ma sœur, pour elle, la pièce demeurait vide et silencieuse. Comment lui dire que j'étais toujours là ? Je tournai en rond, impuissante. Une heure passa jusqu'à ce que Carter revienne du travail. Louisa le regarda avec des larmes plein les yeux, et il l'emmena s'asseoir et la serra dans ses bras. Regarder ma sœur sangloter sans pouvoir rien faire me mit hors de moi. J'étais là, à peine à quelques mètres d'elle...
- Elle me manque tellement. pleura Louisa.
- Je sais chérie... Elle me manque aussi.
Les larmes brûlèrent mon visage. J'étais morte. C'était clair cette fois. Ce coup sur la tête n'était pas aussi anodin que je le pensais. Cela m'avait tué. J'étais morte dans cette ruelle sombre, par un soir d'été. Et qui m'avait assassiné ? Je l'ignorais. J'espérais que la police l'avait arrêté. Comment manifester ma présence ? Dans les films, les fantômes pouvaient communiquer via un médium. Comme si j'allais déambuler dans la ville en espérant que quelqu'un me voit un jour ! Résolue à signaler ma présence, j'employais toutes mes forces à tenter de faire bouger ce satané magazine sur la table basse. Mais ma main ne faisait que le traverser.
- Parfois, j'ai l'impression qu'elle est toujours là. Quand je vais dans la chambre d'amis, je ressens sa présence.
- C'est tout à fait normal ma chérie, c'était ton unique sœur et elle te manque.
- Évidemment que je suis toujours là ! J'ai cru que j'étais en convalescence chez toi ! m'énervais-je.
Ma main effleurait le magazine, cette fois-ci je sentis le papier sous mes doigts. Je serrais les dents alors que les larmes continuaient à couler sur mon visage. La colère et la tristesse étaient mes seuls moteurs. Finalement, le magazine se retrouva dans ma main.
- Carter !
Le couple se tourna vers le magazine flottant dans les airs devant eux. Ils étaient interloqués et se regardaient avec stupeur. Je reniflai, plutôt satisfaite de moi même. Mais qu'allais-je faire maintenant avec ces pages dans ma main ? Comment faire un message plus élaboré ?
- Anna ? Est-ce que c'est toi ?
- Oui ! Je suis là !
J'agitai le magazine de bas en haut pour signifier un semblant de oui puisque visiblement, ma voix n'arrivait pas à les atteindre. Louisa plaqua ses mains sur sa bouche, stupéfaite. Carter semblait lui aussi sans voix. Mais comment… Là ! Un stylo et quelques feuilles traînaient sur la table. Je l'attrapai avec plus de facilité que mes premiers essais. Je traçai maladroitement dessus « DSL ».
- Anna, ne sois pas désolée, ce n'est pas ta faute... pleura Louisa.
« Savais pas »
- Tu ne savais pas que tu étais morte c'est ça ? dit Carter.
J'agitai le magazine pour acquiescer. Cela me faisait tellement plaisir de pouvoir communiquer à nouveau avec eux, même si c'était par magazine et stylo interposés.
« Tueur ? »
- Il avait laissé le tuyau couvert de ses empreintes dans la ruelle. La police l'a attrapé. Il ira en prison. Sois tranquille à ce sujet. m'assura mon beau-frère.
- Anna, cela me fait du bien de te parler mais ce n'est pas bien, tu ne peux pas rester indéfiniment ici...
« Je sais »
- Tu as eu une belle vie, tu as mérité ta place au paradis... dit Louisa en pleurant à nouveau.
« Je vous aime »
Je lâchai le stylo et le magazine qui retombèrent sur la table. Ma sœur et son mari pleurèrent ensemble un moment dans les bras l'un de l'autre. Ils avaient raison. Errer sur Terre ferait de moi un être rempli d'amertume et de colère, je le sentais. Il me fallait partir, rejoindre un monde où je serais plus à ma place.
Je fermai les yeux et me laissai porter par l'idée que j'étais morte. Je voulais m'en aller à présent. Je ressentis alors un vent étrange contre ma peau. Quelques secondes plus tard, je disparus dans un éclair de lumière.
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