Première partie
Aimance
Cet écrit, comme tout écrit, a bien sûr des intentions cathartiques… Il vise à soulager des tensions et questionnement internes, à comprendre des sensations d’angoisse avec leur transcription dans le corps qui nous semblent parfois tellement irrationnelles et que nous ne parvenons pas à maîtriser du simple fait de notre volonté ou de notre raisonnement. Il se propose d’approfondir, par un travail de l’esprit, un cheminement, une réflexion, une ligne de conduite et de pensée… Je précise qu’il n’a pas d’autre prétention ou vanité particulière, d’autant qu’il porte sur un sujet traité des milliards de fois et sous tous ses angles : la capacité d’aimer…
Il est parfois des relations inter-humaines dont les noms usuels ne peuvent exprimer la teneur avec justesse et précision. Ainsi, malgré les nombreuses formes attachées aux mots Amour ou Amitié et tous les adjectifs employés pour les requalifier, il existe des cas où les sentiments entre deux êtres humains mériteraient que l’on invente un nouveau mot pour les définir, c’est pourquoi j’ai choisi pour ma part ce terme d’aimance…
Tout d’abord, afin de guider le lecteur dans ma réflexion, il faut situer d’où je parle. Depuis très longtemps je suis intrigué par les personnes qui n’ont dans leur tête et dans leur vie que des amours exclusives pour une seule personne à la fois… et qui changent le cas échéant autant de fois de personne aimée que le dictent leurs variations amoureuses au cours de leur existence… En découvrant les aléas de la construction imaginaire concernant nos cibles affectives, les difficultés de gestion de l’ambivalence amour–haine, la force de nos pressions libidinales, de nos désirs sexuels… je ne pensais pas que les êtres humains, dans leur grande majorité, puissent demeurer fidèles à un amour unique… à en juger par la fréquence des divorces, des ruptures et des relations adultérines cultivées sous le sceau du secret. Les voix qui se sont élevées pour dire que le plus important dans la fidélité « ce n’est pas celle du corps mais celle du cœur » n’ont jusqu’à présent guère été entendues il me semble… La sexualité reste une forteresse hyper sacralisée, érigée sur le « don de soi par amour pour l’être aimé ». Toutes les religions entretiennent cette valeur morale avec une énergie qui, à la longue, pourrait nous sembler sujette à caution. Si ce concept n’était en réalité pas aussi pur et assainissant qu’on veut bien nous le faire croire ? Si on réprimait une fonction, d’abord et avant tout biologiquement et psychologiquement humaine, pour mieux asservir les sujets qu’on prétend vouloir libérer ? Si au plan socio-économique on avait tout intérêt à frustrer des gens qui iront consommer dans le matériel ce qu'on leur refuse dans le spirituel ? Si entre la sexualité moralisée par la fidélité et l'immoralité de la débauche, il y avait une troisième voie pour vivre nos relations sexuelles autrement ? Si nous cherchions simplement à imaginer quelle pourrait être cette autre possibilité ? Qui n’abandonnerait pas la spiritualité ? Qui ne porterait pas atteinte à la dignité humaine ? Je n’invente bien évidemment pas ces questions mais j’éprouve le besoin de formaliser librement mon travail de l'esprit logique, et d’y associer mes propres observations.
Alors… « si j’aime telle personne, comment se fait-il que j’ai ce désir quasi irrépressible pour telle autre ? » Le religieux y verra l’œuvre destructrice du malin via la tentation, sorte d’épreuve inévitable que nous avons à surmonter pour atteindre la sainteté. Le sceptique y verra la remise en question de l’amour qui s’était installé auparavant, il considérera qu’il s’est trompé. Puisque cette nouvelle personne provoque un tel choc émotionnel, c’est qu'elle est forcément l’être aimé, le vrai ! Il n’y a plus qu’à attendre, ou à provoquer, la rencontre amoureuse pour ensuite divorcer si elle a tenu toutes ses promesses, tout particulièrement au niveau de l'extase sexuelle. Le béat en amour se sera placé à l’abri même de l’épreuve de la tentation, grâce au refoulement ou à la sublimation de ses désirs adultérins, il aura déjà trouvé l’être unique sachant le combler sur le plan intellectuel, affectif et physique ; Il n’éprouvera aucunement le « besoin d’aller voir ailleurs.» Le libertin se fera au contraire un devoir d’éprouver maints désirs pour d’autres personnes que celle avec laquelle il partage son existence. Il entraînera cette dernière dans sa quête perpétuellement inassouvie du plaisir car il aura substitué une fois pour toutes la notion de bonheur, à laquelle il ne croit pas, à celle de plaisir.
Moi qui ne suis ni religieux, ni sceptique, ni béat en amour, ni libertin, je m’interroge méthodiquement sur ces différents types de caractère qui sont tous plus ou moins ancrés en moi, que j'ai parfois même utilisés et j’aurais fort bien pu me fixer sur l’un d’entre eux. Actuellement pas un seul ne m’aide à comprendre l'union sacrée entre sexe et sentiment dans ma capacité d’aimer.
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